
les corpufcules falins qui s’en exhaleroient, ne pour*
roient fé joindre à des molécules d’ eau que la fé-
cherefle du fol rend très-rares, comme on vient
de l’obferver, le refroidifiement de l’atmofphère,
qui feroit proportionné à ces foibles moyens, n’o-
péreroit qu’ un froid très-ordinaire : ainfi la conjecture
que nous venons de difcuter comme très-
plaufible, ne peut donc pas avoir lieu dans le
Canada.
Si les bois paroiffent devoir entrer en confidé-
ration dans la queftion dont il s’agit , ce ne peut
être que par les vapeurs qu’ils empêchent de s’élever
j mais comme il n’ eft guère de pays qui en
Fourni ffe auffi peu que le Canada , & qu’ il eft certain
que les moyens pour les refroidir n’y font
pas moins rares, il en réfulte que cet article des
conjectures du jéfuiteCharlefvoix fe trouve fuffi-
famment réfuté par les raifons que nous avons
expofées ci-deflus.
On doit être étonné que ce même voyageur ait
avancé que le froid diminue dans la Nouvelle-
France à mefure qu’on la défriche ; car pour peu
qu’il eût réfléchi fur cet objet , il en auroit ap-
perçu l’inconféquence ; car la Nouvelle-France eft
une forêt immenfe auffi grande que l’Europe. Les
bords feuls du fleuve Saint-Laurent, dans l’étendue
d’environ cent cinquante lieues , & fur une largeur
moyenne de trois à quatre ceats toifes, font
a peu près les feules parties défrichées de ce vafte
pays. Je demande après cela fi un fi petit objet
peut apporter quelque différence dans le climat
d’une forêt aufli grande que l’ Europe, comme on
vient de le dire ? L’ autorité dont s’appuie le mif-
fionnaire, c’ eft l’aflurance que lui en ont donnée
les habirans. Eh ! comment peuvent-ils en juger ?
Et quel eft leur tenue de comparaifqn dans un
pays où il s’en faut bien qu’il y ait. eu une fuite
d’obfërvâtions ? Cependant ces affermons ne: peuvent
être fondées que fur dés obférvàtions , comme
tout phénomène qui a des degrés d’augmentations
éc de diminutions.
' Mais quand même on accorderoit que le défrichement
de cette petite portion des bois du Canada
-auroit apporté quelque changement dans fi n climat,
ce changement ne fu t - il que d’un demi-
degré , il refteroit toujours la plus grande partie
des caufes qui influent fur le froid du Canada :
ainfi ce n’eft pas dans les bois qu’ il faut chercher
la caufe de ce froid, du moins une des principales
caûfes.
Les montagnes que le même voyageur donne
pour une troifième circonftance qui concourt au
froid du Canada, font beaucoup plus éloignées de
Québec,que les Alpes & les Pyrénées ne le font
de Paris. D’ailleurs, quelles montagnes que les
Apalaches, eiï corrparaifon de celles-ci ! Elles ne
figureroient que comme des coteaux auprès de ces
maffes énormes qui s’élèvent au defius des nues,
& au pied defquelles fe trouvent nos provinces
du midi de la France fans en éprouver ce froid
extrême que Charlefvoix prétend que les Apalaches
font capables d’opérer en Canada. Il ne fait pas
même attention qu’elles font dans la partie méridionale
de ce pays ; mais il. y a tant à dire pour
réfuter cet article, qu’il fuffit d’avoir expofé ces
premières difficultés.
Il paroît donc par tout ce qu’on vient d’ex-
pofer, qu’il s’en faut bien que les deux voyageurs
jéfuites aient indiqué les vraies caufes du froid de
la Nouvelle-France. On peut dire qu’ils ont épuifé
les hypothèfes pour les découvrir; & quoiqu’elles
foient toujours auffi nombreufes qu’on le juge à
propos quand on ne inet pas une certaine févérité
dans les raifonnemens î je crois qu’il eft plus fage
de fe borner à un petit nombre de caufes. Perfuaié
que c’ eft là véritablement la marche qu’on doit
fuivre pour arriver fûrement aux découvertes, j’ai
donc cru que je né" m’écartois pas de ce plan en
confidérant le vent de nord-oue-ft comme la feule
& unique caufe de tout le froid du Canada.
On voit dans toutes les relations des voyages
faits au Canada, ainfi que dans celles des deux.
Jéfuites, que les plus fortes gelées n’ont lieu que
lorfque c’eft le vent de nord-oueft qui règne. Un
fait auffi confiant n’a point échappé aux gens du
pays ; mais ni eux ni les voyageurs n’ont cherché
à examiner fi ce vent ne feroit pas lui feu! là vra e
caufe du froid exceffif de cette partie du Continent.
Cela vient fans doute que ni les uns ni les
autres n’ont pu imaginer que cette caufe pût avoir
fon origine ailleurs que dans le pavs.même ou elle
opère. Il étoit affurément bien jiifte dé penfer ainfi.
tant qu’on n’ avoit pas faii/l’examèn des circonf-,
tances q u i, fans aller au loin , pouvoient fervir à
l’explication de ce phénomène. On auroit eu tort
effectivement de procéder autrerneh^ y & de ne- !
gliger ce que les qualités du fol & fa drlpotion
pouvoient faire mettre en confidération, pour* n
rendre raifdn. Le fÔidu Canada pou y oit être .fort
élevé au defius du niVeatUde là mer i il pou voit",
offrir'outre cela d’autres circonftancés propres à.
favorifer l’augmenta ri on du froid comme cela
arrive en Sibérie & dans quelques cantons de l’Ar-
meniej mais i] s en faut beaucoup que toutes ces
chofés y aient lieu après les faits que l’ on a dif-
cutes. C ’eft donc hors-de Ce pays qu’exifte la, ..caufe'
de ce froid prodigieux qui s’v fait fentir. Il faut
donc prouver, par les obférvations, quelle rélide
uniquementdans le vent dé nord oueft.
On ne peut douter que" les vents n’ influent fn -
guliérément fur Jes yiciffitùdes, des faifons, G s
vents fe chargeant d un degré confidérable de.,
froid ou de chaud, il ëft conftaté, par un grand
nombre d’obfervations faites en différens p ays,,.
qu’ ils voiturent dans ce* pays l’air froid ou chaud
des régions qu’ils onttraverfées. C e ft par lés vents
qui viennent de laSibérie;^ü’à Aftracan, ville fituée1
au 46e. deg. 32 min. de latitude, la liqueur du '
thermomètre defeend jufqu’au 24e. deg. & demi
ap deflous de la congélation, C ’eft aufli par le
même principe, quoique l’effet foit différent, que
le vent qui vient d’Afrique apporte à Malte, pendant
l’é té , une chaleur infupportable. On pour-
roit citer d’autres lieux de la Terre où les vents
produifent les mêmes effets, de manière à établir
à ce fujet une théorie,-comme nous le ferons dans
plufieurs articles de ce Dictionnaire.
Si l’on jette maintenant les yeux fur la Carte,
& qu’on y fuive la route que tient le vent de
nord oueft pour arriver.au Canada, on verra que
depuis le,s côtes où échouèrent les Ruffesen 1745,
& qui font à peu près par lé 7 1 e. deg. & demi de
latitude nord, ce vent parcourt, avant d ’aniver à
Québec, un efpace d’environ douze cents lieues
d’une terre qui tient de plus en plus du nord, &
qui n’ eft interrompue par aucune mc-r ; circonftance
qu’il eft eflentiel de remarquer, comme je
le ferai voir tout-à-l’heure, il ne î’eft pas moins
d'obf.rvér en même tems que tout cet efpace ne
contient aucune chaîne de montagnes capables de
s’oppoftr à la direction de ce vent &' à fa marche.
O r , il eft confiant que le froid qu’on éprouve à
71 degrés de latitude nord, eft encore bien plus
confidérable que celui de Québec.
. Tous ces faits étant inconteftables , je crois
qu’on peut en conclure, avec aflfurançe, que le
vent de nord-oueft, refroidi à l’excès par les climats
prefque conftamment glacés d’où il vient &
qu’ il parcourt, eft la feule & unique caufe du froid
exceffif qu’on relient au Canada quand il y règne j
ce qu’ on eft d’autant plus autorité à penfer, que
ni les eaux ni les bois, non plus» que les qualités
& la difpofition du terrain de ce vafte pays, ne
pouvoient être confidérés comme pouvant contribuer
, à un certain point, à la production d’ un
phénomène auffi extraordinaire.
Lorfque j’ai fait remarquer qu’aucune mer ne fe
rencontroit fur la route du vent de nord-oueft, je
penfois que s’ il en eût parcouru une furface confidérable,
le degré de froid dont il étoit chargé en
auroit été beaucoup affoibli, parce que la mer,
moins denfe que la.terre, & conftamment expofée
aux rayons du fo le ilta n d is que les premières
neiges leur dérobent la furface de c e lle -c i, eft,
par ces raifons, fufceptible d’ un refroidiffement
moins confidérable que la terre, à moins qu’elle
ne foit couverte de glaces. On pourroit ajouter
auffi que la mer ne contient pas de ces fols de Tels
les plus propres à opérer ces froids finguliers fi l’on
admet leur influence dans la production du froid:
d’où il refulte que l’atmofphère de la mer, à latitudes
égales , doit .être beaucoup plus tempérée
que celle de la terre, & diminuer par conféquent
le degré de froid d’un vent q u i, venant des environs
du pôle , le traverferoit. C ’eft fans doute
pour cette raifon qu’on éprouve en effet beaucoup
moins de froid l’hiver fur mer que fur terre,
& c eft furtout lorfqu’ en venant de la pleine mer
on approche des côtes, qu’on s’apperçoit de cette
différence. Il n’y a guère de marin qui n’ait fait
cette remarque.
CAN A L . On appelle ainfi une mer refferrée
entre deux terres, & dont les deux extrémités vont
déboucher à une grande mer ou à un grand golfe :
on l’appelle auffi bras de mer3 manche. Le terme de
canal fe trouve affeCté à quelques détroits particuliers
qui font allez alongés, ou qui ont de certains
courans d’eau très-marqués. Ainfi on l’applique
au détroit de Gibraltar, qui eft l’entrée de
| l’Océan dans la Méditerranée ; au détroit de Bi-
* bel- Mande 1, qui fait la communication de l ’Océan
1 avec h Mer-Rouge ; au détroit de Bahama, qui eft
le plus fameux des partages du golfe du Mexique
dans la mer dn Nord. On appelle auffi canaux ou
manches certains détroits un peu alongés. C ’en
! ainfi qu’on appelle Canal ou Manche la mer qui
féparel’Angleterre de la France, & l’on a réfervé
pour la partie la plus étroite , la dénomination da
pas ou détroit. Ainfi l'on a donné le nôm de Pas-de-
Calais ou de Douvres , fulvant qu’on eft en France
ou en Angleterre. C \ f t ce dérroit qui fépare la
mer d’ Allemagne de la Manche ou Canal. Le Bof-
phore de Thrace s’appelle auffi Canal de la Mer-
Noire , Canal de Conflantinople, par rapport à U
longueur qu’a le détroit dans cet interval'e.
Canaux des rivières. J’en diftingue de deux for**
tes : les uns font creufés & contenus dans les maf-
fifs mêmes, au milieu defquels les rivières coulent
fans aucune interpofition de matières étrangères.
Ces canaux fe rencontrent furtout dans les
parties fupérieures de leurs cours, où l’ eau, trou**
vant une grande pente, a une marche forte & rapide,
en conféquence de laquelle il ne fe formé
aucun dépôt au fond de ces canaux ni fur leurs
bords j mais dans les parties moyennes ou bien inférieures
du cours des rivières, leurs canaux font
creufés & contenus dans un terrain faCtice, formé
par ces rivières elles-mêmes. C e font des terres,
des pierres, des fables, des graviers accumulés
fur le fond des vallées, & qui fervent à contenir
les eaux. Ces fortes de canaux éprouvent fouvenc
des ferpentemens affez confidérables, qui font la
fuite du mouvement vermiculaire des eaux & de
leur aCtion latérale contre les bords compofés de
matériaux mobiles, & qui éprouvent des tranf-
ports & des déplacemens continuels.
Les canaux des rivières prennent fouvent différentes
largeurs & des directions qui varient fui-
vant les pentes des terrains. Je montrerai ces divers
effets des eaux dans toutes les occafions qui
s’offriront à mes recherches.
Canal de Calais a Saint-Omer. Il commence
à Saint-Omer, fe rend de là à Wat.en, &
enfuite il tourne à l’oueft une lieue au defius de
I ce lieu. Après des finuofités affez fortes, il re*
| monte au nord-oueft, puis au nord, paffe à Ca*
| lais | & finit par fe jeter à la mer.
M o ;