
Les matériaux qui ont été déplacés ou ont été i
dépofés enfuite en forme de fédimens fuivis , liés J
à d'autres maffes régulières , & entrant dans leur
compofition , font alors dans un état de féconde for-
mation , ou bien ils ont été feulement abandonnés a
la fuperficie des continens, fans fuite * fans aucune
difpofïtion régulière , fans qu'ils aient forme de
nouveaux affemblages : voilà les deux états où ils
fe trouvent, qu'il faut diftinguer avec loin & tout
de nouveau. , ^
Les déplacemens appartiennent à plufieurs épo*-
ques, à plufieurs efpèces de matériaux , qui ont
plus ou moins changé de forme & d'état, & ont
eu plus ou moins d'étendue. Ce travail de la nature
fe reconnoît , i °. par la nature des matériaux
eux-mêmes & leur organifation } i° . par leur arrangement
j 3®. par leur difpolition relative avec
ou de la nouvelle ; les déplacemens faits par les
torrens font de même nature : ce font les accès des
précédens, qui font plus rares, mais plus terribles
par leurs effets >
Les déplacemens anciens des. torrens affujettis à
un lit voifin du lit aéiuel, les déplacemens- anciens
des torrens avant qu'ils euffent une route décidée ;
les aèplacemens faits par la circulation des eaux
dans les anciens continens, & les tranfports faits par
les anciens fleuves dans la mer, qui ont formé-des
couches particuliérement près des bords de la
moyenne Terre ou de l'ancienne, c'eft la le produit
des dépôts littoraux. On peut mettre' dans cette
claffe les mines de fer par tranfport & en grains :
; voilà lés plus anciens.tranfports & les dévlacerpens
les plus confidérablës, a moins que par la fuite des
obfervations on ne parvienne à s’affurer que les granits
les autres matériaux.
Pour pouvoir jeter du jour fur les matériaux de
la première claffe, il paroît qu'il convient d’avoir
déterminé d'abord l'étendue Sf les limites des ma- i
fériaux de la fécondé claffe ; mais cependant cette-i
reconnoiffance, cette difeuffion n’elt bien complète
qu'autant qu'on eft parvenu juiqu'aux details
des matériaux de la première claffe. il rélulte
enfin de la comparaifon de ces matériaux, des con-'
traftes qui déterminent & fixent avec précifion les
caractères propres de chaque clafife. Et pour commencer
par l'ancienne T e r re , fui vaut ma méthode
analytique , je dois d'abord rechercher quels font
les matériaux que les eaux ont déplacés ; enfuite
je m'attache aux derniers déplacemens - ,- je vois
jufqu’où ils fe font étendus, qu’elles en font les
caufes, quels ont été les progrès de cés caufes,
8c qu'elle eft en un mot la défiguration que les
matériàux ont éprouvée par leur tranfport. On ne
peut bien éclaircir ce dernier article que par l'examen
réfléchi & rapproché des matériaux de la première
clalfe, car on ne peut reconnoître en effet
l'état de fécondé formation que lorfqu’ofi eft parvenu
jufqu’ à l'état primitif, &c. & ,
Les déplacemens ont eu lieu pour les pierres,
pour les terres, pour les mines : il y a eu des déplacemens
faits pendant le féjour de la mer, &
formés en dépôts dans fon ancien baffin.
Il y .a eu des déplacemens faits depuis la retraite
de la mer, & formés en dépôts hors du baffin, à
la furface des différentes parties des continens.
Les derniers déplacemens font ceux que font les
rivières dans leurs tranfports en couches littorales
, enfuite les torrens par leurs accès , enfuite
les dépôts faits par la mer, & tirés de l’ancienne
Terre ou des bords du moyen monde j les déplacemens
faits par les caufes régulières & les déplacemens
faits par des caufes accidentelles, comme
volcans, tremblemens de terre, éboulemens.
Les déplacemens faits par les eaux font les déplacemens
journaliers & les transports des cailloux
roulés, des terres par les torrens, les pluies $c
les rivières., font des matériaux de l’ancienne Terre
à raies & à lamés foient une produ&ion de la
nature, de fécondé formation v comme les amas
de charbon de terré, qui certainement font de fécondé
formation, porteroient à le croire 5 mais
cette difeuffion m'occupera ailleurs.
Il y a des déplacemens qui font peu étendus : ce
font les dégradations des matériaux qui fe trouvent
difperfés fur les croupes, 8c qui font les débris des
pierres qui ont éprouvé différens éboulemens, lef-
quels continuent chaque jour, & que les eaux entraînent
des montagnes, & dont elles comblent
les vallons : ces dépôts font très-irréguliers &-les
matériaux n’en font point arrondis , parce que le
trajet eft peu confidérable.
Lorfque je jette les yeux fur le globe de la
Terre , j'y vois des deftruCtions & une apparence
de défordre par les déplacemens fans nombre que
. j’ y trouve. Je ne remarque d’ un autre c ô té , fur
cette grande maffe, qu’une.eaufe aCtive
D o n c le tra v a il in fatig ab le
E f t le d iéù q u i là ra je u n it. ‘
Cette caufe eft l’eau qui fuit les pentes immen-
fes, tracées depuis les plus grandes hauteurs jufqu’à
l’endroit le pius bas, qui eft le baffin de >a mer.
Je vois de même cette eau repompée de ce baffin,
rapportée par l’ air fur les plus grandes hauteurs &
à la furface de tous les continens. Au moyen de
ce commerce de cette double circulation continuelle,
je ne crains plus que cette caufe ait manqué
jamais ou manque un jour à fe promener» comme
elle le fait actuellement fur toute la furface du globe.
Je ne vois donc dans cet agent, qu’une relfource in-
* faillible pour opérer tous les changemens qui font
furvenus, & dont nous fommes témoins chaque jour
dans la croûte fuperficielle de la Terre. Ce travail
eft fi multiplié, fi continu, fi varié , qu’il rend
croyables les effets qui étonnent & qui furpren-
nent par leur étendue ou par leur difficulté , fur-
tout lorfqu’on ajoute à cette caufe un élément qui
ne coûte rien à la nature , qui eft la mefure de la
formation
formation des nouveaux , tout comme de la def-
truCtion des anciens. Avec de l’eau & du tems
j’organiferai le globe de la Terre te! qu’ il eff} je
difpoferai les matériaux comme ils fe trouvent}
j’y produirai tous les défordres , tous les dé-
rangemens, tous les déplacemens qu’ on y rencontre}
en un mot, j’expliquerai tous les phénomènes
réguliers, fuivis, qui ne tiennerit point aux
accide'ns paffagers 8c peu durables.
Cette caufe n’ a befoin que de la pente pour fe
tranfporter d’un fieu à un autre, pour entraînei
dans fa marche les matériaux les plus mobilesy &
lorfqu’elle eft en grandes maffes (la fuite des pentes
contribue à l’y recueillir) , elle excave 8c approfondit
à l’aide de h viteffe acquife. Si elle fe
trouve fédentaire, elle pénètre les maffes, elle les
défunït, elle les diffout, & elle profite de fon repos
forcé pour travailler j ou àladeftruCtion fourde,
lente & pénible des maffes fouterraines, ou à la
formation de nouveaux dépôts qui pénètrent les
anciennes maffes, les lient, les unifient plus intimement.
Voiià le jeu de l’eau en conféquence de fon
abondance, de fa généralité, de fa fluidité, 8cc.
e« Le grand ouvrier delà nature, dit M. de Buf-
» fon , eft le Tems } comme il marche toujours
s» d’un pas égal, uniforme 8c rég lé , il ne fait rien
»9 par fauts, mais par degrés, par nuances, par fuc-
99 ceflion : c e i changemens , d’abord impercepti-
99 blés , deviennent peu à peu fenfibles, 8c fe mar-
99 quent enfin par des réfultats auxquels on ne peut
99 fe méprendre (tom. II, in-12, Difcours fur les
99 animaüx fauvages, pag. 80. ) . >9 Ceci eft bien plus
vrai encore dans le régné animal, où l’eau fe combine
avec le tems.
Il y a une confidération qui me frappe, c ’eft la
quantité d’eau immenfe répandue fur le globe, 8c
dont l’a&ivité -eft fi grande. La maffe d’eau eft à
toute autre maffe dans un très-grand rapport, &
elle paffe fucceffivement fur les continens} elle eft
affez abondante pour ne pas manquer à la nature ,
& pour ne pas fuivre les opérations commencées.
D’ailleurs, une opération commencée par l’eau a
dû fe continuer parü’eau de ce fiècie , & l’interruption,
outre qu’elle eft peu confidérable, ne
produit aucun dérangement.
Les dérangemens mêmes qui arrivent au globe
contribuent à fa confervation. Des débris des anciens
tous il fe forme de nouveaux compofés: de
Ta deftruCtion des produits-d’une époque plus ancienne,
il fè forme des produits qui appartiendront
à une autre époque, à un autre ordre de chofes.
En fuppofant que le globe ait é t é , dans fon
premier é ta t, parfaitement rond, il a dû perdre
cette régularité dans fa furface dès qu’on fuppofe
qu’ il reçoit lés eaux des pluies. Ces pluies^ tombent
; eiles fuivent les petites pentes, & , s'accumulant
, elles forment des courans qui, par leur
viteffe & leur maffe, approfondiffent autour des
arêtes où parties qui font reliées les plus- élevées
■ & feulement les plus expofées à l'aCtion de la pluie
Géographie-Phyfique. Tome I I I ,
qui y tombe, & non à l'aCtion d e l’eau qui circule,
parce que iamarchs de celle-ci eft toujours de fuivre
les pentes. Cette différence dans les niveaux & dans
les effets de l'eau a dû être bien plus fenfible en
fuppofant que la dureté 8c la nature des matériaux
n’écoient pas les mêmes. L'eau n’a entraîné que les
parties les plus aiféesà déliter, & enfuite les plus
aifées à délayer : les parties les plus dures 8c les
plus compares, elle n’a pu les détruire que par
des éboulemens très-lents à opérer. Voilà les deux
fources de ces altérations dans la furface du globe.
Au refte, on ne peut guère fuppofer, comme
nous l’avons fait, le globe parfaitement rond, 8c
on prouve que cette fuppofition n’eft pas admiffi-
b le , en rétabliffant tout ce qu’on peut fuppofer-
avoir été enlevé par les-eaux , d’après la première
fuppofition. Rétabliffez tous Iss déblais immenfes,
comblez tous les vallons, vous trouverez toujours
des maffes folides, élevées au deffus des autres,
quoique rétablies dans leur état primitif. Par con-
féquent voilà encore des protubérances fur le
globe, en conféquence defquelles il a dû éprouver
des excavations & des deftruCtions affez grandes
; car dès que vous donnez des pentes très-longues
, il eft néceffaire que des maffes d'eau confij
dérables, qui détruifent & excavent tout ce qui
s'oppofe à leur marche, foient entraînées le long
de ces pentes , & dès-lors voilà une caufe d’ inégalités
confidérablës fi elle agit long-tems & fi elle
agit fouvent.
Les eaux torrentielles produifent encore un effet
affez remarquable : c’eft le tranfport des terres
qui font folubles , & dont les eaux fe chargent,
& qui les colorent. Ces tranfports font affez con-
fidérâbles, & fe font d'affez loin, une eau trouble
reftant trouble affez long-tems, quoiqu’elle parcoure
un affez long trajet pendant ce tems. Les
eaux qui tombent fur les pays calcaires font bien
plus expofées à faire de ces enîévemens dfe-terres
folubles, que les eaux qui parcourent les pays de
l’ancien Monde , où la terre végétale eft un débris
de granit. Dans les pays de brafier, dans les
cantons où les terres font colorées par le fer , les
eaux entraînent beaucoup d'ocre. Dans les pays
fehifteux, les eaux fe terniffènt parce qu’elles dé-*
laient àifément des argiles noirâtres , témoitï
l'Arve dans fes accès torrentiels.
J’ai réfléchi fur les prédictions que les hiftoriens
font au fujet des fables & des matériaux voitures
par les fleuves dans la Mer-Noire &r dans la mer
Cafpienne : ils nous annoncent que ces matériaux
combleront ces mers un jour ; mais ils n’ônt pas
comparé les progrès des caufes qui ont produit les
premiers dépôts ^ avec le ralentiffement dé ces
mêmes caufes, dans les effets dont ils -pouvoient
être témoins ; ils ont fait une maffe de tous cés
effets , fans les divifer à la lumière de cés- vues
éclairées qui font le fruit d’une difeuffion , laquelle
parcourt tous les cas. Dans les fciences ou il faut
beaucoup combiner, rien ne fe devine par un pre-;
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