
faits qui fervoient à l’établir , une conféquence
que la force de l’analogie m’autorifoit à tirer.
Cette conféquence me fit v o ir , dans la Chauffée
des Géans & dans toutes les maffes prifmatiques
qui fe montroient fur les bords de la mer en
Irlande, en un mot, dans les fommets tronqués
qu’on y apperçoit, plufieurs traces de volcans qui
fe font éteints comme ceux d’Auvergne. Bien plus,
je me perfuadai qu’en général ces affemblages de
colonnes polygones étoient des témoins infaillibles
de l’exiftence d’anciennes éruptions des feux
fouterrains , pourvu que la pierre qui compofoit
ces prifmes eût un grain ferré, parfemé de points
brillans , & offrît une couleur noire ou grife. J’ ajoute
ici que, dans la comparaifon du comté d’An-
trim avec l’Auvergne, cette dernière province doit
conferver une grande fupériorité, attendu que les
preuves des volcans y exiftent dans les cratères
placés à la tête des courans qui renferment le
bafaLte, au lieu que tous ces témoignages ont dif-
paru en Irlande.
Après avoir analyfé tous ces faits, & achevé la
comparaifon de deux pays également célèbres par
des phénomènes qui portoient l’empreinte du même
produit du fe u , je formai le projet de lever
la Carte de toutes les parties de l’Auvergne qui
étoient volcanifées, & qui étoient couvertes d e .
courans de laves. Les courfes que j’ ai faites en
conféquence m’ont mis à portée de revoir les
bafaltes prifmatiques dans les circonftances qui leur
étoient propres, & avec les formes variées les plus ;
inftruétives. A mefure que la Carte fe le v ô it, '
qu’on y traçoit les courans de laves, on prenoit
une note des bafaltes qu’on figuroit avec foin fur
une Carte particulière qui accompagne le tableau
imprimé dans les Mémoires de VAcadémie des fcien-
ces. C ’efi là où tous les bafaltes de l’Auvergne
figurent dans quelque lïtuation qu’ils fe trouvent,
& fous quelque forme qu’ils fe préfentent. Dau-
benton , ayant cette Carte fous les y e u x , di-
fo i t , en la confultant, que cette lithographie lui
paroiffoit un nouveau genre de preuves incon-
teftables. C ’eft cependant contre ce témoignage
qu’ on a révoqué en doute la découverte que j’a-
vois mife au jour fur la nature & l’origine du
bafalte-lave prifmatique. J’étois en état d’indiquer
fur la Carte les différens lieux où fe montroient
les maffes de prifmes réguliers & irréguliers, en
fituation verticale ou horizontale, ou inclinée à
l’horizon, depuis un pied jufqu’ à cent & cent cinquante
pieds, d’ une feule pièce, & depuis cinq ou
«x pouces, & jufqu’à cinq, fept & neuf pieds de
diamètre} en forte que l’on a découvert & indiqué,
fur la partie volcanifée de l’Auvergne, que l’on a
le v é e , plus de formes & de pofitions variées dans
les prifmes, qu’on n’en avoit décrit ou defliné dans
ceux de la Cnauffée des Géans ou ailleurs, & ces
prifmes étant compofés d’une pierre qui porte partout
les marques inconteftables d’une production
de volcan , & par fon grain, & par fa pefition.
C ’eft pour préfenter ces détails dans tout leur
jour que j’ai montré fur la C a r te , quoique rapidement
, les principales maffes de bafalte prifmatique
diftribuées dans l^s différens cantons de l’Auvergne
i & fur'tout <|u milieu des courans de laves. Je
les partageai, relativement à leurs formes & à
leurs difpofitions, en trois claffes différentes. Dans
la première, je plaçai les prifmes articulés ; dans la
fécondé, je rangeai les prifmes horizontaux ou inclinés
à l’horizon j dans la troifième figurent les
prifmes d’ une feule p ièce, verticaux, réguliers &
irréguliers. Je renvoie, pour ces trois claffes de
bafaltes prifmatiques, au Mémoire & à la Carte
qui l’accompagne, & qui font partie du volume
de l’Académie des fciences pour l’année 1771..
On pourra v oir , dans la fuite du Mémoire &
fur la C ar te , i ’enfemble des faits fur lefquels je
me fuis fondé pour en conclure que le bafalte p r if
matique étoit une production du feu des volcans.
Le concert des circonftances femblables d’après
lefquelles je me fuis déterminé, forme un tout de
conviCtion auquel il eft difficile de fe refufer. C e
concert, fi frappant fur la Carte où les principaux
courans font figurés , l’ eft bien davantage lorf-
qu’on le contemple dans la nature. Les indications
qui précèdent, fuffifent, avec les fecours de la
Carte jointe au Mémoire, pour guider les pas &
les observations de ceux qui fouhaiteront s’ inf-
truire fur ce phénomène, & adopter une opinion
fur l’origine du bafalte-lave.
A mefure qu’on parcourt ces cantons en faifant
la recherche & l’énumération des maflès prifmatiques,
qu’on étudie les courans furtout vers leurs
extrémités , qu’on fuit leur marche depuis le
centre des éruptions, qu’on détermine leurs limite
s , qu’on examine les différentes efpèces de
pierres dont ces courans font compofés, on re-
connoît à chaque pas que ce font des hors-d’oeu-
vres établis fur le fol naturel & primitif. On distingue
par conféquent les produits du feu des
fubftances intactes, & l’on reconnoît en même
tems les tranfports immenfes des matières fondues
, dont les prifmes bafaltiques font toujours
partie.
Ce qui achève de décider entièrement l’état de
lave des bafaltes y c’eft que le grain & la couleur
de la pierre des prifmes font conftamment les
mêmes, dans quelque fituation qu’on les trouve ;
que les fcories, les matières fpongieufes ou au
moins les terres cuites & les matières noires, friables,
pulvérulentes, les accompagnent toujours.
Je vais plus loin encore, & je dis que la forme
prifmatique n’eft pas la feule que prenne le bafalte,
& la feule qui mérite l’attention des naturaliftes.
Dans certaines parties des courans qui renferment,
comme je l’ ai dit, le bafalte prifmatique, on peut
fuivre des amas de boules accumulés les uns fur
les autres, & cette forme fe préfente pour lors
auffi fréquemment que la prifmatique. Mais je
remets à l’article B oules tous les détails qui
concernent cette forme, ainfi que l’ indication des
principaux endroits où ces amas fe montrent &
concourent à la compofition des bafaltes de diver-
fes formes.
La découverte de la nature du bafalte & des
agens qui ont contribué à le former, fembleroit
incomplète fi l’ on ne pouvoit pas faire connoître
en même tems les matériaux que le feu a fondus
pour le produire. J’ai recueilli une fuite de granits
que je confidère comme ces matériaux primitifs :
ils ont éprouvé, par le feu, différens degrés d’altérations,
qui fe terminent à la lave compaCte,
c ’eft-à-dire, au bafalte. On y voit le feld-fpath,
q u i, dans quelques échantillons, eft grifâtre, &:
q u i, dans d’autres, préfente un fond noir d’un
grain ferré, & au milieu de ces échantillons on
reconnoît très-aifément le quartz qui refte en crif-
taux intactes , ou éclatés par lames, ou réduits à
une couleur d’un blanc-terne, comme font les
quartz blancs rougis au feu. Enfin , j’ai deux frag-
mens de granit dont une partie eft totalement
fondue, & a le grain de la lave compacte, pendant
que l’autre femble réfervée pour notre inf-
tru&ion. On y fuit des bandes alternatives & dif-
tinétes du quartz qui eft cuit à blanc, & du feld-
fpath qui eft fondu & noir.
Les échantillons que j’ ai préfentés à l’Académie
fer oient des preuves fortuites , qui n’autorife-
roient pas la généralifation que je donne aux confé
ren c e s que j’en ai tirées, fi des obfervations
fuivies & répétées ne mettoient en état d’indiquer
, dans les M on ts -Do r , des contrées de cinq
à fix cents toifes d’étendue, qui offrent en grand
ces nuances fi inftruétives de l’aétion du feu. De
même en Italie, en Auvergne, en V e la y , en Viva-
rais, dans le Vicentin, font à la tête des courans
des montagnes que je nomme fritées, qui renferment
du granit altéré par le feu ôc des fortes de
porphyres. Je finis par remarquer que le bafalte
qui m’a occupé jufqu’ic i, o u , ce qui eft la même
chofe, la lave qui a le grain ferré & une couleur
plus ou moins foncée, a reçu le contaCt de la
flamme dans la cheminée ou dans le foyer du vol •
can i au lieu que les granits que je nomme cuits,
les tripolis, n’ont été chauffés que par la communication
de la chaleur qui a pénétré les maffes
de proche t n proche, fans que la flamme les ait
touchés.
Je me propofe de continuer à faire connoître
les endroits de l’Italie, où j’ai obfervé le bafalte
prifmatique à peu près dans les mêmes circonftances
ou je l’ ai étudié en Auvergne. En 1 76 6,
j’ ai vu ce bafalte aux environs de V icence, dans
les Etats de la République de V enife, & conftamment
au milieu des autres produits du feu, tels
que les fcories, les laves trouées, les ponces &
les terres cuites. II s’y montre, fous toutes fortes
de formes, en maffes irrégulière*, en boules, en
corps à facettes &: en prifmes très - réguliers,
comme en Auvergne. Je me contenterai d’indiqucr
ici rapidement les différens lieux où je l’ai
reconnu conftamment placé au milieu des courans.
Ainfi de nombreufes maffes prifmatiques fe font
montrées à Moncalèfe , proche les villages de
Brendola, de Gambellara & de Terroffa j mais
la vallée de Ronca m’a préfenté des rideaux de la
Sranûe régularité. On peut jouir du même
fpectacle tout le long du vallon de l’Alp on, particuliérement
depuis San-Giovanne-IIüarione juf-
qu’à Monte-Boka, fur une étendue de trois lieues,
les rochers de bafaltes étant découverts de toutes
parts, le long des croupes de ces deux vallées
profondes, par les eaux qui ont enlevé les dépôts
de la mer qui couvroit les produits des feux fou-
terrains , qui font antérieurs à ces dépôts dans
toute cette contrée. Quelques-uns des prifmes
bafaltiques font encore engagés en partie dans des
fcories, dans leurs débris & dans des terres cuites,
fous lefquelles fubftances ils étoient enfevelis avant
que les eaux euffent dégradé ces terrains mobiles.
Les mêmes matières fervent aulfi de lit à ces rochers
de prifmes. De Moncalèfe à Monte-Bolca il
y a environ vingt lieues qui offrent partout les
produits du feu fouterrain, fur une largeur de fix
à fept lieues. Voilà très à peu près l’étendue
que je puis donner à cette contrée volcanifée ,
très-rem.arquable d’ailleurs par les courans qui renferment
le bafalte prifmatique , & qui doit être
placée dans la même clafle que l’Auvergne.
Kircher nous apprend qu’en dirigeant fa marche
de Bolfène vers Monte-Fiafcone, on rencontre
fur Je bord élevé du lac à gauche, des rochers
entièrement compofés de prifmes. Ce fait fe trouve
appuyé par une obfervation du D. Breyn , q u i,
dans les Transitions philofophiques , n°. 334, annonce
que, près de Bolfène, les montagnes étoient
en plufieurs endroits formées de bafalte. Prévenu
de ces faits , j’ai obfervé, en 1769, fur les bords
du lac de Bolfène, les prifmes de bafalte dont parlent
Kircher & le D. Breyn. Mais outre cela il eft
aifé de remarquer que tout le bord du la c , qui
forme une fuite de collines élevées, offre, fur^ne
étendue de plus d’un mille, plufieurs affemblages
de prifmes à moitié couverts par des fcories &
des terres cuites , & placés à côté de matières,
ou fondues, ou feulement altérées par le feu. Les
bafes fur lefquelles ils font placés, font des Jirs de
cendres horizontaux, au milieu defquels fe trouvent
des fragmens de ponces & des débris de
fcories. Ces colonnes de bafaltes, entaffées les
unes fur les autres, fort ferrées entr’elles & formées
d’une lave dure & compare, préfentent des
héxagones à faces égales. Outre cela, quelques-
unes de ces colonnes ont trois ou cinq côtés, mais
leurs formes font très-régulières ; de forte que la
retraite s’eft faite bien uniformément fur des matières
homogènes. Enfin, certains affemblages de
prifmes font dans une fituation horizontale, & ne
Iaiffent voir que leurs bafes fur les croupes des
collines > d’ autres font vejticaux, & paxoiffent fur