bullicamè, qui differerôient entr’e u x , du plus au
m o in s , foit pour donner l'accroiffement aux plus
grands p la te au x, foie encore pour produire certains
petits trous ou cellules dont le maflif des
plateaux eft parfemé , tant fur leur longueu r, que
dans l’ épaiffeur de leurs différentes co u ch e s , phénomène
dont il importe de connoître la caufe.
C e s ce llules , dont la furface fupérieure d ’une
couche eft parfemée, fe touchent le plus fôuvent 5
elles font a r ron d ie s, & ont environ trois lignes
de largeur & de profondeur. A u moyen de ce tte
continuité elles font ég a le s , comme lï ces vides
euffent é té déterminés par un même moule. Pour
peu qu'on fuive le travail de l'eau du bullicamè de
V i t e r b e , il eft aifé d'appercevoir qu’une grande
quantité de petites bulles d'air qui couvrent ce rtaines
parties du plateau, peuvent faire la fonction
d'autant de moules intérieurs qui fervent à d é te r miner
la forme des cellules. C ’eft furtout dans la
circonftance d'utie petite éru p tion , que ces effets
fe remarquent plus fènfiblement ; car alors les
b u lle s , qui font fixes & permanentes, occupent
les endroits un peu éloignés du baffin , où l'eau
cou le plus lentement à caufe dû peu de hauteur
qu'elle a , & de la foible inclinâifon du plan;, c'eft j
aufli là où elle fê trouvé retardée dans fa marché
par l’obftacle des bulles d ’air ellfes mêmes.
Le mince pellicule d ’eaU qui c o u v r e , dans ce
c a s , les bulles d’a i r , & qui a peu t-être quelque
glutinofité , t ie r t cet air comme enchaîné: il paroît
même que le féjour de ce s bulles fe trouve entretenu
& prolongé par les filamens déliés des con-
ferve s qui ne manquent guère de croître dans les
eaux ftagnantes ou qui font peu couraritès. Le jeu
de l'eau? chargée de molécules criftalliriès & des
bulles d'air qui s’y trouvent mêlées étant ralenti
par ce moyen , il en réfulte une accumulation fu'c-
ceffive de molécules criftalÜnes & de bulles d ’a ir ,
& par conféquent une addition aux couches par-
femées de cellules dans tou s 'le s fens. C e travail
étant c om p le t , il eft en état de réfifter au courant
d u n e éruption plus rapide, plus abondante, qui
pourra fur la fin de fon c o u r s , a vec les mêmes
m o y en s , former à la longue une nouvelle couche
pie freufe fur celle dés fcéllules , lès couvrir fans
les détruite , & fe> lier par telles au refte du plateau.
C e tte d e rn ière’ forte d'éruption rie peut former
d e couches a ce llules que lorfque fon cours vient
à fe ralentir après un long efpace parcouru : c ’eft
ainfi, que font formées lès cellules des plus grands
plateauxidônt nous parlerons par la fuite', ou que
au moins leur formation s’eft tro'nvéè'fàVorifée par
toutes ces cmcônft&riètes.' -
D'après cês détails nbu$ croyons être' aiitorifés
a fuppofer des éruptions plus ou moins fo r t e s ,
plus ou moins abondantes, & à les dîvife r en
g ran d es , moyennes & b a ffe s , en forte que les'
premières ne fiffent guère de dépôts & furtout de *
c e llu le s , ou bien feulement v e r s lés extréfartes
| des grands plateaux ; les fécondés dans leur pehté
mo y en n e , & les plus baffes dans les parties du
plateau, voifines de la fource. D ans un fujet où l'on
manque d'obfervations fuivies pendant un affez
lon g -tems , on ne peut s'appuyer que fur des conjectures
qu'il eft jufte d'admettre lorfque certains
réfultats les rendent vraifemblables.
C 'e f t donc par les procédés ci-devant décrits
que le plateau du bullicamè de V ite rb e , qui nous
occupe , s'eft fo rm é , & s 'a c c ro ît , d'année en
an n ée, dans toutes fes parties & fes dimenfions.
C ’ eft par ces circonftances qu’ il s'eft garni de ce llu
le s , & qu’ il devient enfin une roche pareille à
celle qui eft connue fous,le nom de travertin , ou
ce tte pierre de taille dont font conftruits un grand
nombre d'édifices anciens & modernes de Rome
& des environs. L'üne & l'autre roche ont la
même forme e x té r ieu re , le même tiffu criftallin en
dedans, & , ce qui achève d'en prouver l'id en t ité ,
on y v o it les mêmes couches cellulaires : d 'o ù l ’ofi
peut conclure qu’elles ont été formées de la même
m an iè re , & que les immenfes plateaux de travertin
qu'on v o it principalement dans lé voifî-
nage de T i v o l i , doivent leur origine à d'anciens
bullicames pareils à celui qui continue le travail du
plateau de V ite rb e : c'eft de quoi on fe convaincra
mieux encore par c e qui nous refte à dire fur cè
bullicdme.
Le nom italien travertino que porte ce tte pie r re ,
paroît corrompu du mot tiburtino , dérivé lui-
même du latin îibur, aujourd'hui Tivoli ; aufli
c’eft aux enviions de ce tte ville qu'on vo it les
carrières de travertin les plus abondantes. Les
plateaux dé ce tte p ie r re , q u ’on n'a pas exploités
dans le même canton , ont précifément la même
fo rm e , & font ifolés comme le petit plateau de
V ite rb e .
On t ro u v e effectivement plufieurs de ces plateaux
de travertin entre Rome & T i v o l i , aux environs
d'Anagni & de F ioren tin o, dont on ne peut
guère douter que la formation ne foit due à d'anciens
bullicames, ou é te in ts , ou taris. Les fourceS
qui les ariimoient ayant long-tems in c ru fté , & ,
' par c e t ra v a il, rétréci les bo’uches par où elles fê
L répândoient au dehors , rie pouvoient manquer
enfin d'obftruer leurs can au x, de les boucher 8£
de les fermer entièrement. }1 en eft à certains
égards des fources de ces bullicames qui ne font
plus en aCtiviré, comparées à ceHe du bullicamè de
V ite r b e , comme des anciens volcans é te in ts , ré pandus
dans une grande partie de ce tte même
contrée , relativémênt au V é fu v e 'q u i brûle' fé a l
aUfourd'hui, qüoiqû’aVéc dés intermittences dans
fes éruptions qui fe fuccèdeht conftammeht, depuis
bien des fiècles , lés unes aux autres-, en lançant
au d ehors , tantôt dè fîmple fum é e , tantôt d e
la lavé feule.
J’ajoiiterai à ce tte comparaifon dés volcans &
des bullicames yqu'oh aproit pu conjeCtùrerJa caufe
des premiers indépendamment d è la connoiffancê
des volcans en a c t iv i té , au lieu qu'il auroit été
très-difficile de deviner l’ origine des plateaux de
travertin s’i l . n'en avoit pas exjfté un modèle, pu
un exemplaire, po,ur ainfi dire en pleine aCtivité,
dans le bullicamè de V i t e r b e , & dont jon peut,
fuivre le travail.
Les fources des anciens bullicames qui fembletm
avoir difparu, ne font pas cependant perdues. Bien
des raifons font préfumer qu'elles n'ont fait, que
fe d é v o y e r , & qu'elles exiltent encore aux environs
, comme on peut s'en aflurer en les viik ant
a v ec foin. Il eft au moins à préfumer, i° . que celle
appelée delle Barquetti, fur le chemin de Romp à
T iv o li ; i°. ce lle du pied de la mpnt.ag.ne & de la
v ille d 'A n a gn i, & enfin celle .des environs de F io ren
t in o , ont fervi à la conftruCtion des plateaux
qui fe trouvent dans leur voifinage , & qui font
d e la même nature que le travertin ordinaire. C cil
c e qu'il eft facile de conftater en rapportant les
obfervàtions qu'on peut faire dans ces difterens
endroits. • . .
Dans une prairie fîtuée à quatre milles de T i vo
li , fur le chemin de Rome à ce tte v i l l e , on
t rou ve plufieurs plateaux de travertin d'un très-
grand diam è tre, tous ifolés comme celui de V i terb
e, Ç e s plateaux occupent chacun une partie
d e la plain e, fans a voir aucune lia ifo n , lo it entre
e u x , foit a v ec d ’autres rochers. L'un de ce s plateaux
eft devenu une carrière actuellement e xp loitée
; c e qui permet d'en examiner l’intérieur. Les
autres plateaux qui font entiers laiffent voir d’ailleurs
toutes les circonftances des produits d'un
bullicamè ; ils ont d’ abord leur centre plus élevé
que toutes les autres^parties de la circon fé ren c e ,
& leur étendue annonce une fource très-abondante.
C e tte abondance fe trouve encore dans la
fou rce qui s ’eft portée à la partie inférieure de la
plaine où font les plateaux ; elle y forme un petit
lac d'une grande p ro fon d eu r , connu fous Je nom
de Stagno a Solfatara délie Barquetti , à trois mijles
d e T iv o li .
C e qui fait conjeCturer que ce tte fouiree étoit
comme dans le lac m êm e, les petites concrétions
pierreufes , blanches & arrondies, qui font une,
agrégation de petits grumeaux criftallins dont-toute
la fur face eft hériflee : ces ii çruftations, qui n'ont
pas de n o y a u , font connues fous le nom de confetti
ou dragées 4e -Tivoli, bien djfferens de ceux qu on
fabrique dans ce tte v i l le , ibt qu'on vend aux vo y a geurs
anciennement un bullicamè, & que , dans cet é t a t ,
fes eaux ont contribué à la formation des plateaux
dont nous avonsj>arlé, c ’eft que l'eau en eft encore
tièd e lorfqu’on la compare à la température des
fources ordinaires, & de plus qu'elle eft laiteufe.
Elle a un goût fade d'eau fulfureufè > elle exhale
en co re une odeur d h yd ro g èn e fulfuré que le
-fîroco rép an d , & à laquelle il donne plus d’in-
-tenfité en la portant à un mille au-delà. E n f in ,
l ’eau de ce lac éprouve une certaine éb u llit io n ,
.& pouffe au dehors des bulles d'air qui fans c.effe
fe renouvellent : on peu t en faire naître m êm e ,
.dans les endroits où il n’y en a p a s,-en y jetant
quelque pierre , & le bouillonnement e x c ité par
la précipitation de ce corps étranger dure en-
fu ite affez, long-tems lorfqu'il a atteint le fond.
L'eau de la fou rce qui fou rn it à c e Jaç s'en
échappe p ar un rnifteati, dans leq u e l on t ro u v e .
comme le produit naturel de ces e a u x , dont
les- vrais confetti peuvent être confidérés comme
un refte ,d.e leur ancienne propriété de former le
tra v e r tin ..
La lource des Barquettes n'arrive au lac qu’en
paffant fous un pré , & l ’on peut foupçonner que
fes eaux ont eu la propriété d'avo ir détrempé ou
diffpus, & enfuite emporté la terre qui foutenoit
la motte de c e pré dans un large paflage qu’ elles
fe font fait. C e tte m o t te , qui a près d'un pied
d’ épa ifleur, eft tiffue de fortes racines entrelac
é e s , & peut-être fpongieufes, du grand fouchet
des marais ; ce qui fp rm e , dans ce tte partie du
p r é , ,un plancher affez folide ou fur lequel on
marche en fûreté , mais lentement & peu commodément,
par la rai fon que la motte enfonce de
près de, trois pouces fous le pied qui la p refie , &
qu’elle fe relève au moment que ce tte action d iminue
& ceffe j ce qui a lieu à chaque pas qu’ on
fait fur. .cette motte.
On remarque que ce tte partie du pré qui porte
entièrement fur l'eau eft un peu enfoncée , & n’eft
pas au niveau cjè refte du pré qui a une bafe (07
iide. Il s'eft outre cela d é t a c h é d e la partie, qui
aboutit au l a c , de large,s lambeaux de mottes qui
flottent fur l'eau comme autant de petites î le s ,
_& qu’ on a nommées barquettes ou petites barques
pat ce tte raifon. L'on paffe deffus comme fur de5
jgfpèçes de radeaux lorfqu*elles font à cô té du
b o r d a u rifque cependant d ’y avoir les fouliers
mou illés, & de ne pouvoir y marcher que comme
fur la partie pliante .& élaffique du pré dont nous
avons pa rlé, en enfonçant à chaque pas.
C e que l ’on vient de dire de la fource du lac ou
d e la Solphata.re des barqu ette s, cony ient à certains
égards à ce lle qui eft au deffous d’ Anagni. Sa
fituation au bas & pour ainfi dire à l'égout de Ja
p la in e , où l'on v o it plufieurs grands plateaux de
roche travertine , rappelle naturellement celle dejS
barquettes, & fait conjecturer que -es plateau^
-qui.font aujourd'hui au deffus de ce tte fource en
furent autrefois furmiontés, & que ç'eft d 'elle qu'ils
tiennent leur ex iften ce lorfqu’elle jé toit, comme
tou t porte à le .cr.oire, dans TaCtivit.e d'un bulli-
c<w}e.
On retrouve Jes mêmes phénomènes & les mêmes
circonftances dans une autre fource dont le
fite .eft en tou t pa re il.à la préçé.<jlente, & a des
rapports aufli marqué^ avec des plateaux de tra-
ye ttin .qui raccompagnent. Je veu x parler d ’ une
de celles qu’on re.nÇP.ntre au-delà de F io ren tin o ,
fpr la même route de.Rome à Naples par le Mon.-
Oalftu«
Hh z