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Quant à ce qui concerne les prifmei articulés,
leurs bafes m'ont paru avoir des conformations
on ne peut pas plus variées. La plupart des grandes
maffes de prifmes que j'ai eu lieu d'obferver, celles
du Puy-de-la-Malroche proche Murat-le-Quaire,
celles de la Tour-d’Auvergne, de Saint-Arcon &
du Puy-de-Mont-Redon proche la ville de Beffe,
m ont montré , prefque toutes également, à leur
fuperficie, des amas de boules irrégulières à moitié
aplaties, dont une feule recouvroit deux ou trois
colonnes polygones ; en forte que les dernières
articulations, les plus voilînes de cette furface,
fembloient avoir été modifiées par ces fortes de
boules. " \
A la Tour-d’Auvergne, le long des faces latérales
de la terrafle du Champ-de-Foire, ainfi que
dans certaines parties de la fuperficie de cette ter- ,
rafle, on voit une croûte de matière femblable à :
celle des prifmes, toute compofée de boules ou
de tronçons prismatiques à moitié ébauchés, laquelle
recouvre les prifmes articulés réguliers en-
caifles dans l'intérieur ; & même, dans le voifinage
de cette croûte, les formes des articulations font
plus ou moins altérées. 0
Quoiqu’on puiffe dire en général que les bafes
des prifmes articulés font, ou concaves, ou convexe
s, fans qu’elles affeétent plutôt une de ces
formes que l'autre, cependant on trouve affez fou-
v ent, dans des maflifs de prifmes articulés, leurs
bafes fupérieures terminées par des boules aflez
exactement rondes vers le haut, & qui n*ont guère
perdu de leurs formes primitives vers le bas. Tels
font la plupart des prifmes articulés de Murat-le-
Quaire, & quelques affemblages de prifmes aux
environs du moulin de Sarfenat, & c . Quelquefois
des amas de boules ont vifiblement contribué,
comme des moules, aux conformations extérieures
des bafes que montrent pJufieurs prifmes articulés;
mais d'autres fois un très-grand nombre de bafes
font concaves vers le haut, fans qu’ il paroiffe que
le voifinage des boules ait contribué à cette conformation.
Cependant il eft à croire que plufieurs
circonftances les ont fait difparoître aux environs
du Boufquet. On peut vifiter des parties de ter-
rafle très-étendues, dont la fuperficie eft compofée
de bafes de prifmes qui n'offrent ni renflemens
ni concavités, quoiqu'ils foient articulés dans l’intérieur.
11 faut remarquer qu’ il y a des fyftèmes de prifmes
articulés dont les articulations n’ont prefque
point de concavités ni de convexités , mais fe joignent
par des furfaces planes. Les bafes des prifmes
articulés, compofés de ces tronçons, (ont très-unies.
Tels font les prifmes du Puy-de-Crau près d 'Olby,
lin fyftème entier à Chiliac fur le bord de l’Ailier,
ceux dont parle Pococke, & qui fe trouvent dans
l ’intérieur des terres aux environs de la Chauffée
des Géans ; ceux que le chevalier Darcy a donnés
au Cabinet des Plaines, &: qui viennent des mêmes
contrées.
B A S
Telles font les principales oblervatîons que j'ai
recueillies fur la conformation des bafes des prifmes
bafaltiques. J’ai cru devoir entrer dans ces
détails pour donner un tableau des variétés que
les formes naturelles m’ont préfentées dans toutes
les circonftances que j’ai été à portée d'obferver.
Rien n’eft plus dangereux que les fyftèmes en
hiftoire naturelle, furtout lorsqu’on peut avoir
recours à l'obfervation bien fuivie & bien rai-
fonnée. J’avois oppofé ces reffources à Guettard,
qui, étonné des réfultats de mes obfervations fur
la nature & l'origine du bafalte prifmatique, faites
en Auvergne, lefquelles prouvoient que c’étoit
un produit du feu , avoit imaginé que fes formes
confiantes & régulières étoient l’effet d'une crif-
tallifation opérée par la voie humide. Il appuyoit
fon fyftème fur deux raifons: par la première, il
foutenoit que les criftallifations ne pouvant s'exécuter
que dans un milieu tranquille, le bafalte ne
prenoit pas fes formes au milieu des courans ; dans
la fécondé, il fuppofoitque toutes les laves, tous
les produits du feu, étoient néceffairement poreux
ou chargés de fcories : c’étoit une erreur générale
admife du tems de Guettard.
Le travail fur le bafalte me fit bientôt recon-
noître que les naturaliftes, q u i, comme Guet-
tard, n’avoient pas étudié en grand les volcans,
avoient adopté une erreur en fuppofant un mélange
néceffaire de fcories dans tous les produits
du feu : ainfi c’étoit d’après ces fauffes idées qu’ils
ne pouvoient ranger le bafalte parmi les laves les
plus remarquables à grain ferré & compacte, parce
qu’ils comprenoient difficilement ce qui contri-
buoit cependant à fes formes régulières, les fubf-
tances homogènes dont cette lave étoit uniformément
compofée. Ils n’avoient pas v u , comme
j avois été à portée de l'obferver, que les laves
qui avoient été verfées au dehors du fo y e r , des
volcans fous forme de courans, fe dépuroient,
par une marche tranquille, en occupant la partie
inférieure de ces courans, & que c’étoit par une
fuite de cette dépuration que les bafaltes prifma-
tiqi.es fe trouvoient vers l'extrémité des courans.
On doit penfer, d’après ces confidérations, qu’ il
n'y avoit pas de milieu plus tranquille qu'un courant
de laves, qui, après avoir terminé fa marche,
donnoit le tems aux différentes fubftances homogènes
de fe rapprocher, par une condenfation
lente, à mefure qu’elles fe refroidiffoient.
En fécond lieu, c’étoit une erreur générale qui
avoit fait croire à certains naturaliftes, que tous
les produits du feu étoient poreux , pendant que
l’étude des courans m’avoit convaincu que le
bafalte, qui étoit un effet de la dépuration de la
lave , n’avoit qu’un grain uniforme & ferré, fans
veftiges de fcories. Enfin, je finiffois à contefter
à Guettard que la forme prifmatique du bafalte fût
le réfultat d'une crifiallifation même par la voie
fèche, mais l'effet de la retraite de la lave produite
en même rai fon que le refroidiffement lent.
J’ai
B A S
J’ai infifté fur tous les détails de cette difcuf-
fion , parce que Guettard, dans le terris que je
publiai mon Mémoire fur le bafalte, fe trouyoit
à la tête de ceux qui, fur fon origine , avoient
adopté le parti de la voie humide, & qu’il a
encore des efpèces de feélatêurs, quoiqu’il ait
changé d'opinion, parce que ces fedtateurs ont
embrouillé la queftion, comme je le ferai voir par
la fuite.
Il y a dans les notes de Diétrich, fur la dix-
feptième lettre de Ferber, une anecdote relative
à la nature 3c à l’origine du bafalte prifmatique,
dont les détails fuffifent pour impofer filence aux
partifans de la voie humiae. Ferber , étant en Saxe
& en Bohême avec M. de Born, rencontra le
bafalte prifmatique. Sa première idée fut de fe per-
fuader que cette belle forme que le bafalte avoit
prife daps ces provinces, étoit due à l'eau. Il ne
nous d;t pas d'après quels motifs il fut déterminé
à adopter cette opinion, & quelles circonftances
i'avoient éclairé fur l'agent dont il foupçonnoit
l’adtion. De Born, qui étoit de la partie & qui
n’avoit pas adopté auffi légèrement l'hypothèfe de
Ferber, crut, pour fixer fes idées, devoir vifiter
de nouveau la Saxe & la Bohême, &: dans ces
vues il dirigea principalement fes recherches fur
les traces des volcans qui font fort altérées &
défigurées dans ces contrées. Ce font auffi ces
circonftances qui avoient infpiré des doutes à ce
minéralogifte éclairé, doutes dont il defiroit d'être
débarraffé. Enfin, il fut retrouver la liaifon des
volcans avec les maffes de bafaltes prifmatiques de
Stolpen, & c . , & crut devoir annoncer fa découverte
comme un fait important qui intéreffoit I'hif-
toire naturelle. Ç'eft ce qu’il fit par une lettre où
il fe déclara pour l’origine & la nature du bafalte
par la voie fèche , & expofa, dans cette lettre
adreffée à M. de Kinski, toutes les raifons qu'il ;
étoit en état de faire valoir pour détromper fes j
amis. La conduite de M. de Born, fes doutes , la
manière dont il fut les diffiper, doivent fervir de
modèle,à tous les naturaliftes qui fentent le prix |
de l’obfervatiçn févère & rigoureufe, & le danger
des hypothèfes vagues que redoutent les bons ef-
prits. Cette conduite m’a toujours frappé d’autant
plus agréablement, qu'elle fe trouve oppofée
à celle de Verner, q u i, dans l'incertitude où le
laiffoient des faits vagues, eut le courage d'envoyer
en France un de fes élèves, partifan de la
voie humide, & au lieu d’ en tirer la lumière que
l’obfervation du grand fait d’Auvergne pouvoit lui
procurer, contribua au défordre & à la confufion
qui brouilla cette queftion fimple, décidée pour
les bons efprirs qui favent voir. Je ne veux, pour
faire connoitre cette confufion & ce défordre,
que renvoyer aux différens articles fur le bafalte,
inférés dans les ouvrages élémentaires & dictionnaires
d'hiftoire naturelle publiés de notre tems.
Que deviendraient l’hiftoire naturelle & la minéralogie
fi chaque queftion étoit traitée comme
Géograpkie-P kyfique. Tome III.
BAS 65
celle qui concerne l’origine & la nature du bafalte
prifmatique eft traitée dans ces articles? On fait d'ailleurs
comment les obfervateurs y font accueillis
par des auteurs hypothétiques qui n'ont fait aucune
recherche dans le genre qu'ils fe hafardent à
difcuter fans moyens. (Froye^ les articles Prismes ,
Boules, Corps a facettes.)
BASCHKIRIE. On trouve dans la contrée de
la Bafckkirie la montagne de Pfetak, une des plus
hautes branches de TUral. Cette branche s’étend
à une diftance d'un peu plus de vingt werfts, juf-
qu'à la rivière de Kutkur, & fe termine à une
autre montagne efcarpée, appelée Irjak- Tafch.
Celle-ci eft couverte, en beaucoup d’endroits,
de neiges abondantes : on y éprouve, au milieu
des jours les plus chauds de l’é té , un froid très-
rigoureux. Quelque pénible que foit l’accès du
fommét de ces montagnes, & quelque piquant
que foit l'air qu'on y refpire, on eft amplement
dédommagé de La fatigue & du froid qu'on y
éprouve, par la beauté des points de vue dont
on y jouit.. On effuie dans cette contrée des orages
effrayans, mêlés de tonnerres & de pluies qui tombent
par torrei.s.
L'obfervation qui a déjà été faite fur les autres
branches de l 'lira i, fe vérifie auffi dans cette contrée;
favoir : que les couches de ces branches ont
une pente rapide vers l'eft, tandis qu'au milieu de
J'lirai elles offrent une difpofîtion conftamment
horizontale , & qu'au contraire, fur la montagne
de Pfetak , ces couches ont une direction toute
oppofée, & penchent vers l'oueft.
On a obfeive les mêmes arrangemens 8c difpo-
fitiôns dans les couchts du Jura, fur les afpedts
de l'eft & de l'oueft, & il eft vraifemblable que
ceci tient à des déplacemens qu’ont favorifés les
différentes croupes orientales & occidentales de
cette chaîne de Franche-Comté. ( Voye^ Ju r a ,
ou toutes ces circonftances font décrites.)
Sur les bords de la Jurjufe on trouve une montagne
d‘ardoife variolique, fîtuée à un peu plus de
trente werfts de Jurjufenskoi-Savod | près du village
de la Bafckkirie, appelé Karagusha, fur cette
même rivière de Jurjufe. Un petit ruiffeau d’eau
de fource, Kalagafch , parcage la montagne en
deux parties égales, dont chacune eft compofée
de roche particulière. La moitié fupérieure confifte
en une ardoife d'un gris-clair tirant fur le jaune,
dont les lits groffiers, difpofés par couches, font
inclinés de l'eft à l’oueft, & on les prendrait, à la
première apparence, pour une ardoife ftérile. Ils
paroiffent compofés de filamens délicats & droits,
adhérens fortement les uns aux autres ; ce qui leur
donne une apparence d ’amiante, qui cependant ne
fe manifefte en aucune manière dans leur fradture ;
en quoi ils s’accordent avec les ardoifes communes
: la feule propriété qui paroït ré iilter des
difpofitions de ces parties, eft celle de fe fendre
facilement en tables c^ans leux longueur. Cette