
L’Iris naine & fes nombreufes variétés, def-
quelles je ne réparerai pas l’Iris jaunâtre, quoique
je fois convaincu qu’elle conftitue en effet une
efpèce, eft , après l’Iris germanique, la plus généralement
cultivée en France. Tout ce que j ’ai
dit à l’occafion de cette dernière lui convient,
excepté qu’elle eft plus précoce, & que fon peu
d’élévation permet de l'employer plus avantageu-
fement en bordure, où elle produit de loin, lorsque
fes variétés font convenablement mélangées,
des effets prefque magiques. On la cultive aufli
fur les mut s & en pots, qu’ on place dans les ap-
partemens.
Les Iris à crê te , biflore , pliffée , à tiges nues,
dichotome & à trois pointes ne fe voient guère
que dans les jardins des amateurs. L’orangerie
leur convient mieux que la pleine terre, quoiqu’elles
puiffcnt s’y conferver. Il en eft de même
de l’Iris frangée, charmante efpèce qui commence
à fe multiplier, & qui le mérite par la beauté de
fa fleur & l'époque de fa floraifon. C ’eft furtout
dans les boudoirs des belles, boudoirs qu’elle
embellit, qu’il eft bon de la placer quand elle eft
entrée en fleurs. On les reproduit toutes par le
déchirement des vieux pieds.
L'Iris des marais eft la feule qu’on trouve abondamment
dans les campagnes, aux environs de
Paris, où elle croît dans les étangs, les mares, les
folfés à eau ftagnante, & c . Elle fleurit au milieu
de l'été. Les beftiaux n’y touchent point. On en
coupe les feuilles, en été , pour fervir à faire de
la litière ou augmenter directement la maffe des
fumiers. La planter fur le bord des torrens ou dans
les .lieux dont on craint que les eaux entraînent la
terre eft toujours avantageux, car fes racine$_font
.ft nombreufes & f i entrelacées, quelles réfiftent
plus à leurs efforts , quelque conftans qu’ ils foient ,
que les arbres mêmes. Les bords des ruilTeaux &
des baflins des jardins payfagers en réclament
.quelques pieds, que le beau vert de leurs feuilles
8c le beau jaune de leurs fleurs feront remarquer.
On la multiplie, comme l’ Iris germanique, avec
.la plus grande facilité, par le déchirement des
vieux pieds pu par le femis de fes graines.
Cette plante concourt puiffamment à élever le
fol des marais par la propriété dont elle jouit de
tracer à la furface du fo l, & de retenir les terres
& les détritus des végétaux amenés par les eaux
dans, les intervalles de fes nombreufes racines &
de fes tiges. On doit en conféquence h planter
dans les lieux fufceptibles d’être inondés par les
débordemens, & empêcher qu’ elle fe propage fur
le bord des étangs. Pourquoi donc nulle part ne la
plante-t-on dans le premier cas, ne l'arrache-t on
dans le fécond ? Parce que les cultivateurs font généralement
ignorans & infoucians.
L’Iris fétide, qu’on appelle vulgairement glayeul
f uan.1, Iris gigot, croît fur les coteaux .couverts
de bois des environs de Paris. Le peu de beauté
de fes fleurs, & la mauvaife odeur qu’exhalent fes
feuilles, d’ailleurs d’un beau vert 8c toujours fub-
fiftantes, n’engagent pas à la multiplier dans les
jardins ; cependant le rouge-vif de fes graines, qui
reftent attachées aux cloifons de leurs capfules
(capfules quis’ouvrent à l'époque de la maturité )
pendant prefque tout l’h iv e r , peut l’y faire remarquer.
On la multiplie, comme les autres, de
graines & de racines.
L ’Iris des prés, l’Iris variée, l’ Iris fpatulée,
l’Iris jaune, l ’Iris graminée, ne fe voient guère
que dans les jardins de botanique, où on les multiplie
par le déchirement de leurs vieux pieds. La
première, par la beauté de fes touffes, mérite
d’être plus répandue qu’elle ne l’ eft.
J’ai toujours regretté de n’avoir pu conferver,
même en p o t , l'Iris printanière, dont j ‘a vois apporté
des graines de la Caroline, & dont j’ai cultivé
quelques pieds dans les pépinières de Ver-
failles j car, aux agrémens de l'Iris naine, elle joint
une odeur très-fuave.
Les Iris bulbeufe, à double bulbe, de Perfe &
tubéreufe ont pour racines des bulbes non traçantes,
Elles aiment un fol fubftantiel 8c frais, Sa
une expofition chaude. On les multiplie par la réparation
de leurs bulbes, dont elles donnent chaque
année quelques nouvelles. La première fe cultive
très-fréquemment dans les jardins, à raifon
de l’éclat de fes fleurs* car fa tige haute & grêle
lui nuit fous plus d’un rapport, 6c oblige fouvenc
à lui donner un tuteur. On doit la relever tous les
trois ans pour la changer de place & ôter fes bulbes
fuperflues. La fécondé eft moins commune. La
troifième eft dans le cas d’être multipliée de préférence,
à raifon de la précocité de fa floraifon. Sa
racine entre dans le commerce fous le nom de faux
hermodate, & fert à purger.
Ces quatre efpèces périffent fouvent fans qu’on
puilTe en deviner la caufe. IL eft bon d’en tenir
quelques pieds en pot pour pouvoir en.conferver
des bulbes en cas de perte caufée par des pluies
confiantes ou de fortes, gelées.
Les Iris.à longues feuilies , de Lemonier, vif-
queufe 8c fcorpioïde fe trouvent encore dans
quelques collections ; mais elles font fi rares, que
,je ne me rappelle pas les avoir vues. Leur cu'ture
doit fe rapprocher de celle de l’Iris des.prés, & c .
( Bosc. ) .
IRRIGATION. Une quantité d’eau plus ou
moins confidérable, félon les efpèces, les climats *
les faifons, eft indifpenfable à la végétation des
plantes. La plupart de celles qui font l’objet de
nos cultures languiffent lorfqu’elles manquent de
la portion qui leur eft néceffaire. Plus il fait chaud
& plus elles en ont généralement befoinj & plus-
on leur en donne dans ces cas, en fe renfermant
cependant dans certaines limites, & plus leurs
produits font abonians.
Ces faits n’ont pas befoin d’autres preuves que
la pratique générale des cultivateurs, & l’obfervar
tion journalière de ceux qui ne le font pas.
Il y a deux principaux moyens de dpnner de
l’eau aux cultures à qui les pluies n’en fourniffent
pas affez : les arrofemens 8c les Irrigations.
Les Arrosemæns , comme on l’a vu à ce mot,
font l’eau donnée aux cultures en petit, relies que
-celles des légumes, des fleurs, & c ., avec des vafes,
foit portés à la main, foie traînés par des animaux,
ou avec des pompes & autres inftrumens qui la
prennent dans le yoifinage.
Les.Irrigations, comme je vais le faire v o ir ,
font l’eau donnée aux cultures en grand, par la
déviation d’un ruiffeau , d’une rivière, d’un
étang, & c . , foit par des faignées, foit par des
barrages , & c . Dans la culture des jardins on les
appelle Abreuvement. Voye^ce mot.
Les Irrigations font connues de toute ancienneté.
Les prémiers peuples agricoles, tels que les
Perfes, les Egyptiens, ont fait d’énormes travaux
pour en étendre- les bienfaits fur la plus :
grande quantité poffibîe de terre. Par leur moyen
il eft des cantons de l’ Inde , de la Chine, même
de l’Efpagne & de l'Italie, où on retire jufqu’à
-fix 8c huit abondantes récolses par an , lorfque
fans eux on en aurojt feulement une ou,deux médiocres.
On cite même une localité en Ëfpagne,
où elles ont donné lieu de faire quatorze coupes de
luzerne dans le même champ pendant une feulé
année.
Aujourd’hui c’eft dans le nord de lTtalie qu’elles
font le plus généralement pratiquées, le plus
habilement combinées , 8c par conféquent qu’elles
offrent les réfultats les plus avantageux pour la
fociété ; car la moindre, chaleur du climat ne permet
pas d’y faire, par leurs moyens, des récoltes
aufli nombreufes que celle que je viens de citer :
quatre eft ordinairement leur maximum. 11 en?éft
de même de quelques parties de la ci-devant Provence
, où des canaux d’irrigation exiftent depuis
long-tems. J'ai vu ces pays, 8c ils m’ont donné une
telle idée des avantages des Irrigations, que je ne
crois pas que les propriétaires.des terres arides,
furtout dans les pays chauds, puiflent craindre de
faire trop de dépenfes pour s’en procurer la poflî-
bilité. Ces avantages font d’une telle importance
pour la fociété en général, relativement à la maffe
defubfiftances qu’ils jettent de plus dans la fociété,
qu'il eft de l’ intérêt des Gouvernemens, non-feu -
lement de faciliter par des lois coercitives la conf-
truétiondes grands canaux d’ irrigation, mais encore
de faire les fonds, fouvent hors de la portée des
particuliers , des avances qu’ils néceflitent.
En France les Irrigations des terres labourées
font peu connues hors des dipartemens méridio
naux, quoiqu’elles puiffent être pratiquées avec
un grand profit dans quelques-uns des autres , fur-
tout dans les années fèches, mais dans prefque
tous ceux où il exifte des prairies naturelles, elles
font fouvent arrofées , foit naturellement par les
Debordemens, les In o n d a t io n s , & c . (voyef
ces mots ) , foit artificiellement au moyen des déviations
ou des barrages dont j’ai déjà parlé : ce
font de ces dernières dont je vais m’occuper.
• Trois caufes s’oppofent à ce que la pratique des
Irrigations s’étende en France : i°. l’ignorance
des cultivateurs qui n’en connoiffent pas les avantages,
ou q u i, les connoiffant , ne faveur pas
trouver les moyens de les mettre en pratique *
2°. le morcellement des propriétés & l’ufage du
parcours, morcellement & ufage defiriiâifs de
toute induftrie agricole, qui s’oppofe à ce qu’un
propriétaire retire tout le profit poflible de fa
terre * $°. les grandes avances quelles exigent dans
quelques cas.
La première de ces caufes eft h feule furies
effets de laquelle je puiffe influer, & c’eft pour
en affoiblir i’adion , autant qu’ il eft en moi, que
j ’entreprends de rédiger lepréfent article.
L’eau pure eft identique fur toute la furface de
la terre, mais il eft peu d'eaux pures. E les tiennent
fouvent endiflolution du calcaire ou delà félénite
fans perdre de leur tranfparence, & dans ce cas
elles ne font pas aufli bonnes pour arrofer. Elles
font fouvent chargées des principes extra&ifs des
animaux 8c des végétaux qui fe font décompofés
dans leur fein, & alors elles font colorées en
brun. Il eft des momens où elles offrent des terres
& même des fables en fufpenfion , & alors elles
font troubles : dans ces deux derniers cas, tantôt
elles font avantageufes, tantôt elles font nuifibtes
aux Irrigations j ainfi les eaux qui font trop chargées
d’extra&if, celles du fumier, par exemple,
peuvent nuire par excès de fertilité, comme fekv
périence le prouve tous les jours, & commeThéo-
dore de Sauffurel’a prouvé par des expériences
pofitives} ainfi les eaux qui font chargées du principe
aftringent des feuilles du chêne, comme les
eaux des mares des bois, font périr les plantes
par fuite de l’aétion de ce principe } ainfi les eaux
qui roulent des argiles ferrugineufes 8c même
non-ferrugineuses, des fables 3 & encore plus des
graviers recouvrant la bonne terre de ces fubftan-
ces infertiles par elles-mêmes, peuvent s’oppofer
aux récoltes fubféquentes, je dis peuvent perce
que fi la couche eft légère, les labours la font dif-
paroitre, & que quelquefois leur mélange avec
la terre du fond améliore cette dernière, i^oyer
A rgile, Sable & Gravier.
Les eaux de Source font, en é té , plus défavorables
aux Irrigations , que les eaux de rivière 8c
d’étang, parce aue leur température eft alors plus
froide j mais elles font préférables au premier
printems par la raifon contraire. Qui n’a pas vu ,
dans les pays de montagnes, les environs des four-
ces couvertes d’herbes verdoyantes, lorfque les
environs étoient couverts de neige?
Il eft des localités où , par le même principe,
on couvre d’ un à deux piefls d’eau les prairies
pendant l’hiver. Les prairies dont le fol eft moins
refroidi pouffent plus promptement au printems »
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