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rentes pierres & de différentes couleurs, qui,
après avoir été p o li, auroit enfuite été rayé accidentellement
: on n’y verroit plus de rapport entre
les veines naturelles du marbre 8c ces raies accidentel
les qui Tauroient défiguré, qu’on en verroic-
entre les tares des couches terreftres & vallées de
nos rivières , parce que dans l’un 8c l’autre cas il
y a deux différèns ordres de faits qui n’ont aucun
rapport enfemble, ni pour la chofe ni pour le tems.
Le fyftème d’arrangement de certains naturaliftes
ne répond point tout-à-fait à leurs obterva-
tions. Ils ont confondu les matières qui appartiennent
au vrai folide de la Terre avec les matières
qui ne font qu’accidentellement & pofterieure-
ment pofées fur la furface ancienne. Mais les torrens
qui font furvenus depuis, ont changé la po-
lition où la mer les avoit lailfes ; & quand ils ont
trouvé de ces maflîfs fur leurs paffages , ils les ont
démolis, détruits 8c emportés de nouveau le long
de leurs cours. Ces torrens ne pouvoient charier
que des corps ordinairement marins , puifqu’à
cette époque toute la Terre étoit fortie des eaux.
Voilà pourquoi nous y trouvons tant de productions
marines , aulfi bien que dans les autres dépôts
qui font reliés fur les plaines éle'vées & fur
les fommets où le cours des torrens ne les a point
entièrement détruits ou dérangés. Voilà pourquoi
j’ai dit quelque parc que les torrens du déluge
n ’avoiejit point porté fur les continens ces fofliles
que nous y trouvons, mais qu’ ils avoientau contraire
rendu à la mer une grande partie fes
productions anciennes ; ce qui n’elt point une
fauffe hypothèfe, puifque nos rivières qui fui vent
encore les traces qu’ ont dû fuivre les torrens du
d é lug e , y ramènent encore les grèves de nos
fommets, & rendent annuellement aux mers où
elles fe déchargent, une partie des anciens matériaux
qui leur ont appartenu.
Depuis l’apparition générale de l’hémifphère
terreftre par la retraite de la mer, on a découvert,
à fa furface f des balfinsqui dévoient avoir la même
étendue qu’ils avoient contraéléè fous lesèaux par
des courans réglés & déréglés, & par les di ver fes
directions & combihaifons des marées.
Si la mer fe retiroit aujourd'hui de nos côtés,
fon fond nous préfenteroit fans doute le même
fpeCtacle : nos continens feroient généralement
alongés par des plaines immenfes, où l’on remar-
queroit feulement les éminences & les amas de fables
8c de vafes qui ont été conftruits par les différens
courans & les diverfes marées de chaque
parage , félon leur plus ou moins d ’étendue, où
chacun d’eux dominoir, 8c fe trouvoit contenu par
les forces circonvoifines. On pourroit cependant,
dans le fond de nos mers préfentes, découvrir
des irrégularités particulières ; mais le fentiment
de ces naturaliftes n’eft pas plus favorable que le
mien à l’ hypothèfe qui fait de nos vallées les
lits des courans des mers, & les fleuves n’ont fur
leurs cartes aucun rapport de direction avec les
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bandes qu*ils croient avoir vues. Leurs vallées doivent
donc de même être indépendantes des terrains
qu’elles ont irrégulièrement traverfés, ôepofté-
rieures à leur conftruCtion.
La feule 8c vraie régularité qui doit répondre à
la direction de nos rivières ne fe trouvera que dans
les couches fuperficielles & poftiches qui ont été
amenées par les torrens 8c dépofées le long de leurs
lits, fuivant la révolution & la gravité fpédfique
de chaque matière. Les vafes les plus légères ont
gagné les lieux bas 8c les plus éloignés des fommets;
hs Tablons, les graviers, fe font dépofés au deffus
d’elles, 8c les cailloux, les pierrailles 8c les roches
font reliés dans les lieux les plus élevés, plus près
du centre de l’irruption, c’eft-à-dire, plus près
des fommets, ainfi que je l’ai fait voir ailleurs;
mais toutes cesmatièrt-s déplacées ne peuvent point
être cenfées appartenir au vrai fol de la contrée
où elles font préfentement, ni être confidérées
co.mme des monumens direds qui conftatent le fé-
jour dans les anciennes mers.
Il eft vrai que, dans ces immenfes dépôts de
•fables, de graviers & de cailloux qui fe voient au
fond de nos vallées, fous les couches de la terre &
dans les grandes plaines qui renferment les grandes
vallées, on y trouve ordinairement un grand nombfe
de corps marins pétrifiés, qui paroiffent rendre à la
mer les monumens aue je prétends ici lui ôter.
C e fait, qui eft très-certain, ne détruit pas néanmoins
le réfultat des obfervarions précédentes. Je
viens de dire tout-à-l’heure que ces dépôts de nos
rivières 8c de nos fleuves n’écoiôBt pas les monumens
direCts du féjour de la mer dans les lieux où
on les remarque, parce que je ne parie pas de la
matière de ces dépôts, mais uniquement de leur
pofition préfente. Toutes les grèves ou cailloux
roulés, dont la furface de la Terre eft couverte én
tant d’endroits, fur des fommets très-élevés comme
dans des lieux très-bas, font fans contredit originaires
de la mer : c’elt la mer qui les a roulés,
brifés Sc arrondis comme ils le fo n t , 8c qui les a
dépofés autrefois fur nos continens lorfqu’elle a été
chercher un lit ailleurs. Elles ne pourroiént provenir
que de ce que, les lits dejnos mers ayant été
autrefois des continens découverts 8c irréguliers
comme les nôtres fur leur furface, toutes ces
anciennes empreintes n’ont pu être totalement
enfevelies 8c effacées dans un grand nombre d’endroits,
furtout aux débouchés des grands fleuves,
dans les lieux où les courans font conftans 8c réguliers
; ce qui n’arrive peut-être alors que parce que
les anciennes difpofitions les y affujetriffent, &
aux environs des îles qui ne font elles-mêmes,
ainfi que tous les rochers qui fe rencontrent en
mer , que d’anciens fommets des débris de cès
continens autrefois fubmergés : il ne pouvoir être
de même des anciennes mers. Quoi que j’aie déjà
dit fur l’irrégularité de leurs fonds 8c de leurs
balfins, je me fuis réfervé d’ y faire la même exception
, parce qu’une plus ancienne 8c différente
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difpofitionpôuvoit de même y avoir laiffé des empreintes
anciennes 8c des irrégularités de la nature
de celles qui fe remarquent dans le fond de nos mers,
c’eft-à-dire, des vallées qui n’auroient j>as été comblées
, des rochers , des écueils 8c des îles , reftes de
terrains qui n’auroientétéque peu ou point enfeve-
lis & recouverts Telle ayant pu être l’origine des
baffins qui ont divifé, dans les premiers tems , tout
notre hémifphère terreftre en régions naturellement
réparées les unes des autres par des fommets,
nous pouvons concevoir que les cuves de tous
ces baflins ont pu s'approfondir hors des eaux , après
leur apparition, par les divers taffemens des matières
dont ils étoient conftruits 8c les dlyers.affail-
femensque l'ébranlement général aura dû produire
lors de cette grande révolution.
S i, furies parties les plus confidérables des fommets
qui fervent de limites à ces balfins, nous
voyons aujourd’ hui des amas immenfes de rochers
irréguliers, accumulés avec un défordre extrême.,
8c qui s’élèvent jufqu’aux nues , comme les pics du
mont Ararrat 8c tant d’autres, ces veftigesdebou-
leverfemens doivent appartenir fans doute en partie
aux efforts qui, foulevant alors tout 1 hémifphère
terreftre , font la fuite de l'éruption^ des
feux fouterrains. Quoi qu’il en fo i t , ils durent
agir avec plus de puiffance fur les endroits où ils
trouvèrent plus de réfiftance. On a déjà vu que
j ’ai attribué à cette dernière caufe ces énormes
dégradations ; mais il eft trop vraifemblable <^ue
les effets de l’ancienne apparition ont dû de même
y contribuer infiniment. Le mouvement général
qui a produit l’élévation totale de nos continens
n’ayant dû être compofé que d’ une multitude de
mouvemens particuliers, il m’a toujours paru qu ils
ont été très-capables , lors des anciennes révolutions
, de brifer les couches de nos continens, de
les culbuter les unes fur les autres pour en faire
paroître auparavant de cachées dans les entrailles
des fommets; ce qui a produit en plufieurs
contrées des variétés de terrains 8c les phénomènes
finguliers de l’ancienne terre , que les natu-
raliftes ont été très-embarraffes d expliquer. Les
Cévennes n’ ont point de folfile tire du genre animal
: on n’y voit que des mines de charbon, où fe
trouvent avec abondance ceux du règne végétal 3
avec beaucoup de métaux 8c de minéraux ; mais
ce qu’ il y a d’extraordinaire , c’eft que ces terrains
métalliques 8c chargés de végétaux foffiles font
environnés de toutes parts de terrains renfermant
des bancs farcis de coquilles marines, de marbres,
qui ne contiennent que des débris du genre animal
, 8c jamais du genre végétal. Le terroir qui ne
porte point les marques du féjour ou du paffage de
la mer auioit-il paru depuis que les montagnes des
Cévennes aiiroient été cachées 8c couvertes par
d’autres terrains 8c des éruptions fouterraines ?
Auroiem - elles percé les couches fuperficielles
pour conftruire ces fommets ifolés ou engagés
comme des prefqu’îles au milieu des autres ter-
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rai ns à coquilles ? J’ajouterai qu il y a dans le Gé-
vaudan, des montagnes , les unes de granit, les
autres de talc , dont le fommet eft terminé par un
. ou plufieurs bancs calcaires ; que jamais ce dernier
genre de rochers n’y fert de bafe aux précédens ,
8c que l’inclinaiion 8c la pofition des bancs 8c des
feuillets talqueux inférieurs n’a voit rien de commun
avec celle des rochers limoneux lupérieurs.
Je ferois porté à conclure que l’aéte par lequel la
nature a autrefois déplacé le lit de la mer ne fuffic
pas pour expliquer tous ces phénomènes ; qu il faut
en admettre un autre général qui s’eft fair dans les
parties folides du globe, 8c auquel on doit rapporter
l ’élévation de la plupart des montagnes. Dans da
certains cantons , tels que les Cévennes , le fou-
lévement aura été plus grand 8c plus général : la
terrain des couches inferieures , anciennement
placées avant toutes les couches calcaires, fe fera
fait jour 8c aura percé,les couches de la terre, 8c
les aura jetées 8c écartées de differens cotés.
Il aura paru une nouvelle terre cachee depuis
long-tems au deffous de celle qui formoit, lors
de l'éruption, la furface des continens , 8c qui
avoit été le lit de la mer. C e terrain fera dépourvu
de tontes fortes de débris d’animaux &
de végétaux ; ainfi, avant les tems ou notre hémifphère
terreftre. avoit été l’hémifphère maritime,
il avoit eu encore une autre difpofition qui
le rendoit propre aux productions terreftres. Cette
cirèonftance eft trop incéreffante quant à l hiltoire,
du globe , pour n’y pas faire l’attention qu’ elle
mérite. Peut-être pourroit-on fuppofer que les
terrains des Cévennes, que je nomme ancienne
Terre, n’auroient éprouvé aucun déplacement, 8c
fe feroient trouvés au deffus des eaux de la mer
avant la formation des charbons de terre, 8c avant
celle des bancs calcaires horizontaux qui les entourent.
.
Quoi qu’ il eu fo i t , après des obfervations aum
confiantes fur les éruptions fuppofées de nos terrains
, à l ’endroit de nos fommets, je dois avertir
qu'un grand nombre de naturaliftes ont fort abufé
de cette opération de la nature en la générali-
fant plus qu’ il ne convenoit, 8c en l'appliquant à
toutes les montagnes ; ce qu’on ne doit point faire,
puifqu’il eft évident que 1 ancienne aétion, def-
tru&ive des torrens quiles ont fouillées, fillonnées
8c tranchées, doit être regardée comme le principe
le plus général dè l’approfondilfement de nos vallées
8c de l’élévation de nos montagnes. Pour ne pas
tomber en de pareilles erreurs dans les obfervations
de ce genre qu’on peut faire à l’avenir, il faudra
remarquer fi les montagnes qui font brifées 8c
culbutées, font analogues, par la nature de leurs
matériaux, à celles du voifinage qui ne le font pas.
Si on y trouve du rapport, ce fera une preuve c e r taine
que cette montagne n’a été qu’ébauchée .&
nonconfidérablement foulevée ou dégagée du fem
de la Terre .‘Si au contraire on n'y recqnnoît aucune
analogie, il y aura toute apparence quelle