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fui vis d’ irti éclairci rapide au nord-oueft, parce que
ie vent porte les nuages fur i’Afie mineure.
C O N S T I T U T IO N E X T É R I E U R E DU
G L O B E .
PREMIÈRE PARTIE.
11 ne faut que baiffer les yeux vers la terre, la
confidérer avec une attention un peu réfléchie,
pour s’ appercevoir que le plus grand nombre des
contrées que no,us en connoiifons, ont été conf-
truites fous les eaux & par les eaux. Non-feulement
on y découvre des bancs & des couches po-
fées les unes fur les autres avec une régularité &
une étendue fi vàfte , qu’il n’y ,a qu’ un élément
$ aidej tel que l’e a u q u i ait été capable d’une conf-
tiuétion fi uniforme, mais encore, dans prefqne
tous les lieux du Monde, les matières qui forment
ces bancs & ces couches ne font que des productions
des.eaux, d£s,amas de routes fortes de fubf-
tances animales, végétales# pi-r.reufes, qui n'ont
pu naître, v ivre, croître & multiplier que fous les
eaux. .
Depuis que cette grande 8e furpienante décou-
verte a frappé lés yeux des fa vans,. ç,es monumens
des anciennes opérations de la nature ont cepenr
dant paru fi extraordinaires & fi furnatu’vels, que
les phyficiens, en fe multipliant dans la proportion
de la multitude des phénomènes , fe font peu fiés
aux découvertes des Anciens, 8e< ont,cherché,
dans ce fièçle, à les vérifier Se à lqs rç connoïtre
en tous lieux 5 mais plusâlç ont fait de recherches,
plus ils fe font àfiurés.qj.ietoutes les productions 4$
ja mer étoient raffemblées avec une abondance pro-
digieufe furies fommets, dans les.bançs 3c dans lés
couch,es des .plus hautes montagnes, aqflî bien
que dans ies carrières les plus profondes.
On a fouvent v u , au milieu des çontinens, les
coquilles difpofées 8e accumulées ainfi qu’elles le
font dans lefond de la mer la; plus calme . Dès contrées
n’ont offert que certaines, efpèces que d’autres
n’avoient point. On a rencontré prefque partout
des collines entières, donc la fubftançe principale
n’ëtoit que coquilles réduites en poudre,
ou femehee de coquille ; en forte qu'il .par oit roi t •
-néceffaire de conclure de cette étrange cpnftruc-
tion, que les coquilles étoient plus anciennes que
les montagnes 8e les .collines, & que çes maffes
n’auroient jamais exifté s’il n’y avoir eu antérieurement
des mers, des productions marines pour
leur fournir tous les matériaux dont ejles fpnt çpm-
pofées. Il a paru enfin, & avec grande raifon , &
que la nature ne nous étaloit en aucun genre, une
fécondité plus admirable. 8e plus immertfe, en forte
que la plupart de nos habitations fe font trouvées
au milieu des fonds de.mer fans nous en douter.
Indépendamment de ces coquilles, de ces poif-
fons marins Se de ces végétations également marines,
reconnus dans nos çontinens, dans nos tejres,
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dans nos fables, dans nos pierres, t’on y a reneon*
I tré des animaux 8e des plantes terreftres pétrifiés,
Se enfevelis fi. profondément, fous les couches
; régulières de chaque contrée , que leur difpo-
fition a paru vifiblement avoir précédé l’état
préfent des montagnes des vallées, des fleuves &
même de la furface de la terre aâuelle. Certaines
carrières ont femblé avoir été des charniers d’ ani-
maux connus & inconnus. D'autres végétaux nous
ont offert des forêts ènfevelies fous les lits Se les
couches des diverfes contrées. Les mines de charbons
de terre Se de tourbes, ainfi que les ardoi-
fières, fe font tellement trouvées encombrées des
végétaux terreftres les plus fragiles Se les plus délicats,
que ces.matières, entaftées & comme confer-
vées par le bitume, paroiffent en faire la fubiiançe
principale- Enfin, l ’Angleterre, la Sibérie Se beaucoup
d autres régions du nqrd nous ont confervé
des offemens d’ animaux qui ne vivent aujourd’hui
qu'en Amérique Se aux Indes. D’ailleurs, l’intérieur
de la F rance, de la Suiffe & d’autres contrées
d.e l’Europe ont montré des plantes parfaitement
çonfervées, & qui ne croiffent naturellement qu’à
Ja Chine , en Amérique Se aux confins de l’Aiie ,
phénomènes incomp.réhenfibles, qui ne femblent
ex.ift.er que pour perpétuer la mémoire d’un ancien
Monde qui a fait place à un autre plus moderne.
Qti a déjà projeté 8e entrepris de former des
tables de tous les lieux où fe trou voient ces anri-
ques dépôts des mers anciennes, 5e l’on a reconnu
avec la plus grande facilité, les limites de ces d é pôts
formés par les eaux, 8c d’ailleurs les circonf-
ci iprions des bancs & d.es couches régulières horizontales
ou inclinées, en divers fens. Il n’a été
.queftîon que de fouiller plus ou moins, liiivant les
lieux dont la- fupeificie ne pouvoir être altérée ,
foit par les travaux des hommes , foit par des ac.-
cidens poftérieurs aux grandes révolutions de la
Terre.
Avec toutes ces preuves fenfibfes 8e convaincantes
du féjour des veftiges de la mer fur nos
çontinens, nous.découvrons encore de toutes parts
des débris 8c même des décombres d’ une certaine
étendue. Nous rencontrons des lits 8e des couches
de coquilles rompues 8e boulevetfées. Nos conti-
nens no us prefentent dans leurs montagnes & leurs
collines, dans leurs vallées 8e fur les croupes des
terrains tranches, des coupes, des efearpemens
partout où les hommes ont été obligés de fouiller
pour leurs befoins comme pour objets de luxe.
De grand.es régions & des chaînes confidérables
portent aufljles empreintes d’un feu qui les a brûlées
& calcinées jufqye dans leurs fondemens ;
çes empreintes fe montrent à découvert, nomfeii-
lement dans les çontinens d.éfolés par les volcans,
mais encore dans des contrées paifibfes & heureu-
fe.s, o ù , de mémoire d’homme, aucun accident
de cette uatpr'e n’a été connu ni même foupçonné-
ha Terre paroît dpnç, depuis fa conftruéljon 3c
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fon apparition hors des eaux , avoir été embrafeé ;
d’un côté par les feux fouterrains, & de l'autre i
altérée dans toutes les parties de fa malle 8e de fa
fuperficie par les eaux courantes.
Toutes ces obfervations font trop multipliées
pour être traitées d’erreurs & d’iilufions : on en
peut donc tirer avec fuccès.cette conséquence générale,
que notre féjour, après avoir perdu une
ancienne difpofition qui nous eft inconnue , en a
repris une autre qui eft fecondaire, 8e qui diffère
de la primitive, laquelle nous apprend que les j
çontinens de la Terre ont été fous les eaux, ou j
tout à la fois ou fucceflivement, pendant des te ms »
dont l’obfervation la plus févère, la plus précife
ne pourra jamais nous faire connoïtre la durée ab-
folue.
On ne peut n ie r , dit l ’abbé Sauvages, que les
terrains, quant à leur état Se à leur fituatiop,
n’aient beaucoup changé de face, puifque, par l'apparition
de la Terre au deffus des eaux, les mers Se
les çontinens ont pris d’ autres limites, & fe font
mutuellement déplacés.
Au refte, le Monde entier, tantôt fous les
eaux, tantôt hors des eaux, offre une viciflitude
fi peu conforme aux idées communes, 8e fi éloignée
de la tranquillité connue de la nature depuis
bien des fiècles, que, pour concevoir la poflibilité
de ces changemens , ceux qui y ont réfléchi, oht
cru ne pouvoir rien imaginer d ’affez extraordinaire
pour en donner l’explication. L’imagination des
nommes n’ a jamais trouvé dans aucun fujet une
carrière plus vafte & plus propre à lai faire déployer
toute fa fo rc e , toute fa hardieffe & toutes fes
extravagances mêmes. On ne peut difeonvenir cependant
que plufieurs de ces caufes, réelles ou
imaginaires, ont quelquefois fatisfait fur certains
faits ÿ mais rarement l’explication générale a-t-elle
donné la folution de tous les phénomènes dont la
plupart ont été trouvés incomplets lorfqu’ ils n'ont
pas été reconnus faux , abfurdes Se ridicules. Il
eft vraîfemblable qu’on s'eft trop preffé de rechercher
les caufes, leurs effets n’étant pas eux-mêmes
.tous parfaitement connus, & il eft certain, comme
on le vei raj qu’on s’y eft toujours mal pris pour
connoïtre les effets, puifque les obfervateurs n’ont
encore mis aucun ordre chronologique ni analytique
dans leurs recherches 8e dans leur théorie.
Un déluge univerfel a été néanmoins le moyen
général 8e l’unique époque qu’ont adoptée depuis
long-tems la plupart des nations. C'eft encore aujourd’
hui l’opinion du peuple, 8e il n’y a pas même
long-tems que les favans auflj appeloient tous les
-fofliles marins les médailles & les reliques, incontef-
:tables de ce déluge-. Cependant nous penfons à
préfent que ce feroit, pour cet événement, la plus fj
dnauvaife de toutes les preuves, la nature de ces v
monumens rie pouvant correlpondre en tout aux
traditions mofaïques depuis que les obfervations
’ fe font plus étendues, & que l’art de voir Sc de
'Taifonnerfur ceq uon v o it ,s ’eft perfectionné. Le.s
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plus grands naturaliftes reconnoiffent que le déluge
n’ a pu opérer ce que nous voyons d’extraordinaire
fur la Terre , & qu’en particulier la difperfiondes
corps marins fur nos çontinens ne peut appartenir
aux effets de cette antique inondation, mais aux
fuites d’un ancien & long féjour des mers. Cette
opinion particulière & affez moderne doit être
mife au nombre des plus belles découvertes de
notre fiècle. Les phyficiens, ainfi d-ébarafles des
préjugés où ils étoient depuis fi long-rems à cet
égard, ne peuvent que marcher à grands pas dans
la carrière d el’hiftoiredu Monde, dont ilss’étoient
fermé l’entrée, moins par le manque d’obfervations
que par des principes faux d’une religion mal entendue,
d’après lefquels on croyoit rendre hommage
aux livres faints en rapportant aveuglément au déluge
dont ils parlent, tous les défordres & toutes les
irrégularités qu’i's appercevoient dans la conftruc-
tion intérieure & extérieure de la T erre , fans s’em-'
barraffer de la lo.igue fuccefliofT des tems , de la
diverfité des époques indiquées par les monumens
de ces mêmes conftruétions régulières ou irrégulières.
C ’eft cette diftinélion des faits & des tems, fi
indifpenfable & fi néceffaire dans l ’etude & dans
l’examen des.opérations de la nature, que j’aurai
principalement en vue dans cet article. Je ne l’entreprends
point dans les vues de tracer ici une hif-
toire univerfelle de la T e r re , mais dans le deffein
de recueillir en un ordre raifonné & méthodique
les anecdotes de l’hiftoire du Monde, dont une
multitude d’obfervations excellentes, maisdifper-
fées , nous inftruifent déjà , & dont un grand
nombre de traditions -éparfes parmi les nations
nous ont confervé la mémoire.
La méthode qui m’a femble la plus naturelle &
en même tems la plus fimple pour fuivre,les traces
des anciennes opérations de la nature, & remonter
aux premiers événemens, a été de confidérer
féparément la fuperficie de la Terre pour en tracer
les formes, & féparément l’intérieur pour en
former les coupes inftru&ives. A l’ aide de ce genre
d’analy-iè, je fuis parvenu à m’affurer que les formes
extérieures du terrain méritoient une confidé-
rarion particulière & des deferiprions figurées avec
foin pendant que l’intérieur des terres méritoit
des examens particuliers de toutes les excavations
qui les mettent à découvert. Ces derniers objets,
çes différentes narures de fubftances qui fervent à
la compofition des couches, font de la plus an-
| cienne date, parce que cette organ’Otion a pré-
! cédé tout autre travail de la nature. Il m’a paru de
| plus que les irrégularités intérieures avoknt été
J .produnes à différentes reprifes, & néçeffairement J à de grands, intervalles, & qu’il en étoit de même 4es( différentes' formes de terrains fuperficiels.
]• Enfin , fi la nouvelle méthode que, je me fuis prescrite
, ne m’ a pas féduit 5e trompé, il m’a paru que
tout ce que nous voyons de détruit, de dégradé, de
déplacé à la furface dans ce que nous eopnoiffons