
efpèce d’arbriffeaux. Plus près, on découvre une
petite bordure de terre plate , au pied des collines
revêtues d’arbres & de buiffons verts & touffus,
parmi lefquels on remarque* de tems en tems, un
cocotier & un bananier.
Defcendu à terre * on s’apperçoit bientôt^que
le fol de la Nouvelle - Calédonie eft d ’une grande
aridité, & qu’ il diffère de tous les autres de h
raer du Sud. Quoique les naturels le travaillent
beaucoup, ils en tirent peu de. fubfiftance i ce 'qui
eft probablement la caufe de leur petit nombre i
car fur une étendue de côte de près de deux cents
lieues, on juge qu’il n’y a pas plus de cinquante
mille âmes.
En longeant la grève de la Balade., qui eft fablo-
neufe & bornée par un fourré d’ arbri (féaux fa rivages,
on atteint bientôt des plantations qui fe
prolongent derrière la grève ■ & le bois* & l’on
parcourt enfuite un canal qui arrofe les planta- :
tions, mais dont l ’eau eft très-faumâtre : de là on
gravit une colline où le pays paroît changé* La
plaine eft revêtue d ’une couche légère de terre
végétale. L ’éminence, au contraire, eft un rocher
compofé de gros morceaux de quartz & de mica.
Il y croît des herbes d’ environ deux ou trois pieds
de haut ; mais elles font très-chii-femëes dahs la
plupart des endroits ,.-&/■ à quinze à -vingt verges
les unes des autres. On .voit de grands arbres noirs
à' la racine, qui ont une éfcojrce parfaitement blanche,
lâche , q u i, en plidieurs endroits, crè-ve &
jaillit de la tige, &- cache au dedans des èfcarbots,
des fourmis , des araignées „ des lézards & des
fcorpions. Les -feuilles de ces arbres font longues
& étroites comme-celles de nos failles. Ils font de
l’efpèce que Linné appelle mélttrleuca, leucadendra ;
& Rumphius,albor alba. C e dernier écrivain dit
que les foabitans des Moluquès tirent Vhuile de
cnyputi des feuilles iqui font- extrêmement odo-
rancés. Il n’.y a pas'lemoindre arbntfeau fur-.cette
colline ftérile & fauyage. La vue fe porte fort
loin, fans être interceptée -par les b o is , & l’on
diftingue dé là -une ligne-d’arbres •& d’arbuftc-s
touffus , qui fe prolongent du bord de la mer vers
les montagnes.
La côté à 1 eft de la Balade pré-fente tin .co,up-
d’oeil plus fertile j elle eft prefque partout couverte
de îmangHers, & on entre, à travers ces
arbres, dans une crique étroite ou une rivière
qui n’a pas plus de douze verges de large ,.■ & dont
les bords font élevés d’environ deux pieds au defftis
de l’eau. Le fol des environs eft en bon état de
culture, planté de cannes à fücre, de bananiers.,
d’ ignames ,;d’eddoës & d ’autres racines, & arrofé
par de'petits canaux conduits avec art depuis le
principal ruiffeau qui a fa fource dans la montagne.
Du milieu de ces belles plantations , parfaitement
régulières & bién entendues, s’élèvent des
cocotiers dont les rameaux-épais ne paroiffent pas
fort chargés de fruits j 8ç en général, le terrain *
naturellement peu productif, ne paroît pas pouvoir
fournir à la firbfiftance annuelle des habitans. Le
ruifleau qu’on trouve dans ce canton eft bordé de
mangliers, au-delà defquels un-petit nombre de
plantes & d’arbres occupent un efpace de quinze
ou vingt pieds, revêtu d’une couche de terreau
v égétal, chargé d'humidité & d’ un lit verdâtre
de gramen, où l’oeil aime à fe repofer après avoir
contemplé un endroit brûlé .& ftérile. Les arbrif-
feaux & les arbres qui bordent la côte offrent des
richeffes en hiftoire naturelle. On y trouve des
plantes inconnues, 8c une grande variété d’oifeaux
de différentes cl ailés , qui pour la plupart font
entièrement nouveaux. On rencontre allez communément
deux ou trois maifons fituées près les
unes des autres fous un groupe de figuiers très-
hauts...
- Parmi les montagnes avancées, & la chaîne fur
.laquelle on les appe.rçoit, eft une grande vallée
dans laquelle ferpente une rivière. Ses borcft font
ornés de d i vertes plantations, & de quelques vil-
- lages. La plaine ou .le terrain uni qui s’étend le.
; Long du rivage de la mer , fe préfente, à cette
hauteur, fous l’ afpeét le plus avantageux. Les
finnofités des eaux qui l’arrofént, des plantations,
de petits villages , la variété des groupes dans les
bois & k s écueils.au pied de la. côte div.evfifient
; tellement la icène, qu'il eft impôflible d’imaginer
un enfemble plus pittorefque. Sans le fol fertile
des plaines & des côtes des collines, la contrée
entière n’offriroit qu’un point de vue trifte & fié--
rile. Les montagnes & d’autres endroits élevés.ne
fon t, pour la plupart,. fufcép.tibles d’aucune.culture
ce ne font proprement que des maffls de
rochers, dont plufieurs renferment des minéraux :
le peu de terre qui les couvre, eft defTé.ché ou
brûlé par les rayons du foleil, Sc cependant il y
cro-ît une herbe'igro'ffièirê A: 'd’autres plantes , •.&
çà tk là s’élèvent des arbres -& des ar.buües. Le
pays en général relïemble beaucoup .à quelques
cantons de -ia Nouvelle-Hollande , fitués fous ;le
même parallèle : plufieurs des productions naturelles
paroiffent y être les mêmes, & .les forêts y
manquent encore de fous-bois, comme dans cette
île. Les récifs fur la rive & d’autres objets de ref-
femblance frappent tous ceux qui ont vu les deux
contrées. On obferve que toute la côte nord-eft
tft remplie d ’écueils & de brifans qui s’éteà-
dent au-delà de .l'île de Balabéa à perte de vue.
En defeendant les montagnes par un chemin différent
de celui par lequel on y.monte,.on fe trouve
dans la plaine à travers des plantations, dont la
diftribution très-judicieufe annonce beaucoup de
foin & de travail. On-voit des champs en jachère,
quelques-uns récemment défrichés, & d’ autres qui
depuis long-tems font en état de c u l t u r e q u ’on
recommencé à fouiller. On obferve que la pre-
| mière chofe que font les naturels pour défricher
| un terrain * c’eft de mettre le feu aux herbes qui
j couvrent la furface. Ils ne çonnoiffent d’autres
moyens pour rendre au fol épuifé fa première
fertilité, que de le laiffer quelques années en
jachère, & cet triage eft général chez tous les
peuples de cette mer ; ils n’ont aucune idée des
engrais j du moins n’en a-t-on jamais vu d’employés*
Le rocher eft partout de la même nature: : c’eft
tin mélange d’une efpèce de mica & de quartz
plus ou moins teint d’unè couleur ocreufe & rougeâtre,
qui provient des particules de fer. Lès
fommets des collines-, prefqu’entiérement ftériles,
offrent toujours la même efpèce de pierre ; ce qui
femble indiquer que la Nouvelle-Caledonie contient
des minéraux précieux. Leur hauteur ne paroît
pas fort confidérabie, & elle doit être inférieure
à celle de la montagne de la Tab le , au Cap dé
Banne-Efpérance, qui, fuivant l’abbé'de Lacaille,
eft de trois mille trois cent cinquante pieds rhin-
landois.
Dans la partie oueft dé cette contrée, on trouve
encore des objets dignes de remarque, & entre
autres, fur la grève, une grande maffe irrégulière
de rocher, de dix pieds cube, d’tme pierre de
corne d’ un grain ferme, étincelant partout- de
grenats un peu plus gros que des têtes d’épingles.
Cette découverte perfuàde davantage qu'il y a des
minéraux précieux fur cette terre, q u i, dans la
partie déjà reconnue, diffère de toutes celles qui
ont été examinées, en ce qu’elle n’a point de productions
volcaniques. Dans ce canton| dès bois
épais bordent la côte de toutes parts: on y rencontre
de jeunes arbres à pain, trop foi blés encore
pour porter du fruit ; ils femblenc être venus fans
culture , & ce font peut-être les arbres indigènes
fauvages du pays* On y -recueille auffi une efpèce
de fleur de paillon qu’on croyoit n'appartenir qu’au
climat d’Amérique, & l’on voit un chemin de
fable qui paroît avoir été le lit d’ un torrent ou
d’un ruiffeau dont les deux côtés font garnis de
beaucoup de liferons & d’ arbulles odorans.
. On ne donnera pas plus d’étendue à la deferip-
tion de cette partie du Globe : les détails où l’on
èft-entré fuffifent pour faire-connoître une terre
ou la nature fe montie fous des formes fi variées
& fi différentes.
D s volatiles d’une greffe efpèce & d’un plumage
brillant font les feuls animaux domeftiques
qui ai-nt été remarqués dans la Nouvelle-Calédonie.
Il paroît que les individus qui l’habitent, ont
peu d’ali mens à certaines fai forts, & la difette ne
fe fait jamais plus fi?ntir qu’au printéms , lov.ïque
les productions de l’hiver font épuifées, & que les
productions nouvelles ne font pas encore prêtes.
Ils y fuppiéent fans doute par la pêche , & les récifs
étendus qui entourent leur île leur en four-
& qu’on y trouveroit des' plantes & des racines
falutaires. Tou-t annonce que ce peuple doux &
humain connoît ces principes d’hofpitalité qui
rendent les infulaires de la mer du Sud fi inté-
reffans pour les navigateurs.
Il paroît que l’île ne poffède point de quadrupèdes
niffent en effet l’oceafion ; mais Les vaiffeaux qui ,
abordent dans ce parage au mois de feptembre, j
qui eft le tenus où leurs provifions font à Tinftant {
de finir, ne peuvent efpéret de s?y procurer des !
rafraichiflemens. A toute'autre époque , il y â'Iieu
de croire que la relâche feroit plus favorable 3
, au moins le capitaine Cook n’ en défigne^
t-il aucun j mais guidé par le defir bienfaifant
d’augmenter chez ces Indiens les moyens de
fubfiftance, il leur a laiffé un verrat & une truie,
dont l’efpèce pourra facilement fe multiplier.
La mer leur fournit un grand nombre de cp*
qui Mages & beaucoup de poiffons. Parmi ces derniers
il en eft un q u i, par fes effets mortels , demande
une defeription particulière , afin de prémunir
les voyageurs contre le danger d’en faire
ufage* Ce poiffon, d'une efpèce absolument nouvelle
, a quelque reffembianc© avec ceux que l’on
nomme foleils > il. eft du genre que M. Linné
nomme tétmdon. S a tête rhideufe eft grande ôc
large. Quelques heures après qu’on en a goûté
feulement, on éprouve un en gourd iffement général
, une 'extrême- foibleffe .& une défaillance
dans tous les membres : on perd prefque le fen-
ciment du toucher, . & on ne diftingue plus les
corps pefans des coi>ps légers quand on veut les
mouvoir. Un pot plein d’eair & une plume font
dans les mains d’un poids égal. L’émétique, les
fudorifiques qui procurent des tratifpirations abondantes,
parviennent à diftîper le venin qui circule
dans les veines. Cependant, malgré ces précautions,
on fe -reffent plufieurs jours, des fuites de
ce funelle é ta t, par des vertiges, des foibleffes ,
& l’impoftîbilité de fe renir debout ni de marcher
plus de cinq minutes. Les animaux qui mangent
de ce poiffon venimeux font trouvés morts le
lendemain.
Les Infulaires de la Nouvelle-Calédonie font forts,
aéfcifs & bien faits. Leur teint eft-d’un châtain-
foncé ou couleur de raahogany brun, à peu près
comme celui des habitans de Tanna 5 mais ils ont
des traits plus réguliers, plus doux , plus ouverts;
un air plus agréable & plus intéreffant. Ils font
plus robuftes , mieux proportionnés & de plus
haute taille ; quelques - uns ont fix pieds quatre
pouces. Il en eft qui ont .les lèvres épaiffes, le nez
plat, les traits & la mine des Nègres. Deux chofes
contribuent à former ce rappr-o hement dans l'esprit
de ceux qui les obtervenc : leur tête moutonnée
, & i’ufage de fe frotter le vifage avec une
efpèce de fard d’ un r>oir-luifar.t. En général, la
couleur de leurs cheveux & de leur barbe eft
noire. Leurs cheveux, naturellement bouclés, paroiffent
, à la première v u e , ne pas différer de ceux
des Nègres, & cependant ils font d’ une toute autre
nature, & plus rudes & plus forts que les nôtres.
Leur barb^eft femblable à leurs cheveux, &; la
plupart la portent courte.
Les femmes ont le teint comme celui des hommes.
Leur ftature eft moyenne j quelques-unes font
K k z