
bâtimens ordinaires jufqu’ à Wilmington , à onze
lieues de la mer. Dans cet endroit elle a cent cinquante
toifes de largeur, avec deux îles qui la di-
vifent en trois canaux; enfuite elle n’eft: navigable
que pour des bateaux jufqu’ à Fayetteville,
trente lieues au deflus : c’eft dans* cette rivière
que fe fait la meilleure navigation de la Caroline
du nord, dont la côte n’ offre aucun bon port, &
où les rivières ont une barre à leur entrée. On
en attribue la caufe aux courans produits par le
retour des eaux de l’Atlantique, que les vents ali—
fés ont pouffes dans le golfe du Mexique , & qui
fe continuent le long de la côte feptentrionale ;
en forte que les courans & les contre-coutans ou
remoux encombrent de fable l ’entrée de ces rivières.
Le found Pamlico eft une efpècë de lac de
quatre à fîx lieues de large, & d’environ trente-
trois lieues de longueur , féparé de la mer dans
toute fon étendue par un rivage de fable couvert
d’arbres, qui a à peine un mille de largeur.
Il y a plufieurs petites entrées où un canot & des
chaloupes peuvent paffer, excepté l’entrée d’O-
c recock , qui admet de grands navires dans les
diftri&s d’Edenton & de Newbern. Une barre
de fable traverfe cette entrée, fur laquelle il y a
quatorze pieds d’eau à la marée baffe. Au nord
du found Pamlico eft le found d’Albemarle avec
lequel il communique. Il a vingt lieues de longueur,
fur trois à quatTe de large. Un autre found,
nommé Currituk, parallèle à la côte , communique
auffi avec celui d’Albemarle* Un grand marais,
nommé Alligator-Difmal-Swamp , où il y a
de petits lacs & de courtes rivières, fépare les ;
deux principaux founds , & eft très-propre à la 1
culture du riz.
C e grand marais de Difmal-Swamp eft fur une
ligne qui divife la Virginie & la Caroline du nord ;
il s’étend au loin dans cette dernière, & occupe
un efpace de cent cinquante mille acres, dont la
plus grande partie eft couverte d’arbres qui acquièrent
une groffeur énorme ; & , en quelques
endroits, les brouffaiiles qui les entourent, font
fi épaiffes, que l’on ne peut appercevoir le
marais.
La côte de la Caroline du fud ne préfente point
de ces founds qui rendent fi remarquable celle de
la Caroline du nord. Les ports ou les havres qu’elle
poffede les plus dignes d’être remarqués , font
ceux de Charlêftown, de Port-Royal & de Geor-
geftown. Le premier, fpacieux, fur & commode,
eft formé par la jonction des rivières Ashley &
Cooper. Son entrée eft défendue par le fort John-
fon. Il y a une barre à quatre lieues de la ville,
ue l’on franchit par quatre canaux ; l’ un n’a que
ix-huit pieds de profondeur, & l’autre feize &
demi. La marée y monte de cinq à huit pieds.
Port-Royal a une rade capable de contenir les plus
grandes flottes du monde. La côte eft bordée de
beaucoup d’iles plus ou moins fertiles, & plus proprès
à la culture du coton & de l’indigo,que la
terre-ferme.
Les animaux de la Caroline ne diffèrent pas beaucoup
de ceux de la Virginie & de la Géorgie, On
y trouve peu de quadrupèdes originaires ; mais en
revanche tous ceux d’Europe s’y font finguüére-
ment multipliés , & quelques-uns y font abfolu-
ment redevenus fauvages. L’ourfon , l'ondatra , le
petit ours noir, l’écureuil petit gris , le capiftratc
de M. Bofc & le potatouche font à peu près les
feuis quadrupèdes que l’on rencontre dans les
forêts.
Les oifeaux y. font nombreux, mais moins bril-
lans que dans les contrées plus méridionales. Le
dindon fauvage y exifte encore, & l’on y trouve
de nombreufes troupes de troupiales.
Les reptiles, & furtout les ferpens, font extraordinairement
communs dans les baffes Carolines, &
le ferpent à fonnettes n’y eft pas rare. Le caïman
fe trouve dans la rivière de Savannah, & c .
On a trouvé, en creufant à la profondeur de
neuf pieds entre les rivières Sautle & Cooper , les
os d’un animal gigantefque , qui paroît être le
mummouth, & des défenfes d’ éléphant.
Nous crayons ne pouvoir mieux compléter cet
article qu’en donnant ici l’entrait des deux derniers
chapitres du Voyage h l'oueft des monts Aile-
gannhys, entrepris, en i8 o i , par M. Michaux filsl
Ce naturalifte inftruit y a raffemblé des obfervations
générales fur lés Carolines & la Géorgie, & particuliérement
fur la culture &c les produ&ions particulières
à ces États.
Les deux Carolines & la Géorgie fe divifent naturellement
en haut & bas pays; mais le haut pays
embraffe une plus grande étendue. A partir du
point où fe termine la partie maritime, le fol s’élève
graduellement jufqu’ à la chaîne des monts
Allegannhys, & offre, dans fon enfemble, un terrain
plutôt irrégulier que montueux & entrecoupé
de petites collines jufqu’ à l’approche des
montagnes* Les Allegannhys donnent naiffance à
un grand nombre de creeks ou petites rivières,
dont la réunion forme les rivières de Pidée, San-
t é e , Savannah & Alatamaha, qui ne font guère
navigables au-delà de deux cent cinquante milles
de leur embouchure dans l’Océan. Dans le haut
pays les terres les plus fertiles font fituées fur les
bords de ces creeks : celles qui occupent les ef-
paces intermédiaires le font beaucoup moins ; celles
ci font peu cultivées, & même ceux qui les
exploitent, font obligés à des défrichemens fuc-
ceflïfs pour obtenir des récoltes plus abondantes :
auflî un grand nombre d'habitans émigrent-ils dans
les contrées de l'oueft, où ils font attirés par l’extrême
fertilité du fol & par le bas prix des terres.
Dans le haut pays la maffè des forêts eft principalement
compofée de chênes , de noyers, d’érables,
de plaqueminiers & de tulipiers. Les châtaigniers,
qui s’élèvent jufqu’à quatre-vingts pieds,
ne commencent à paroître dans ces États qu’ à
foixante
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foixante milles en-deçà des montagnes. C e n’eft
que dans les plus hautes que les habitans fabriquent
du fucre d’érable pour leur ufage.
. Dans toutes ces contrées, la nature du fol eft
propre à la culture du b lé , du feigle & du maïs ;
mais cette, dernière eft la plus étendue. Le bas prix
auquel le tabac eft tombé en Europe depuis quelques
années , en a fait abandonner la culture à la
Caroline. Celle du coton à fémences vertes l’a
remplacé avantageufement pour les habitans, dont
un grand nombre s’y eft déjà enrichi.
Il eft très-probable que les différentes efpèces
d’ arbres fruitiers que nous avons en France réuf-
firoient très-bien dans les hautes Carolines. A deux
cents milles de' la mer les pommiers font magnifiques,
& , dans le comté de Lincoln , quelques
Allemands font du cidre ; mais ici on ne cultive
guère que le pêcher 5 les autres efpèces d’arbres
fruitiers, tels que les poiriers, abricotiers ^pruniers
, cerifiers , amandiers , figuiers , mûriers,
noyers &r grofeillers, ne font guère connus que
de nom.
Dans les hautes Carolines la fùrface du fol eft
couverte d’ une herbe d’autant plus abondante,
que les forêts font plus ouvertes. Les bois font
auffi en commun , & chacun y laiffe errer fes
beftiaux qu’il reconnoît à fa marque. Les boeufs
ne fauroient être comparés, pour la force, avec
ceux qu’on élève dans les départemens de l’oueft
de la France > ce qui provient fans doute du peu
de foin qu’en ont les habitans, & de ce que ces
animaux ont à fouffrir dans les forêts, foit pendant
l’é té , où ils font cruellement tourmentés par
une multitude innombrable de tiques & de marin- 1
guoins, foit en hiver par le manque d’herbes qui ;
fe deffèchent par l'effet des premières gelées./Les
chevaux qu’on élève dans cette partie des Etats
méridionaux, font inférieurs à ceux des États de
l ’oueft. On voit très-peu de moutons chez les
habitans, & ceux qui en ont une douzaine paffent
pour en avoir beaucoup.
Quoique le climat des hautes Carolines foit infiniment
plus fain que celui des parties baffes, ce
n’eft cependant qu’à foixante lieues , & même à
quatre-vingts lieues de l’Océan, qu’on n’a plus à
redouter les fièvres intermittentes, & il faut aller
à cette diftance pour paffer l’été avec quelque
fûreté.
Les huit dixièmes des habitans de ces contrées
font dans l’abondance. Ils demeurent dans des lôg-
houfes ifolées au milieu des bois, qui reftent ouvertes
la nuit comme de jour. Quoiqu’ ils foient
paifibles & qu’ ils vivent dans leurs ménages, leur
caraélère moral n’eft pas auffi pur que celui des
habitans de l’oueft ; il eft probablement altéré par
la fréquentation des Européens, & notamment des
Écoffais & des Irlandais qui viennent tous les ans
en grand nombre fe fixer dans leur pays.
Le pays bas, dans les deux Carolines & la Géorgie
, s'étend depuis la mer jufqu’à cent vingt-cinq
Géographie-PÏiyfique. Tome I I I .
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à cent cinquante milles, en s’élargiffant davantage
1 & s’avançant vers le, fud. L'efpace qu’embraffe
! cette étendue offre un fol uni & régulier, formé
1 d’ un fable noirâtre & peu profond, où l'on ne
trouve ni pierres ni cailloux ; ce qui fait qu’ il n’eft
! pas nécenaire de ferrer les chevaux dans toute
cette partie des États-Unis. Les fept dixièmes du
pays font couverts de pins de la même efpèce que
le pinus paluftris, qui font d’autant plus élevés &
moins branchus, que le fol, eft plus fec & plus
léger. Ces arbres , le plus fouvent éloignés de
quinze à vingt pieds les uns des autres, ne font
pas endommagés par le feu qu’on met également
i c i , tous les ans, dans le bois au commencement
du printems, pour brûler les herbes & les autres
plantes que la gelée a fait mourir. Ces pins, chargés
de peu de branches & qui fe fendent de droit
fil, font préférés aux autres arbres pour former les
clôtures des habitations. Malgré la ftérilité du terrain
où ils croiffent, ils font quelquefois entremêlés
de trois efpèces de chênes ; fa voir : le quercus
nigra , le quercus catesb&i & le quercus obtujiloba.
Le bois des deux premiers n’eft bon qu’ à brûler ,
candis que celui de l’autre eft d’un excellent ufage.
Les terres à pins y pine barreus, font traverfées
par de petits marais ,fwamps, au milieu defqueîs-
coule ordinairement un petit ruiffeau; Ces fwarbps,
de dix à quarante toifes de largeur, ont quelquefois
plus d’ un mille de longueur, & aboutiffent à
d’autres plus vaftes & plus humides qui bordent
les rivières. Les uns & les autres ont différens
degrés de fertilité affez bien indiqués par les arbres
qui y croiffent exclufivement, & qui ne fe retrouvent
que dans les pays hauts. Ainfi le chêne-châtaignier,
quercus prinus paluftris, le magnolia grandi
fo r a ,-le magnolia tripetala , 1 e nyjfa biflora , &c.
ne viennent que dans les fwamps de rivières dont
le fol eft de bonne qualité, Sc conftamment frais,
humide & ombragé. Dans quelques parties de ces
mêmes fwamps , qui font fubmergées la moitié de
l’année,où le terrain eft noir, bourbeux &c repofe
fur un fond glaifeux, croiffent encore les cyprès à
feuilles d’acacia, \e,.gleditjia monofperme, le chêne
lyr.é, & un noyer à grappes, dont les noix font
petites & fe caffent facilement entre les doigts.
Le chêne aquatique , l’érable rouge , le magnolia
glauca , le liquidambar fiiracyfiua , le nyjfa v illo f a ,
Te gordonia lajyanthus & le laums carolinienjis couvrent
au contraire prefqu’exclufivement les Iwamps
étroits des terres à pins. .
La barbe efpagnole, tillandfia ufneoides, efpèce
de moufle de couleur grife qui a plufieurs pieds
de longueur, & qui croît en abondance fur les
chênes & autres arbres, eft encore une plante qui;
eft particulière au bas pays.
Dans les cantons où il n’y,a pas de pins, le fol
eft moins aride, plus profond & plus productif;
On y trouve des chênes blancs , quercus alba , des
chênes aquatiques, quercus aquatica, des chênes-
châtaigniers , quercus prinus palujtris, & plufieurs
P p