
du détroit. C ’eft ainfi que les jardins du férail de
Scutari l’emportent, par la tertilité du fo l, fur
ctux .du premier férail.
On pourroit demander maintenant par quel accident
le Pont-Euxin, de l’ état d’ un lac tranquille ,
borné entre fes rives & environné de toutes parts
de contrées & de montagnes, a pu s’accroître au
point de déborder tout à coup, & de produire
les ravages dont les Anciens nous rapportent les
détails. La nature ne nous offre nulle part un phénomène
pareil.
Lorfqu’on a envifagé le canal du Bofphore de
Thrace fous le point de vue dont nous en avons
préfenté les différentes parties, & qu’on a comparé
les formes de fes bords avec "celles des bords
des vallées du Danube, du Boryfthène, du Don ou
Tanaïs, & c . qu’on y a vu partout les mêmes plans
inclinés & bords efcarpés. qui font placés dans le
cours de ces vallées, alternativement & d’efpace.
en efpace , on ne peut douter que ces formes ne
foient toutes de la même date, & qu’elles ne dépendent
du même fa it , foit que ces vallées aient
cinquante toifes de longueur, foit qu’elles en aient
cent ou mille.
Les efcarpemens les plus éloignés n’ont été produits
que par les eaux courantes qui étoient aef-
cendues de ces fommets : les efcarpemens des contrées
les plus.élevées n'ont de même été produits
que par de fcmblables eaux courantes , dont la
marche vers les lieux bas y 'a occafïonhé par la
fuite de femblables dégradations, & partout les
mêmes approfondiffemens & des excavations pro-
greflives. Rien de plus aifé à concevoir. O r , l’on
fait que le Pont-Euxin fe décharge dans la Méditerranée
> l’on fait encore que le Danube, le Boryfthène
& le Tanaïs fe déchargent dans le Pont-
Euxin. Nous pouvons confidérer le Bofphore comme
n’étant que la continuation des vallées de ces
fleuves réunis, dont le réfer voir eft le Pont-Euxin.
Si nous trouvons maintenant dans ces grandes vallées
les mêmes empreintes des eaux courantes que
nous préfente le Bofphore de Thrace, on ne peut
difconvenir que les unes & les autres vallées n’aient
été approfondies par la même marche des eaux
courantes , & à peu près^à la même époque.
Si l’on jette les yeux fur les cartes du Danube,
dont l’ouvrage de M. le comte de Marfigii eft décoré,
on y verra les mêmes plans inclinés & de
la fuite des approfondiffemens prétendus de la
vali.ée par les feux fouterrains, les vallons fe font-
ils trouvés également creufés plus bas, fans que
les feux y aient rien opéré? Cependant l’eau coule
auflï abondamment dans toutes les parties du Bofphore.
femblables bords efcarpés que dans le Bofphore ,
toutes ces formes fe préfentant les unes à l’égard
des autres dans le même rapport & dans les mêmes
fituations refpeétives.
On n’a pas donné le plan des opérations des feux !
fouterrains, auxquelles on attribue l’ ouverture du
Bofphore dans la partie voifîne des bords du Pont- .
Euxin, ni dans l’ indication des différens états des
. produits du feu, les époques de ces effets, d’après
lesquelles on pût arnoncer les tems de l’ouverture
du Bofphore. Ainfi ces effets des feux fouterrains !
foi.t reliés dans un état fort vague. Comment3 à
11 y a contradiction dans les explications
toutes les fois qu’on admet des agens hypothétiques
à côté des agens généraux & uniformes.
Je veux bien que l’ouverture du Bofphore fort
volcanique, fuivant Olivier > que, depuis Buyukdéré
jufqu’à la mer, l’une & l’autre rives paroil-
fent coupées j que partout la roche foit à nu, que
les efcarpemens annoncent un travail fucceflit des
eaux, & que depuis Buyukdéré jufqu’à laPropon-
tid e , 1 eBofphore, fuivant Olivie r, ne foit qu’un
vallon naturel, auquel viennent aboutir de chaque
côté d’autres vallons latéraux j que les plans inclinés
foient couverts de terres. Si la Mer-Noire, beaucoup
plus élevée, fe fût tout à coup précipitée
dans ce canal, il eft très-certain que la partie
du Bofphore prétendue volcanique qui fe lie avec
la Propontide, n’a été creufée que par les mêmes
moyens que le vallon naturel dont parle M. Olivier.
C'eft ignorer comment fe font creufés les
vallons, que de fuppofer la partie fupérieure du
Bofphore ouverte par les volcans avant que la
fuite, jufqu’à la Propontide, en ait été creufée ;
car l’ on voit que l’une eft la fuite de l’autre par
une marche confiante & uniforme des eaux courantes.
Tous les plans inclinés, tous les bords efcarpés
prouvent que le Bofphore. a été ouvert, non par
une irruption fubite, mais'par dés progrès inlen-
fibles , les eaux ayant commencé par l’ouverture
du canal y & c’eft ainfi qu’on doit eîlimer les ager ,s
qui ont approfondi tout ce qui faifoit l’ouverture
du canal & la communication de la Mer-Noire
avec la Propontide.
11 n’y a que les gens qui n’ont rien obfervé, q u i.
puiffent attribuer l’ouverture du Bofphore à une
irruption. Tout s’opère dans les v a lon s , dans les
canaux, par des progrès fuivis & bien déterminés
: c’eft cette marche des eaux qui a été méconnue
des Anciens & de ceux qui fe dirigent
d’après leurs fables merveilleufes.
Lorfqu’on a parcouru i’Hellefpont avec foin
& qu’ on a vifité les bords, on eft convaincu que
c’eft un vallon naturel, auquel viennent affluer
plufieurs vallons latéraux, abreuvés par des plaines
affez étendues qui leur fourniffent des eaux. Ji eft
vifible que la Propontide a toujours fait partie de
la Méditerranée y que le Bofphore a l’apparence
d’un golfe femblable à ceux de Nicée & de Nico-
médie jufqu’à Buyukdéré, & que fa partie fupérieure
tient à la même marche des eaux courantes.
La Mer-Noire ayant toujours eu cette décharge ,
on ne peut pas lui fuppofer une élévation confi-
dérable au deffus du Bofphore,. puifque les obfet-
vations qu’on a faites aux environs de celui-ci
prouvent que cet émiffaire a eu lieu fucceffiyement,
d’abord par la partie fupérieure, comme
tous les vallons, & s’eft approfondi de même.
Ainfi donc., fi l ’on trouve quelques anomalies
dans la forme de fes bords, caufées par les volcans
, cela ne pourra former d'obftacle à fon^ ap-
profondilfement, qui a peut-être précédé à un
certain point l’aétion des feux fouterrains. D’ailleurs,
il ,pa.roît affez hafardé de faire creufer cette
partie du Bofphore, ce vallon, en un mot, par des
feux fouterrains : les obfervateurs qui en ont vu
lès effets ont toujours été fort embarrafles pour
loger les eaux de l’irruption avant l'approfondif-
fement du canal. Effectivement, toutes ces irruptions
font contre toutes les règles de l'approfon-
diffement des vallons. Les eaux courantes font
.plus ou moins abondantes, fuivant que le canal fe
creufe davantage, comme elles l’ ont été dans le
Bofphore, à mèfure que l’ouverture de la Mer-
Noire s’eft élargie en tout fens.
L’Hellefpont eft venu à la fuite de ce travail
des eaux dans le Bofphore. S’il y a eu inondation ,
elle a eu lieu comme dans les vallons ordinaires >
mais alors ceci a été un accident incapable de
creufer l’émiffaire, & de faire tout ce que lui attribue
la Fable. Il en eft de ces effets comme dans
t »us les émiffaires des lacs qui donnent naiffance
à des rivières ou à des fleuves, & qui fe font
agrandis de plus en plus. Les abfurdités que je réfute
dans cette difcuflion font imaginées par la
maffe d’eau à laquelle on attribue de fi grands
I défaftres.
fuite de l’ ignorance des lois de la nature dans 1 ap-
profondiffement des vallons, & du peu de connoif-
fance de la forme de leurs bords par les progrès
de l ’aétion des eaux courantes dans le Bofphore de
Thrace.
Je conclus de toute cette difcuflion , que le
Bofphore eft un émiffaire naturel de la Mer-Noire,
& qu’aucune irruption de cette mer n’a pu le
creufer, que s’il y a eu une inondation, ç a été
un accident femblable à ceux qui ont lieu dans
dès. vallons ordinaires. Elle a eu lieu par le canal
déjà creufé, & qui auroit éprouvé un débordement.
' •-/ . A
Toutes ces obfervations ne doivent pas etre
bornées aux environs de la Mer-Noire, de la Propontide
& de la mer Égée , comme femblenc l’avoir
fait les anciens écrivains $ mais il faut fuivre
toutes les eaux courantes qui affluent dans la mer
Méditerranée, comme je m’en fuis occupé dans la
Notice de Tournefort. La Mer-Noire n'a jamais été
féparée de la Propontide & de la mer Egée par
ut ifthme étroit que formoient les roches Cya-
nées : il ne s’ eft donc pas ouvert tout à coup un
paffage à la fuite d’une éruption volcanique. La
iner a eu de tout tems un émiffaire qui eft le
Bofphore, lequel a toujours formé une communication
avec la Propontide & avec la Méditer-
ranée.
Croit-on que cette éruption volcanique ait été
aflèz v iv e , allez violente pour avoir tout à coup
donné naiffance à un détroit qui auroit admis cette
J’ai beaucoup obfervé en Auvergne & parmi
les opérations multipliées des feux fouterrains , je
n’y ai rien rencontré qui ait quelque forme d’un
vallon où les eaux puiffent couler librement, &
dans toutes mes obfervations j’ ai fuivi exactement
la marche du feu j ce que n’ont pas fait ceux qui
citent les volcans comme une des caufes de l’ouverture
du Bofphore.
Ce qui me perfuade que la rupture fubite du
Bofphore n’a pas eu lieu , & que de tout tems l’é-
miffaifë*du Pont Euxin a été ouvert, c’ eft que
toutes les.parties de la Méditerranée, qui fup-
pofent fon ouverture, exiftoient dès les premiers
tems.
L’ irruption d’ailleurs du Bofphore eft une fup-
pofition contraire à tous les événemens que nous
ont offerts les eaux courantes , & à ceux que nous
ont préfentés, dans toutes les circonftances, les
progrès de l'extenfion du baflin de la Méditerranée
j extenfion qui n’a eu lieu que par l’ intérieur
des terres, & par la réunion des fleuves & des
rivières, lefquelsont toujours franchi les fommets
des enceintes de tous les baflîns, comme je l’ai
dit ailleurs.
Ainfi l’on ne peut attribuer la formation de
toutes les parties du vafte baflin de la Méditerranée
, qu’à l’adtion des eaux courantes, qui partout
ont commencé à couper les détroits par les
fommets des digues qui occupoieut cés détroits.
Il n’eft pas queftion ici d’ inondation , mais de
vallées approfondies par les eaux courantes, dont
la direction part de l’intérieur des terres pour fe
porter vers le centre des mers.
Tout ce qui eft occupé par cette Méditerranée
.fortnoit fur nos continens des badins particuliers,
mais non des lacs, car partout les enceintes étoient
coupées par les embouchures.
C ’eft d’après la même marche des eaux affluen-
tes dans le centre de cette mer, que s’ eft faite
l’ouverture du détroit de Gibraltar par-delTus le
fommet. Dans ce cas, il n’ y a pas plus de rupture
que dans le premier débouché du Bofphore. L’en-
femble aCtuel entre l’ introduCtion de l’eau & fon
débouché n’a pu s'opérer que par les coupures
qui ébauchent les vallées : il n’eft queftion que
des vallées par où les grands fleuves fe font jour
jufqu’à la mer. Cet enfemble d’aCtion fe comprend
facilement dans la formation comme dans l’entretien
des mers intérieures, & tout ce que nous
voyons le long des bords de leurs baflins nous y
conduit.
Ainfi , dans la formation de la Méditerranée ,
on doit voir feulement la réunion des fleuves &
des rivières dont les eaux ont fuivi les pentes
des terrains' qui aboutiffoient au baflin ou amas
des eaux, comme ce font les mêmes pentes qui
les ont conduites dans leurs débouchés jufqu’à
\ l’Océan.