
458 C O N C O N
que 1 afpeâ 3c la déclinaifon des côtes efcar
pees avoient également variés que les eaux & Je
vallées, dont la pente étoit au midi, comme U
, VâneMe, Je Saulon, l 'Apence, & plus bas
1a Saône & le Rhône, avoient leurs tôtesefcarpées
tournées vers les fommets de Langres, & regar
doient le nord s que ceux dont la pente eft vers 1<
nord , comme le Rognon, la Suize , i’Aujon & la
Marne avec la.Seine, avoient le levant dans la partie
fupérieure de leurs cours. La Meufe & le Rhin ont
auffi leurs côtes efcarpées, tournées vers les fom
mets de Langres ou ceux qui leur font contigus,
& regardant Je midi. Il en eft de même de
tous les différens ruifleaux qui fe jettent dans ces
vallees, & qui coulent vers le levant ou vers le
couchant. Ils ont tous leurs côtes efcarpées, fil
l e s à 1 oppofire du cours de chaque torrent, &
lotis: l'afped du fommet particulier d'où ils def-
cendent. Tous les àfpeéls varient comme les directions
j mais dans chaque direction, ils font toujours
les mêmes, & cette variété confiante & régu
îere d expoficion fe fait remarquer dans tous
les fommets généraux & particuliers des diverfes
contrées de la France, & de la naiflance des vallees
& des moindres vallons.
Je conclurai de tous les détails précédens, que
les pluies plus ou moins abondantes ont été le
principe-de la difpofition des-lieux d'où font for-
ties les fources, & l'unique cnufe qui a imprimé
une figure & un rapport confiant & régulier à
toutes les côtes qui bordent nos fleuves & nos
tivre-res quelquefois à plus dè cent lieues, mais
que les principes & les agens de ces effets ont été
«es eaux courantes alimentées par les pluies.
Les fources qui produifoient de pareils courans
dévoient ê t r e , air.fi que je l'ai d it, nombreufes
ce confidérables, 8c rien n'en peut donner une
plus grande idée que l'infpeétion même des lieux
d ou elles fortoient, & d'où elles fortent encore
aujourd hui. Cette aéxion devoit être alors bien
piuffante, puifque ces eaux ont pu former une
infinité de cavernes profondes, d'entonnoirs &
dtamphithéâtres fi grands & des valléès-fi confidé-
rables dès leur naiflance , puisqu'elles ont pu culbuter
des rochers énormes, des quartiers de mon-
tagnès. Rien ne prouve tant la grande multiplicité
de ces fources que la vue de tous les petits vallons
qui fe jettent dans les grandes vallées , dont
la plupart, quoiqu entièrement à fec aüjourd'hu:'
y fans eau , portent encore néanmoins des veftigeî
de celles qui les ont creufés, & des torrens qui
les ont frappes. Il y a des vallons de cette efpèce
dans les pays les plus fecs & Ies plus arides. Comme
ce ne peut être ni nos fources , ni nos rivières,
ni nos fleuves, dans leur état préfent, qui aient
caufé ces dégradations, il faut donc qu’il y ait eu
des caufes puiffantes qui n'exiftent plus.
Terre j pour etre habitable & propre au fé-
jour de l'homme, n’a jamais pu être fans Commets
« ians Sondes inégalités à fa-furface, autrement
elle n'auroit offert que des marécages immenfes • 3c fous telle forme qu'on la conçoive elle a toujours
été hors des eaux, partagée en lieux hauts
& en lieux bas : c’eft ce que nous allons montrer,
en confidérant fous un plus grand point de vue les
inégalités de nos terrains au fortir du lit de nos
vallées, où nous fommes refiés jufqu'ici, & en
examinant la difpofition de ces différens fommets
qui divifent nos côntinens.
Le récit de Moïfe peut fervir beaucoup à confirmer
cette vérité par des expreffions qu'il faut
recueillir çà & là dans la Genèfe. Jkparle deterres
& de mers, de montagnes très-hautes, & par
conféquent de vallées 3c de*vallons très-profonds,
de fleuves d'un cours finueux, ayant des directions
diverfes & dès confltiens : de là Une terre inégale,
variée de hauts & de bas j dis lieux extrêmement
fertiles & des lieux qui ne l’étoiem pas ;
des pays de labour & des pays de pâturages j dès
vafes, des limons, des bitumes, des métaux j enfin
le commencement de ces ouvrages, le féjour du
premier homme 3c des premières nations} la fu-
percie .de la Terre , couverte de ces inégalités qui ,
luivant lu i, dévoient exifter avant le déluge, 8c
le Globe extérieùrement figuré comme il l'eft aujourd'hui,
aux dégradations près des dernières
eaux.
Lorfque la fuperficie des parties de côntinens
qui s'élèvent au deffus dès mers, eft de peu d’éten'-
due, & ne préfente que des contrées bornées ou
des îles entièrement détachées, leur fommet n’eft:
ordinairement qu'un point autour duquel, comme
centre, les eaux des pluies & des fources s’écoulent
& fe dilatent vers lés rivages.
Lorfque ces fuperficies font plus longues què
larges, comme font les îles de Java, de Sumatra ,
& comme eft l’Europe depuis le Portugal jufqu'en
Mofcovie, où le fommet général forme une lignes
dirigée à peu près fuivant la longueur des conti •
nens, alors les eaux n’ont que deux principales
directions, dont l’une eft entièrement bppqfée à
l ’autre.
Lorfque les parties élevées au deffus des mer-s
font d'une étendue très-confidérable en longueur
& en largeur, ce qui forme le fommet n’eft plus
une-feule ligne, c’eft une'grande fuperficie de terrains
qui, à proportion de leur étendue, ont formé
des revers ôppofés aux mers, parlefquels les èaux
fê trouvent toutes amenées vers un centre où elles
forment des lacs & des mers médkerranées. C'eft
lé cas où fe trouve toute l’Afie, qui n'envoie què
les eaux de fon contour dans les ’mers, mais qui
raffemble toutes lés eaux intérieures dans diffë1-
reris lacs, dont celui de la Cafpiérine 'eft le plus
confidérable. On voit que cette partie du Mo'ridë
n'eft point divifée comme l'Eutèpe & chaqüë
partie de l’Amérique, par un feul fommét direct
} mais elle en contient un circulaire dàfi's lès
montagnes de l’Arménie , lés monts Caucâfe &
Taurus, les chaînes de l ’Imaiîs, 3c c. Cette cein-
C O N
tuve de montagnes renferme une infinité d’autres
baflins particuliers, & de très-vaftes pays qui font
féparés les uns des autres par des fommets entrelacés.
On y trouve auffi des déferts de fables d'une
immenfe étendue, & des plaines de cent lieues,
couvertes d'excellens pâturages, fans eaux néanmoins
, quoique l'herbe ne laiffe p.as d’y croître
à une hauteur extraordinaire. En général, les contrées
diverfes font fi élevées au deffus du niveau
des mers, que, les vapeurs intérieures ne pouvant
s'élever ni tranfpirer, il n'y a ni’ fources ni rivières.
Ce ne font que des .régions vagues qui n’offrent
aucun point fixe pour y fixer des nations, en forte
que de tout tems elles y ont toujours été errantes
& vagabondes.
Les déferts de la Barbarie, les grandes contrées
de la Nigritie 3c des autres royaumes de l'intérieur,
de l'Afrique portent ces mêmes indices de
la fouplefle de la Terre. Le fommet de cette partie
du Mondé , dans les bordures feptentrionales fur- ,
tout , n'eft qu'une enceinte de montagnes qui renferment
au milieu d'elles de très-grandes régions
fermées, dont la nature, à la chaleur près de la
zone, reffemble fort à celle des baflins de l’Afie.
Ces montagnes envoient, par leurs revers extérieurs,
des eaux dans l'Océan indien & atlantique, 3c dans la Méditerranée 3 & au dedans elles les
dirigent dans des lacs, dans des marais3c dans des
déferas fbloneux où elles fe perdent.
Il y a auflî quelques-uns de ces baflins, mais en
plus petit nombre, & fous une plus petite forme ,
dans l'Amérique méridionale, & la feptentrionaie
en contient un plus grand nombre. Lorfque les
côntinens .n’ont pas été aflez larges ni aflez fouples
pour conferver une partie concave dans leur .centre,
ni aflez étroits pour n’avoir qu’une ligne pour
fommet, il s'eft formé dans leur partie fupérieure
des plaines dont les pentes ont été indscifes, ou
qui n'en ont point eu du tout. Les fources de ces"
plaines ont produit une multiplicité de petits lacs
& de vaftes marécages qui ont fervi de Commets
aux fleuves qui font tous fillonnés fur les deux revers
: tels font en Europe les marais de la Lithuanie
& de la Mofcovie, d’où le Niemen, le Borif-
thène, le Volga & bien d’autres rivières tirent
leurs fources. Tels font en Amérique ceux du Canada,
d‘où le Mifliflipi,le fleuve Saint-Laurent,
defeendent, & ceux du Paraguay, d'où le grand
fleuve de la ;Plata tire fon origine.
T e l eft le véritable enfemble fous lequel on doit
confidérer les grandes inégalités de nos côntinens.
fa u te u r de la Mappe-Monde dédiée aux progrès
de nos connoiflances s’eft attaché, autant que la
grandeur de la carte ,1e permettoit, à préfenter,
fous ce point de v u e , les baflins & les fommets
qui divifent nçs.côntinens.: point de vue effentiel,
•pour nous faire connoître l'état du Globe & fa
conftitution actuelle.
Le nombre des baflins a été. beaucoup plus
grand fur l'hénufphèjç tet^efive j «nais la plupait
C. O N /, 5 j
de nos mers s'en font emparées accidentellement
& fucceflivement. 11 fuftic de jeter les yeux fur
cette Mappe-Monde, pour connoître que la longue
chaîne du monr Atlas en Afriqu e, le Liban
& les monts Taurus & Caucafe en Afie, unis avec
les fommets de l’Europe, depuis la Mofcovie juf-
qu'au fond de l ’Efpagne, n'ont formé qu'un feul
baflin, & même tout femblable à celui qui occupe
le centre de l’Afie. Ce baflin lui-même étoit fub-
divifé & partagé en plufieurs autres par différens
rameaux de fes fommets. L'Efpagne devoit tenir
à l'Afrique par fon détroit de Gibraltar, ainfi qua
l'a tranfmis la tradition. L’Italie & l’Afrique
étoient liées par les fommets de Corfe & de Sardaigne
d'un côté , & de l'autre par les fommets.
prolongés vers le royaume de Tunis. La tradition
a çonfervé le fouvenir de la rupture du détroit de
M^fline. L'Italie devoit encore tenir à la Grèce ,
I au deffus des monts Acrocérauniens & de l'île de
Zante.
La mer Adriatique ne devoit être que la continuation
de la vallée du P ô , qui fans doute fe
rendoit vers les côtes de l’Albanie, dans quelque
lac particulier. La Grèce devoit auflî fe réunir
à cette partie de l'Afrique, qui s'avance encore
vers elle par les fommets de la Morée 3c de
Candie.
Les fources du Nil pouvoient fort bien ne pas
envoyer alors leurs eaux où elles arrivent aujourd'hui
, car elles étoient vraifembUblement rete- ✓
nues dans quelque baflin particulier. Les grands
contours dansl’Abyflinie indiquent que fon cour»
| y eft fort embarraffé , & que fa pente devoit être
fort différente ou fort indécife avant raffailfe-
ment de ce continent, & les fraélures qui produi-
lirent les fameufes cat3raétes & l’ iflue de fes eaux ,
telle qu’elle eft préfentemenc. Du refte , ce fleuve
pouVoitexifter dans fa portée intérieure, mais bien
; moins long & bien trfoins confidérable qu’il n’eft,
, & il devoit fe perdre dans quelque lac particulier
du plus oriental des baflins de la Méditerranée.
Enfin, on a vu ci-devant, & l ’on fait, avec la
certitude la plus grande, par les traditions & par
les monumens, que l’ Europe a tenu à l’Afie mineure,
par la Grèce & la Thrace, avant que le
baflin.de la Mer.-Noire 8c celui de la Propontide
fuffent unis à l’Archipel, autre baflin plus anciennement
fubmergé.
Le golfe de Bothnie 3c de Finlande, la mer Baltique,
& celles de Danemarck, de Hollande &
d’Angleterre , n’ont été de même que dçs baflins
féparés les uns des autres. La tradition n’a rien
çonfervé, fur leur ancienne fituation, que la jonction
de la France à l’Angleterre par le Pas-de-
Calais, fur laquelle j’ai publié une Differtation.
La multitude des détroits dont ces .mers 8c ces
golfes font remplis,, leurs formes 3c leur diflri-
b ut ton, doivent nous rendre ces faits auflî certains
, pour le nord de l’Europe, que le font les
événemens qui ont eu lieu dans le midi.
M m ra 2