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quinze ans > 8c qui confervent leur Fécondité. Ordinairement
elles donnent chaque année un agneau,
quelquefois elles en font deux d'une feule portée.
La fécondité des béliers poirrroit être mife à
profit le même nombre d’années , fi. on les ménage
oit & s'il n’y avoit pas de l'avantage à n’employer
que de jeunes étalons.
Quand on châtre de bonne heure des béliers Mérinos
& qu’on Ls fait paître dans des pâturages qui
.aient de la qualité ou qu 'on les engraitîe convena-
bliment de pouture , c’elt-à-dire , avec du grain ,
leur viande tft excellente , & ne différé de celle
des races communes que parce qu’elle eft un peu
moins brune : ils lent egalement fufcêptibles de
prendre beaucoup de grailla & de donner de
bon fuif. On a contefié cette vérité dans les premiers
rems de l'ii.troduéfion des Mérinos en France;
mais nous a < ns fait des expériences qui ont
mis la chofe hors de doute. Il a été reconnu que
les bouchers lebutoient julqu’aux métis pour les
avoir à bon marché.
Après des tentatives' infrüâueufes pour procurer
à la Fiancé des Mérinos, on réufîît cependant
à tri avoir, en 1776, un troupeau qui fut
partagé entré trois perfonnes ; il produifit peu
d'tff t j our l’amélioration : c’eft le fort des chofes
qui commencent, de relier long-tems ignorées.
Les difficultés qu’éprouvent les introduélions nouvelles
fembleut les étouffer jufqu’au moment où
il fe fait une explcfton qui les mette en évidence.
O11 ne parla guère publiquement des Mérinos &
des avantages qu’ils dévoient donner , qu’en-
viron dix ans après. A cette époque interrogé,
au nom de Louis XVI , pour favoir comment
on devoit établir la ferme qu’il voüloit créer
dans fon parc de Rambouillet, je confeillai furtout
d’extraire d’Efpagne un beau troupeau de Mérinos
& de l’y placer : l'ordre en fut donné &
.exécuté. J’eus la fatisfaéfion de recevoir les animaux
à leur arrivée, & d’en diriger particuliérement
la conduite pendant quelques années.
L’importation avoit été bien choiiie 5 aucune peut-
être ne lui a reffemblé. Depuis ce tems il .y en a
eu plufieurs remarquables pour le compte du Gouvernement
& pour celui des particuliers. En
conféquence d’un des articles du traité de Bâle,
dièfé par MM. Barthélemy & Richard d’Aubigny,
la France fut autorifée à extraire de ce royaume
-5,cop Mérinos; favoir : 4,çoo brebis & 1,000*
béliers. Sous le Directoire exécutif, le Confeil-
d'agriculture engagea Gilbert, l’un de fes membres
, d’en aller acheter un certain nombre qu’il;
choifit dans le royaume de Léon , & qui fervit
pour la bergerie nationale dès Pyrénées-Orientales
, dans la commune de Perpignan. Gilbert,
dont le zèle égaloit l’adtivité , n’eut pas lafatLfac»'
rion de voir profpérer dans fa patrie la colonie
qu’il y avoit envoyée, & qui lui avoit coûté bien
des peines > il mourut en terre étrangère après avoir
pris toutes les mefures pour affûter une opération
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qui a eu un grand fuccès. Le Gouvernement jPa
d'autres moyens, tira fucceffivement d’EfpagJ
le furplus des animaux- qu’il lui avoit été accordé
d’y puifer en les payant. M. Poyferé de Gère
en fit une avec beaucoup de foin. Les bergeries
des départemens des Bouches-du-Rhône, de k
Loire-Iriféneure 8c de la Sarre furent formées de
ces diverfes importations, & par fuite celle du
Puy-de-Dôme, des Landes & du département du
Rhône, fous le miniltère de M. le comte de Chant,
pagny (duc de Cadore) , & celle du département
de la Roër, fous.le miniltère de M. Crétet (comte
de Champinol ). Ces faits nié font d’autant plus
connus , que j’ai été chargé moi-même d'établir ces
bergeries.1 ' ; ^
A l’imitation du Gouvernement, beaucoup de
propriétaires, les uns par zèle , d’autres par fpé-
culation , d’autres par mode , voulurent fe procurer
des Mérinos. Le Gouvernement, qui avoit
intérêt de les répandre, après en avoir donné i
d'abord fans fuccès , fe détermina à en faire
chaque a.nnéê des ventes publiques dans fes éta-
bliiiemens. Ce moyen lui réuffit parfaitement : on
s’emprelîa d’en acheter-, la concurrence devint
confidérable , les prix montèrent très-haut, & ce
motif décida l’amélioration, chacunefpérant tirer
de fon troupeau de race pure un grand profit.
En effet, plufieurs y gagnèrent; ce qui fut un I
bien & un encouragement.
Des fermiers 8C de petits cultivateurs, ne fe
voyant pas en état d’acquérir des troupeaux purs
qui leur auroient coûté trop cher , penfèreitt
qu’ils pou voient profiter de li circoniiance pour I
améliorer là race indigène qu’ils entretenoient, J
8c cela en alliant des béliers Mérinos à leurs brebis
communes. L ’efpérance certaine de perfectionner
leurs laines 8c de les vendre un plus haut prix,les
engagea à acheter des béliers, Toit dans Ls ventes
du Gouvernement, foit chez lespoffeffeursd’animaux
qu’ils croyoient les meilleurs & les plus
propres pour cet effet. Ce goût prit nailfancè
aux epvirons de Rampouillet & des autres bergeries
nationales , & fe propagea dans des lieux
plus éloignés. On vit de (impies fermiers ne pas
craindre de payer jufqu’ à T ,500 francs un bélier
qui leur convenoir. La métifatibn dans ce pays
marcha donc d’un pas rapide, parce qu’il falloit
peu d’individus Mérinos & feulement des béliers
pour l’opérer ; i’accroiffement des troupeaux purs
fut plus lent, à càufe des grands capitaux qu’il ]
exigeoit : on en vit cependant s’établir particuliérement
auprès de la capitale 8c dans les départemens
d’Eure 8c Loir , de Seine & Oife &ds
S e i n e c e Marne. Les dons 8c les ventes du Gouvernement
en offrirent les premiers moyens. H
s’en préfenti d’autres dans la fuite. Des négocions
envoyèrent leurs agens en Efpagne , des proprie-1
taires efpagnols- firent eux-mêmes diriger fur h I
France des portions de leurs troupeaux pour le> I
Vendre. On ne fut pas difficile fur le choix. Les I
importateurs J
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Lportateurs, ne fe piquant pas de délicateffe,
Echetèrent les animaux le plus près poffible de la
if entière, fans s’embarraffer s’ils étoient ou non
|de la véritable race léonaife , la plus pure &
[la plus eiiimée. Il en eft réfulté que s’il y a parmi
nous des troupeaux qui font du meilleur type ( 8c
le nombre en eft plus grand qu’on ne croit), il en
eft auffi qui font équivoques pour la pureté, 8c
qu’on pourroit regarder comme des métis efpa-
pols. Il a été impoffible de parer à cet inconvénient
: il eût fallu interdire toute entrée de
1 bêtes à laine qui n’avoient pas de bons certificats
i d’origine. On fit même une faute plus grave : on
permit d’importer d’Allemagne de prétendus Mérinos
qui n’étoient que des métis. Au relie, les
.bergeries pures font en quelque forte fignalées ;
[celles dü Gouvernement 8c de quelques particuliers
connus conferveront toujouis le feu facré.,
& on pourra y trouver de quoi réparer le mal
que les introductions par contrebande ont fait
à l’amélioration.
[ Originairement , lorfqu’on forma le projet
M'améliorer nos laines , on çroyoit qu’il fuffifoit :
[de faire choix des béliers les plus beaux & les J
jplus fins dans les différentes races indigènes , & que j
ides attentions confiantes à ne pas s’écarter de
i cette mefure ameneroient peu à peu au point où
l’on vouloir parvenir ; mais on y renonça totalement
après l’arrivée de quelques troupeaux purs,
& furtout de celui de Rambouillet, parce qu'il
parut bien plus avantageux de croifer des brebis
communes avec des béliers Mérinos. Il ne tarda
pas à fe gliffer dans les efprits une fauffe opinion
qu’il fallut détruire. Les premiers arného-
rateurs, à la vue des bons effets de leurs croi-
; femens, qui donnoient naiffance à des béliers
plus beaux que ceux des'races indigènes, furent
; di!pofés à les employer comme étalons par économie,
& parce qu’ils croyoient aller, par cette
voie, de perfectionnement en perfectionnement.
Quelques générations y gagnèrent; mais ce qui
avoit été prefqu’une néceffité dans le commence-
.tnent, à caufe de la rareté des béliers Mérinos,
dont le nombre ne fuffifoit pas aux demandes , a
dans la fuite fait un mal réel. On fe perfuada qu’au
J .ou4e. qu 3e. degré de métifation, fuivant les:
races, des béliers iffus de croifemens dévoient
être regardés comme des béliers purs, comme
do vrais Mérinos : on les venôoit en conféquence.
Cette opinion , qui pouvoir fe foutenir dans
(enfance de l’amélioration , & qu’il feroit impardonnable
de défendre maintenant, s’étoit répandue*
avec la plus grande rapidité. Daubenton & Gilbert
1 avoient eue. Le premier difoit qu’il importait
ptude quel pays venoient les béliers, pourvu
que leur laine fut plus belle que ce de des brebis
quon vouloir: croiler : 1 autre , animé par-deffus
tout du defir de voir nos laines groffières difpa-
roitre , réfléchit peu fur ies inconvéniens qu'il 1
y avoit de faire couvrir des brebis par des béliers
Ag r icu ltu r e . T om e F .
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métis. L'erreur fe fortifia de l’autorité de ces
deux hommes de mérite 5 elle acquit encore du
crédit par la beauté de la laine des métis des
générations avancées, 8c parles rapports de leur
forme avec celle des Mérinos. Il eût mieux valu
que l’amélioration allât moins v ite, que de chercher
à l’accélérer par un moyen plus propre à
la faire rétrograder. Heureufement l’expérience,
les raifonnemens & l’abondance des béliers Mérinos
vinrent à bout d’anéantir cette erreur.
Toutes les races indigènes ne fe perfectionnent
pas auffi promptement les unes que les
autres par les croifemens ; il y en a dont les métis
ont une fineffe très-fenfible dès la 2e. génération;
dans d’autres elle n’eft bien marquée qu’à la 3e.
ou à la 4e. La race rouffillonne eft celle qui s’affine
le plus promptement ; celles du Berry , de la So-
logne, des Ardennes, font au deuxième rang. La
Commifiion d’agriculture, dont j’étois membre, a
entrepris de s’affurer du plus ou du moins de
facilité qu’avoient à fe perfectionner les races
françaifes : tant qu’elle a pu fuivre elle-même ce
travail, elle a eu l’efpérance qu’il feroit intéref-
fant & qu'on obtiendroit des données pofitives;
mais il a été confié à d’autres mains, & on ne
peut pas compter fur les réfultats qui font présentés.
Ce qu’on doit dire en général , c’ett que
telle race eft, pour la fineffe de la laine feulement,
affimilée au Mérinos au 3e. , telle autre au 4e. ,
te.le autre au yc. croifement. Toujours eft-il vrai
qu'il ne faut point faire couvrir des brebis mé-
tiffes, de quelque degré qu’elles foient, par d'autres
béliers que par ceux de raie pure Mérinos ; car
un métis ne peut jamais devenir un Mérinos.
V o y e \ les pages n , , i 2 , 13 & 14 démon Inf-
trudbon, deuxième édition.
M. Morel de Vindé , délirant généralifer en
France les Mérinos, &Tavorifer les propriétaires
qui n’avoient pas affi z de fonds pour fe procurer
une certaine quantité de ces animaux , leur a
indiqué un moyen de prendre fur eux-mêmes les
béjiers de monte , & de fe former infenfibîemenc
un troupeau ejitier de Mérinos préférable à tous
égards ; car, bien que la voie des'croifemens foie
avantageufe, on n’en obtient que des métis ; il faut
treize années révolues pour que b totali té des brebis
d'un troupeau foie à la cinquième génération,
tems néceffaire fi celles qu’on a croifées étoient
d’une race à laine très-groffe, & onze 8c neuf ans,
fi on emploie des races qui ont déjà un degré de
fineffe. Ce mode, que M. de Vindé appelle ê ta b liffc -
m en t d e p r o g r e f f io n , en fuppofànt qu un fermier ait
dans fa bergerie trois cents brebis communes, côn-
fifte à acheter, avec le nombre fuffifatitdé béliers
Mérinos > quelques femelles de la même race , foit
douze, foit huit, foie fix , foie même quatre.
Ce qu’il lui faudra de capitaux pour cette dernière
acquifition n’excédera guère le prix des
béliers qu’il feroit obligé de fe procurer pour
les renouveler chaque fois qu’il en auroit eu
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