
Quoique robuftes 8c courageux , les habitans du
Bouian connoiffent peu l'art de la guerre. Us vivent
d’ailleurs difperfés fur leurs montagnes, dont
le difficile accès eft ce qui lésa jufqu’ à préfent fait
échapper à la rapacité des conquérans, avantage
qu'ils ne conferveroient pas long-tems s’ils laif-
loient libre le paffage de leur« montagnes. Cependant
il eft certain que tous les peuples qui habitent
les pays fîtués au nord de l’Indoftan , font
très-jaloux d’avoir des relations avec eux. Une
caravane du Boutan fe rend régulièrement à Rung-
pore dans le Bengale, 8c y vend des oranges, des
n o ix , de groffes étoffes de laine, ainfi que les
chevaux qui portent les marchandifes. Après y
avoir féjourné un mois, elle prend en retour des
toiles de coton , du fel & d’autres productions du
Bengale} mais les Boutaniens qui vont chez les
Bengalis , n’ admettent jamais les caravanes de
ceux-ci chez eux.
Les convmunications des habitans du Bengale
avec ceux du Boutan font encore interceptees ,
ainfi que nous l'avons d it, par la différence des
moeurs 8c du climat. Certes, il eft impoflible de
concevoir moins de reffemblance phyfique & morale
entre deux nations , que n’en ont les foibles
& doux Bengalis avec les aâifs 8c robuftes Boutaniens.
Leur religion, qui dérive évidemment de
la même fource, & qui doit influer beaucoup fur
leurs moeurs, a eu chez les deux nations des e f fets
tout oppofés.
Le Boutan eft fi froid, à caufe de la hauteur de
fon territoire, que peu de fes voifins méridionaux
peuvent endurer la rigueur de fon climat. D’ un
autre c ô té , les Boutaniens, vêtus d’étoffes de
laine, & inaccoutumés aux ablutions prefque continuelles
des Indous, fouffrent beaucoup de l'at-
mofphère brûlante & humide du Bengale : ces
contrées ne different pas moins pour la falubrité.
La caufe qui met une fi grande différence dans la
conftitucion phyfique des deux peuples, agit de
même fur leur caractère 8c fur leurs moeurs.
On peut divifer le Boutan en Boutan proprement
die, 8c le Bahar.
Le Bahar ou Couch-Bahar , cette contrée du
Bengale que les Boutaniens envahirent en 1772,
eft la partie baffe du Boutan aétuel. De fes limites
du côté du Bengale, formées par la rivière Tour-
fcha, on apperçoit les hautes montagnes du Boutan
proprement d it , & qui reffemblent à des nuages
épais & élevés : fon fol eft marécageux & mal-
fkin, fon atmofphère remplie de vapeurs 8c de
brouillards 5 fon afpeét général eft trifte; les habitans
pauvres, 8c d'une complexion foible & malingre.
Les gens du peuple vendent leurs enfans à
qui veut les acheter, & certes la pauvreté 8c le
malheur de ce peuple doivent paroître extrêmes
quand on fonge qu’il eft forcé d'avoir recours à
ces moyens extraordinaires, quoique, dans ces
contrées, on ait befojn de fi peu de chofe pour
vivre. La nourriture d'un payfan ne lui coûte pas
plus d’un confommefo ud etuoxu rnliovirse sp adre j oriuzr ,b eonu fiullpi,p oafvaenct quun'iel qmueasn ,t idtée pprooifpfoornt i&on dneé ep idmee fnetl., d’huile, de léguLes
bords de la rivière Tourfcha, qui fert de
limite au Boutan & au Bengale dans une partie de
fon cours, font parfemés de bois épais & entrecoupés
de ruiffeaux qui font très-peu profonds.
C e pays a l ’ air trille 8c défagréable ; il manque
d’habitans 8c de culture : on n’y voit guère d’aur
très animaux qu’une efpèee de grande grue que
les Anglais du Bengale nomment l'adjudant, & lés
habitans du Bahar hargkilas , 8c quelques autres
oifeaux, aufli du genre des grues. La végétation
y paroît difficile, & les plantes qui y croiffent,
font en grande partie des rofeaux, des joncs 8c des
fougères.
Entre le diftriiSl de Couch-Bahar 8c les montagnes
du Boutan il y a un efpace de terrain de
trente-cinq milles de largeur, qui eft infertile &
inhabitable ; il peut être confédéré comme n'appartenant
ni à l’ un ni à l’autre pays j cependant il fait
partie maintenant du Boutan , ainfi que le diftriét
de Bahar. Les forêts de ce pays renferment des
éléphans fauvages. On trouve dans plufieurs endroits
des ananas qui font redevenus fauvages, 8c
les Baharites n’en connoilfenc pas l’ufage, & même
ne favent peut-être pas qu’il en croit chez eux.
Ces habitans, peu nombreux, font petits, laids,
mal faits 8c fans force.
Le village ou fortereffe de Chichacotta eft fitué
vers le milieu de cet efpace de terrain, & au-delà
font des plaines couvertes de grandes herbes, 8c
qui recèlent des tigres 8c des buffles fauvages, 8c
de grandes forêts q u i, dit-on, font abondantes
en rhinocéros, en éléphans & en fangliers.
Les maifons de ces pays marécageux font portées
fur quatre poteaux, & tout-à-fait ifolées de
terre.
La plaine s'étend jufqu'à la montagne de Buxa-
déouar, & l’accès du pied de cette montagne eft
facile jufqu’au point nommé Santàrabarry, qui eft
renommé par la quantité d'orangers qu’on y voit,
& par l’excellence de leurs fruits. Là, le chemin
devient difficile , & eft obftrué par de gros blocs
de marbre commun. Les montagnes que l’on apperçoit
de cet endroit font entièrement couvertes
d’arbres, quoiqu extrêmement hautes : les vallées
qui les réparent, font profondes. le Lloensg B doeu talan icehnaSîrnOen dt eu nme ofnéctaognndeés lqigunie r efrgoanrdtieè rlee Bengale.
Buxadéouar eft la première ville du Boutan proprement
dit du côté du Bengale, & les habitans,
de cette ville & de fes environs peuvent donner une
idée de tous ceux qui habitent le refte du Haut-Bow-
tan : ils ont tous les mêmes traits > ils font moins
bruns & plus robuftes que les Bengalis leurs voifins
j ils ont le vifage plus large, 8c les os des po-
mettes plus proéminens. Il y a urte fi grande différence
entre ces deux races d’hommes, qu’ un
étranger qui les verroit pour la première fois n’hé-
fùeroitpas à croire qu'elles habitent deux régions
très-éloignées, & ne pourroic fe perfuader que
leurs pays font limitrophes.
En continuant à traverfer les chaînes de montagnes
qui régnent dans le Boutan dans le fens de
fa longueur, les deux premières que l’on rencontr
e , font celle de Pichnkom & celle de Oumkou :
cette dernière, plus haute que la première, eft
entièrement couverte d’arbres, tous chargés de
moufle. 8c entre-mêlés de farroens de vignes fau-
v ages , d’une longueur & d’ une groffeur moins
remarquables que leur flexibilité 8c leur dureté :
auffi s’en fert-on généralement dans le Boutan au
lieu de cordes.
La montagne d’Oumkou eft en quelques endroits
argileufe} mais fa plus grande malle eft
compofée de pierre vitrifiable, dans laquelle il y
a des veines de talc & de marbre. Il y croît beaucoup
de bambous qui font très-creux, 8t beaucoup
plus gros que ceux du Bengale} ils ont d'ailleurs
les noeuds plus éloignés, & ils mûriffent en une
feule .fai fon : leurs feuilles font très-grandes, 8c
fervent à la nourriture des chevaux. On voit auffi
fur cette montagne beaucoup de touffes de bananiers.
La montagne de Phidinchim, que l’on trouve
enfuite en traverfant toujours les chaînes du Boutan
, eft âpre & très-élevée, & fes différentes parties
fopt féparées par des précipices très-profonds.
Non loin du pied de cette montagne, on arrive
fur les bords du Téhintchieu, qui traverfe le
Boutan du nord au midi, & l’on trouve des vallées
où les pêchers, les cédrats, les orangers 8c les
framboifiers font cultivés. .
Les montagnes les plus élevées du Boutan font
à trente ou quarante milles anglais au nord de la
ville de Buxadéouar, & ont leur fommité couverte
de neige.
Celle de Murichom, dans la vallée de Téhintchieu
, elt extrêmement difficile à gravir, du moins
pour des hommes à cheval} elle eft couverte de
grands arbres, ainfi que celles qui l’avoifinent,
comme les montagnes du Bengale } mais il y a fort
peu de brouffailles. Le village eft fitué près du
fomrnet, où il pj a un très-grand plateau rapide
d’une riche verdure, 8c entouré de figuiers indiens
, de pêchers 8c de faules. Les habitans de
Murichom cultivent la pente de la montagne en
y formant des gradins. Le canellier eft commun
dans les bois des environs, & l’on y trouve auffi
des frai-fiers & des framboifiers. Les mouftiques
font trèf-abo; dans dans les bois de Murichom,
8c diffèrent, par la forme 8c la groffeur, des moustiques
ordinaires.
Après avoir pafféla montagnedeTetim, qui eft
auffi fort e levé e, on trouve encore les bords du
Tehiorchieu ,.qui coule entre les montagnes de
Baboulou oc de Menfaka. Le torrent deDadoukou
tombe vers ce point dans cette rivière, 8c roule
fur un lit de rochers extrêmement étendu.
En marchant toujours au nord après avoir dé-
paffé Chouka , les montagnes deviennent moins
boifées que celles dont nous avons parlé, 8c elle*
renferment des productions très-analogues à celles
de nos climats. Le fraifier, l’ofeille fauvage , l'ortie
8c la primevère y font communs. Le chant du
coucou s’ y fait entendre, ainfi que celui de beaucoup
d’autres oifeaux, qui reffemble au chant des
oifeaux de nos bois.
Les pins 8c les térébinthes, les fapins 8c les
frênes s’y font auffi remarquer, 8c couvrent, fur-
tout le pin, les fommités les plus élevées. La température
y eft déjà très-froide, 8c l’ on y endure
le feu au mois d’avril, époque à laquelle le Bengale,
fi voifin, eft dévoré par les plus forces chaleurs
de l ’année.
Les habitans du village de Panuga, fitué dans
ces montagnes, cultivent l'orge , 8c engraiffent
leurs terres avec des feuilles de fapin pourries.
La montagne de Choupka, qu'on trouve en
avançant toujours au nord , eft une des plus hautes
de celles fur laquelle la neige ne féjourné pas
une grande partie de l’année : fa pointe, couverte
de magnifiques fapins, eft fouvent plongée dans
les nuages. L e fommet du mont Lomila, fitué à
environ cinq milles anglais de diftance de Choupka
à l’eft, eft couvert de neige.
Dans cette région, les fëuls arbres fauvages que
l’on trouve abondamment font les pins 8c les fapins
, 8c l’on y trouve à peine quelques érables ,
quelques faules, des églantiers 8c des ronces.
Les bords du Téhintchieu font cependant affez
fertiles, 8c , dans le tond de fa valiee, on remarque
des vergers ou les pommiers, les poiriers ,
les pêchers , les abricotiers & les épine-vinettes
font fort abondans , principalement dans les environs
du village dé Nomnou.
En continuant de fuivre les bords de la rivière,
on remarque, à dix milles de diftance de ce dernier
endroit, le village de Ouangoka. I c i, le pays
commence à être découvert : le Téhintchieu y
court avec moins de rapidité } fa vallée eft étroite,
mais Charmante, 8c il n’y a pas un feul coin de
terre en friche«
En fuivant toujours cette r iv iè re , on apperç
o it , à droite 8c à gauche, des montagnes dont
les fommets font encore couverts de neige au
premier juin, 8c l’on arrive à la réfidence d'été
du Deb-R*aja ou à la capitale du Boutan, 8c qui
porté le nom de Tujfifudon, mais qui n’ eft pas une
ville proprement aire, puiique les maifons font très-
éloignées les unes des autres, 8c diftanres de plus
d'un mille du palais du Dcb-Raja. I c i, la vallée du
Téhintchieu eft allez large 8c bien cultivée, 8c les
bords de la rivière font garnis de faules. Les montagnes
voîfines font ornées de grands arbres, parmi
lesquels on uiftingue des pins, des fapins, ainfi
qu’une grande quantité d’arbuftes à fleurs. Le