
Une petite portion du champ, ou un champ
fépare, c-ft réfervée pour la reproduction de |a
graine. On ne cueille cette graine qu’à parfaite maturité,
c’eft-à-dire, que lorfque fes gouffes font
complètement noires. On ne doit rien négliger
pour l’ avoir la plus groffe & la plus mûre poffiblè,
puifque c eft de fa bonté que réfulte la beauté des
récoltes futures.. ^ .
La culture de l’ indigo, en Egypte, eft moins
fujète aux acotdens qu’ à Saint-Domingue, &
femtrle mieux entendue. On choific, pour la faire,
des terreins élevés, & on a foin de les entourer
d’une chauffée pour empêcher l’inondation du Nil
d'y pénétrer, parce qu'on ne renouvelle la plante
que tous les trois ou quatre ans.
• Qn fème la graine en filion, vers l’équinoxe du
printems, fur deux labours, & après avoir-divifé
le terrein en planches j enfuite on arrofe pendant
deux ou trois jours. Pendant les chaleurs, on arrofe
également deux fois par 'femaine.
Chaque année on fait quatre coupes, deux aVant
& deux après la crue du Nil > la première lorfque
les tiges ont acquis trois pieds de haut. On n’attend
pas une auffi grande élévation pour faire lés
'autres. . , , , '
Les procédés pour retirer la fecule de 1 indigo,
des feuilles &;des tiges varient un peu dans les:
divers pays où'on le cultive , mais ils peuventvfe
réduire à crois?: l’ un, très-coûteux, compliqué ,;
eft fujet à ne pas remplir le but : c ’ett celui uliteà
Saint-Domingue& dans toutes les autres colonies’
européennes de.l Amérique > les deux autres, peu
coûteux, lïmples, qui réuffiffent prefque toujours,
font ceux dont on fait.ufage au Sénégal:
& en Egypte de tems immémorial, & faps doute
dans le refte de l’Afrique.
Un établi ffement pour fabriquer l’indigo eft,
à Saint-Domingue , compofé de trois cuves d’une
capacité moyenne, & g un petit vaiffeauj elles
fo n t , au moyen d’une bâtiffe en pierres ou en
charpente, élevées & accolées les unes au deffus
des autres, de manière que l’eau contenue dans
la plus haute, qu’On nomme le trempoir, puiffe
fe vider dans la fécondé, qui s’appelle la batterie
, & celle-ci dans la troifième , qu’ow connoît
fous la dénomination de repofoir. Le petit vaiffeau
intitulé le bajjinot ou le diablotin eft placé entre;
la fécondé & la troifième cuve : il eft deftiné à recevoir
la fécule qui en fort, & eft terminé en cul-
de-lampe pour la facilité de l’enlèvement de cette
fécule. . •
Les habitations qui cultivent beaucoup d indigo
ont plusieurs établilfemens femblables en plein
.air , placés de manière à éviter de longs tranfports
de la plante, tranfports qui font coûteux, & qui
peuvent nuire au fuccès dé la fabrication. 11 eft né-:
ceffaire qu’ils foient tous à la portée de l’eau, car
il s’en fait une affez grande confommation.
Le trempoir. eft t rdinairement un parallélogramme
de dix pieds de long, fur neuf de large &
trois de profondeur. Il feroiç.déjÇaiîant.a^eux de Je
faire trop grand j parce que l&fepinentatïpn nesfy
feroit pas auffi bien. Son. fond e-ibinclioé .du c.oté
de la batterie, & a une bonde de trois pouces de
diamètre.
La batterie doit être ■ placée à trois i pieds au
deftous du trempoir', & à lix pouces au .deifusidu
repofoir ; elle doit être plus longue que latge, , -&
diîpofée de manière que le côté étroit avancerons
le trempoir. Sa, .capaci té eft de moitié-plus petite
que celle; die ce dernier; .elle' laiffe échapper, fon
eau par trois robinets placés au deffus les uns.des
autres, à quatre pouces de diftance , Tes deux
premiers fervant fucceffivement à écouler l’eau
après le battage , & le;derniers faire fortir la: fécule
encore liquide, _
Le repofoir a une ouverture iqui ;ne fe ferme
jamais, & ;qui conduit les eaux dans une foffe p^r
un canal qu'on nomme la vide.
Le diablotin n’ a befoin d’aucune iffue. Ses di-
menfîons font d’environ deux pieds carrés.
Toutes ces cuves doivent être à l’épreuve des
, pertes d’eau, & entretenues avec le plus grand
foin.
Quatrè poteaux font fixés aux coins du trem-
poir, & fervent à maintenir des planches qu’on
place fur l’indigo pour l’empêçher;:d’êt,re rejeté
dehors par l ’effet de la fermentation.
Trois fourches difpcfées en triangle des deux
côtés de la batterie, & fixées dans fes bords,
• fervent d’appui au jeu de l’inftrument avec lequel
on bat l’eau chargée de la fécule. Cet infiniment
| fe nomme un buquet ; il eft formé, par un cadre de
| quatre planches de fix pouces carr.és , attaché à un
long manche. Un nègie le fait mouvoir à droite., à
gauche, en haut & en bas, enfin dans tous les fehs
poffibles, afin d’introduire dans l’eau la plus grande
quancité d’air poflible.
Comme les trois buquets de la batterie doivent
agir avéc un grand enfemble pour .produire tout
l’effet poflible, & que cela arrive rarement quand
ce font trois hommes qui les meuvent, on a imaginé
de les faire aller par le moyen d’ une bafcuîe
& d’ un feul homme.
On emploie auffi, pour baftre l’indigo, des
machines mues par des hommes, par des chevaux
'ou par un courant d’eau. Le mouvement, dans
ces machines, tft donné par des palettes fixées à
un arbre horizontal.
Toutes les eaux ne font pas indifférentes à la
préparation de l’indigo : celles qui font crues,
c’elt-à-dire, qui tiennent en: diffolution de la craie
ou de la félénite, comme celles de la plupart des
puits , ne valent, rien. 11 en eft de même de celles
.qui fontichargées; de principes extïa&tfs ;, comme
celles des mar<.s ; de fels>, comme celles des rivières
dans lefquelies remonte la marée. On doit laif-
fer dépofer celles qui font troubles avant d’en faire
ufage , & expoier à l’air celles qui font froides
pour quelles en prennent,la température.
La férié des opérations qu’on fait fubir à l’ indigo
pour en Obtenir la fécule font peu nombre u-
fes, mais elles font aflujettiés-à beaucoup de caufes
p e rturbatricesd e iorte qu’en les commençant,
on n eft jamais afluré de pouvoir les amener à
bien.
J'ai laifle plus haut les tiges de l’ indigo dans
des toiles au pied de l’appareil des cuves que je
viens de décrire'. On les monte dans le trempoir,
ou on les arrangé de manière qu’elles ne foient ni
trop ni pas alîez preflees, où on les recouvre de
trois à quatre pouces d'eau, 8c on fixe les planches
qui doivent les empêcher de déborder. La fermentation
s’établit plus ou moins rapidement dans la
mafle, félon la chaleur de l'atmofphère : il s’en dégage
beaucoup d’air. L’eau prend une teinte verte ,
puis fa furface paffe au violet. Des flots d’écume
paroiîfent & difpar oifïtn t al te rnâti veinent ; un gaz
fufceptible de s’enflammer en fort $ les planches
font foulevées. Cet état d'agitation dure plus ou
moins , fuivant les circonftances On juge qu'il eft
tems de l'arrêter en mettant fucceffivement un peu
d’eau, prife dans la cùve à diverfes profondeurs,
dans une tafle d’argent , & en regardant ce qui
lui arrive. Si la fermentation eft parvenue au degré
convenable à la préparation de la fécule, il s'en
précipite au fond de la talfe en grains bien carac-
térifés. En général y il faut beaucoup d’habitude
pouf juger avec certitude de l'état d'une cuve d’indigo
en' fermentation. Il eft des circonftances où
le ligne que je viens d’indiquer eft ordinairement le
plus trompeur, & ou il faut en chercher d’autres
dans la couleur, dans le g oû t, &c. Si la fermentation
n’etoic pas arrivée au point convenable, il
réfteroit confidérablement d'indigo dans les feuilles
: fi elle paflbit ce. point, une partie & meme
la totalité d : la fécule fe décompoferoit, fe putré-
fieroir.- La couleur brune de la furface du bain eft
un indice affez certain de pourriture, indice qui
eft bientôt confirmé par l’odeur.
Dès qu’on-a reconnu que la fermentation a
affez duré, que la fecule eft féparée du parenchyme
par fuite de la deftrüttion de ce dernier,
on fait écouler toute l’eau du trempoir dans la
-batterie , où en l’agite en tout fens avec les buquets
, comme il a 'été dit pius haut.
' On a deux buts en battant airili l’eau qui tient
la-fécule colorante , non en diffolution, comme
on le croit généralement, mais en fufpeniîôn : le
premier, de la mettre en contaét avec l’air atmof-
phérique-, qui lui fournit l’oxigène dont elle a
befoin pour fe colorer en bleu ; le fécond , de
réunir fes molécules, alors infiniment petites1 les
unes aux autres, & d'en former des grains "que
leur pefanteur fait précipiter au fond de la cuve. \
, ; Le mouvement donne à la maflë d'eau par i’ac-
tmn des buquéts élève une quantité -d’écume
qu’on diffipe avec un peu d’huile qu’on jette dans
ƒ batterie. Bu ntôt l’eau , de verte qu'elle étoit ,
devient mlenliblement d’un bleu très-foncé.
Il eft impoffîble de fixer l’inftant où il faut cèffer
de battre l’indigo, parce que cela dépend, & de
l’etat de l’atmbfphère, & du degré de fermentation
qu’a éprouvé la plante, & de la manière de
faire agir les buquets , &c. ; ainfi un tems froid ,
un commencement de pourriture & la pareffe des
nègres obligent de battre plus long-tems. L’examen
de l’eau, au moyen de la taffe d argent, eft
encore le moyen qu’on emploie pour juger s’ il eft
tems de ceffer 1 operation. Ce moment eft arrivé
lorfque le grain de l’indigo paroît gros, rond, &
qii'il fe précipite promptement en roulant au fond
de la tafle & en laiflant Peau bien claire. Le bat-
j podiTe trop loin, remet les chofes comme
elles étoient d’ abord, c’eft-à-dire, détermine une
nouvelle divifion des molécules de la fécule, iü
par conféquent produit un effet contraire à celui
qu on en attend.
Il futfit de deux ou trois heures à une cuve
convenablement battue pour que toute la fécule
qu elle contient fe foit précipitée; maislorfqu’on
n elt pas preffé, il vaut mieux attendre une ou
deux heures de plus : alors Peau eft très-claire &
d une belle couleur ambrée. On ouvre d’abord le
premier robinet, afin de faire écouler, fans rrou-
b.er le fond de la cuve, Peau qui lui eft fupé-
* enfuite on en fait autant au fécond. Le
troifième eft deftiné, comme je Pai déjà annoncé,
a taire ecouler l'indigo, qui reffemble alors à une
i A ° 'J e 1,(l “ id e . dans Je diablotin. Un panier
placé a Ion orifice empêche le partage à tout ce
qui lui eft etranger. La fécule retirée du diablotin
elt d abord rnife dans des facs fufpendus, afin de
faire ecouler la furabondance de (on eau ; enfuïre
dans des califes plates , qu’on expofe en plein air
fous des hangars, & où elle prend encore plus
de coniiftance. On bouche chaque jour avec une
truelle, -5c en comprimant la furface, les fentes
qui s y font, afin que le tout foit homogène. F.n-
hn ,'on divifé: la fécule en petits parallélogrammes,
qu on expofe au fôleil jufqu’à ce qu'ils foient
en apparence parfaitement fecs. Dans cet écat,
I tndtgo n eft cependant pas encore marchand. Si
on enfutailloit alors, il fe détérioreroit & perdtoit
beaucoup de fa valeur. Il faut le faire reffuyer,
celt-a-dire, le mettre dans une barique, où il
éprouvé une nouvelle fermentation , s'échauffe
rend de greffes goûtes d’eau, exhale une odeuf
defagreable, & enfin fe couvre d’ une pouffière
fine & blanchâtre. Au bout d’un mois on l’ôte de
cecre barique & on le fait fécher de nouveau'-' ce
qui ne demanderas plus dê cinq à fix jours. Alors
on peut le vendre, quoiqu’ il faille encore fix mois
pour qu il foit arrivé au dernier point de perfection
ou il puiffe atteindre'; point au-delà du'uel
U n eft pas dans le cas de fubir de d ùhet ni d'al-
tePutton s’il eft conleivé dans un lieu fcc
Quand on fait deflëcher la pâte dê l’ indigo trop
rapidement au foleil, fa furface s’écaille & noi,'-
cit. Quand on la fait deffécher trop lentement à