
naturel du ralentiffement de l'eau dans cet angle
rentrant.
On fent bien au refte que , fuivant les premiers
principes de l’approfondiffement des vallons, l'eau
doit avoir entraîné & dépofé quelque parties matériaux
éboulés fi elle ne les a pas laiffés au pied
de l’efcarpement} car, dans ce dernier cas, le canal
de la rivière fe trouve éloigné du pied des
bords efcarpés par les matériaux précipités. Ces
matériaux fe font trouvés accumulés ainfi lorfque
l'eau de la rivière a ceffé de miner, ou n’a plus eu
affez d'aélivité pour l'entraîner à mefure qu'elle
ébouloit ; mais lorfqu’elle a eu cette fo rc e , elle a
dépofé le produit de ces éboulemens, ou à l'extrémité
de la face du plan incliné inférieur & du même
côté que l'efcarpement, ou bien fur les revers ou
à la pointe du plan incliné , l'eau ayant dans ces
parties une viteffè ralentie.
Cependant lorfque la rivière occupe Le milieu
dès plaines fluviales, que la pointe des plans inclinés
a été émou fiée par la réaction de l'eau ,11 y
a grande apparence que ce font,non-feulement les
matériaux voiturés d’amont par le canal principal
'qui ont comblé la plaine fluviale, mais particuliérement
les matières entraînées des croupes, 8c
furtout celles qui ont été détachées'des bords efcarpés
par les eaux pluviales & les petits torrens.
Quelquefois on obferve que ces • dépôts. c\nt été
amenés par les rüiffeauxqui tombent dans le vallon
principal, lefquels coulent fur une pente rapide &
avec une vite (Te fort grande : ceci favori fè les transports
jufqu'à la plaine fluviale , où la rencontre de
l'eau du canal principal leur fait éprouver un ralentiffement
qui occafionne le dépôt. On n'a pas encore
envifagé ces différens moyens que la nature emploie
pour combler le fond de fes vallées & pour
en relever infenfiblement le niveau. L'étude des
matériaux eux mêmes m’a fait découvrir la réunion
de ces agens autant que leur difpofition, qui rend
leur marche fi reCônnoiffable.
DESCRIPTION. Il faut beaucoup d’ordre &
de méthode dans les defcriptions des différentes
contrées de la Terre. On doit s'attacher d'abord
aux formes du terrain , qui réfultent de toutes les
opérations des eaux courantes ou des pluies, en-
fuite indiquer l'arrangement 8c la difpofition des
différens corps & fubltances qui fe montrent à la
furface de la T erre , ou qui la compofent à l ’intérieur,
8c qu’on petit reconnoîrre dans les coupures
des vallées, ou dans les fouilles des carrières 8c des
mines. Mais nous voulons furtout que dans les
defcriptions on fe borne , pour notre objet, aux
maffifs, à leurs limites & à leurs difpofitions ref-
peétives : toüte autre confîdération nous paroît
devoir furcharger l'attention de l’obfervateur, & -le
diflraire du véritable objet que nous avons en vue.
Au refte, il y a plufieurs fortes de defcriptions : la
topographique eft la plus détaillée, parce qu’elle
embraffe des limites peu étendues : un féal objet
fouvent y figure. La chorographique embraffe un
champ plus grand & plus vafte, & fouffre moins
de détails ; aulfi compare-t-on dans ce travail un
plus grand nombre d'objets femblables entr’eux;
enfin la description géographique & phyfique en-
vifage des phénomènes généraux le plus qu’il eft
poflîble, fans qu'il y ait confufion dans les objets,
ou défordre dans les confidérations de tous ces
objets.
Rien ne nuit plus à la géographie-phyfique que
de préfenter dans les defcriptions de pays des af-
peéts pittorefques ou des idées poétiques. Que
peut faire à la géographie-phyfique la folitude des
rochers, la fraîcheur des forêts , la limpidité des
eaux / leur doux murmure ! Ceux qui s'amufent de
ces idées vulgaires perdent de vue les opérations
de la nature 8c leur réfultat; elles font d'un tout
autre intérêt pour qui fait les faifir. Outre cela rie n
ne nuit plus à la fcience, que d'accumuler dans
1 es defcriptions relatives à la géographie-phyfique
un grand nombre d’objets i fol e s , fans fuite , fans
ordre , fans enfemble, & comme ils fe présentent
à mefure qu'on parcourt un pays, fans difcuter.ee
qui peut, être particulier à chacun des objets pour
les raccorder avec tous, les antres analogues ou
femblables : ça été & c'eft encore' la. méthode de
plufieurs écrivains qui fe difent natürahftes, 8c
qui feroient bien fâchés qu’ on ne les lût pas comme
fervant aux progrès de la fcience.
DÉSERT. Ce font de grands efpaces de terres
qui font incultes & inhabités : on en diftingue de
dè"ux fortes ; favoir , ceux dont le terrain eft fec
Sr ftérile, que l’on ne peut cultiver} enfuite les
grands pays qui pourroient être'cultivés avanta-
geufement, mais qui manquent d’habitans.
Les déferts proprement dits font de quatre fortes
; fav.oir :
i° . Ceux qui font couverts de fables mobiles^
2°. Les déferts marécageux 5
30. Les déferts pierr'eux 3
40. Les pays de bruyères.
Les déferts de l’Afrique font prefque tous fablon-
•neux 8c, par cette rai fon /incultes ,8c très-peu habitables
} ceux de la Lybie, qui environnent l'Egypte
, fo n t, après ceux de Saarha, les plus étendus
que nous connoiflions, & ceux qui repouffent
le plus les habitans.
Les déferts de i'Arabie 8c de la Syrie fon t, les
uns fablonneux, 8c les antres pierreux.
Les -déferts qui environnent la bafe du mont
Imaiis, le défert fablônneux de Samo dans les
États du Grand-Mogol, font encore très-confidé-
rables.
Ôn doit aufli nommer du nom de défert ceux de
Camboya}
Les déferts pierreux de la Nouvelle-Zemble;
Les déferts de Norwège, de l’UpIand, de Suède
& de Finlande ;
Les déferts de l'Allemagne, qui fpnt tous couverts
de
de bruyères, tels que ceux des environs de Lune-
bourg , nommés bruyères de Lunebourg.
Les défens de l'Afrique Sc de i'Afie font fameux J =
tz redoutables. « Quon fe figure un pays fans ver-
„ dure. 8c fans eau , un foleil brûlant, un ciel tou- j
„ jours fe c , des plaines fablonneufes , des monta- j
» g nés encore plus arides, fur lefquelles 1 oeil s e - j
,, tend, 8c le regard fe perd fans pouvoir s arrêter j
33 fuir aucun objet vivant} une terre morte & pour j
,3 ainfi dire écorchée par les vents , laquelle ne j
„ pré! en te que des ofiemens , des cailloux .jon- |
M chés , des rochers debout ou renverfés, un de- |
» fert entièrement découvert, où le voyageur n a I
» jamais refpiré fous l’ombrage, où rien ne« 1 ac- |
js compagne, rien ne lui rappelle la nature vivante j |
33 folitude abloiue, mille fois plus affreufe que celle |
M des forêts, car les arbres font encore des êtres
m pour l’homme qui fe voit feul. |
33 plus ifolé, plus dénué, plus perdu dans ces J
« lieux vides & fans bornes, il voit partout L’ef- ?
33 pace comme fon tombeau. La lumière du jo u r , j
•3 plus trifte que l’ombre de la nuit , me renaît que j
as pour éclairer fa nudité, fonimpuiffance, & pour |
33 lui préfenter l'horreur de fa firuation en reçu- j
»* lant à fes yeux les barrières du vide , en éten-
33 dant autour de lui l'abîme de 1 immenfité^ qui le *
k> fépare de la terre habitée} immenfité qu il ten- |
33 teroit en vain de parcourir ; car la faim, la foif f
»s & la chaleur brûlante prelïent tous les inftans I
os qui lui reftent entre le défefpoir 8c la mort. « |
C ’eft ainfi que Buffon nous repréfente les hor- |
leurs du défert. C'eft avec une éloquence non !
moins foutenue qu'il nous fait connoitre les moyens |
que l’homme a pour dompter les obftacles qui §
s'oppofent à la domination qu il femble devoir i
exercer fur tous les points de la Terre. « L Arabe, j
»3 â l'aide du chameau, a fu franchir 8c meme s ap- I
» proprier ces lacunes de la nature : elles lui fer- 1
93 vent d’afyle*} elles affûtent fon repos 8c le main-
»3 tiennent dans fon indépendance..... Cependant
sa ce même Arabe, lib re , indépendant, tranquille
» & même riche, au lieu de refpe&er les .déferts
» comme les remparts de fa liberté, les fouille par j
33 le crime} il lés traverfe pour aller chez les na-
93 fions voifines enlever des efclaves 8c de 1 o r } il
as s’en fert pour exercer fon brigandage dont mal-
33 heureufement il jouit encore plus que de fa li-
»3 berté; car fes entreprifes font prefque toujours '
« heureufes. Malgré la défiance de fes voifins 8c
,3 la fupériotité de leurs forces, il échappera leur
»3 pourfuite, 8c emporte impunément ce qu'il leur
s » a ravi. Un Arabe qui fe deftine à ce métier de j
33 pirate de terre, s’endurcit de bonne heure a la
33 fatigue des voyages} il effaie a fe paffer du fom- ,
»3 meil, à fouffrir la faim," la fo if, la chaleur j en
» même tems il inftruit les chameaux, il les eleve
.33 & les exerce dans cette même v u e } peu de jours
30.après leur naiffance il leur plie les jambes fous
33 le ventre, il les contraint à demeurer à terre, 8c
» les charge, dans cette fituation, d un poids allez
Géographie-Phyjique. Tome J11%
33 fort qu’il les accoutume à porter, 8c qu'il ne leur
33 ôte que pour leur en donner un plus fort. Au
33 lieu de les laiffer paître à toute heure & boire
33 à leur foif, il commence à régler leurs repas, 8c
33 peu à peu les éloigne à de grandes diüances en
33 diminuant aufti la quantité de nourriture. Lorl-
33 qu’ils font un peu forts, il les exerce à la courfe ,
33 il les excite par l’exemple des chevaux , 8c par-
33 vient à les rendre aufli- légers 8c plus robuftes ;
33 enfin , dès qu’il eft fur de la force , de la légé-
ss reté 8c de la fobriété de fes chameaux, il les
33 charge de ce qui eft néceffaire à fa fublïftance 8c
s, à la leur} il part avec eux , arrive, fans être at-
33 tendu, aux confins du défert, arrête les premiers
33 paffans, pille les habitations écartées, charge
33 fes chameaux de fon butin ; 8c s'il eft pourfuivi,
33 s'il eft forcé de précipiter fa retraite, c’eft alors
»3 qu'il développe tous fes talens 8c les leurs.
33 Monté fur l’un des plus légers, il conduit la
33 troupe, la fait marcher jour & nuit prefque fans
33 s'arrêter, ni boire ni manger} il lait ai ferrie nt
»3 trois cents lieues en huit jours, 8c pendant tout
33 ce tems de fatigue 8c de mouvement il lai lie
33 fes chameaux chargés} il ne leur donne chaque
33 jour qu'une heure de repos 8c une pelotte de
33 pâte} fouvent ils courent ainfi neuf ou dix jours
33 fans trouver d'eau ; ils fe paffent de boire } &
33 lorfque par hafard il fe trouve une mare à quel-
33 que diftance de leur rou te, ils fentent l’eau à
33 plus d’ une demi-lieue. La foif qui les preffe leur
33 fait doubler le pas, 8c ils boivent en une feule
33 fois pour tout le tems paffé 8c pour autant de
33 tems à venir; car fouvent leurs voyages font des
33 plufieurs feroaines , 8c leur tems d'abftinences
33 dure suffi long-tems que leur voyage. ;
33 En Turquie, en Perfe, en Arabie, en Égypte,
33 en Barbarie, &c. le trânfport des marchandifes
33 ne fe fait que par le moyen des chameaux : c ’eft,
« de toutes les voitures, la plus prompte 8c la moins .
33 chère. Les marchands 8c les paffagers fe réu-
i 33 niffent en caravane pour éviter les infultes 8c
! 99 jes pirateries des Arabes ; ces caravanes font
I 33 toujours très-nombreufes, 8c toujours compo-
î 99 fées de plus de chameaux que d’hommes : cha-
•3 cun de ces chameaux eft chargé félon fa force ;
33 il la fent fi bien lui-même , que quand on lui
j 33 donne une charge trop forte, il la refufe 8c refte
33 conftamment couché jufqu’à ce qu’on l’ait allégé.
33 Ordinairement les grands chameaux portent un
33 millier 8c même douze cents pefant ; les plus pe-
33 tits ,fix à feptcents. Dans ces voyages de com-
3> merce on ne précipite pas leur marche. Comme
33 la route eft fouvent de fept à huit cents lieues ,
33 on règle leur mouvement & leurs journées j ils
33 ne vont que le pas, 8c font chaque jour dix à
39 douze lieues; mais tous les loirs on leur ôte leur
33 charge 8c on les laiffe paître en liberté. Si l’on eft
f 33 en pays vert , dans une bonne prairie, ilsj>ren-
1 » nent, en moins d une heure, tout ce qu'il leur
1 * faut pour en vivre vingt-quatre , 8c j>our ruminer