mais alors on diminue le nombre des efpèces d’herbes
qui les compofent, plufieurs de ces éfpèces
ne fouffrant pas une aufli longue Inondation.
Voye\ ce mot.
Il eft cependant un cas où on doit couvrir d’eau
les terres pendant cette faifon: c'eft celui où on
veut en améliorer ou en élever le fol par le dépôt
des terres qu'entraînent ces eaux lorfqu’elles font
troubles ; mais alors on ne tient aucun compte de
l’herbe qu’elles portent. Voyez C anal.
Les véritablement bonnes Irrigatious font celles
qui font plutôt fréquentes qu’abondantes, plutôt
de courte que de longue durée, & qui fe font
quand la terre eft fortement échauffée par les
rayons du foleil. C ’eft donc pendant l’été qu’ il
faut arrofer de préférence 5 cependant c’eft généralement
au printems qu’ on le fait, du moins dans
le nord, & pour les prairies j mais je crois qu’hors
les cas de grande féchereffe, on a le plus fouvent
tort, au moins «bus les rapports de la qualité du
foin.
Les Irrigations ne doivent pas avoir lieu fur
les prairies lorfque l’herbe eft déjà haute , à plus
forte raifon lorlqu'elle commence à fleurir, que
dans le cas où la féchereffe feroit extrême, & les
eaux dont on peut difpofer très-pures, parce que,
outre un retard dans la maturité de cette herbe,
elles altèrent fa qualité en dépofant fur elle un
principe extradtif ou une vafe qui la rend impropre
à la nourriture des beftiaux. Voyez Rouille.
On v o it, d’après ce que j’ai dit plus naut, qu’ on
diftingue trois fortes d’ irrigations : par écoulement,
c ’eft la plus commune i par inondation, c’eft la plus
naturelle ; par infiltration : un petit nombre de localités
en eft fulceptible.
Dans les deux premières fortes d’irrigations il
eft indifpenfable que les eaux foient fupérieures
au terrein à arrofer j dans la dernière il faut qu’on
puiffe l’élever prefque jufqu’à fa furface.
L ’Irrigation par écoulement eft celle où on fait
écouler l’eau fur le terrein petit à petit, & de
manière qu’elle en imbibe fucceflivement toutes
les parties fans les jamais couvrir : c'eft la meilleure
de toutes , en ce qu’ elle ne retarde pas, hors
Je cas cité plus haut ( voye% Fontaine) , la végétation
des herbes, & quelle n’en change pas la
nature. On en voit des exemples partout, mais
principalement dans les pays de montagnes, où les
ruiffeaux font très-nombreux, & leur direction
facile à changer à raifon de la rapidité des pentes.
Dans les vallées des Alpes, des Pyrénées, des
Cévènes, des Vo fge s, &c.,par exemple, on arrête
à une hauteur plus ou moins confidérable les ruiffeaux
qui tombent perpendiculairement à celui
qui coule dans le fond de la vallée, & on leur fait
fuivre une direétion prefque parallèle à ce même
ruiffeau > enfuite, lorfqu’on veut arrofer les pentes
.inférieures, on fait des laignées de diflance en
diftance, faignées plus ou moins.larges, plus ou
moins profondes, par lefquelles l’eau s ’écoule
plus ou moins long- tems, &r qu’on bouche quand
on veut l’arrêter, avec une feule pelletée de terrp
ou un gazon •> fouvent aufli on fabrique des vannes
pour remplir le même objet, mais il eft bon d’éviter
leur dépenfe toutes les fois que cela eft poflible.
Une importante attention à avoir dans la pratique
des Irrigations, c’eft que les eaux foient di.f-
tribuées le plus également poflible fur la portion
de terre qu'on veut arFofer. De petites rigoles lor-
tant des principales, & embranchées les unes avec
les autres, rendent ce réfultat facile j elles fe font
très-rapidement & très-économiquement parades
fuites ae coups de pioche à large fe r , qui ne s’ap-
profondiffent pas au-delà de deux à trois pouces ,
ou au moyen d'un T ranche-Gazon qu’on rou e
devant foi. ( Voye^ ce mot. ) Il faut lurtout éviter
les dépôts d’eau dans les endroits creux ou au bas
de la partie à arrofer, & on le peut plus ou moins
aïfëment j cependant quelquefois il eft néceffaire
d’avoir recours à un grand foffé d’écoulement ou
à un puifard.
Si je prétendois épuifer la matière qüè je traite,
il me faudroit y confacrer un volume : c’eft pourquoi
je crois devoir me reftreindre à des confi-
dérations générales , & aux applications les plus
ufitées. _ .
Les rivières qui ont des terreins en pente inférieurs
à leur niveau, & encore plus ies canaux
d’arrofement, c’eft-à-dire, creufés exprès pour
fournir aux Irrigations de toute une contrée, font
dans le même cas, excepté que comme la maffé
de leurs eaux eft plus confidérable , des vannes
accompagnées de fortes maçonneries font indif-
penfables. Voye£ le Dictionnaire d'Architecture, au
mot V anne.
Dans beaucoup de vallées où il n'y a pas de
ruiffeaux, on devroit réunir en étang , par une fim-
ple digue, les eaux pluviales afin de pouvoir en-
fuite les employer à l’Irrigation des terreins inférieurs.
Cette excellente, pratique, très-ufitée dans
l'Orient, & dont on voit quelques exemples dans
le Piémont, devroit devenir commune dans beaucoup
de cantons de la France, & furtout dans les
départemens méridionaux, où tant de localités font
infertiles par défaut d'humidité.On doit à M. Caréna
un très-bon Mémoire fur cet objet, Mémoire
dont je donnerai l’analyfe au mot Réservoirs
ARTIFICIELS.
Depuis que les prairies artificielles font devenues
communes, on fe trouve dan's le cas d’ en
femer fur des pentes qu’il eft poflible d’arrofer,
& alors c'eft toujours agir contre fes intérêts que
de ne le pas faire d’abord légèrement au moment
qui précède la pouffe de la première herbe, &
enfuite d’autant plus fortement, que le terrein eft
plus fec ou qu’il fait plus chaud, le lendemain de
chacune des coupes fubféquentes. Parleur moyen
on triple, on fextuple même le produit d'un ter-
rein. C ’eft ainfi qu’en Efpagne, ainfique je l’ ai
dit plus haut, on eft parvenu à obtenir jufqu’à
quatorze coupes dans une aïiriée, d'uns luzerne
lemée en bon fonds.
Lorfque le terrein qu’on veut arrofer par écoulement
eft en pente trop rapide ou d'une étendue
Confidérable,, il faut le couper de diftance en diftance
par des foffés parallèles ou prefque parallèles
à celui du cours d’eau fupérieur, afin d’y arrêter
les eaux, & de pouvoir fubdivifer & diriger leur
écoulement conformémentaux befoins. Un moyen
très-expéditif de former ces foffes, c’eft de couper
le gazon avec un coupe-gazon tournant, & de le
retourner enfuite avec la bêche. ( Voyez Coupe-
Gazon. ) Il eft difficile de donner des indications
pofitives de pratique fur tous ces objets, attendu
que chaque localité doit les fournir.
Dans le^midi de la France, comme je l’ai déjà
obfervé, on arrofe toutes les cultures par Irrigation,
même les vignes , même les blés 5 cependant
les eaux entraînent les terres labourées ou l’humus
qu’elles contiennent. Pour diminuer ce grave
inconvénient on partage tous les champs en planches
d’autant moins largés, que le terrein eft plus
en pente , planches qu’on nivelle le plus exactement
poflïbie en formant avec la terre de leur
partie fupérieure une petite chauffée fur leurs
bords inférieurs & latéraux.
O11 procède de même dans les plantations de
riz, plantations qui demandent d’être inondées une
partie de l ’été. Voy e^Riz.
Lorfque les eaux d’un ruiffeau, d’une rivière,
d un canal ne font pas fupérieures aux terreins
qu’on veut arrofer, on les répand fur eu x ,, foit
au moyen de machines hydrauliques que l’eau ou
le vent,ou le courant fait mouvoir, machines
parmi lefquelles le Noria ( voye{ ce mot) ou
grande roue à augets tient le premier rang, foit,
ce qui eft mieux lorfqu on le peut, en élevant la
furface de l’eau par dels vannes, des éclufes &
auéres barrages qui la. font refluer fur fon cours.
Ce dernier -moyen eft fréquemment employé, &
rentre dans les principes des étangs, des biefs, & c .
Souvent, pour arriver à ce but d’un.e manière
durable, il faut- fe livrer à des conftruétions en
terre & en maçonnerie très-coûteufes, conftruc-
tions dont je renverrai le détail au Dictionnaire
d\Architecture & au mot Étang.
Les Irrigations par inondation ont lieu natu>
reHement prefque toutes les années, quelquefois
même plufieurs fois dans la même année, contre I
le gré des propriétaires, fur le bord des torréns
qui defcendent des hautes montagnes & des gran-
des rivières. On,les pratique fouvent artificielle- ;
ment, foit, lorfque les eaux font troubles, pour ;
engraiffer les prairies, foit pour élever leur fo l, i
comme je T a i déjà d it , foit , lorfqu’elles font !
claires, pour les arrofer, les débarraffer de la
moufle qui y c ro ît, des taupes & des mulots qui
les mfeftent, &c. ■
; On les emploie pr.efqu'exelufivement pour les
cultures du riz. ‘
J'ai parlé plus haut des I.rigations par inondation
j ainfi je n’ en entretiendrai plus le leéleur.
Seulement je ferai obferverque, comme elles amènent
fouvent, de même que les inondations naturelles,
des maladies épidémiques à leur fuite, il
faut les ménager aveç prudence dans certaines localités
, & principalement pendant l’été. II m’a
paru qu’on les faifoit durer trop long-terris dans
beaucoup d’endroits où elles font en ufa’ge. L ’i nondation
d’ un pré pendant cinq à fix jours fuffit
certainement à l’imbibi-.ion d’une affez grande
quantité d’eau pour fuflîre pendant un mois, fur-
tout au printems, aux befoins de la végétation.
Je dois citer un fait contraire aux opinions
reçues par les cultivateurs.
Dans le comté de Wiihs en Angleterre , où on
.fait un grand emploi des Irrigations par inondation
, on a reconnu que les prés qui ont été inondés
favorifent puiffamment l’éducation des moutons
} & en conféquence dès le mois de mars ,
trois ou quatre jours après en avoir fait écouler
l’eau, on y met les brebis & leurs agneaux. Il eft
vrai qu’on prend la précaution de ne ies y mettre
qu’après qu’elles ont mangé , & de ne les y laiffer
qu’une heure le matin & autant le foir , après que
la rofée a difparu & avant que le ferein fe faffe
fentir.
Ces mêmes prés, fi favorables aux bêtes à laine
au printems, leur font mortels en automne.
Pour exécuter des Irrigations par infiltration ,
il faut un terrein exaélement de niveau, fuffrfam-
ment perméable aux eaux , comme de la tourbe
ou du fable, & une rivière ou un -étang à fa dif-:
pofition. On entoure ce terrein, & on le coupe de
canaux plus ou moins nombreux, plus ou moins
larges, dans lefquels on fait entrer , lorfqu’on veuf
l ’arrofer, plus ou moins d’eau , félon la quantité
dont on jouit, & fui vaut la nature du fol. Cette
eau s’infiltre ( s'imbibe ) dans la terre & abreuve'
la racine des plantes. Des exemples de cette forte-
d Irrigation ne font pas rares en France j mais
prefque jamais ils n’ y font le réfultat de là volonté
des cultivateurs. Il faut aller en Hollande pour
apprécier tout le parti qu’on en peut tirer. Je dois
cependant obferver que dans ce pays, qui abonde
en tourbe, beaucoup de prairies ainfi arrofées rie
préfentent que des herbes groflières, parmi léf-
quelles fe trouvent beaucoup de laîches , herbes
qui ne font prefque qu'à l'ufage des bêtes à
cornes; 1
La grande perte de terrein que néceflîtent les
canaux dans l’ Irrigation par infiltration eft un obf-
tacle à fôn adoption dans toutes les localités ou
on peut fe difpenfer de l'employer j aufli n’eft-elle
guère ufitée que dans les prairies établies fur d’anciens
marais qui n’ont pu être defféchés qu'au
moyen de ces canaux , creufés beaucoup au def-
fous de la couche de terre végétale, & qui doivent
être confervés pour fervir d'égout aux eaux