
Yeryngium maritimum conferve fa fraîcheur au milieu
des pierres , & pompe l'eau intérieure par fes
racines, femblables a de petits cabUs qui ferpen-
tent dans leurs interftices. La bette maritime & le
chou ( brafjica oléracea maritinta ) aiment auflî les
bords de la mer. Ce chou fauvage, type des efpèces
cultivées, eft comme fufpendu dans les craies lur
les faces de l’efcarpement des faiaifes.
Après avoir ainfi comparé l'état des bords de la
mer le long des côtes méridionales avec celui des
bords de la Manche, on peut être en état de juger
que, dans les rivages intermédiaires, la conftitu-
tion des fols de les efpèces de plantes maritimes
qui y croiflent, ne diffèrent pas beaucoup de celles
qui viennent d’être indiquées, & d'ailleurs nous
aurons lieu de faire connoître immédiatement ces
contrées dans plufieurs articles de ce Dictionnaire.
On s'apperçoit feulement, en s'approchant des
contrées méridionales, que les productions des
pays chauds font plus abondantes. On remarque
de même que les femences font auflî plus variées
& les genres plus multipliés dans les climats
chauds > mais que, vers le nord, les individus de
chaque efpèce font en plus grand nombre , de
forte qu’en dernier réfultat, dans ces deux régions
, la Comme & la mafle des végétaux doivent
être à peu près les mêmes.
Suppofons maintenant qu'après cette étude des
productions naturelles, un cultivateur veuille établir
fon habitation & fes cultures au milieu des
fables, & dans le voifinage des dunes diftrihuées
aux environs de l'embouchure de la Somme : il
elt aifé de voir quelle eft la marche qu'il doit
fuivre pour aflurer fon établiflement & étendre
fes domaines.
Il choifira d'abord un emplacement qui ne fort !
ni trop fec ni trop humide, & fe mettra furtout
au dclïus des inondations. Au lieu de s'établir
dans une plaine expofée à tous les vents, il cherchera
les abris que les collines peuvent lui procurer.
Si ce font des dunes , il faudra qu'il les
affermiffe par des plantations, foit d'arbrifleaux &
des fc-mis des principales plantes dont nous avons
fait mention ci-devant. Le rofeau des fables, par
exemple-, croit partout dans les landes fabloneufes
de Saint-Valéry & de Boulogne : fon utilité pour
retenir les fables eft fi bien démontrée , qu'il y a
une défenfe générale de l'arracher à proximité des
ports & des forts.
L'élvme des fables réuflîroit de même que le
rofeau ; il croît fpontanément le long des digues
de la Hollande , & l'étonnante facilité avec laquelle
fes racines tracent dans les jardins , annonce
qu'il fe pfairoit dans les dunes. La laîche des fables
( carex arenaria ) , commune fur les côtes voifines
cie l'embouchure de la Somme , ne doit pas être
négligée dans ces cultures- Sa manière de croître
mérite d’être remarquée. St s racines s’étendent au
loin horizontalement & en lignes droites. A c h à- j
que .Roeud, à des diûauces à peu près, égales,, »
s’élèvent des tiges qu'on prendroit pour de petites
plantations alignées ou efpacées à de fie in. Les rejets
, qui fe coupent & fe croifent en diftéreiis
fens, enveloppent les fables comme un réfeau. On
pourroit faire ufage des chiendens ; mais ce font
des plantes dont on doit fe défier : le genêt d’Angleterre
eft préférable. ' «
Lorfque les rofeaux & les plantes dont nous
venons de faire l’énumération fe font emparés
ries terrains fabloneux, les autres plantes des environs
ne tardent pas à y paroître : on peut même
eflfayer d’y répandre des graines ; mais en aidant
la nature , il faut chercher à multiplier de préférence
les végétaux utiles, & furtout ceux qui
peuvent fervir de fourage & de nourriture aux
beftiaux.
C ’eft au cultivateur jaloux de recueillir les fruits
de fes travaux, à confulter fon expérience j il doit
connoître ces refîburces que. lui offre un terrain
neuf, délaiffé par la mer & imprégné de fel. Pourvu
qu'il n'ait rien à redouter des vents & des eaux,
il doit être fûr d'être avantageufement dédommagé
de fes travaux.
11 n'a été jufqu'ici' queftion que des plantes &
des arbriffeaux de petite tige, qui peuvent fervir
à lier les fables & à fixée leur mobilité : il eft tems
de parler des arbres à hautes tiges,.qui font dans
le cas de s’accommoder de cette nature de terrain.
Nous avons dit que, vers l’embouchure du Rhône,
il exiftoit de grandes forêts de pins maritimes;-Il
en eft de même des landes de Bordeaux, où fe
trouvent de grandes étendues de terrain couvertes
de ces arbres, dont l’on tire les plus grands avantages
pour la réfine, le goudron , ôca Si cette efpèce
ne réuflîfloit pas fur les côtes de la ci-devant
province de Picardie,.il n'y a pas de doute qu’on
ne puiffe y employer avec fuccès le pin d'Ecoffe
(pinus filveftris). Indépendamment de ce qù'il s'arrange
d'un climat froid & humide, il mérite d’être
préféré pour fa beauté & la bonne qualité de fon
bois, dont on pourroit tirer parti pour la marine, -i
Une variété de faule-marceau , appelée , dans
les enviions de Boulogne, hoquette 3 ne craint point
les vents de mer >. elle eft fufceptible d’être placée
en fec.onde ligne dans les fables. C'eft \efahx lati*-
folia rocunda de Bauhin.
Le faux acacia (' robinia pfeudo-acacia eft peut-
être un des arbres les “plus propres à arrêter les
fables par fes racines qui rampent, fous terre à
douze ou quinze mètres. On en vo it, fur le bord
de la Méditerranée, qui s’élèvent à une grande
,hauteur5. & comme ceux qu’on plante dans les
villes & villages des environs de Saint-Valéry ne
craignent pas la gelée , il eft croyable qu'ils réfif-
teroient bien fur les côtes de la Manche., ,
Lorfqu'on s'approche du département de la
Sêine-inférieure, entre le bourg d’Auft M le- tré-
port, on trouve, dans une gorge, des bois presque
contigus à la mer, & qui néanmoins font
• pleins de vigueur & fort élevés. La. forêt. d'Eu Sc
celle d’Ârqués font expofées à toute la fureur des
vents d’oueft, & cependant elles font comparab
le s , en beauté , aux forêts du centre de la
France: \r -• - ». -
A la place des tamarifes, fi utiles au bord de la
Méditerranée, & qui ne■ réliftent pas au froid fur j
les côtes de la Manche, on peut fubftituer. Ta-jouc
ou genêt épineux. Il peut remplir le même objet
lorfqu’on le fait fervir de bordure ou de haie : il
vient bien dans les fables, car toutes les hauteurs
de Saint-Valéry en font couvertes.
11 paroît certain, en général, que beaucoup de
plantes qui périroient parole froid dans l’intérieur
des terres, peuvent fe conferver dans quelques i
parties des dunes de la Manche , foit parce que la j
végétation y eft généralement foible foit parce j
que la chaleur y eft concentrée., •
• Le tabac, les colfats, les choux , les navets peu- ■'
vent réuflîr auflî fur les bords de la Manche.
La moutarde, employée dans le commerce, croît
naturellement fur les digues du canal de Saint-
V a lé ry , &c.. ( V^oye^ Dunfs , Landes, de Bordeaux
5 Aterrissement des côtes du ci-
devant Languedoc.)
Bords de la mer. Il paroît que le fond du
baflîn de la mer, le long de fes bords ,'.eft plane ou ,
rempli d’inégalités dans le même rapport que la j
fuperficie des terres du Continent. En e ffet, on
remarque dans les environs de la zone torride,
que partout où ces terres préfentent une fuperficie
plane & fort étendue , le fond des eaux qui
en baignent les côtes a àuflî la même umfoimicé.
Ceci eft fenfible dans les endroits que les marins
espagnols appellent fonde , & où l’on trouve.tou-
jours le fond, même à une fort grande diftance
des. côtes. Enfuite on remarque que la profondeur
de l'eau diminue toujours à mefure qu’on appro- ■
che de la côte j c'eft ce qu’on éprouve fur ies c o tes
de la Floride, dans la baie de ^.en fa col a , ,&
dans toute 1 étendue de la mer occupée par; le
golfe du Mexique , &: qui comprend les côtes de
’Campêche & dé Honduras,
ï Mais;;il n'én eft pas de même le.long des côtes-, ;
-où terre s’élève beaucoup près de la mer ou à
très-pqu de diftance l’eau y eft très-profonde fur
,les bords mêmes. C'eft ainfi.qu'on.ne trouve pas le
fond du b.aflîn de la mer , à;;la fonde y,fur les côtes
de la mer du Sud, à moins,qu'on ne foit à la vue
des terres & même affez proche du bord.
Les-fonds;plats que couvre la mer font auflî ré-,
. guliérement unis que les plaines correfpondantes
du Continent y c'eft ce que démontrent les pla-
■ eerès ou parages d’une très-petite profondeur.
.Les vaiffeauf traverfent celui de la Vivora par la
-partie de Toueft de Galcavel, . & courent .douze
Jieuès du fud au nord , au deffus d'un fond fi uni,
qu’il n’a pi-e.fque partout que douze brafles & jamais
treize. Mais auflitôt qu'on s’éloigne de cette
diftance * la profondeur devient fi confidérable ,
qu’on ne trouve plus le fond à cinquante brafles.
On voit par-là que fi les eaux qui couvrent cette
furface,vepoientà fe retirer, on verroicfuccéder
à la mer une plaine de douze lieues du nord au
fud, & qui feroit, relativement au bord de la mer
correfpondarit, ce que font les cimes des chaînes
de l’ Amérique méridionale par rapport aux profondeurs
de la mer qui les environne.
Loifqu’on pafla de la Trinité à Batavano , on
fait plus de la moitié de la courfe fur un haut-
fond qui ne permet qu’aux petits vaifléaux de s'y
expofer. Parmi les différens fonds qu’on travetfe,
il y a une efpèce de lingue de terre prolongée,
qu’on appelle le Quelrado de Cayo-Cacao , & fur
laquelle on ne trouve que onze pieds d'eau. Les
vaifléaux qui doivent y pafler n'avancent qu'en labourant
avec la quille pendant environ cinq quarts
d’heure. Or, fi la fuperficie n'en étoitpas uniforme,
les vaifléaux fe trouveroient bientôt engravés
faute d'eau fuffifante. Sur les côtes , on trouve
douze à vingt pieds d'-eau, & l’on a ainfi un trajet
de trois ou quatre lieues à parcourir fans que
la profondeur de l’eau augmente ou diminue.
Ces fonds unis des bords de la mer ne peuvent
être mieux comparés qu'au plat pays de la Havane
où. les terrains font fi bas & fi unis, que
l’eau des pluies en couvre bientôt la furface, parce
qu’ il n'y a pas aflez de pente pour le prompt
écoulement de ces eaux.
Je le répète, vu l'importance des faits : les na-
vigateurs'attentifs ont remarque dans prefque tous
les parages , que là profondeur des mers é to it, le
long des côtes , dans le rapport de l’élévation dés
côte s , c'eft-à-dire, q u e , fi les côtes font très-
élevées & les bords fort efearpés , la mer qui les
baignoit/ étoit très-profonde. • C'eft une remarque
dont iis ont fôuveht profité iorfqu'ils ont été
obligés de jeter l'ancre. On trouve cette obfer-
vation dans le Voyage de D a m p ie r deuxième
;partie , page 476. Elle n’a pas échappé aux ha-
bitans dés côtes de la Norwège , comme nous
l’apprenons de Pontoppidan , Hifioire générale de
Norwcge , pag. 11 j . « La mer, d it- il, forme,
furtout à l’oueft , beaucoup de grands 6c de petits
golfes de fix à huit milles d'étendue-: le fond
de là mer y diffère beaucoup en profondeur j mais
< général ielle eft dans le rapport de l'élévation
des côtes voifines. Ainfi/ pour eliimer la profondeur
de l’eau, il fuffic de jeter les yeux fur la
•montagne la plus proche. »*
Je ne m'arrêterai pas à examiner les exceptions
dont cette règle eft fufceptible. Pontoppidan ef-
faie de rendre raifon de ta grande profondeur de
plufieurs des. golfes dont il parle, en difant q r ’elle
eft due à l'écoul-ment des eaux qui fe font précipitées
des hauts promontoires à l’époque dtt déluge
univer fel jamais cette explication eft bien pré-
. caire aux yeux de ceux qui ne veulent pasadmet-
..tre le déluge comme tacaufe d’aucun phénomène.
Au reftè, ü parok que l’obfetvatiqn eft.conforme