
6 2 6 D E P
qu'ils avoient été frappés , de ce côté , de la
fertilité des contrées baffes & ralongées des re- i
vers orientaux, parce qu'ils n'avoient point été l
expofés au choc des eaux de l'écoulement générai. |
On fent bien que toutes ces conféquences étoient |
fi fimples Si fi naturelles, que j'étois autorifé par |
toutes les obfervations, à les faire valoir.
On doit cependant trouver très-finguiier, d’un !
autre côté, que l’infpeétion de la furface du globe j
8c de fes fommets m’ait conduit à une çonclufion ;
différente & oppofée à la tendance générale des :
mers d'orient en occident, qui eft regardée comme ;
confiante , 8c qui l'eft en effet. M. de Buffon en a
tiré des conféquences tout oppofées aux miennes
, puifqu'il penfe que le cours préfent de nos
mers, qui fe porte fur les rives occidentales de
leurs baffins, les a détruites & les détruit encore ;
au lieu que, fuivant mon opinion, ce font les rives
occidentales de ces mêmes baflins , par l'écoulement
général des mers de l ’occident en orient ;
ce qui ne peut s’accorder avec la rotation de la
Terre dans le même fens,
_ On ne peut néanmoins difeonvenir que les principes
qui m'ont conduit à cette conclufion, ne
foient très-raifonnables en eux-mêmes; ils font
certainement indubitables & fiirs. Dans les premiers
degrés de mes obfervations fur. le moindre
filet d'eau courante, c'eft par une gradation in-
fenfibîe que, de ces premiers degrés, je fuis parvenu
aux derniers : partout on a vu qu'un terrain
détruit par l'eau préfentoit toujours un efearpe-
mencà l’agent de fa deftru&ion, 8c qu'un terrain
nouvellement conftruit étoit toujours en pente lé-
gè re& confiamment oppofée aux agens de fa conf-
truétion 8c aux parties détruites. Ce qui fe paffe
confiamment dans nos rivières donne à tous les
degrés de ces obfervations une force 8c une foli-
dité qui paroiffent inconteflables. Malgré cette fo-
lidité 8c cette fimplicité dans mes preuves , je fens
cependant que c’eft beaucoup contr’ elles de voir
l ’état préfent de toute la nature, 8c de n'avoir
plus qu’une difpofition fyftématique 8c qu’une tradition
fort antique pour les appuyer.
Les grands accidens que la Terre a éprouvés, 8c
la multitude d’animaux 8c de plantes étrangères
à nos climats , que nous y trouvons enfeveiis en
mille endroits, ont déjà fait foupçonner , depuis
que l’on étudie le Monde phyfique, que toutes les
contrées de notre globe avoient fubi de grands
déplacemens , 8c avoient pu changer d ’afpeél par
rapport au C ie l, foit par la différente inclinaifon
de l ’axe de la Terre , foit parce que les contrées
qui font vers les pôles n'y ont pas toujours été invariablement
fixées.- Ce ne font pas feulement les
corps déplacés qui nous rappellent ces changemens,
ce font aiiffi les traditions trouvées chez plufieurs
peuples. Les anciens Ruffes de la Sibérie, dont le
pays tft extrêmement froid , difoient qu’il avoit
été fort chaud, 8c avoit nourri des éléphans, dont
en effet on rencontre chez eux une multitude
D E P
d'offemens 8c de dépouilles. L’ inclinaïfon de notre
axe, qui n’eft pas auffi confiante qu'on le peçfoit
autrefois, a pu produire en ce pays, 8c partout
ailleurs, une viciffitude auffi étrange. M. de Lou-
ville penfoit qu'en conféquence de la variation
que l'on venoit d’y découvrir , l’écliptique , au
bout d'un certain tems, fe confondroit avec l’équateur
, 8c qu'alors toutes les contrées de la
Terre jouiroient enfemble, pendant un certain
nombre d'années, d’un équinoxe perpétuel , 8c
qu'enfuite l’écliptique tourneroit au midi, au-delà
de l’ équateur. Il y avoit même, dans fon calcul,
une correfpondance avec les plus anciennes époques
des Babyloniens.
Nous fommes auffi redevables aux Egyptiens, de
traditions fort fingulières fur les changemens dé
cette nature. H érodote, Pline, Diogène de Laërce
8c Plutarque nous rapportent que, félon les prêtres
égyptiens , le foleil, dans l’efpace de onze
mille trois cent quarante années de trois cent
foixante-cinq jours, s’étoit levé où il fe couche,
8c s'étoit couché où il fe lè v e , par deux fois différentes
, fans que néanmoins il fût arrivé le moindre
changement dans le climat d’Egypte malgré
cette variation apparente du cours du foleil ; quoi
nihïl putidius f i proprie intelligas' dit plaifamment
Jean Voffius dans {on Traité de l'idolâtrie. M. de
Voltaire', dans fes Elémens de la Philofophte de
Newton y n’en.penfe pas de même ; mais comme il
explique ce grand phénomène par la révolution
inlenfible des pôles vers l'équateur, qui auroit fait
tourner, fuivant fa façon de penfer, notre globe
fucceffivement à l'orient, au midi, à l'occident 8c
au feptentrion , il n'admet point que l'Egypte ait
pu conferver fon même climat, 8c que le nombie
d'années dénommées par les prêtres, égyptiens ait
pu fuffire pour que ce phénomène ait paru deux
fois; ce qui demande, à la v érité, dts périodes
bien plus longues fi cet événement n’eft arrivé de
la forte qu’ infenfibiement. Comme cette remarque
eft fort jufte, 8c que cependant des circonftanccs
auffi fingulières ne font pas de nature à fe préfen-
ter à l’imagination des hommes , pour qu'on puiffe
ne les regarder que comme des fables, je penfe-
l rois plutôt qu’elles auroient rapport à quelques-
î uns de ces changemens fubits qui ont changé plu-
l fieurs fois la pefition de la Terre. Si l'hémifphère
I maritime a pu prendre quelquefois la place del'hé-
| mifphère terreftre, les contrées boréales ont pu
j auffi prendre la place des contrées auflrales, en
I changeant pôle pour pôle. De cette façon, fans
| qu'il foit arrivé aucun changement dans le Ciel*
| la rotation de la Terre aura fait voir aux É.gypT
J tiens le foleil fe levant du côté de la Lybie , 8c fe
; couchant du côté de l'Arabie , où ils le voyoient
j auparavant fe lever. Ce mouvement de la Terre ,
! qui ne demande qu'une demi-révolution des pôles
I dans un méridien quelconque , c’eft-à-dire, douze
heures de tems i aura porté le pôle auftral de la
! Terre fous le pôle boréal de C ie l, le pôle boréal
de la Terre fous le pôle auftral du Ciel , & par ■
conféquent les régions occidentales à l’orient, 8c
lès orientales à l’occident. Ce n'eft que par cet
échange fubit entre les contrées polaires que l'on
peut expliquer le mieux pourquoi il,n’y eut point
de changement dans le climat de l’Egypte, parce
que l'équateur refta toujours le même, à la différence
pour l'Égypte, qu’elle fe trouva dans 1 hé-
mifphère feptentrional, au lieu qu'elle étoit auparavant
dans le méridional.
Pour parvenir préfentement au problème dont
nous cherchons la folution, s'il y a eu un tems
où les revers occidentaux des fommets de notre
hémifphère terreftre regardoient le foleil levant,
comme cette tradition femble nous l'apprendre ,
ce pourroit être fans doute lorfque la. Terre etoit
dans une pofition femblable, que l’ancien écoulement
des eaux étant arrivé , aura été les frapper
8c les raccourcir comme ils font ; 8c fi nous les
trouvons aujourd'hui placés fous un afpeét qui
contredit les lois du mouvement préfent de nos
mers, ce fera parce que les accidens qui ont oc-
cafionné ce changement d'afpeét dans les parties
folides 8c continues de la Terre , n'ont jamais pu
changer l'ordre immuable de la rotation d'occident
en orient, 8c 1a direction confiante des eaux d’o-
lient en occident. On ne trouve point cette folu-
tiou fi étrange fi l'on fait attention que les phy-
ficiens ont regardé le cours des fleuves d’occident
en orient comme une fuite de la rotation de la
Terre , quoiqu'il foit diamétralement oppofé au
courant général des mers d’orient en occident,
qu'ils ont auffi regardé comme une fuite nécef-
faire de cette même rotation. Il y a entre ces deux
-effets une contrariété manifefte que l'on ne peut
réfoudre 8c accorder que par la diftinâion que
j'admets ici des fuites d'une ancienne rotation qui
a dû laiffer des empreinres fur les folides, 8c des
effets de la rotation préfente à l'égard des fluides ,
q u i, ayant toujours été fufceptibles de fe prêter
à tous les mouvemens nouveaux, font furvenus, 8c
qui ont par cela même été incapables de conferver
les empreintes des mouvemens paffés 5 enfin, parce
qu'il eft très-vraifemblable que, dans telle pofition
qu’aient été les contrées de la Terre fous les differentes
régions du'Ciel, la rotation diurne a toujours
été d’occident en orient, 8c le cours général
des mers d’orient en occident : d’où il a réfulté
que les continens, quoiqu’ayant changé d’afpeéfc
par les révolutions arrivées, ont toujours du conferver
les formes generales qu ils avoient reçues
dans leurs fituations antérieures.
Les effets de cet écoulement de toute la malle
des eaux fur les revers aujourd hui occidentaux de
nos fommets ont dû être aufli fimples 8c uniformes
, qu’ ils ont été univerfels ; mais il n’en a pas
été de même fans doute de 1 ecoiilement particu*
-lier des eaux qui ont été fur la fin retenues par les
fommets de tous les différens baflins. La furface de
notre hémifphère n’a du montrer d abord qu une
multitude fingulière de lacs 8? de mers particulières,
plus ou moins grandes 8c différemment configurées.
Tl feroit difficile de fa voir fi nos continens
fontreftés long-tems en cet érat, 8c fi toutes ces
mers particulières ont difparu peu à peu ou tout
de fuite , toutes enfemble ou féparément. Il eft à
préfumer que la nature fe fera fer vie de toutes ces
voies différentes pour deffécher tout-à-fait notre
hémifphère; mais pour en être parfaitement inf-
truit, il faudroit avoir beaucoup plus d’obfervations
que nous n’ en avons fur les difpofitions des
baflins qui fubfiftent encore aujourd’hui en Afie,
en Afrique 8c en d’autres régions. On fauroit alors
fi les eaux que ces baffins, aujourd'hui fecs- 8c fans
aucune communication avec les mers , ont contenues,
ont pu fedifliper par des conduits fouterrains
ou par une évaporation lente 8c fucceflive. Sur les
deferiptions que nous ont données quelques voyageurs,
des contrées intérieures de l'Afrique 8c de
: ces contrées fameufes par leurs fables, il fiemble-
i roit qu'en ces endroits les reftes des eaux des anciennes
mers fe feroient engloutis dans le fein de
la Terre lors de l ’élévation de notre hémifphère
dans la grande mer du defert, appelée aujourd'hui
par les Arabes Bharbelama (mer fins eau). A me-
fure qu'on avance dans ces contrées arides 8c fa-
blonneufes, on remarque que le fond fe creufe
profondément 8c fe perd en certains endroits ,
comme en des abîmes , 3c que de là le fond fe relève
pour s’abaiffer encore vers un autre entonnoir.
Ces vaftes trous font en très-grand nombre, 8c on
y vo it, de toutes parts , aboutir de larges canaux ;
8c néanmoins ces trous, ces canaux 8c tous les dii-
férens fommets ne montrent que des déferts de fables,
qui contiennent des pétrifications fans nombre,
les plus dignes qui foient peut être au Monde*
de la curiofité des naturalises. S'il en faut croire
les voyageurs qui s’accordent tous à regarder ces
triftes lieux comme des baffins de lacs cm de mers
deflechés, on y rencontre fouvent des mâts,' des
planches 8c autres débris de vaiffeaux pétrifiés,
dont la forme 8c la ftruéhire mériceroient bien
d’être étudiées. Tout femble donc nous annoncer
en ces contrées, d'une façon frappante 8c fenfible,
que la difparition des eaux s’eft opérée fubitement
par une multitude d’abîmes qui fe font ouverts , 8c
au travers defquels les eaux des mers ont pafié
comme au travers d'un crible , en entraînant Us
vaiffeaux dont elles étoient alors chargées. Ces
contrées ne me paroiffent pas avoir été des lacs,
car les lacs font ordinairement remplis de va fes qui
s'accumulent faute d'écoulement, 8c l’on ne voit
dans ces régions que des lieux qui ont dû être le
domaine des eaux vives Si courantes.
Nous n’avons pas de pareils détails fur les vaftes
déferts de fables dont les baflins intérieurs de l’Afie
font remplis ; ainfi nous ne pouvons favoir fi les
eaux s'en font échappées comme en Afrique. Mais
dès que le fond de ces déferts eft de fable , il y a
plus que de l’apparence que les eaux ont aufli
Kk k k z