
côtes de Barbarie, la mer monte feulement de dix
pieds. O r , félon les principes de l'hydrodynamique,
à cette hauteur une maffe d'eau a une vi-
tefle pour faire vingt-quatre pieds dans une fécondé,
& par conféquent quatre lieues & quatre cinquièmes
de lieue par heure: d’où il fuit que le volume
«l’eau porté par le flux de l’Océan dans la Méditerranée
, ne parviendra aux côtes de Syrie .qu’au bout
de cinq jours & demij ainfi ileü évident que, dans
l’efpace de teins qu’il emploiera pour arriver en
Syrie, un fécond flux doit fuccéder au premier,
un troifième au fécond, & c . , & par-là le mouve-:
ment fe perpétuera. En fécond lieu, la face de ce
volume d’eau, en coulant à la fur face de la Méditerranée,
déclinera de la premièreSituation qu’elle
avoit après avoir paffé le détroit.
Courant particulier de Nantucket.
Les vailTeaux font quelquefois retardés & quelquefois
avancés dans leurs voyages par des courans
que fouvent on ne connoît pas. Il exifte un de ces
courans en Amérique,.que les pêcheurs de Rhode-
Ifland & de Nantucket connoiffent parfaitement,
parce qu’ils pourfuivent fur les bords de ce courant
les baleines, qu’ils le ferrent toujours de près fans
jamais y entrer, peut-être que pour le traverfer.
C e courant ed probablement formé, dit M. Fr'an
kün, par la grande quantité d’ eau accumulée fur les
côtes orientales de l’Amérique, entre les tropiques,
par les vents alifés qui y foufflent conftamment. On
fait qu’ une grande pièce d’eau de dix milles de
large, & feulement de trois pieds de profondeur,
a eu les eaux pouffées d’ un côté par un vent très-
fort , & foutenues ainfi de manière qu’elles avoient
fix pieds de profondeur, tandis que l’autre côté
étoit à fec. Ceci peut donner une idée de la quantité
d’eau amoncelée fur les côtes de l'Amérique,
& expliquer comment elle fe précipite en un courant
rapide entre les îles du golfe du Mexique, &
que ce courant fort à travers le golfe de la Floride,
& fuit les côtes jufqu’au banc de Terre-Neuve, où
il fe détourne enfuite & defcend vers les îles W ef-
tern. Ayant paffé ce courant plufieurs fois, M. Franklin
fit attention aux différentes circonftances par
lefquelles on peut reconnoître quand on eft dans
les eaux de ce courant ; il trouva qu’il eft toujours
plus chaud que la mer qui eft de chaque c ô té , &
qu’il n’étincelle pas pendant la nuit. Il lui a paru
qu’un thermomètre feroit un infiniment utile au
navigateur, puifque les courans, venant du nord
dans la mer du fud, feront probablement trouvés
plus froids que l ’eau de ces mers, comme on trouve
les courans qui viennent de la mer du fud dans
celle du nord plus chauds que les eaux de cette
mer. 11 n’eft pas étonnant qu’un fi grand volume
d'eau., d’une fi grande profondeur & de plufieurs
lieues de large, venant d’ entre les tropiques &
entrant dans les mers du nord, retienne la cha-
eur plus long-tems que vingt ou trente jours pour
Ion paffage vers le banc de Terre-Neuve. La quantiré
d’eau eft trop grande & trop profonde pour
être refroidie foudainement en paffant fous un air
plus froid. L’ air qui fe trouve immédiatement au
deffus de ce courant, peut cependant en recevoir
affez de chaleur pour être raréfié, & s ’élever en
devenant plus léger que celui qui eft de chaque
côté de ce courant. Ces airs doivent fe précipiter
pour remplacer l’air échauffé qui s’élève & fe raréfie,
& fe rencontrant l’un & l’autre, ils forment
ces tornados ou calmes & ces trombes qu'on voit
fréquemment furce courantSc dansfonvoifinage.
Le pouvoir du vent, pour élever l’eau au deffus
defon niveau commun dans la mer, nous eft connu
en Amérique, par les grandes marées qui s’élèvent
dans nos ports de mer, quand un vent violent de
nord-eft foufïle contre ce courant.
Courant de Mofche.
On doit comprendre dans.les courans de la mer
le fameux courant de Mofche1, fur les côtes de Norv
è g e , dont un lavant Suédois nous a donné la
defcription. Ce courant > qui a pris fon nom du rocher
de Mofch en-Sicle, mué entre les deux îles
de Tofode & de Woeren, s’étend à quatre milles
vers le fud Sr vers le nord. 11 eft extrêmement rapide,
furtout entre le rocher de Mofche & la
pointe .de Lofoede j mais plus il rapproche dés
deux îles de Woeren & de Roe ft, moins il a de
rapidité. Il achève fon cours du nord au fud en fix
heures, puis du fud au nord en autant de tems.
Ce courant eft fi rapide, qu’il fait un: grand nombre
de petits tournans dans fa route. Son cours ne
fuit point celui des eaux de la mer dans leur flux &
dans leur reflux : on peut mêrr>e dire qu’ il y eft
plutôt contraire ; car lorfque les eaux de l’Océan
montent, elles.vont du fiid au nord, & alors le
courant va du nord au fud. Lorfque la mèr fe retire,
elle va du nord au fud, & pour lors le courant va
du fud au nord.
Ce qu’il y a de remarquable, c’ eft que, tant en
allant qu’en revenant, il ne décrit pas une ligne
droite, ainfi que les autres courans qu’on trouve
dans quelques détroits où les eaux de la mer montent
& defeendent, mais il fuit une ligne circulaire.
Quand les eaux de la mer ont monté à moitié,
celles du courant vont au fud-fud-eft ; enfuite, plus
la mer s’élève, plus il fe tourne vers le fud : de là
il fe dirige vers le fud-oueft, & du fud-oueft vers
l’oueft.
Lorfque les eaux de la mer ont entièrement
monté, le courant v* vers le nord-oueft, & enfuite
vers le nord. Vers le milieu du reflux il recommence
fon cours après l’avoir fufpendu quelques
momens. Le principal phénomène qu’on y obferve,
eft fon retour par-l’oueft, du fud-fud-eft vers le
nord, ainfi que du nord vers le fud-eft. S’il ne re-
venoit pas par le même chemin, il feroit fort d ifficile
& prefqu impoftible de paffer de la pointe
de Lofoede aux deux grandes îles de Woeren
& de Roeft , & deux paroiffes feroient fans habi-
tansj mais au moyen de la route qu'il fuit, ceux
qui veulent paffer de la pointe de Lofoede à ces
deux îles, attendent que la mer ait monté a moitié,
parce qu'alors le courant fe dirige vers l’ oueft}
& lorfqu'ils veulent revenir de ces Îles à la pointe
de Lofoede, ils attendent le mi-reftux j ce qui leur
facilite le paffage. On doit remarquer ici que l ’eau
monte d’un côté & defcend de l'autre.
Pouf fe convaincre de cette vérité, il fuffit de
confidérer qu’il y a une petite langue de terre qui
s'étend à feize milles des côtes de la Norvège
dans la mer, depuis la pointe de Lofoede, qui eft
le plus à l ’oueft, jufqu’ à celle de Loddinge, qui
eft la plus orientale. Cette petite langue de terre
eft environnée par la mer, fk lb it pendant le flux,
foit pendant le reflux, les-eaux y font toujours
arrêtées , parce qu'elles ne peuvent avoir à iffue
que par fix petits détroits ou paffages qui divifent
Cotte langue de terre en autant de parties. Quelques
uns de ces détroits ne font larges que d un
demi-quart de mille, & quelquefois ils^ont moitié
moins j ils ne peuvent donc contenir qu une petite
quantité d'eau. Ainfi, lorfque^la mer monte, les
eaux qui vont vers le nord s arrêtent en grande
partie au fud dë cette langue de terre ; elles font
donc bien plus élevées vers le fud que vers le nord.
Lorfque la mer fe retire & va vers le fud, il arrive
pareillement que les eaux s arrêtent en grande partie
au nord de cette langue de terre, & font par
conféquent bien plus hautes vers le nord que vers
le fud. ‘ ” a > •
Les eaux arrêtées de cette maniéré, tantôt au
nord & tantôt au fud, ne peuvent trouver d mue
qu’entre la pointe de Lofoede & de l ’ïle de Woe-
ren, & qu'entre cette île & celle de Rceft.
La pente qu'elles ont lorfqu’elles defeendent,
caufe la rapidité du courant, & par la même raifon
cette rapidité eft plus grande vers la pointe de
Lofoede que partout ailleurs. Comme cette pointe
eft plus près de l’endroit où les eaux s’arrêtent, la
pente y eft aufli plus forte} & plus les eaux du courant
s’étendent vers les îles de Woeren & de
Roeft plus il perd de fa viteffe.
Après cela, il eft aifé de concevoir pourquoi ce
courant eft diamétralement oppofé à ceiui des eaux
de la mer. Rien ne s’oppofe à c e l le s - c i, foit
qu’ elles montent, foit qu’elles defeendent, au lieu
que celles qui font arrêtées au deffus de la pointe de
Lofoede ne peuvent fe mouvoir, ni en ligne droite,
ni au deffus de cette même pointe, tant que la mer
n’eft pas defeendue plus bas, & n a pas^, en fe retiran
t, emmené les eaux qui doivent être remplacées
par celles qui font arretees au deffus de Lo-
foede.
Au commencement du flux & du reflux, les eaux
de la mer ne peuvent pas détourner celles du courant;
mais lorfqu’elles ont defeendu ou monte a
moitié, elles ont affea de force pour changer fa
direCtidn. Comme i! lie peut alors fe tourner vers
l'eft , parce que l’eau eft toujours plus fiable près
de I. pointe de Lo foede, ainfi qu'on l'a déjà d i t ,
i) faut néceftairement qu'il aille vers l’oueft , où
l'eau efl plus bafife. Ainfi l’on vo it, par cette explication,
que tous les phénomènes que préfente le
courant font conformes à la théorie des eaux courantes.
Courant de la Guiane.
On ne peut aller des Antilles à 1a Guiane dans
aucune faifon , tant les courans font rapides &
conftamment dirigés de la Guiane à ces îles. Il
faut deux mois pour le retour, tandis qu'il ne
faut que cinq ou fix jours pour aller de la Guiane
aux Antilles. Effectivement, pour ce retour on
eft obligé de prendre le large à une très-grande
diftance des cô te s , & vers le milieu de l'Océan
atlantique, d’ où i'on dirige fa route droit a la
terre-ferme de l'Amérique méridionale. Ces courans
rapides & conftans de la Guiane aux Antil-
tilles font fi violens, qu’ on ne peut les furmonter
à l’aide du vent : l’eau femble y couler avec autant
de rapidité que fi elle defeendoit par un canal d’un
S ie u plus élevé pour arriver à un endroit plus bas.
Au refte, une partie de la force des courans de
Cayenne aux Antilles eft due aux eaux qui débouchent
de la terre, parmi lefquelles je compte :
i° . Le fleuve des Amazones, dont l'impétuofîté
eft très-grande, l ’embouchure large de foixame-
dix lieues, & la direction plus au nord qu’au
fud.
1°. La rivière d'Ouaffa , rapide & dirigée de
même, & dont l’embouchure peut avoir une lieue
de largeur.
;° . L ’O yapok, encore plus rapide que l’Ouaffa ,
& venant de plus loin, avec une embouchure à
peu près égale.
4°. L'Aprouak, à peu près de même largeur à
fon embouchure, & de même étendue de cours
que i’Ouaffa.
5?. La rivière Kaw, qui eft plus petite, tant de
cours que d ’embouchure, mais très-rapide, quoiqu’elle
ne vienne que ’ d’une favanne noyée à
vingt-cinq ou trente lieues de la mer. 6°. L’Oyak, qui eft une rivière très-confidéra-
ble; elle fe fépare en deux branches à fon embouchure,
pour former l’île de Cayenne. Cette
rivière en reçoit une autre à vingt ou vingt-cinq
lieues de diftance, qu’on appelle YOraput, laquelle
eft très-impétueufe ; elle prend fa fource dans une
montagne de rochers, d’où elle defcend par des
torrens .très-rapides,
7°. L'un des bras de l’Oyak fe réunit près de
fon embouchure avec la rivière de Cayenne, &
ces deux irivières réunies ont plus d’une lieue de
largeur i l’autre bras de l’Oyak n’a guère qu’une
demi-lieue.
8°. La rivière de Kourou, qui eft très-rapide, &
qui a plus d’une demi-lieue de largeur vers fon