
je parle préfentent au contraire l’afpeét d’ une ligne
brifée , qui reffemble affez à la coupe de piufieurs
planches en ados , placées à la fuite les unes des
autres, & qui auroient la même inclinaifon.
Il feroit très-bon de reconnoître la vraie direction
de ces plans inclinés. Il ne futfit pas pour cela
d'obferver une feule coupe, puifqu’ il eft queftion
de Tinclinaifon d’ un plan,_ laquelle ne peut être
déterminée par la feule difpofition de points placés
dans la même ligne.
Il n’y a point de lieu plus propre pour faire ces
obfervations, que la maifon du propriétaire du
Mont-Dor à Saint-Romain-de-Couzon. Elle réunit
à l’avantage d’être dans une pofition charmante,
celui d’être fur les limites de l ’ancienne terre. On
voit dans fon jardin des rofchers d’un granit fort
dur, de même nature.que cejui de l ’Ile-Barbe & de
Pierrecize. Ce granit, avec d’autre granit décom-
pofé dans la partie fupérieure, forme le fécond
maflif du Mont-Dor. Enfin, cette même maffe
contient, du côté de Saint - C y r , un marbre
bleuâtre, tout compofé de coquilles que je crois
des. gryphites entre-mêlées de cornes d'ammon.
Quand on caffe ce marbre bleuâtre, les coquilles
ne fe caffent point > & reftent entières, attachées à
la partie du bloc à laquelle elles tiennent le plus}
ce qui prouve que l’ infiltration du fpath calcaire
n’a pas tellement pénétré uniformément Iè corps
de la coquille, qu’ il en foit réfulté une maffe également
dure dans toutes fes parties. La caffure
des brèches préfente le même phénomène.
Lorfque ce marbre eft fcié , il paroît d’un grain
très-égal. On le eonnoît à Lyon fous le nom de
pierre de Saint-Cyr, & l’on s’en fert pour faire
prefque toutes les marches des efcaliers. .
Dans fa carrière , le marbre eft en couches horizontales,
comme les marbres de Bourgogne. Il
y a aufli au Mont-Dor une carrière de marbre
rouge. Il eft aifé de voir comment la maffe de
pierres jaunâtres s’adoffe contre celle des marbres
, & comment cette dernière s’appuie contre
Je granit dont eft compofé le noyau du Mont-Dor.
Les vallons qui féparent les montagnes ne changent
point la direction des lits ni la fuperficie de
la carrière de Saint-Fortunat-de-Couzon, au moins
trois cents pieds plus bas ; & s’il étoit poffibJe .de
travailler & de tirer des blocs du côté oppofé à la
même profondeur, l'on rencontreroit les mêmes
bancs que l’on trouve à Saint-Fortunat. Après de
très-longues recherches, on croit pouvoir avancer
que la fuperficie de toutes ces carrières eft fur la
montagne de Montou, au deffus de Couzon & de
Saint-Romain, & qui eft la plus haute de tout le
Mont-Dor.
La pierre n’y eft point par gros blocs, mai$ par
cubes, depuis fix pouces jufqu’ à deux pieds. Le
grain en eft fin, de couleur de chair,: dégénérant,
en defeendaur,. en gris d’ardorfe; mais le gris terminé,
l’on apperçoit comme une croûte nuancée
de blanc-az uré. Cette pierre eft plus dure.que celle
de la fuperficie. La pierre jaune commence au def-
fous de cette croûte} mais le grain en eft plus fin
qu’ à foixante & quatre-vingts pieds plus bas. L’on
trouve des ouvertures perpendiculaires qui s’étendent
jufqu’ à foixante pieds de profondeur. Quelquefois
les fentes ou les féparations ne font point
régulières : il y en a q u i, plus ou moins réparées,
tendent à l’obliquité. Les plus ferrées ont été
remplies par un dépôt criftallin très-blanc , plus
dur que la pierre ; c’eft un vrai fpath. Cette fubf-
tance paroît dans les féparations plus ouvertes, &
y a formé des croûtes criftallifées. Ce fpath n’eft
pas toujours blanc ; il eft ordinairement jaune &
opaque. Il eft fi abondant, que l’on en voit des
parties découvertes de près de fix cents pieds de
fuperficie. L’ on y trouve auflî des trous revécus
de piufieurs couches de congélations, dont les
parties fupérieures font blanches, 1k tiennent de
l’ albâtre} d’autres trous font remplis de bols ou
de terre glaife.
On ne trouve prefqu’aucun gros coquillage foff
file dans cette pierre, qui eft généralement affez
pleine } elle eft prefqu’agatifée dans de certaines
parties, & elle étincelle fous le marteau, quoique
dans d’autres elle foit facile à couper.
Il eft impofiible de donner une defeription des
différens bancs, jufqu’à deux cents pieds de profondeur
ou environ, par rapport à la variété que
l’ori y rencontre quelquefois : un banc.de quatre
pieds d’ épaiffeur, fur vingt pieds de largeur, fe
trouve féparé perpendiculairement. La partie qui
le touche a cinq ou fix couches dans la même
épaiffeur}mais la dire&ion des couches fuit conf-
tamment celle dont on a déjà parlé, à quelques
irrégularités près.. ;
L’ouvert lire .de ces carrières fe pratique ordinairement
à mircoteau. L’on découvre une fuperficie
proportionnée au nombre d’ouvriers que l’on
veut employer. Dès qu’on a levé douze ou quinze
pieds de ces cubes dont on a parlé plus haut, l’ on
[. s’arrête aux refends les plus confidérables ou fé-
' parations verticales. Ceux qui font remplis de
• terres fabloneufes font préférés, parce qu’ ils donnent
plus d’efpéraneé d’être féparés à une plus
grande profondeur} ce qui épargne aux ouvriers>
en descendant, la peine de les détacher de la maffe.
Lorfqu’on rencontre des bancs d’ une épaiffeur con-
fidérable, l’on y fait jouer la mine, furtout lorfque
la trop grande dureté de la pierre ne permet pas
de la façonner. Lorsqu'on eft arrivé à cent pieds-
de profondeur, les lits font plus réguliers & la
pierre plus douce.. L’on en taille beaucoup pour
des. croifées;, des portes, & ç . } mais en général,
fur quinze pàrtiesyil y en a quatorze d’employées
brutes, comme moëlon ou parpin. L’on en charge
des bateaux fur la-Saône, qui arrivent tous les
matins.aux ports qui leur font alignés,,dans la ville
de Lyon, pour lé déchargement.
Des.carrières .de Couzon & de Saint-Romain
l’on paffe à celles de Saint-Cyr, village éloigné
»
d’une lieue de Sdnt--Romain, en defeendant la
Saône. Le large vallon qui le fépare de Collonges
divife totalement la nature des matières, puifque
Collonges, qui eft fitué entre les rivières & Saint-
C y r , ne préfente, dans fa partie efearpée qui regarde
la Saône & dans quelques endroits du côté
du vallon, que des roches qui préfentent des fentes
verticales, comme font tous les rocs primitifs}
mais en général, ce qui paroît à la fuperficie eft
feuilleté, facile à extraire, & , lorfqu’ il eft détaché,
fe réduit en terre en très-peu d’années} c ’eft
ce qui eft appelé , dans le pays, roche pourrie.
11 y a entre les rochers des fuperficies de terre
affez larges, dont on n’a point encore connu la
profondeur. L’on trouve régulièrement, dans les
différens lits de terre, des corps marins pétrifiés.
Les plus abondans font les boucardes, les cornes
d’ammon & les bélemnites. L’on y trouve de la
terre glaife, du bol & de la marne. Le terrain eft
très-fort, & partout arrofé par de petites fources.
Il y a deux qualités de pierres dans les carrières
de S aint-C y r, lefquelles diffèrent entr’elles par
l’efpèce & par l'ufage auquel on les emploie.
La première, fituee au fommet de la montagne, •
eft une pierre jaune , qui fe tire par lit de quatre,
cinq ou fix pouces au plus d’épaiffeur, & qu’on
emploie pour môëlons dans les bâtimens. Cette
pierre, affez femblable à‘ celle de Couzon, dont
prefque toutes les maifons de Lyon font construites
, n’ offre rien de remarquable que la régularité
de ces bancs qui la rendent d’un ufage très-
compnode ; & quoiqu’ elle ait la dureté du choin,
elle n’ eft cependant pas propre à faire de la chaux.
La fécondé efpèce, placée au bas de la montagne
, eft une pierre de choin, dont on fe fert
pour la taille dans les bâtimens relie eft d’un gris-
brun , mêlé deqaune & de rouge } elle a la dureté.
& le poids des marbres communs, & reçoit affez
bien le poli. On l’emploie avec fuccès pour des
tablettes & des jambages de cheminées, pour les
efcaliers, les portes & les fenêtres : elle eft excellente
pour faire de la chaux. Les carrières d’où
•on la tire a la tranche & au coin , préfentent des
lits de toutes grandeurs & épaiffeurs que l’on peut
defirer dans une maffe d’environ quarante pieds
d’élévation apparente, & qui n’a point de borne
dans fa barre, que celle qu’ y mettent les eaux qu’ il
faut détourner pour travailler à fec.
Les différentes couches de ces carrières, & fur-
tout les plus profondes & les plus dures, font
mêlées de coquillages nommés, par les naturaliftes,
gryphites ou nautilites. Dans quelques bancs ils font
fi abondans, qu’il femble que la pierre entière ne
io it uniquement formée que de ces corps marins
■ réunis & pétrifiés en maffe.
Les ouvertures faites dans quelques autres carrières
de ce canton offren.t une pierre grife plus
tîu re , ayant des parties tirant fur le noir, & d’autres
fur le rouge. Les coquillages bivalves, les
cornes d’ammon & les bélemnites y font en une
fi prodigieufequantité, qu’elles furpaffent de beaucoup
les parties pierreufes qui fervent à les unir
enfemble} ce qui forme une pierre trop défec-
tueufe pour être employée dans les édifices, parce
que la pluie & les autres injures de l’air dégradent
les parties qui lient enfemble ces foffiles, & qui
font d’une fubftance plus dure. Malgré tous ces
défauts, on en fait une affez grande confomma-
■ tion à Lyon pour des piliers doubles. Les couches
font inégales pour l’épaiffeur : les plus minces ont
deux pouces, & les plus fortes deux pieds. Mais
lorfqu’on eft parvenu à la plus grande profondeur,
l’on trouve une qualité de pierre fupérieure, plus
liée & moins remplie de fofliles t il y a même des
bancs plus épais, & dont la pierre eft beaucoup
plus dure.
Dans ces carrières, comme dans celles de Saint-
Fortunat, l’on ne fait point jouer la mine, & on
ne fe fert pas de la poudre par piufieurs raifons.
La première eft que les moëlons qui feroient détachés
viendroient en pure perte, parce que le tranf-
port par des . chemins difficiles les rendroit trop
chers , & doubleroit le prix de ceux que l’on tire
à Saint-Romain, où on les embarque fur la Saône.
20. Les bancs n’étant pas épais, il eft facile de les
trancher. Les ouvriers à qui appartiennent les carrières
ménagent différentes profondeurs dans la
fuperficie qu’ils ont découverte, afin de fe procurer
les pierres d’épaiffeur : les architectes leur
fourniffent,des panneaux ou desplanches coupées
fuivant le plan des piliers dont ils ont befoin -, les
tailleurs de pierres les placent fur la fuperficie du
banc qui a l’épaiffeur demandée, creufent autour,
tranchent & féparent la pièce fans perdre beaucoup
de pierre. Lorfque la tranchée eft faite, l'on
y introduit des leviers en fer avec des coins} la
pièce eft bientôt féparée. Les ouvriers font inté-
reffés à faire le moins qu’ils peuvent de débris,
..par la difficulté de placer les décombres qui L s
embarrafïent toujours, & qu’ils feroient obligés
de jeter dans les vignes voifines dont le terrain
eft précieux.
L’on ne fouille point perpendiculairement dans
toute la circonférence de ces carrières : l’on ménage
un débouché dans le côté qui eft le plus près
du chemin, afin que les voitures puiffent parvenir
jufqu’au pied de l’endroit où l ’on travaille. Lorfque
le chemin commence à avoir trop de pente
pour que les chevaux puiffent tirer avec facilité,
i’on reprend au deffus une autre fuperficie, & les
décombres rempliffent en partie les excavations,
de façon que la montagne fe coupe & s’applanit
par cette opération. On couvre d’une couche de
terre les décombres qui ont rempli les anciennes
ouvertures, on rend le terrain égal, & l’on y plante
de la vigne qui réuffit très-bien.
Un peu plus avant, en s’éloignant de la Saône,
on trouve le village de Saint-Fortunat, féparé, par
un.profond vallon, de celui de Saint-Cyr, mais
plus contig u à la montagne de Montou. Les carrières
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