
bvfoin, s’il n’avoit fait qu’un finple croifement.
Son troupeau, dans les premières années, fe com-
pofera de deux chiffes d’animaux ; favoir : i°. de
mâles & de femelles Mérinos , produits par les
béliers & brebis de race pure, 2°. de femelles
& d ë mâles métis, iffus de l’accouplement de
béliers Mérinos Sr de brebis communes. Son
premier foin fera de châtrer tous les agneaux
mâles métis, fans y manquer , pour les vendre
en état de moutons; Il gardera quelque terris
les femelles communes & les métiffes, dont il
fe défera fucceifivement en commençant par les
communes 8c par les mëtfffes des premiers degrés,
à mefure que le nombre des brebis de race pu#e
s’accroîtra. Parmi les béliers qui naîtront de
l’ accouplement de la portion des brebis pures,
alliées avec un bélier pur, il choifira les plus
beaux pour fes montes 8c difpofera des autres.
Quand il aura la quantité de trois cents femelles
Mérinos, il ne fubfiftera plus aucune brebis mé-
tiffe dans fon troupeau.
Pour obtenir ce réfultat, fi le propriétaire
commence avec douze brebis, il lui faudra onze
ans ; fi c’eft avec dix , il lui en faudra douze 5 fi
c’tft avec huit, il lui en faudra treize; fi c’eft
avecfix, quatorze; & fi c'eft avec quatre, quinze.
Dans le cas où il furviendroit une mortalité qui
enleveroit beaucoup de brebis, ce qui eft rare
dans les troupeaux bien foignés, il faudrort attendre
une ou deux années de plus pour arriver au
nombre de trois cents brebis.
Bien des fois j'ai cdnfcillé à des acquéreurs de ;
béliers Mérinos, lorfqu’ils venaient de. loin , d’y !
joindre des brebis de cette race, afin de s’épar- i
g. er des voyages pour les renouveler, & de pouvoir
fe recruter à l’avenir dans leurs propres troupeaux
: c’étoir preffentir les idées de M. Morel
de Vindé.
En fuivant cette marche progreffive , on fe
procurer^, avec un foible capital, un troupeau
d’une grande valeur, qui n'aura pas coûté plus
de foins qu’un autre ; il fera d’autant plus beau,
d’autant plus productif, d’autant plus fain , que
lè propriétaire fanrâ bien nourri & bien dirigé,
& qu'il aura choifi pour fa monte les béliers
les plus fins & les mieux confirmés*
On demandera peut-être comment il fera poffi-
ble de reconnoître les différentes générations fans
confufion. Rién ne fera plus facile fi l'on adopte
des diftinét-ions qui ne s’effacent & ne fe perdent
pas ; par exemple r
Bêtes communes, nulle marque.
Première génération, un trou à l’oreille droite^ j
Deuxième génération , un trou à l’oreille
gauche.
Troifïème génération un trou â chacune des
deux oreilles.
Quatrième génération, nulle marque- Il n’y a
pî'us'aiors de bêtes -communes.
Cinquième génération, un trou à l’oreille droite
Il n’y a plus de bêtes de première génération.
Sixième génération, un trou à l’ oreille gauche
Il n’y a plus de bêtes de deuxième génération.
Septième génération, un trou à chacune des
deux oreilles. Il n'y a plus de bêtes de troifième;
génération.
Huitième génération, nulle marque. Il n’y \
plus de bêtes de quatrième génération , & ainfn
de fuite.
Au lieu de trous , on peut faire des Coupures
aux oreilles & les varier de différentes manières,’
Les trous fe font avec un emporte-pièce j quelque1
marque qu’on emploie, on doit h faire peu après-
la naifiance des agneaux , parce qu’alors on in
aucun doute fur les mères auxquelles ils appartiennent.
Il n’y a pas de pays en Europe où les Mérinos
ne réuffiffrnr; dans quelques endroits, en
Suède, en Ruffie même, en Hollande, dans diverfes
parties de l’Allemagne & d’Italie, cette-
race a été introduite. 11 en exifte maintenant fur
tous les points de la France, au ftrd, au nord,à
l'eft & à l’oueft, dans les plaines, dans les vallées,,
fur les coteaux , fur les montagnes élevée?, près
de l’Océan 8c dé la Méditerranée, dans des po-
fi fions expofées à toute la violence des vents,
Comme dans celles qui font abritées. Le placement
de plufieurs bergeries du Gouvernement en
fournit une preuve. Celles des départemens des
Bouches-du-Rhône , des Pyrénées-Orientales »
des Landes, font au midi; celles des départemens
de la Sarre & de la Rcër au nord ; celle du Puy-
de-Dôme eft dans uo endroit très-élevé, & celle
de la Loire-Inférieure fe trouve à peu de diftanre
de la mer. Le defir de conftater une vérité ini'e
eft entré pour quelque chofe dans le choix que.
j’ai fait des locaux pour ces établi(Ternens. Je
connots desbergeries de particuliers qui font fîtuées
fur les Alpes; j’ên commis au haut des falaifes de
Normandie, cù fouvent des vents d'oneft, venant
de la mer, foufflent avec impétuofité. Nulle part
les Mérinos, lorfqu’on en a pris foin, n’ont foufy
fert de manière à fe détériorer; on en a vu même
qui , abandonnés, ou la'fTés exprès dans des îles
pendant plufieurs années, ont confervé leur forme
& leur caractère primitif.
On ne pourra pas avoir parmi nous des troupeaux
aufli confidérables de Mérinos qu’il y en
avoir en Efpagne avant la guerre a&uelle qui
défoie cette contrée : il s’en trouvera à peine
quelques uns qui s’élèveront à plufieurs mile
bêtes, tandis qu’en Efpagne certains propriétaires
en poffédoient jufqu’à cent mille ; c’étoit au lur--
plus la principale ncheffe du pays. Si la mulnpli-
Caeion de cetre- race eft encouragée en France,»
s y formera un fi grand nombre de petits trou*1
peaux , que la quantité égalera au moins ceux qui
étoierrt fournis aux lois, de la mefh en EfpagIie'
Les lieux les plus cultives font ceux où l’on tn
doute. Il faut ajouter que l’Efpagne-, dans l ’état
de fon atmofphèie, éprouve des effets qui ne
femblent appartenir qu’à des régions moins méridionales.,
ç’eft-à-dire, des neiges & des froids
tardifs ; que-, par la transhumance , fes troupeaux
le trouvent dans une température peu différente
de la nôtre, & que le fol de l’Efpagne eft en général
plus élevé que celui de la France.
On fait une autre objection, qu’il ne faut pas
Iaiffer fans réponfe. On dit que les Mérinos font
plus déliçats, exigent plus de foins & de nourriture
, & fouç plus fujets à des maladies que les
races indigènes : il y a du vrai dans ces aliénions ;
mais il y a aufti du fpécieux. Soit défaut d’acclimatation
complète , îoit eonfiitntion particulière,
le Mérinos fupporte plus difficilement que les
bêtes communes les intempéries de l’air, & fouf-
friroic fi en hiver on ne le trairoit pas mieux ; ii
contracte plus fouvent la gale , à.caufe du taffe
de fa laine. Si l’on voulojt abfôl.ument fe conduire
à l’égard d’*un troupeau de Mérinos , venant d Efpagne
, comme à l’égard d’un troupeau de race
indigène., leschofes feroienti peu près les mêmes :
feulement on en per droit peut-être un peu plus,'
8c il n’y auroit, à l’égard des maladies , que la
différence dans la facilité à gagner 8c à confervet?
la gale. Ce font là fans doute des incenvéniens ;
mais ils font compenfés par tant d’avantages,
qu’ils fe réduifenr, pour a in fi dire, à zéro, fi l’on
calcule la longévité de cette race , la qualité de
fa laine 8c foo abondance, qui eft toujours en
raifon de la bonne famé des"individus, & le prix-
qu’on peut les vendre..On devra à l’int-rêt qu’on
3 eu de multiplier les Mérinos,-la connoiffance des
véritables foins qu’on doit aux troupeaux : on lui
devra bien plus, lu fupprefiion d'une partie des jachères
; car beaucoup de cultivateurs , voulant
abondamment nourrir leurs troupeaux améliorés ,
n’ont trouvé d’autres moyens que de former des
prairies artificielles 8c de multiplier les racines
qu’ils peuvent manger , fans que leurs técoites en
céréales en fouffriflent: leurs nombreux troupeaux
leur ont procuré d'abondans engrais, 8c ces engrais
de meilleures récoltes.
On connoït trois manières de faire valoir un
troupeau de Mérinos ou métis ; favoir : par foi-
même a foie dans fa propriété,, fait dans le domaine
dont on eft fermier , ou bien en louant d’un fermier
des pâtures & des bergeries,, ce qu'on appelle
une place montons} ou enfin en mett ant des
bêtes à laine en cheptel. '
La première eft celle où les animaux font toujours
le mieux : la furveillance s’y exerce bien;
l’oeil du maître, qui , dans une exploitation vivifie
tout, eft ouvert fur les moindres dérai s; les'
ber g rs ne commettent point de fautes , ou elles
font auffisôt reprifes & réparées. Rarement les
maladies caufent dés ravages fur les troupeaux dirigés
de la forte : ceux auxquels iis ai partit nnenr,
outre une abondance d’engrais., dont Luis terres
Rr ij