
q u ’elle nec on ten oit aucun principe délétère, &
que fa récolte étoit au Aï abondante & aufli alîurée.
I l n'en n’eft pas de même en E u r o p e , où le peu
de ohaleur des étés donne toute fupériorité aux
Pommes de terre. Voye\ ce mot.
C omme plante cultivée depuis des fiècles &
dans toutes les parties du M o n d e , la Pataté a dû
varier & a varié en effet fous les rapports de la
c o u le u r , de la fa veur, de la fo rm e , de la grof-
f e u r , de fon abondance fur chaque p ie d , de fa
faculté de réfifter au f ro id , de l'époque de fa maturité
, de la longueur de fa confervation, &c. 8cc.
Ses feuilles & fes fleurs ont également changé de
forme , de grandeur, de c o u le u r , & c . Entrer
dans le détail de toutes ces variations me feroit
impoflible, &: ne feroit d'aucune utilité. Je me
bornerai donc à citer la rt u g e , la jaune & la
blanche, parce que ce font celles qui font les pîiis
communes en C a ro lin e , & les feules qui fe cultivent
en France. J e renverrai-pour les autres aux
ouvrages de botanique, principalement à Rheed
& à R iim p h iu s , qui en ont figuré plufieurs fi différentes
entr'eiles, q u'o n feroit tenté de ies regarder
comme des efpèces, fi l’exemple des articles
les plus habituels de nos cultures ne nous offroit
pas tous les jours de femblables anomalies.
L e s qualités particulières à chacune, des trois
variétés font d 'êt re, la rouge , la plus précoce ; la.
jaune, la plus farineufe& la plus fucrée3 la blanche
, la plus groffe.
En général, les Patates font alongées & amincies
aux deux extrémités 5 quelquefois elles iont
courbées. Leu r groffeur & leur longueur diffèrent
fur le même p ie d , autant qu ii y en a : j en
ai vu en Caroline qui avoient près d'un pi~d de
long fur quatre pouces de diamètre dans leur milieu.
L e u r peau eft mince & lifte, & n’offre pas
d 'ye u x comme celle de la pomme de terre; aufli
n'eft-ce que par l’extrémité qui étoit tournée
vers la furface de la te r re , qu’efle repouffe ; &
ce feroit une opération nuilible que de ies couper
en plufieurs morceaux avant de les replanter, puisq
u'il n 'y auroit qu’un des morceaux q u i donneroit
naiffance à un nouveau p ied, & que ce pied feroit
d’autant moins vigoureux > que ce morceau teroit
plus petit. Prefque partout ce font les plus petites
q u 'o n réferve pour la reproduction; cependant,
par le même prin cipe , o n devroit prendre au
moins les moyennes.
C omme toutes les racines nourriffantés, les
Patates contiennent entre les fibres q ui en confti-
tuent la charpente , & q ui fe rapprochent à leurs
deux extrémités , de l'am ido n , du fucre & une
matière extra âive 5 mais ces principes diffèrent
dans chaque variété , d'après Parmentier, qui en
a fait l’analyfe en 1780 , dans leurs p rop o rt ion s ,
félon l 'â g e l e terrein, ï ’expofition * l'année, le
mode de culture, & c . N ulle racine n eft, en effet,
plus foumife qu’elle aux influences extérieures, &
c'e ft ce qui fait qu’i l eft fi difficile d'en trouver
d ’excellentes. Ü n terrein fumé leur donne un
mauvais go ût ; un terrein aquatique, ou une année
p luvieufe, les empêche d’avoir du goût ;• un prin- \
tems froid les rend graffes, &c.
C e n ’eft pas moins un excellent manger que les
Patates'. Je me rappellerai toujours l’époque de ma.
vie où j’en faifois ma nourriture journalière. Son
ufage eft aufli fain qu’agréable. Jamais, quelque
quantité qu’on en mange, elle ne caufe d indi^ef-
tion. O n peut dire qu’elle eft agréable, lors même
qu’elle eft pourrie , car alors elle a l’odeur de la
franchipane. La confommation qu’on en fait dans
les pays intertropicaux & autres voifins eft im-
menfe. Pendant huit mois de l’année elle fournit
la moitié de la nourriture des Noirs.
Ainfî que la pomme de terre, la Patate cuite 8c
écrafée peut entrer pour un quart dans la compo-
fition du pain de froment, & par-là en augmenter
la maffe ; elle n’y porte pas ce principe d’âcreté
qui eft propre à la pomme de terre; mais malgré1
cela nulle- part on ne la confomme ainfî. Voyt\ Po m m e d e t e r r e & P a in .
C omme la Patate, furtout la jaune, contient
beaucoup de fucre , elle fermente facilement
lorfqu’après l ’avoir écrafée dans l ’eau, on l'expofe
à une température élevée, & le réfultat de cette
fermentation, diftillé, fournit du premier coup
une eau-de-vie abondante & de meilleure qualité
que celle de la pomme de terre.
Il n’y a pas jufqu’à fes feuilles & fes tiges qui
s’utilifent; elles fe mangent cuites en guife d’épi«
nards, & font d’un fort bon goût.
T o u s L s animaux domeftiquesaimentles Patates
avec paflron. O n donne habituellement aux cochons
, aux poules & aux dindons , crues ou
cuites , celles qui font très-petites, ainfî que
celles qui font altérées. P a r to u t , malgré l’m-
convénient qui en réfulte pour la racine, on
coupe les fanes avant leur maturité pour la nourriture
des. vaches & des cochons. Si on ne les
donne pas aux chevaux, ce n ’eft pas q u ’ils les re-
pouflènt ; au contraire, ils fe jettent fur elles avec
a rd e ur, mais c’eft parce qu’elles les affoibliffent
t rop, à raifon de leur nature aqueuié.
Ainfî que toutes les racines tubéreufes, la Pa*
tâte fe plaît davantage dans un fol léger que dans-
un autre; cependant elle s’accommode de tous1
ceux qui ne font pas très - argileux ou très-
aquatiques : feulement dans les terres tenaces,
il faut multiplier davantage les labours. 11 vaut
beaucoup mieux les placer dans un fable prefque
pur que dans une bonne te rre , parce que la , fi
elle eft moins groffe, elle eft plus abondance,,
plus hâtive plus fucrée.
E n Caroline , où j’ai fuîvi leur culture en1
grand , on plante toujours les Patates dans la plus
mauvaife partie d u domaine. Dans la partie bafledé
cette contrée * qui n’eft qu’une laifle fabloneufô
de la m e r , très-peu chargée d’h um u s , fa culture
eft très-fimple, comme ce qui fuit le prouvera.
Au mois de février 011 gratte à la profondeur
de trois pouces la terre ( c’eft de la véritable terre
de bruyère), au moyen d’une large h ou e, & on
en forme des ados larges & hauts d’environ un
pied, & écartés de trois pieds. C ’eft au fommet
de ces a d o s , toujours parallèles , où à peu p rè s ,
& à Ja direCfcion defquels on ne met aucune
importance, qu’on plante, à la diftance d ’environ
deux pieds l’une de l’autre, de petites Patates
confervées de la dernière récolte, ou l’extrémité
fupérieure d ’une grotte. Quand ces Patates
ont un peu pouffé, c’eft-à-dire, en mars (q u e lques
joui s plus tôt ou quelques jours plus tard font
fans inconvéniens ) , on donne un léger binage
aux a do s, & on porte fur leur furface trois ou
quatre pouces de nouvelle terre, prife en grattant
de nouveau dans les intervalles. Un, mois plus
tard, les tiges couvrant non-feulement les a d o s ,
mais encore les intervalles , ou au moins la plus
grande, partie des intervalles, on les coupe rez
terre, & on donne un nouveau binage femblable
au précédent. U n e partie des tiges , avec leurs
feuilles s’entend , eft portée aux beftiaux , &
l’autre eft plantée, fur des ados préparés comme
les précédens, pour fournir à la fécondé récolte,
qui eft la plus importante , puifque c'eft elle qui
donne les provifions de l’automne & de l’hiver ;
aufli lui confacre-t-on le double & même le triple
du terrein de la première.
Pour que, dans les étés fe c s , les boutures des
tiges de Patate reprennent, il faut les enterrer un
peu profondément ; & p o u r quelles ne pourriffent
pas dans les étés p lu v ie u x , il faut les enterrer
très-fuperficiellement. C omme on ne peut deviner
le tems qui furviendra, on difpofe les tiges de
manière à les approprier aux deux circonftances,
c’eft-à-dire , que chaque t ig e , q ui alors a au
moins trois à quatre pieds de long , eft enfoncée
lune ou deux fois profondément & une ou deux
fois fuperficiellement en terre , ce qui forme des
| arcs de lîx à huit pouces de diamètre. O n ne coupe
I point les feuilles avant cette o pé rat io n , quoique
I cela fût avantageux au fuccèsdelareprife (voye^
Bouture). L e s nouvelles racines fortent des
renflemensqui fe trouvent à l’oppofîte des feuilles
Pjûj font en terre (quelquefois elles font déjà pouf-
fées), 8f les nouvelles tiges de l’aiffelle des
feuilles qui font hors de terre. So u v e n t , quand
}1 pleut le lendemain de la plantation des boutures,
leur reprife eft affurée peu de jours après. Souvent,
dans le cas contraire, elles reftent long:tems fans
I Pouffer. E n général, cette fécondé récolte eft, par
cttte caufe , plus incertaine que la première ; &
Ie peu de foin q u ’on apporte généralement à fa
plantation ( les efclaves en font-ils fufceptibles î )
jau?mente beaucoup cette incertitude.
I Couper toutes les tiges des Patates lorfquelles
*°ût dans le fort de leur végétat ion, eft une pr-atique
évidemment nuilible, puifque par-là oti
fulpend cette végétation & on empêche les tuberf
cilles de prendre toute fci groffeur. dont ils fôrii
fufceptibles (voye^ au mot Feuille) ; je vou*
drois donc, ou qu’on ne coupât les tiges deftibée.i
à faire des boutures, qu’au milieu de leur lon-^
gueur, ce qui feroit groffir les racines ( voye\
Arrêter , Pincer), ou qu’on ne coupât qu'une
partie du nombre des tiges de chaque pied, c’éft-
à-dire, qu’en en laiffant au moins trois ou quatre
qu’on ne raecourciroit pas.
L a récolte des Patates provenue dés racines
commence en juin & fe termine en juillet, carori
arrache alors à mefure du befoin.
L e s premières q u 'o n mange, & en général
toutes celles qui ne font pas parvenues à'leur entière
maturité, font graffes & peu lucrées. A cetcè
époque on ne peut les conferver plufieurs jou rs
hors de terre fans qu’elles fe rident o u fe pourriffent.
Plus tard , c’e ft-à-dire, en juillet, quand
elles font arrivées au point convenable, on nè
peut les conferver plus d 'u n m o is , parce qu’e lles
deffèchent fi elles lont dans un air fe c , & pouffent
fi elles font dans un air humide.
L a récolte de celles provenant des boutures
commence en feptembre, après deux façons femblables
à celles donc j’ai parlé plus haut. E lle fe
complète à la fin d’oCtobre; comme je l’ai
déjà d i t , c’eft celle qui fertà la confommation de
l’h iver & à la reproduction d u printems. Q u e lques
jours avant chacune d’e lle s , on coupe la
totalité des tiges pour l’ufage des beftiaux.
C ’eft en tas fur te r re , dans des bâtimens de
bois fort peu élevés , appelés cafés a Patates v
qu’on conferye les produits de cette dernière récolte.
C e u x qui veulent procéder avec plus de
c e rt itud e , les difpofent dans ces cafés , lit par
l i t , avec du fable prefque fec, qui empêche les
tubercules qui fe pourriffent d’intefter les autres.
A u moyen de ce foin , on Ce rend en outre plus
facilement compte de la confommation ; ce q u i
refte, après les femis de février, devient filandreux,
& ne tarde pas à ceffer d ’être mangeable.
O n peut retirer la fécule des Patates par tou s
les moyens employés pour la retirer de la pomme
de terre ; mais je ne fâche pas qu’on le faffe
nulle part.
J’ai lu la plupart des ouvrages qui o nt parlé
de la culture de la Patate aux Indes & en Am é rique
, & ils m’ont donné la conviction que partout
où elle fait le fond de la n o u rriture , on s’écarte
peu des procédés que je viens de décrire.
Entrer dans le détail des légères variations qu’elle
offre dans ces p a y s , feroit fupeiflu pour la plus
grande partie des LCteurs.
D è s que les Européens connurent la Patate , ils
firent des tentatives pour l'introduire chez eux. I l
y a plus d ’un fiècle qu’elle eft cultivée en grand
dans les parties les plus chaudes de l’Efpagne & d a
Portugal. U n petit village voifin de M ulaga en fait