
dou ze polices d’eau 3 & même plus dans j'efp a c e
de dix , dou ze &: vingt heures , tombent lur la
pente rapide des montagnes dont le fol eft ameubli
par la culture , on conçoit que la dégradation
en doit être immenfe, & beaucoup plus confidé-
rable que dans les tems ou d’épaiffes t'o rê.s , des
lian e s , des végétaux de tou te efpèce formoient
à la furface du loi une couverture ferrée qui le
p ro tég eo it contre les ravages des eaux.
A l'embouchure des r iv iè r e s , les dépôts font
encore bien plus marqués 5c plus fenfibles. Si l’on
c ireon fc r itd e s parties du bord de la mer, qui font
cou ve rte s par les eaux , à une certaine épai fleu r ,
& qu'on détermine le cours de la rivière vers ce
terra in , on obtient une augmentation confidérable
d e terrain en peu d’ années. A in f i, un particulier
ayant limité trois cents arpens qui étoient journellement
inondés par une tranche d’eau de mer de
dix-huit pouces d ’épa iffeur, il y in t r o d u it les eaux
bourbeufes d e là grande r iv iè r e , & dans l’efpace
d e trois ans route ce tte furface a été élevée de
deux pieds au deffus de la plus haute marée, & à
la place d ’un marais infect on a eu une terre de la
meilleure qualité. C e t te opération montre le prodigieux
effet des eaux de p lu ie , & annonce, qu’ à
mefure que les montagnes fedégradent, les plain:s
s'é ten d en t , & que par la fuite des téms ce travail .
continuel des eaux doit agrandir la furface d eTîle.
Les petites îles ne peuvent pas fournir de pareils
exemples: la dégradation des montagnes y eft
confid érable, mais la maflTe des eaux torrentielles
y eft trop divifée & trop foibie pour produire des
effets auflî fenfibles 8c former des aterriffemens auflî
rapides, foit à la furface , foir à la fuite des plaines 5
auflî n’ y en t rou v e-t-on p o in t , faute de ri’/i ères.
11 eft néceffaiie que ces îles aient en même tems
d e la longueur & de la largeur pour offrir ces phénomènes.
Une île qui n’auroit que de la longueur fans Jar- :
geu r reffemb le roit, quant aux effets des eaux , à
une fuite rie petites îles dont les ruiffeaux ou ri-
vière s aurorent L u r origine à la moitié ou aux deux
tiers des montagnes des grandes î le s , & v erferoient
leurs eaux directement & féparément dans la mer.
On fent que toutes ces eaux courantes produifent
peu d ’effets, fo it fur les bords des île s , foit dans les
parages voifins des côtes. La petite quantité de l i mon
dont chacune eft chargée, ne peut former des ;
aterriffemens folides & durables.
Non-feulement Saint-Domingue a ce t avantage
fur les petites îles , & fo n peut dire auflî qu’elle
eft à c e t égard mieux proportionnée que C u b a ,
que la Jamaïque, qui n'ont pas autant de largeur.
I l eft fatisfaifant de pouvoir faire envifage r les d é - ,
gradations des montagnes, qui en général font fi
afflige antes, comme un moyen d’ accroiflement du
lo i & de la culture pour Saint-Domingue 8c pour
les grandes îles montueufes où il pleut beaucoup,
puifque les plaines de ces îles doivent à ces effets
des eaux leur création & en même tems ce tte ,
étonnante; fécond ité , qui eft telle qu’ une toife
carrée nourrit plus d’animaux 8c de végétaux qu’un
arpent de France.
Malgré le défaut de cu ltu re , le fol de Saint-
Domingue eft environ quatorze à quinze fois plus
productif que celui de la France : d’où il ré fui te que
fi, au lieu de denrées de lu x e , on y cu ltivoit des
comcfîiblés , 8c fi le fol étoir partout à peu près
de la même q u a lité , la feule partie françà ife, qui
eft quatorze à quinze fois moins étendue que la
France , pourroit nourrir un auflî grand nombre
d’ habitans.
La culture ordinaire n’ eft pas même un travail à
Saint-Domihgue. Il fuffit de gratter la terre pour
qu’elle rende à chaque cultivateur une fubfiftance
faine, abondante, & même au-delà du fjpevfln.
Nulle part la végétation n’eft auflî vigoureufe 8c
auflî abondante que dans les cantons fertiles. Les
fonds mêmes , qui font baignés par les eaux de la
mer , pré fe ment un tableau de végétation qui
étonne ; ils font couverrs de mangliers, de palétuviers,
& de plantes dont les racines 8c les parties qui
/on t dans l'eau , fe trouvent chargées d’huîtres.
Dans ce tte î l e , le fond de la conftitution primitive
du fo l eft de g ran it , & c e fond eft prefque
partout recouvert par des bancs & des lits de pierres
calcaires. Dans la partie de l’oueft fe trouvent les anciens
foyers des volcans, donc on n a pas encore bien
reconnu 8c étudié les produits. Ôn fait feulement
qu’ il y a quelques bafaltes prifmatiques ; mais ce tte
partie de l’ hiftoire naturelle de Saint-Domingue eft
peu a v an c é e ,& mérite!oit les recherches d o b fe .-
vateurs habitués à voir & à décrire avec une ce rtaine
mithode .
§. III. Sur dfférenspoints de Vile de Saint-Domingue.
1®. Bonnet(Ruiffeau d u ) .V e r s la b a fe de la montagne
du Bonnet fe trouve un amas de roche rs, au
pied defquels il y a une fource d ’eau c la ire , q u i,
après avoir formé un baflin d’ environ trois pieds
cu b es , rombe en cafcade dans un petit ruifleau qui
coule dans la ravine des fables. A quinze toifes à
peu près de ce tte fource l’on apperçoit des incruf-
rations qui fe forment fur tou t ce qui fe trouve
plongé dans ce tte eau : les feuilles des plantes y
font confervées avec leurs couleurs & dans leur
état de verdure. La montagne du Bonnet eft com-
pofée principalement.de rochers ca lca ire s , que
l’eau a tourmentés de différentes manières , 8c
d’où elle a tiré tous les principes d ’incruftàtions qui
recouvrent ces plantes.
A fle z près de l à , dans lé quartier du V a f e u x ,
paroifle du D on d on , une rivière aflez forte dif-
paroît d ms un gouffre effra yant, au nord du Bonnet
: elle cou le par dés canaux fouterrains pendant
J'efpace de quinze ou fe iz e ce,nts toifes ; en-
fuite elle reparoît dans fa partie de l’oueft & du
nord , en fe-partageant en plufieurs branches.
Une de ces branches fouid au pied du gros d u -
peau du B o n n e t, dans le nord ; une a u t r e , à la
même hauteur à peu p rè s , s’épanche dans lé nord-
oueft. La première forme fur l’habitation du Hou-
ley un ruifleau qui ne tarit pas 5 l’ autre fournit un
volume d’eau confidérable dans le baflin Diamànr.
On préfume que c'eft du Vafeux que fortent ces
e a u x , parce q u e , dès qu’ il pleut beaucoup au Bonn
e t , toutes les ravines font h au tes, excepté celles-
ci j & au co n t ra ire , lorfque les pluies font croître
la rivière du V a f e u x , ces deux dégorgeoirs font
abondans, & fe troublent pendant que les autres
ravines font claires & ont un cours tranquille. On
p o u r ro it , d’après ce t état de chofes reconnu ,
réunir les eaux du V a feu x 8c fournir à la plaine du
nord & à la petite anfe un volume d ’eau confidérable.
2°. Borgne (C a v e r n e ) , qui fe trou ve dans le
maflîf de la grande colline du B o rgn e , partie du
nord , dépendante du C a p , à Saint-Domingue.
C e tte caverne eft t rè s-é ten du e, 8c côm’pôfée de
fept grottes très-fpacieufes & très‘élevées. Toutes
font fuperbement décorées par des maffes de fta-
la é tite s , qui ont pris des formes très-variées. On
trouve dans la voûte de ces grands fouterrains, des
excavations en ferme d’entonnoirs coniques, creu-
fées par les ftillations abondantes & continuelles
dé l'eau : 011 vo it outre cela de larges morceaux
de rochers emaftes fur le fond d e ces g r o t t e s ,
en conféquence de l’éboulement de quelques parties
de la voûte. On fent, en entrant dans ces fou-
terrains, un courant d ’air aflez confidérable qui fe
porte du dedans au dehors , comme on l’o b ïe rve
dans un grand nombre de pareilles cavernes. .
II y en a plufieurs femblables à ce lle -c i dans la
colonie 5 elles font également l’ouvrage de la nat
u r e , qui d ’un c ô t é détruit 8c f o r m e des excavations
par le travail de l’eau, ■ & d’ un autre c ô té , par
la même eau ch .rg é e de principes lapidifiques,
remplit de nouvelles fùbftances pierreufes criftal-
lïfées fous toutes-fortes de formes, une grande partie
des vides qui. fe (ont formés au n e époque'précédente.
I ln ’y«a nul fondement à fuppofer, comme
plufieurs écrivains l’ ont f a i t , que ces excavations
fouterraines ont été. formées par les fecouffes des
tremblemens de terre. Il fuffit q u e , dans toutes
ces g ro tte s , il fe trou ve encore ou un ruifleau
fouterrain , ou fes v eft i g ts , pour n’avoir aucun
doute fur l'agent que la nature y emploie , & pour,
ne pas admettre des forc e s‘accident«, lie s , qui font
les mauvaifes reffources des mauvais obfervâteürs.
: 30. Port-de-Paix , quartier de Saint-Domingue,
qui eft borné au nord par la m e r , au fud par lé
quartier du G ro s -M o rn e , à l’eft par celui de Saint-
Louis du nord , & à l’oueft par celui de Jean-Radé; :
il a , du. nord au fud ,. fix lieues d ’étendue-, 8c 86. 1 eft à l’ oùéft deux îieuès. Le port eft exprifè'Tèu-
lemcnt au v eh td e nord-ouëft, (qui, lorfqu’ iï fouffle
for t , y ex c ite une houle confidérable ou raz-de-
marée j ce qui eft dangereux p ou r ies vaifleaux qui
Jont à ’ancre* ( Voye^ L'article R a z - d e -Ma r é e .)
La ville du Port-de-Paix eft bâtie, dans une
plaine d’environ trois cents toifes de profondeur,
qui é to i t , il y a pèu d’années, un marais.
ïl feroit à delirer qu’ on pût rendre , à très-peu
de frais, l'air de cette ville plus falubre en le rafraîchi
flant , 8c ôter en même tems à fes habitans
l’incommodité d’avaler, en refoirant, un fable fin
que les brifes fortes 8c prefque continuelles y
élèvent fans ce fie : il ne s’agiroit que de diftribuer
dans toutes les rues l’eau de la rivière du Port-de-
Paix , & de les arrofer à certaines heures du jour.
- Le quartier du Port-de-Paix fe divife en plufieurs
cantons , dont les principaux font la Plaine du Poit*
de-Paix , la Montagne , René-de-Bras, la Plate ,
le Fond-Ramier , le bas 8c le haut Mouftique.
Le premier canton eft traverfé par une rivière
appelée les Trois- Rivières. Sa largeur moyenne eft
de deux cents pieds, fur une profondeur qui varie
depuis dix-huit pouces jufqu’ à douze pieds. A une
demi-lieue de la ville elle reçoit lès eaux de huit
rivières 8c d’un grand nombre de ruiffeaux 8c de
torrens : c’eft pour cette raifon que les trois rivières
font fujèces à de fréquens débordemens.
La montagne du Port-de-Paix a pour fol une
argile rouge recouverte par un terreau noir formé
de la décompofition des plantes qui y ont végété
auparavant. Cette montagne eft prefque toute
compofee de bancs confidérables de pierre calcaire
fort dure ; elle eft connue, dans le pays, fous
le nom de Roche a Ravei. Ces pierres font toutes
parfeinées de trous occafionnés par la décompofition
fuccefilve des pyrites martiales qu'elles con-
tenoient abondamment. La couche de la terre végétale
& argileufe e ft, en beaucoup d’endroits t
d’une très-médiocre profondeur.
La mer termine le canton du Fond-Ramier au
nord , où elle formoit, il n’y a pas long-tems, une
très-grande baie que les terres d’alluvion ont
prefque. toute comblée. Il y a de petits ilôts, de
diitance en diftance , tout couverts de mangliers „ 8c qui font inondés à chaque marée.
La plaine comprife entre la faline de Fond-Ramier
8c la rivière du Mouftique eft toute couverte
d ’une infinité de monticules compofés uniquement
de pierres roulées ou galets 5 ce qui prouye
que leur formation eft due à la mer lorlqu’elle
couvroit cette plaine & toute celle de Jeàn-Radel.
La rivière du Mouftique, qui ne tarit que dans
les féchereffes de mars &c d’avril, eft fujete à des
crues fubites j elle a été celle- qui a débordé
le plus violenàrnerit dans le tems du fameux oura-«
gan du 1 feprembre 1772. Ce débordement, par
lequel tous lès arbres de haute-futaie qui fe trouvèrent
fur la route des eaux,, furent déracinés 8c
emportés , a creufé confîdërablemént le lit dé
cette, rivière, dans le haut Mouftique, furtout dans
les endroits refferrés entré les rochers. L’eau s’éleva
à cinquante pieds'fur une largeur de cent
cinquante pieds. Cependant un observateur qui
fait bien apprécier ces effets, relativement à ceux
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