
vraie caufe de l'amertume qui eft particulière à fes
eaux > car il eft certain que ce bitume y coule des i
mohtagnes, tantôt dans toute fa pureté , tantôt
confondu avec d’autres matières, par des canaux j
cachés & fou terrai ns qui lui ouvrent un paffage
depuis les lieux les plus reculés de l’ intérieur de
ces mêmes montagnes jufqu’à la mer, 'où il s’unit
à fes eaux falées. On doit concevoir par ce que
nous venons d’établir, pourquoi l'eau de la mer
Cafpienne eft plus amère lorfque les vents foufftent
du nord ou du nord-oueft ; c’ tft qu’il eft .confiant
que ces vents détachent alors plus de naphte, &
le pouff-nt plus'abondamment-.vers la mer-, Qh
pourra comprendre de même pourquoi'fes eaux
ne font jamais auffi amères à leur luperfiriej &
furtout dans la proximité du rivage. C ’eft que',
dans l’ un & l’autre cas, ces mêmes eaux y font
moins chargées de fe l, & que le naphte que le fél
lie ordinairement avec l’eau, eft alors , ou emporté
plus loin par les vents, ou précipité vers le
fond. :i : j /
Mais le naphtè ne- communique pas feulement
aux eaux dé la mer Cafpienne ce goût amer dont
nous parlons, il eft encore la matière productrice
d’ un fcï amer q u i, d’une part, eft fort nuifible,
tandis qu’on poûrroit, à d’autres égards, en tirer
une grande utilité. Les eaux de cette mer, fou-
mifes aux épreuves chimiques, ont prouvé qu’outre
le .fel de cuifine -, elles en contiennent un autre
qui eft lë fel de Giaüber 5 que ce dernier s’y trouve
dans une proportion confidérable ^ qu’ il y eft uni
avec le.fel marin., & qu’ il eft même dominant dans
ce mélangé.' ,
Comme la mer Cafpienne n’a aucun écoulement,
elle s’étend le long de fes bords dans-lés terres,
& dépbfe dans ces endroits des lits de fel dont la
ftiperficie fe trouve au niveau de là iurfâcé de
J’eaü. Les deux grandes fteppes qui fe prolongent
depuis fon baffin âCtuel, vers l’eft div ers l’oueft,
font principalèment compofees d’ une terre falée,
dù le fel fe forme , par effiorefcence, en çriftaui
réguliers 5 ce qui' fait auffi que les pluies & les
rofées falées ne font rien moins que rares dans leur
voifinage. Le fel des marais falans d’Aftrakan &
le fel qu’on trouve en effiorefcence dans les ftepp
es , ne font nullement un fel de ciiifine pur, mais
altéré par le fel amer dont nous venons de parler.
On obferve quantité de lieux où ce dernier fe
inanifefte en criftaux fous la forme qui lui eft par-
ticulièrê, fans aucun mélange de criftaux de forme
cubique. O r , c’ eft uniquement à ce fèl amer qu’ il
faut imputer la caufe des plaintès qu’on ne ceffe
de faire contre le fel d’Aftrakan. Toutes les fubf-
tances graffes & oléagineufes ont une tendance à
la putvéfaCtion , & un fel gras doit néceffairement
gâter tout cè qu’on fale-.avèc ces matières impures.
Un étang filé qui fournira une année du fel marin
affez pur, peut être entièrement gâté l’année fui
vanté. Ce féroit dOncamé chofe-trèsrutile fi, avant
^e l’ employèr j'on' pôuVbit le dégager de-tout -fojB
fel amer, 8c ne faire ufage que d’ufi fel de cuifine
pur, & fans un mélange pernicieux. Ôn reniediè-
roit, par un1 tel moyen, a bien des inconveniensy
on préviendront quantité de dommages très;-réels,.
& les revenus delà Golironne en acquerroient une
augmentation bien fenfible.
On a beaucoup écrit‘ fur l’augmentation 8c la
din inution de la mer Cafpienne ; mais la majeure
partie dé tout ce qu’on a'publié fur cet objet fe
trouve abfolument faux. On Vemarque bien ; à la
vérité ,■Aine certaine élévation-, fuivie d’ünhbaif-
fement dans fes eau’x j mais on n’a j'amâis-appèrçù
la moindre ‘ régularité 'dans -la fùcceffion de cès
deux états.1 Oh voit bien auffi s’àmohcélèr fur les
côtes de ce grand lac, dés dunes’, tantôt très-fen-
fibles, tantôt prefqu’imperceptibles /tantôt hautes
& efearpées , tantôt baffes & d’ une pente facile
j & comme ces dünesdifpâroiffent quelquefois
, félon que lescircoriftances changent , il en
eft de même des îles. Tout cela dépènd beaucoup
dés variations des faifons ou des v en t s ,'& les
fleuves qui fe précipitent dans cette mer y contribuent
encore d’une manière plus efficace.
Nous ferons mention j à Taïticlê Sà r e p ta ;
des fortes préfomptions quiexiftent en faveur de
l’extenfion des cotes d e là mer; Caf prenne dans dés
tems fort reculés. M. de Buffon cr.oiç que la Mer-
Noire commuhiquo’it autrefois1 avec la mer Caf-
pien e} ■ & il place le canal de Communication dé
ces deux hiers près de Tria, où , pour mieux dite ,
près dé Zarÿzin, c’ëft'àJdir'e, à rëhdroit où le Dori
& le Wolgade rà^préchentle plus Lun de l’autre.
Mais M. le profeffeur Muller réfute fur cé;point
M.-de Buffon, par la raifon que, dans les environs
de Zaryzin » le terrain eft élevé & monnreux j &
M. Pallas place au contraire le détroit qui joignoit
anciennement ces deux mers , dans la contrée où
le Mantÿfch, q’ui dirige fon cours vers le bas Don',
prend fa fourée, à l’endroit où le terrain élève,
qui règne lè long de la Sarpa, viertt'fèterminer
par un angle arrondi vers fa pointé. Cette contrée,
où , comme nous venons de le dire , -le Mantyfch’
prend fon origine à cent quatre-vingts werftës environ
des fources de la Sarpa, préfente une plaine
fort baffe de plus de vingt werfles de large, donc
le fol eft finguliérernebt faîé & marécageux, 8c
de plus entrecoupé de plufieurs petits lacs qui
abondent-en fel marin. Au lortir de-cette plaine ,
le Mantyfeh-dirige fon cours vers l’oueft, à travers
un terrain bas, très-étendudans un efpace
d’environ cent wërfteS, & entre de là dans une
vafte plaine aride , qui fe prolonge jufque vers le
Don & vers la fteppe de la Crimée, à l’entrée de
laquelle on trouve deux grands lacs falés. Entre
les fources de là Sarpa & du Mantyfch on voit
continuellement à Toueft la haute terre, laquelle
préfente des-ahgles ffaîllans de pur fable , tandis
qu’ on jre;découvre à l’eft qu’une ftepp’er entière
ment unie'y fi ce n’eft dans la proximité dès hautes
-terres, où le terrain- forme des ondulations
eccàfionnées par l’extrémité des promontoires qui
viennent fe perdre en mourant dans la plaine. Cette
même plaine qu’on retrouve en-deçà du Min-
tyfch , y eft pareillement couronnée pai une haute
terre qui règne entre cette rivière & le Kuman, &
enfin, vers la fource de cette dernière rivière,
par Ses montagnes avancées du Caucafè. C efi donc
ici que la fteppe orientale a dans des bas-fonds
une communication ouverte, tant avec la^ fteppe
de la Crimée, qu'avec d’autres fteppes fituees vers
la Mer-Noire. Or, cette fteppe orientale conferve
toutes les traces d'un terrain abandonné par la mer
Cafpienne. S i Ton s'en rapporte aux informations
faites à cet égard , les fteppes de la Crimée, ainfi
que celles qui avoifinent h Mer-Noire, font ab-
folüment, de même nature 8c pareillement falées
dans la plus grande partie de leur étendue.
2 : Si donc le niveau de la Mer-Noire, avant quelle
fe fût procuré 'uri écoulement par le canal de
Conftantinople , étoit élevé de plufieurs toifes
au deifus de fon niveau aêtuel, élévation à laquelle
quantité de fleuves & de rivières qui tra-
verfoient dans ces tems reculés des contrées plus
couvertes de bois & plus humides , ne pouvoitnt
manquer de contribuer par 1 abondance des eaux
qu’ ils y apportoient, il faut, fuivant les apparences
les plus vrâilemblables , ■ que toutes les
fteppes de la C rimée, du Kuman, du Wolga &
du Jaïk, & les plaines de la Gtande-Tartarié juf-
qu’au-delà du lac Aral, n’aient formé qu’une feule
mer qui embraffoit, par un canal étroit & de, peu
de profondeur , dont le Mantyfch découvre en-
corëles vefliges, l’anglepfeptentrional du Cau-
cafe'i & qui d'écrivoit deux golfes également
vaftés & profonds ; que nous retrouvons encore,
aujourd'hui dans la Mer-Noire & dans la mer
Cafpienne. - . .
-. On a encore allégué d’autres obfervations rela-
tives: à l’ancienne extenfion de la mer Cafpienne ,
8e à fa communication avec la Mer-Noire jamais
il s’ett faut beaucoup que tous les faits qu on a
recueillis & allégués, pui(Tent être adoptés comme
des preuves convaincantes de cet ancien état des
C Ainfi, par exemple, il réfulte des obfervations
qu’ on a faites fur les niveaux des eaux du Don
ou Tanaïs & du Wolga , que le lit du premier
fleuve eft de foixante -pieds plus élevé que celui
du Wolga à .même hauteur , & que la mer Caf
pienne, j dans laquelle, le Wolga fe décharge, eft
beaucoup plus baffe que toutes les autres mers
voifines. Ainfi cette différence dans les niveaux
de ces deux mers rend un peu douteufe leur communication.
, . . . .
On doit aufli regarder comme une fotble preuve
de cette communication, les débris des joncs &
des plantes marines qu’on trouve dans les couches
voifines des bords de l’Elkanka, où la haute terre
s’approche;du Wolga, Séfemble, au jügement de
M. Pallas.yformer les limites d ’une.efpèce de golfe.
Pour difeuter tous ces faits comme il convient,
& les apprécier fuivant leur vraie valeur, il faut
diftinguer bien nettement ce qui peut appartenir
aux dépôts particuliers de cette mer, lorfqu’elle
étoit plus étendue , de ce qui eft l'ouvrage de
l’ancien Océan qui a couvert la plus grande partie
des cominens voifins. L’ élévation lubite du
terrain , le bord fabloneux & efearpé de la partie
fupérieure qui fe trouve du côte ciu défert , les
baies & les promontoires que ce talus décrit, d on-
nént lieu , comme nous l’ avons d i t , de conjedtu-
rer l’ancienne extenfion de la mer Cafpienne. De
même la nature falée du défert inférieur, dont le
fol argiieux abondelen coquillages qui font exactement
les mêmes que ceux qui fe trouvent actuellement
dans cette mer, achève de donner la plus
grande probabilité à ces conjectures. Ce qui achève
de faire croire que de vaftes contrées ont été couvertes
autrefois des eaux de la Cafpienne , ce font,
i° . l’uniformité du terrain qui le prélente dans
toute l’étendue des déferts du Jatk, des Kal-
moucks & du W o lg a , où l'on ne trouve partout
qu’un fable pur, lié à la vafe du fond de la mer ;
2°. cette falure générale du foU 3°* ces bas-fonds
innombrables > enfin cès lacs falés, diftnbaés dans
ces mêmes contrées.
D’un autre c ô te , fi l’on examine le terrain qui
s’étend le long de la Sarpa, entre le Wolga 8c le
Don , ainfi que: les hauteurs d’une contrée renfermée
entre le Wolga & le Jaik, on peut préfumer
de même que tout le fol a fait partie du baffin de
la Mer-Noire lorfqu’elle étoit aufli plus étendue.
Oh eft d’autant plus autorifé à penfer ainfi,-que,
dans les terrains plus élevés, terrains difpolés par
couches , on ne trouve plus la falure générale du
fo l, mais des dépôts de coquillages marins par
bancs fui vis 8c appartenant vifiblement à l’ancien
Océan i enfin, une terre végétale noire qui fe
couvre de gazon. De même , fi l’on remonte plus
haut du côte du W o lga , le fol eft compofé de
bandes de coraux & de coquillages qui different
effentieliement des coquillages qu’on trouve dans
la mer Cafpienne 8c dans la Mer-Noire : ceci nous
annonce l’ouvrage d’une ancienne mer antérieure
aux amas d’eaux ifolés & particuliers de la Cafpienne
8c de la Mer-Noire. C ’eft ce travail qu'il
importoit de diftinguer d’ un autre poftérieur tin
peu mieux qu’on ne l’a fait, pour bien établir
l’ancienne jonétion des deux lacs ; c’eft avec cette
attention que nous allons reprendre tous ces faits,
& préfenter tout ce que les voyageurs ont dit fur
ces deux mers fans aucune difeuffion particulière
que les leéteurs pourront faire eux-mêmes.
L’élévation fubite du terrain,. le talus fablo-
neux & efearpé de la partie fupérieure de la mer
Cafpienne vers la fteppe, les baies &r les promontoires
que ce talus décrit, & plus encore la nature
falée de la fteppe inférieure, dont le fol argileux
eft fi abondamment mêlé de coquillages, donnent
lieu à des conjectures très-vraifemblables, non