
eft fortie du fein de la Terre y en quoi cependant
on pour roi c fe tromper encore fi Ton ne réunit
pas à cela d’autres éclairciffemens j car le mont
Aimé j ifolé fur les plaines crayeufes de la Champagne
, eft d’une toute autre nature de pierre, Si
n'eil point le produit d’une éruption, mais un refte
& un témoin des terrains fupérieurs j qui, ayant
été prefque tous détruits, ont laiffé les inférieurs
à découvert. Il faut donc joindre aux précautions
qu'on doit prendre dans de pareilles obfervations,
celle de confidérer les afpeds de ces montagnes ,
le regard de leurs efcavpemens & les rapports
qu’elles peuvent avoir , quoiqu’ifolées, avec les
montagnes circonvoifines, Sc rechercher fi l’on n’ y
apperçoit point ces angles correfpondans qui réunifient
la fuite des montagnes qui font aflujetties
au cours des vallées j & dans ce cas, quelqu’élevées
que foient ces montagnes, & quelqu’efcarpée & ifo-
lée que foit leur coupe, elles ne feront dès-lors que
des relies de la démolition des terrains fupérieurs,
& non la fuite d’une éruption locale.
L’écoulement des eaux, lors de l’apparition de
la T e r re , a dû fans doute laiffer des empreintes
remarquables à la furface des continens, & les
grands filions que nous obfervonsfur le globe peuvent
en être les traces , fi l’on excepte cependant
les grands produits du travail des eaux courantes,
depuis le temsde la retraite de la mer. Les diverfes
directions fous lefquelles les eaux fe font retirées,
ont dû encore vraifemblablement dépendre de
plufieurs mouvemens, les uns généraux autour du
globe, & les autres particuliers dans chacun des
baflins. Les mouvemens généraux ont régné fans
doute dans les premiers momens de ^ébranlement
général, & les particuliers n’auront furtout régné
que fur la fin de cette apparition, & lorfque les fom-
mets des baflins déjà découverts auront interrompu
tout le mouvement général. On diftinguoit alors
les Commets des points de partage , les vallons des
vallées, & le tout formoit & deflinoit le même
enfemble d’inégalités Si de variétés que Ton remarque
fur toutes les contrées de la Terre. Des
phénomènes de cette nature auront dû s'opérer
fur notre hémifphère terreftre par l’écoulement
fubit des anciennes mers. Pour en trouver les
empreintes, rien ne nous le repréfente plus parfaitement
que la direction générale des grands
flu v e s de l’occident vers l’orient. La chute de
cet écoulement univerfel des eaux a produit fur
les principaux fommets les mêmes effets que pro-
duifent les fleuves fur les rivages où ils font jetés j
ils les ont détruits Si efcarpés^ de telle forte généralement
que tous ces fommets font courts Si rapides
vers l’occident, & en pente très-douce vers
l’orient i ce qu’ il eft facile de vérifier. Réunifions
pour cela, fous le même coup-d’oe il, les fommets
du Monde, qui ont donné la direction aux grands
fleuves, & examinons leur difpofition générale.
On doit fe fouvenir que j'ai avancé que les fleuves
ae couloient d’occident en orient que parce que
les parties les plus élevées des contrées qu’ ils tra->
verfent, font à l’occident de leurs cours, & qu’ainfi
ces fommets doivent avoir leur direction , non de
l'occident vers l’orient comme on a cru , mais du
nord au midi comme ils font effectivement. Il faut
pour cela tracer fur le globe les fommets de tous
les continens qui font vifibles & apparens, & regarder
les mers comme le fond des filions dont la
Terre eft couverte , & les continens avec leurs
principales chaînes de montagnes comme les fommets
de ces mêmes filions. On peut avoir recours
à la mappemonde dédiée aux progrès de nos con-
noiffances, où ces fommets font très-exaCtement
tracés.
Si l’on regarde d’abord l’hémifphère terreftre
dans toutfon enfemble, il eft bordé par le fommet
de toute l’Amérique, qui n’a qu’ un revers très-
court , lequel aboutit à la mer Pacifique, Si qui
eft hérifie des plus hautes montagnes du Monde.
Il n’y a pas un fleuve ou une rivière notable qui,
de ce c ô té , fe rende dans ces mers : Ton n'y voit
que des torrens fort courts & rapides, qui nous
montrent Tefcatpement général de tout l’hémif-
phère terreftre à l’occident. Il n’en eft pas de même
de la partie orientale de fon cercle : les fommets
de l’Afie en font très-éloignés : ce ne font que des
fleuves de huit cents, douze cents Si quinze cents
lieues de cours, qui defcendent dans la mer des
Indes, dans la mer Pacifique & dans la mer Glaciale
i ce qui fait connoître combien les fommets
font éloignés des mers orientales. Cette pente rapide
d’un côté & cette contre-pente fi douce & fi
longue de l’autre nous indiquent vifiblement dans
quel fens s’ eft fait l’ancien écoulement des mers
vers l’hémifphère maritime, puifque tout le revers
occidental a été efcarpé , rendu fec & ftérile, &
qu’ à l’orient font au contraire de vaftes contrées
en pente douce & les plus fertiles du Monde. Les
continens, vus en détail, nous offriront exactement
la même conformité générale.
La ligne du fommet de l’Angleterre, nord &
fud , eft bien plus proche du bord occidental que
de l ’oriental. La mer occidentale d’Irlande & d’Angleterre
eft bien plus profonde que la mer qui baigne
les côtes de la Hollande.
La ligne du fommet de la N orvège eft bien plus
proche de l’Océan que de la mer Baltique. Les
montagnes du fommet général de l’Europe font
bien plus hautes vers l’ occident, que celles qui font
à l’ orient ; & fi Ton confidère ce fommet depuis la
Suiffe jufqu’en Sibérie, il eft bien plus près de la
mer Baltique & de la mer Blanche, que de la Mer-
Noire & de la mer Cafpienne.
Les Alpes & l’Apennin régnent bien plus près
de la Méditerranée que de l’Adriatique : d'un côté
ce ne font que des torrens fort courts ,' de l’autre
c ’eft le long cours du Pô.
La chaîne de montagnes qui fort du T iro l, qui
pafle en Dalmatie, & qui pouffe fon extrémité
jufqu’à la pointe de la Motée , eft toujours, à
l’occident
T occident de la T urquie européenne, Si côtoie fans
ceffe la mer Adriatique.
Si je regarde le ballin de tout le terrain qui verfe
fes eaux dans le Pont-Euxin, du côté de l’occident,
je vois que ces eaux defcendent par un très-long
cours , & qu’à l’orient c’ tft tout Je contraire.
Le fommet qui eft entre la mer Cafpienne & le
Pônt-Euxin eft bien plus loin de la première, mer
que de la fécondé , dont il côtoie le bord oriental.
Cette régularité .n’ eft pas moins fenfible en" A fie.
Si je fuis le fommet qui s’étend depuis les Dardanelles
jufqu’au détroit de Babel-Man.del, je trouve
toujours que les fommets du mont Taurus, du
Liban & de toute l’Arabie côtoient la Méditerranée
Si la Mer-Rouge, & qu’ à l’ orient ce font de
vafles continens que parcourent des fleuves.de long
cours qui vont fe jeter dans le golfe Perfique.
. Si depuis le fommet de TAfiequfqu à la prefqu’île
de l’ Inde je cherche les fommets de, ces continens,
je vois ces fommets Si ces fameufes montagnes des
Gattes s’approcher conftamment des mers occidentales
, & le plus long revers dirigé vers l’orient.
• Si des frontières occidentales de la Chine je fuis
encore un autre fommet d’une partie de ces continens
jufqu’à la pointe du Maîaca, je vois la même
uniformité à l’occident : les continens font étroits ,
les mers font profondes & fans îles i à l’orient, au
contraire, les continens font alongés confidéra-
blement, & les mers remplies d’une infinité de
grandes & de petites îles. >
L’Afrique , dans toutes les contrées qu’on eft
parvenu à connoître, n’offre pas unfpedacle moins
confiant. La chaîne du mont Atlas verfe dans les
mers, des Canaries des torrens des fleuves d un
cours moins long que n’ efi celui des eaux courantes
qui fe portent dans l’ intérieur du continent,
& qui vont le perdre au loin dans des lacs Sc de
grands marais, . . ; , ‘ v
Les plus hautes montagnes qui fe préfentent aux
voyageurs qui feroient. le tour de, cette partie
du Monde font à l’occident, vers le Cap-Vert &
dans toute la Guinée. Cette chaîne , après avoir
tourné autour du C on g o , va gagner les montagnes
de la Lune , qu’ on a confidérées comme 1 e-
pine du Monde ; elle s’alonge jufqu’ au Cap de
Bonne-Efpérance, ,& fe perd fous les eaux du
midi , quoiqu’elle occupe allez régulièrement le
milieu de la grande pointe de l’Afrique. On recon-
noîtra néanmoins , en confiderant les mers orientales
Si occidentales qu’ elle n’ eft: pas au milieu
des filions. La mer occidentale eft une mer profonde
& fans îles; l’orientale, au contraire, a un
très-grand nombre d’ïles & de bas-fonds ; en forte
que Tendroit le plus profond^de la mer orientale
eft bien plus près de cette chaîne, que le.plus profond
des mers occidentales ou des Indes. |
Mais il n’eft point de partie du Monde ou cette
admirable régularité foit plus confiante que dans
l’Amérique : on y voit effe&ivement le fommet
des continens fuivre & côtoyer prefque toujours
Géogr'apkie-Phyfeqac. Tome HL
la grande mer du Sud , & s’éloigner des rive5
orientales. Cette chaîne, qui .fort des contrées inconnues
du nord, y laifife à l’orient les vaftes continens
arroies par le Saint-Laurent, le Miflîflipi &c
le Rio-Salâdo, pour traverfer le Nouveau-Mecque,
Sc s’approcher de la Mer-Vermeiilr ; elle tra-
verfe enfuit-e la Nouvellt-Efpagne, dont le continent
eft fort étroit > mais néanmoins elle en laiffe
à Torient la plus grande partie : les mers qu’elle fe-
pare, font remplies d’îles& de bas-L.nds. A l oueft
Si à l’occident c’ éft encore une mer immenfe.Les
fommets, après avoir pafle Panama, régnent d’une
façon furprenante , fous le nom d'Andes & de Cor-
di Hier e s, tout le long du Pérou , du Chili & des
Terres magellaniques, en côtoyant fans ceffe la
mer Pacifique, & laiflant à Torient les grands continens
arrofés par TOrénoque, l’Amazone Si la
Piata.
On voit donc généralement que, dans tous les
grands continens, les points de partage des eaux
étoient toujours beaucoup plus près des mers de
. l 'oueft, que des mers de T eft ; que les revers de ces
| continens font beaucoup plus alongés vers l'eft, &
| toujours raccourcis à Toueft ; que les mers des rives
occidentales font toujours plus profondes & bien
moins peuplées d’îles que les vives des mers orientales
, Si qu’enfin tout repréfente, fur la furface du
globe , les empreintes d’un écoulement général
d’occident en orient, lequel, comme fait aujourd’
hui le moindre ruiffeau , a raccourci tous les revers
fur lefquels il tomboit, Si n’a fait aucun tort
à ceux qui ne lui étoient point oppofés. Ces empreintes
fe retrouvent même dans les lies voifînes
des continens. Ainfi, par ce formidable écoulement
dirigé de l’occident vers l’ orient, toutes les
îles orientales de l’Àlie ont'été efcavpées à leur
couchant; en forte que, dans toutes ces mers, les
côtes des îles font toujours hautes Sc hardies à
Toueft, Si qu’à Te$ elles font toujours baffes, Si
que les mers qui les baignent, ont peu de profondeur.
Dans la plupart des îles orientales du continent
de l’Amérique ce phénomène fe diftingue
aufli. Le Voyage a la Baie d‘Hudfon3 par Ellis,
tome I I , nous apprend que l’ ile de Marbre eft très-
élevée à Toueft, & baffe à l ’eft ; qu’on ne v o i t ,
dans cette île, que fommets caflés Sc endommagés,
comme s’ils avoient été entamés par quelques inondations
Sc bouleverfemens dans cette diredion. Il
e ft, outre cela , très-remarquable que les rivières
du continent étoient dirigées fur elle, & qu’elles
avoient des rivages très-efcarpés. S Mon fait pré-
fencement attention que la moindre île de fable ou
de'vafe qui fe forme dans lés rivières , nous offre
les mêmes circonftances, que l’amont en eft
toujours élevé , & fe trouve coupe parce qu’il
fe détruit fans ceffe 5 que l’aval au contraire eft
toujours bas , parce qu’ il fe conftruit continuellement
par lits & par couchés très-minces, on
' fentira que je n’ai pu conclure autre chofe des
efcarpemens occidentaux de nos continens , finon