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lîmpîes coupes, dont les rebords fe dégarnifferit in-
fenfiblemenc des terres cuites, des fcoiies & des
laves fpongieufes qui les formoientlors de l'extinction
du volcan. Cette deftruétion des bords de la
coupe continue par le laps dé terns; & , après une
longue fuite de fiècles, ils le trouvent enlevés par
les eaux, & la forme de la coupe eft détruite de
manière que le fond met à découvert les maffes
des dernieres laves fondues qui font reftées dans
le creufet, & qui présentent à la place du cratère
d'un trou ou d'une cheminée une groffe malfe de
lave que je confidère comme un culot. ( Voye^ l'article
C u lot . ) C ’eft par ce culot que je retrouve
les centres des éruptions anciennes, en y joignant
le concours des courans qui en fontfortis, & d ’où
ils ont pris leur écoulement vers divers points de
1 horizon; c ’ett ainfi, d'après ces principes, que
j’étudie les productions des volcans de la fécondé
époque. Je fuis bien éloigné en confequencë de
rechercher les cratères dans les contrées volcaniques
de la fécondé époque, & d’affigner pour
ces cratères tous les trous, tous les enfoncemens
accidentels qui fe préfentent au hafard ; c'elt ainfi
que plufieurs écrivains, qui n’ont point raifonné
lur les obfervations dont ils nous ont rendu
compte , ont indiqué les cratères , Iorfqu’ il eft
prouvé qu’ ils n’exiftent plus fous cette forme de
coupe dans les lieux qu'ils ont vifités a fiez légèrement
; c eft ail;fi que des novices en hiftoire naturelle
prouvent leur ignorance préfomptvseufe , en
décidant des queftions dont ils ne fenterit pas les
difficultés.
Je dois de même remarquer une autré erreur au
fujet des cratères, admife par des favans qui n’ont
confulté que les convenances apparentes, fans
avoir obfervé toutes les circonftances efTrritielles.
Cette erreur corififte à placer les lacs dans les
cratères comme dans des baflïns naturels & propres
à contenir l'eau. Ces favans n'ont pas vu que les
cratères ne peuvent pas plus contenir l’eau que le
tonneau des Danaïdesj que jamais l'eau des neiges
accumulées par les vents dans les vrais cratères ne
fubfifte plus de deux ou trois jours; qu’en confé-
quence , après la fonte des neiges , tous Ces cratères
font à fec; que dans aucun tems de l'année on ne
voit de fources ni de flaques d'eau dans les environs
des centres d'éruption qui ont confervé leur
craicre , & dont les courans font recouverts de
feories encore peu comminuées, & admettent l’eau
des pluies comme des cribles. Ce font tous ces
faits, que j'ai vérifiés avec foin, qui détruifent cette
erreur. Outre les obfervations générales que j’ai
fuivies à ce fujet dans Jes cantons où fe trouvent
les cratères & les productions du feu des volcans
appartenans à la dernière époque, j’ai recherché
quel étoit l ’état des baffins qui contiennent Jes
éaux des lacs dans les pays de volcans, & j'ai toujours
trouvé que les baffins de ces lacs étoient tous
établis fur le fol incaét ou fur un fol qui avoic
éprouvé, depuis les rayages des feux fouterrains,
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. des changemens confidérables. Tontes les tefres
cuites , toutes les feories, toutes les laves fpongieufes
y étoient réduites en poudre & taffées, &
même ftratifiées , de manière qu'elles pouvoient
contenir l'eau. Au refte, je renvoie à l'article L acs
des p ay s volcaniques la difeuffion entière de
cette erreur, qui aléduit les favans,depuis laCon-
daminejufqu'au D. J. Deluc , quia trouvé un grand
cratère dans l'emplacement du lac d'Andernack :
5 cédât um admijfi rifum teneatis amici. Ce beau lac
d’Andernack peut bien figurer, quant à fon baf-
fin, avec le lac de Bolfène, qui en a impofé à
M, de la Condainine. M. De luc, qui trouve que
cetté étendue du baffin du lac d’Andernack. eft
démefurée pour un cratère, a imaginé que le volcan
s’étoit affaiffé, & avoit formé ce qu'il appelle
une couronne, c’eft-à-dire, un vafte cratère. Quels
faits nous a-t-il cités pour la formation de fa
couronne, & pour nous expliquer comment un
cratère qui eft dans un fond avoit pu verfer au
dehors toutes les laves qui entourent ce lac & le
dominent, ( Voyt% É poques des V olcans &
V olcans. )
CRAU (L a ). C ’étoit un des quartiers qui for-
moient le territoire de la ville d'Arles, & auquel
on donnoit quarante-quatre lieues de tour fur
douze lieues de large. Cette contrée, qui eft entre
le Rhône & l'étang de Berre, quoique couverte
de cailloux, .eft plantée de vignes & d'oliviers :
on y récolte des huiles d’une qualité excellente.
Les pâturages y font très-bien pour la nourriture
des brebis. Outre les fruits de toute efpèce que
produit ce petit pays, il y croît de h manne & une
forte de graine appelée kermès, propre à faire du
vermillon. A cette efquifle fuccinte de la Crau
nou$ croyons devoir ajouter une defeription étendue,
qui fera mieux connoître le phyfique de cette
contrée fingulière.
Le nom de Crau vient de Craig qui fignifie pierre
en langue celtique ; ce qui lui a fait donner le nom
de champ pierreux. .Crau a pour bornes le terroir
d'Arles m d’Eiguières au couchant, celui de Fox
6 d'Iftres au midi, le terroir de Salon & de Mi-
ramas au levant , celui de Lamanon & partie du
terroir d’Eiguières au nord. Les Anciens avoient
fait mention de ce champ fingulier fous le nom
de campus herculeus , campus lapideus. Strabon ,
livre IV de fa géographie, lui donne l'épithète
d'admirable. Sa forme eft triangulaire : fon fol a
peu de profondeur ; il eft couvert de différentes
couches d’ une terre rouffeâtre & brune, mêlée
avec une quantité innombrable de cailloux de divers
volumes, depuis la grolîeur d'un pois, jufqu’à
celle d'une courge. Ces cailloux, également répandus
fur la furface du terrain, fe touchent tous*
ils forment une efpèce de poudingue qui s’enfonce
jufqu'à trois ou quatre pieds de profondeur ,
& que le fer le plus dur entame difficilement. Il
y a des endroits où le poudingue pénètre jufquà
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cinquante pieds dans -e fein de la terre, comme
on l'a reconnu en cretüant des puits. Ces cailloux
font également féparés ou adhérens entr’eux , au
moyen d’un gluten lapidifique d’une confifiance
fort dure. La terre qui eft au deffus des premières
couches horizontales eft plus calcaire qu’argileufe.
Ces deux fubftances 1e trouvent fou vent mêlées
enfemble ; elles font prefque toujours humides.
Le gravier, le fable, n y font pas moins communs :
on rencontre enfuite la roche vive.
La plaine de la Crau, qui parfît d une égalé
continuité entièrement nue à l'oe il, eft interrompue
par des élévations & de bas-fonds. On
vo it, en la parcourant, des ravins & des enfoncemens
que les eaux pluviales rempiiffent jufqu à
former des étangs.
Pour avoir une idée exaCte du lo ca l, il faut fe
repréfenter une. plaine unie , dont les bords méridionaux
& occidentaux le terminent au même
niveau , tandis qu'elle eft bornée au nord par des
collines & des montagnes; ce qui offre la forme
d’ une plage que les eaux de la mer ont couverte
auparavant. Les cailloux de divers calibres qui
rempliffoient l’ancien lit de la mer paroiffent avoir
été apportés par fes flots , qui les ont laiffés en
fe retirant, ou bien avoir été détachés en partie
des montagnes environnantes. Plufieurs de ces
cailloux ont leur furface unie ; ils ont été roulés
& tiennent du calcaire : leur forme extérieure a
du rapport avec la pierre des montagnes & des
collines voifines ; ils n’ont point le grain ni la
contexture dufilex, & ne fauroient fcintiller avec
le briquet; d’autres, plus unis, plus ferrés, font
de nature fufible : il en eft où le grès arrondi &
les molécules quartzeufes dominent entièrement.
La longueur du tems a perfectionné les tins & altéré
les autres. La nature opère infenfiblement des
mutations furprenantes par des voies qui nous
font inconnues. Cette efpèce de poudingue eft
devehtie , en quelques endroits, par 1 adhefion
de petits cailloux diverfement colorés , un vrai
marbre brèche qui en reçoit le poli. Des variolites,
plus ou moins grandes , font difleminees paimi
ces cailloux. La variolite eft arrondie, lifte, &
paroît avoir été roulée ; elle eft compacte , fonde,
feintillant un pèu av-ec le briquet : fa couleur eft
verte , tirant fur le brun ; elle eft parfemee de
taches obfcures, plates ou relevées, qui fe touchent
ou bien font éloignées les unes des autres. Lorique
ces taches font protubérantes , elles reffembltnt a
des grains de petite vérole, dontla pierre a ti^ré fon
nom, lapis variolarum. On la nomme , du cote^de
Sifteron , peiro de la rougne ; ce qui fait que Pcn
confond les variolites avec d autres pierres. Ces
accidens fe voient en effet fur des marbres roulés
, des granits, des agates ; mais la j^riolite
eft reconnoiffable à ces caractères diftinChfs. _
Le brillant de ces pierres après les avoir
caffées, leur contexture intérieure , leur pefan- teur , indiquent qu’ elles renferment quelque nu- <
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néral. En effet, M. de la Tourette, fecrétaire perpétuel
de l’Académie de Lyon , croit y avoir
apperçu de l’argent natif en feuilles, qu on pren-
droit d'abord pour du mica fans l'analogie &
la comparaifon. L’acide nitreux n attaque point
la variolite : il s'en échappe feulement quelques
bulles d'air, mais il n’excite aucune effervefcence.
En la tenant long-tems dans l’acide vitriolique on
pourroit mieux juger de fa nature par la combi-
naifon de cet acide avec les fubftances qui entrent
dans fa compofition. La variolite réfifte a i aCtion
du feu & n’eft point fufible : on y trouve des
molécules ferrugineufes, comme dans la plupart
des quartz , du feld-fpath. Elle a la dureté du
porphyre; elle eft réftaCbaire comme lui : c'elt
peut-être le filex vitrefeens Linn&i. Ce qui la distingue
du filex, c'elt d’être métallique. Les variolites
que la Durance entraîne avec elle ont toutes
la propirété de ce les de la Crau, leur dureté, leur
pefanteur, leurs taches, le même grain : il y en a
dont les taches font blanchâtres : on dirent que
c’eft une véritable efflorefcence qui s eft formée
fur la pierre. On trouve plus communément les
variolites aux bords de la Dc.rance Sr dans les
champs de la Crau que partout ailleurs ; elles font
beaucoup plus répandues fur quelques collines
du Dauphiné. M. Guettard a découvert dans
cette province, un coteau rempli de variolites
qu’un torrent entraîne dans la Durance. Les r i vières
qui naiffent dans les montagnes du Dau-
'■ phiné, celle d’Ubaye, qui a fon embouchure dsns
la Durance, châtient des variolites. On en a trouvé
fur les coteaux de Digne , vers Malijay , le long
de Bleaune, dans des ravins & des ruiffeaux près
j de Sifteron. Il paroît par là que les variolites fe
forment enplufieurs endroits, & que la matière
filicée dont elles font compofées, acquiert infenfiblement
, dans la fucceffion des tems , les propriétés
qui D diftinguent des autres cailloux.
Les bas-fonds de la Crau font couverts de bob
& de pâturages : on y élève des chênes qui donnent
des bois taillis. Les mûriers y viennent très-bien,
mais ils me parviennent jamais à une certaine grof-
feur. Le noyer y profpère davantage, à raifon de
l ’humidité qu’ il aime. L'amandier n’y fauroit réuflir;
le terrain eft trop découvert, trop battu des vents
Scfous un ciel trop froid en hiver. L'olivier réuffir:
à la Crau y mais par la même raifon il n’a pas de
durée. Les vignes s’accommodent bien du fol de
la Crau ; mais leur durée, comme de toutes celles
qu'on plante aux bords de la m er, n’eft pas longue.
Leur produit annuel dédommage le propriétaire de
leur courte exiftence. Le vin en eft fumeux , pétillant
& fpiricueux ; il jouit d’une réputation méritée.
Les puits qu'on eft obligé de creufer dans îs
Crau pour fe procurer de l'eau douce , font plus
ou moins profonds , relativement au voifinage des
montagnes. Il exifte des eaux fouterraines au quartier
de l'Hamadelle, duquel paroît avoir été dé