
comme je L'ai déjà dit plus h a u t , une variété de
Pavot blanc , dont la capfule a la forme & la grof-
feur d’un oe u f de poule fort alongé. Sa culture,
qui a lieu dans les meilleurs terreins 8c aux expor
t io n s les plus chaudes , ne diffère pas d ai’leurs
de celle dont il va être queftion. Les capfules de
ce P avot fe coupent avant leur maturité & fe lèchent
au foie i l , puis on les vend aux apothicaires
ou aux herboriftes , pour s’enfervir à faire des in-
fufions ou des décoctions légèrement fommifères,
objet que les capfules des autres variétés remplit
également lorfqu’elles font recoltees de meme.
N o u s ne poffédons pas des données bien pofi-
tives fur la férié de l'affolement dans lequel entre
le Pavot. Su r les bords du R h in , on le fait fuccé-
der aux raves ; dans les départemens qui rèm-
placent la Flandre , c’eft le plus fouvent après les
céréales. C omme cette plante eft la feule de fa
famille qui fe cultive en grand, il peut être aflez
indifférent de s’occuper de cet objet : j obferve-
rai feulement qu'il ne me paroît pas dans les princ
ipes, comme je l’ai vu dans la ci-devant Picardie,
de la faire remplacer le colza & le chanvre , qui
font deux plantes huileufes, & par confequent
épuifantes comme le Pavot.
Plufieurs variétés de P a v o t fe cultivent en
grand pour la fabrication de l'huile ; mais quoique
je les ai obfervées bien des fois dans la
P ic a rd ie , je ne puis les ind iq uer, parce que les
caraCfères qui les diflinguent ne font pas affez
faillans ; elles ont généralement les tiges plus
hautes, & les capfules plus garnies de graines que
celles des variétés qui fe cultivent dans nos jardins
j & en effet , ce font ces cirçonftances qui
doivent déterminer leur choix dans ce cas, puifque
c ’eft l’huile qu’on a en vue. C e feroit une erreur
de croire que les variétés à plus groffes capfules
font préférables, car fouvent ce font celles qui
contiennent le moins de graines , témoin celle
que j'ai citée ci-devant.
L a variété bien choifie, on réfervera pour les
femis la graine des capfules les premières mûres,
parce que c’eft celle qui eft la plus groffe, & que
la beauté des femis dépend toujours , toutes
chofes égales, de celle de la graine , & que , je
le répète , on ne peut trop conftamment tendre
à ce qui peut augmenter la production de l’huile
dans une étendue de terre donnée.
L e s plantes cultivées pour leurs graines, furtout
lorfqu’elles font huileufes , épuifent beaucoup
plus le fol q u : les autres, parce qu’elles emploient
une grande quantité du principe fertilifant ( le carbone
) à la confection de ces Graines (voyez
ce m o t). D 'a p rè s cela on doit c roire, & cela elt
en effet prouvé par l’expérience, que c’eft une terre
très-fertile , ou une terre rrès-engraiffée , ou une
terre très-repofée, q u ’il faut choifir p ou r la culture
du Pavot. I l ne doit cependant pas y avoir excès ,
parce au ’alors la vigueur de la .Ycgetation fe-porteroit
fur les fe uilles , & qu’il y auroit moins de
productions en graines.
Comme la racine du Pavot eft pivotante, & que
fes fibrilles font fort grêles & fort longues, il ne j
profpère que dans les terres profondes & naturellement
légères > ou divifées par les labours:
il faut donc encore, ou choifir des terres légères,
ou les labourer profondément à deux ou trois re-
prifes au moins.
U n peu d’humidité & de chaleur lui eft auffi
très-favorable.
Comme h graine de Pavot eft très fine, &
qu’elle ne lève pas lo'rfqu’elle eft enterrée de plus
d’un demi-pouce, il devient nëceffaire, pour qu’il
n’y en ait pas de perdue, de h?rfer & rouler le
champ qui doit en recevoir, immédiatement avant
les femailles, afin d’en brifer les mottes & d’en
combler les cavités.
L ’affolement déterminé , la terre bien fumée,
bien labourée & bien nivelée, il ne s’agit plus
que de femer.
T o u te s les plantes annuelles q u i , comme le
P avo t , ne craignent pas les gelées d u climat de
Paris , gagnent à être femées en automne, &
même , comme je l’ai vu relativement a lui dans
la ci-devant P ic a rd ie , peu après la maturité de
leurs graines , parce qu’elles ont le tems de prendre
de la force avant les froids de l ’hiver, &
qu’elles montent en graines au printems avant les
féchereffes de l’été. O n peut juger de ce fait, dans
les jardins , par les Pavots levés fpontïnément à la
fuite de la chute naturelle des graines, car ils font
toujours beaucoup plus beaux que ceux qui ont
été femés au printems par la main du jardinier, i
A infi donc (excepté les terreins trop humides,
où ils pourriffent fouvent en hiver ) , c ’eft en
automne qu’on doit les femer dans les champs;
cependant, dans la plupart dès départemens du
N o r d , c’eft en février, & même en mars, qu’on
les fème. Souvent même ils fervent à remplacer j
ï les autres récoltes qui ont péri par fuite des gelées
& des inondations*
O n devroit toujours femer le Pavot feul, à rai-
fon de l'avantage qu’il y a à lui donner un ou deux j
binages ; malgré cela, il eft des cultivateurs qui j
fèment des carottes , des panais, des pommes de
terre, & c . avec .lui, & qui e n 'fo n t la récolte i
après la fienne. Je préférerois beaucoup imiter |
ceux qui fèment de la navette , de la moutarde> j
des raves , des fourages temporaires, & c . , furie j
-dernier binage, pour en profiter en automne.
La quantité de graines à meure par arpent ;
varie entre trois 8c quatre livres , plus fur les'j
terres médiocres 8c moins fur les bonnes, attendu I
que dans ces dernières les pieds feront plus feuillus j
& plus branchus. O n la répand à la volée & le
plus également poflïble, tantôt feule, en en pre* I
nant fort peu à la f o i s , tantôt mêlée avec dix rojs 1
plus de terre fèche , & alors on la ptend à h
poignée j après .quoi on herfe légèrement avec un
fagot d’épine : fi le tems eft à. la_ pluie, & il eft
bonde le choifir tel, on peutfedifpenferdeherfer,
parce que la graine fera fuffifamment enterrée par
[a chute de l’eau.
Pour peu que la terre foit humide & qu’il faffe
chaud, la graine de Pavot ne tarde pas à lever, &
le plant qui en provient, pouffe petit à petit juf-
qu'aux grands f ro id s , époque où fa croiffànce s'a rrête
pour ne reprendre -qu’au printems. Éclaircir
le plant, le débarraffer des mauvaifes herbes, &
empêcher les beftiaux de le piétiner, font les feuls
foins qu’il demande alors.
Après l’h ive r , dès que le tems le permet, on
donne un binage aux champs de P a v o t , binage
pendant lequel on arrache les pieds trop rapprochés
pour les repiquer, quoique cette opération
foit peu avantageufe, dans les places où ils font
trop éloignés les uns dès autres. Refemer ces
places ne pourroit être çonfeillé que dans le cas
où elles feroient fort étendues, parqe que la
graine des nouveaux pieds mûriroit beaucoup
plus tard. U n mois après on donne un fécond
binage , & quelquefois même un troifième.
Fondés fur des principes d’éco nom ie , il eft des
cultivateurs qui n’en donnent q u ’u n , 8c même
point j mais la foibleffe de leur récolte prouve
qu’ils font un faux c a lcu l, les capfules étant d’autant
plus nombreufes, d’autant plus groffes &
d’autant plus garnies de graines, que , à égalité de
terrein, les binages ont été plus nombreux.
L'époque de la maturité des graines de P avot
varie félon les terreins, les expofitions, la culture,
&c. E lle a lieu fucceflivement fur le même
pied, fuivant l’ordre de la floraifon ; elle eft
dans toute fa force en août dans les plaines du
nord de P a r is , où on cultive cette plante le plus
en grand. 11 y a beaucoup d’avantages à ne pas
feprefler de la cueillir, parce que les graines peu
mûresdonnentmoins d’huile & de l’huile de moins
de garde; mais fi on attendoit t rop , on perdroit
beaucoup de g ra in e s , par fuite de l’aéb’on des
vents, desaverfes, des animaux, 8cc. O n recon-
noït la maturité des capfules à leur changement
de couleur & à l’ouverture des trous par où les
graines doivent fortir, 8c celle des graines au bruit
qu’elles font dans la capfule lorfqu’on les a g ite ,
& à l’intenfiré de leur couleur brune.
Deux méthodes font ufitées pour effectuer la
récolte des Pavots.
La première , c’eft la plus conforme aux principes,
mais la plus coûteufe , confifte à entrer par
une des extrémités du champ , en nombre p roportionné
à fa largeur ; chaque perfonne, ce font
ordinairement des femmes , munie d’un panier
très-ferré ou garni d’une toile., & d’unë ferpette
ou d’une paire de gros cifeaux, &r à c ou p er, une à
UI)e, à trois ou quatre pouces, toutçs les capfules
mûres pour les placer dans le panier, & lorfqu’il
eu plein, pourles mettre dans des facs & les emporter
à la maifon> où ces capfules font amoncelées
fur des toiles jufqu’à leur parfaite defficcation : c’eft
'le matin, avant la d ifparition de la rofée, qu’il eft le
plus avantageux d’opérer. La principale attention
doit être de couper la capfule fans fecouïîe , & de
ne la renverfer que Iorfqu’elle eft au-deffus du
panier, afin qu’il ne fe perde pas «de graines : on
recommence cette récolte toutes les femaines,,
jufqu’à tèrminaifon.
La fécondé eft fujète aux graves inconvéni’ens
de faire perdre beaucoup de graine & d’en obtenir
beaucoup qui n’eft pas arrivée au degré convenable
de maturité j . c ’eft donc la moins bonne , & c’eft
cependant la plus généralement ufitée. E lle confifte
à arracher ou couper par le pied les tiges de Pavot
lorfqu’une moitié des capfules eft mûre, à les fe-
co.uer fur des draps pour faire tomber la graine
qui en eft fufceptible, & à mettre les tiges en tas
dans une pofition d ro i te , à en recouvrir le Commet
avec de la paille pour attendre la defficcation
de celles des capfules qui n’ont pas donne leur
g ra ine, graine qu’on obtient plus tard par le même
moyen que ci-deffus.
Il eft encore un troifième moyen intermédiaire,
qui confifte à incliner les tiges de P avot & à les
(ecouer fur des draps pour en faire tomber la
graine m û re; mais ce moyen eft auffi coûteux
que le premier, & donne lieu à une perte de graines
plus confidérable que le fécond : on le pratique
cependant dans quelques cantons.
Dans toutes ces méthodes, la graine la première
récoltée eft la meilleure, & o!eft elle q u'il faut
toujours réferver pour la femence. N e point mêler
celle des différentes récoltes eft une pratique fore
avantageuse, comme je le prouverai plus b a s ,
mais c’eft ce qu’on fait rarement.
Quelque foin qü’on p re n n e , il refte toujours;
quelques graines dans les capfules après qu’on les
a fecouées j ainfi il eft bon de les écrafer après
qu’elles font complètement deffechées, foit aveé
les pieds garnis de fabots, foit avec un fléau, un
ro u le a u , &c.
L a graine de Pavot demande à être rigoureufe-
ment r.étoyée des débris des capfules , parce que
ces débris abforbent l’huile dans l’opération du
moulin, & en diminuent par conféquent la maffe.,
il faut donc la faire paffer par des cribles à très-
petits trous, & la vanner enfuite en plein air.
Si on enraffoit „ fans la remuer, la graine du Pavot
auflitôt fa récolte, elle ne tarderoit pas à
moifir 8c à devenir impropre à fournir de l ’huile
8c à être femée. O n doit donc l ’étendre fur des
toiles à l’air ou fur le plancher d’un g re n ie r , & la
changer de place, d’abord tous lès jours, enfuite
toüs les deux jours , tous les trois jo u r s , toutes
les femaines, jufqu’à ce qu’elle foit parfaitement
fèche ; après quoi on peut la conferver dan», des
facs ou dans des tonneaux jufqu’à fa vente ou fon
emploi.
Ainfi que les autres graines deftinées à faire de
l’h u ile , celle de P avot n’eft bonne à être envoyée
E e e e i j