
trouve des femences & embryons de coquilles qui
ne marchent jamais , qui vivent & meurent où elles
font nées, c'eft- à-dire 3 dans les rochers & fur les
rochers mêmes où on les trouve préfentement,
tels que les dails, les coraux, les huîtres, avec les
impreflions des palétuviers.
Nous ne parlons ici du déluge que pour faire
voir que c'eft fans raifon que certains naturaliftes
l’ont regardé comme pofiible dans l'ordre des cho-
fes naturelles, & comme ayant laide de grandes
traces de (on partage à la furface de la T e r re , &
contribué à l’organifation du globe.
Il eft clair que l’Écriture-Sainte nous le préfente
d'abord comme produit par la volonté immédiate
de Dieu; car on ne nous indique aucune
caufe naturelle qui ait pu produire fur la furface
entière de la Terre la quantité d'eau qu'il a fallu
pour couvrir les plus hautes montagnes; & quand
même ou pourroit imaginer une telle caulè, il
feroit impoflible de trouver un moyen de faire
difparoîtreenfuite cette maffe d'eau immenfe 5 car
en accordant à Whifton , que ces eaux ont été
amenées par la queue d’une comète , il fera né-
ceffaire qu'elles aient été détruites par miracle,
fans cela elles inonderoient encore la Terre, &
couvriroient les fommets des plus hautes montagnes.
Rien ne cara&érife mieux un miracle que l’ im-
poflibilité d'en expliquer la caufe 8c les effets par
les lois de la nature.
Tous les naturaliftes qui ont fait des efforts pour
rendre raifon du déluge & de fes effets, ont échoué
vis-à-vis des caufes fécondés qu’ils ont employées j
ils ont prouvé par là que cet événement n’a pu
s’opérer que par la caufe première.
D'ailleurs , ce ne peut être ni dans un feul 8c
même tems ni par l’effet du déluge , que la mer a
laiffé à découvert lescontinensque nous habitons;
car il eft certain que le Paradis terreftre étoit en
A fie , 8c que l.’Afie étoit un continent habité avant
le déluge , par conféquent ce n’eft pas dans ce tems
que les mers, qui ont couvert cette partie confi-
dérable du g lo b e , en ont formé lé fol. La Terre
étoit donc , avant le déluge, telle à peu près qu'elle
eft aujourd’hui ; 8c cette énorme quantité d’eau
que la juftice divine auroit fait tomber fur la Terre
pour punir l’homme & faire périr toutes les créatures
, n'a pas produit le moindre changement à
la furface de la T e r re , 8c n’a pas même détruit les
plantes , puifque la colombe rapporta une branche
d’olivier.
Pourquoi donc imaginer, comme l'ont fait un
grand nombre de naturaliftes , que cette inondation
changea tellement la furface du globe juf-
qu'à une grande profondeur ? pourquoi fuppofent-
iîs que ce foit le déluge qui ait apporté fur la Terre
les coquilles qu'on trouve à fept ou huit cents
pieds dans les bancs de la Terre ? Sur quel fondement
ont-ils pu s’appuyer pour dire que c'eft
pendant le déluge que fe font formées les montagnes
8c les collines? Comment ont-ils pu imaginer
que ces eaux aient entraîné avec elles des mafl'es
& des bancs de coquillages de deux cents lieues
de longueur ? On ne peut foutenir férieufement
cette opinion qu’en reconnoiffant dans le déluge un
double miracle : le premier, pour l’augmentation
des eaux ; le fécond, pour le tranfport des coquilles
8c leur grande multiplication dans le baflin
de la mer ; mais comme l'Ecriture-Sainte ne nous
parle que du premier , comment faire gratuitement
un article de foi du fécond ?
D’un autre c ô té , fi les eaux du déluge, après
avoir féjourné au deflus des plus hautes montagnes
, fe fuffent enfuite retirées tout à coup, elles
auroient entraîné une fi grande quantité de matières
terreftres , qu’une grande partie de ces matières
auroit regagné le baflin de la mer, & que l’autre
feroit rèftée dans un bouleverfement affreux.
Le déluge eft donc un miracle dans fa caufe comme
dans fes effets. On voit clairement par le texte de
l’Eçriture-Sainte , qu'il a fervi uniquement pour
détruire l’homme & les animaux, & qu’il n'a
changé en aucune forte la furface de la Terre , ni
fa compolîtion, ni fon organifation antérieure,
puifqu'après la retraite des eaux, les montagnes
8c même les arbres étoient.à leur place , & que la
Terre étoit propre à recevoir toutes fortesde cultures.
Comment toute la race des portions , qui
n’entra pas dans l’arche , auroit-elle pu fe confer-
ver lï la Terre eût été.difloute dans l’eau, ou feulement
lï les eaux euffent été allez agitées pour
tranfporter les coquilles des Indes en Europe ?
Cependant cette fuppofition, que c'eft le déluge-
univerfel qui a tranfporté les coquilles de la mer
dans tous les climats de la Terre , eft devenue
l’opinion ou plutôt la fuperftition d'un grand nombre
de naturaliftes. Woodward , Scheuchzer 8c
quelques autres encore appellent les coquilles pétrifiées
les médailles du déluge , 8c les regardent
comme les monumens que Dieu nous a laiffés de
ce terrible événement, afin qu'il ne s'effaçât jamais
de la mémoire du genre humain. Enfin , ils
ont adopté cette hypothèfe avec tant de refpeét,
pour ne pas dire d’aveuglement, qu’ils ne paroiffent
s'être occupés qu'à chercher les moyens de concilier
l’Ecriture-Sainte avec leur opinion, 8c qu’au
lieu de fe fervir de leurs obfervations & d’en tirer
des lumières fûres, ils ont imaginé des fyftè-
mes où l’Écriture-Sainte , qui ne nous a pas été
donnée pour cela, eft confultée comme un oracle
pour l'interprétation de faits qui doivent s’expliquer
par des faits du même ordre. Les merveilles
que la main toute-puiffante de Dieu opère d’une
manière uniforme 8c régulière font les feuls objets
de nos recherches & de notre étude, 8c nous
ne devons point nous occuper de ce qui peut
avoir quelque relation avec les miracles qui ne
rentrent pas dans cet ordre de chofes.
On obje&e que le déluge étant un fait certain,
il doit être permis de raifooner fur lesconféquences
de
de ce fait. À la bonne heure; mais il faut convenir
que le déluge eft un effet immédiat de la volonté
de Dieu , 3c avouer qu’ il ne nous eft pas
permis d’en favoir davantage que ce que nous en
apprend l’Écriture-Sainte. 11 n’eft pas dit dans 1 E-
criture, que le déluge a forme les montagnes, qu^il
a enlevé du fond des mers les coquilles , & qu’ il
les a tranfportées à la furface des continens. Il faut
donc fe borner à la lettre de l’Ecriture, q u i, dans
cet événement, annonce le châtiment de. la juftice
divine, & non un fupplémenc à la création par
une nouvelle organifation de la Terre.
Plufieurs perfonnes ont donné 4 ingemeufes
bypothèfes fur le déluge, mais elles paroiflent toutes
fujètes à des difficultés infurmontables.
Le doéteur Burnet| dans fa Théorie, delà Terre ;
a donné une explication du déluge, que le docteur
Keil a démontrée impoflible & peu philolophi-
que. Il a d’abord décrit la Terre primitive comme
privée de toute beauté & d’eiegànce , & a donne
une caufe au déluge , qui non-feulement cadre peu
avec fa propre théorie, mais qui eft encore m-
fuffifânte pour expliquer l’élévation des eaux fur
le fommet des montagnes , puifque, par la ruptuie
de fa croûte imaginaire , il eft impoflible de fup-
pofer que les eaux de l’abîme même avec une
telle fecouffe-, aient pu s’élever aflèz haut fur les
parties qui relièrent élevées, pour couvrir les montagnes
qui exiftent maintenant. ■
Wifton a’cherché cette caufe dans le choc d un
autre corps planétaire il a fuppofé que la queue
d’une comète étoit affez condenfée pour tournir
une quantité d’eau fuffifante pour le deluge. Mais
outre le peu d’accord de cette théorie avec celle
de la gravitation, il n’eft pas moins, difficile , dans
cette hypothèfe, de fe débarralfer des eaux dpnt
la Terre étoit couverte, qu’ il ne 1 eft dans les autres
d’en trouver affez pour la fubmerger.
Ray a expliqué cet étonnant événement en fup
pofant qu’il eft arrivé un changement dans le centrL
de gravité de la Terre; mais comme il^ eft nnpof-
fible d'afligner ce changement de gravité du centre
de la Terre , 8c le nouveau changement qui
l ’auroit remis à la place , cette hypothè/e eft encore
plus incompatible avec nos ide.es philofopni-
ques, qu’ aucune autre qu’on ait imaginée.
Telles font quelques-unes des principales théories
qu’on a avancées jufqu à préfent, 8c je me
borne à cette fimple. indication. . .
Je terminerai ce que je mepropofe definitivement
de publier fur mon opinion relative au de-
luge 3 en joignant ici une note que j ai cru devoir
ajouter à. la defeription éloquente que Sénèque
nous a donnée du déluge dans fes Queftions naturelles.
Ôn verra ce que je penfe fur la poflibilite
de cette cataftrophe 8c fur fes. effets.
Note tirée du Jixiéme volume des OEuvres de Seneque,
; ■ chap. X X X 3 p a g . 319.
On peut envifager le déluge, ou quant aux caufes
/ _ . .. /_ * - 1 nm p 1 1 T_
qui ont pu concourir à cette inondation générale,
ou quant aux c-ffets qu’il a produits à la furface de
notre globe. Sous ces deux points de vue il ne pa-
roît pas qu’il puiffe être confidéré comme un évé-
nëment que l'ordre aétuel des chofes ait amené
naturellement, ou dont il foit aifé de prouver
’ ’exiftence par les vertiges qui nous en reftent.
On a dit qu’aucune caufe naturelle n’ a pu ver-
fer tout à coud, fur la furface entière du globe ,
la quantité d'eau nëceffaire pour couvrir les plus
hautes montagnes, ni la faire difparoître en la ré-
duifant au volume aétuel. On a dit que la cataftrq-
phè du déluge univerfel ne pouvoit pas être comptée
parmi les événemens dont les phyficiens obferva-
teurs peuvent s’occuper. En un mot, les auteurs
anciens 8c modernes, payens & chrétiens, qui ont
parlé du déluge , l ’ont repréfenté comme un événement
miraculeux , ordonné par la volonté ex-
preffe de Dieu. Cependant les uns & les autres,
maigre cet aveu, fe font occupés des moyens que
cette ca:ufe furnaturelle avoit pu employer pour
opérer une inondation générale ; ils en ont même
recherché curieufement les caufes 8c développer
les progrès comme fi un miracle pouvoit être plus
ou moins facile, plus ou moins croyable.
Sénèque lui-même, quoiqu’obligé d’avoir recours,
pour confommer cette grande révolution,
à la volonté du Déftin, qui, fuivant fes principes ,
difpofoit fouveraihement des agens naturels, &
leur conimuniquoituné énergie extraordinaire, fe
borne cependant à ces agens. En développant tous
les progrès de l’ inondation 8c du déforare qu'elle
produilit, il n’y fait concourir que des moyens connus
, qù’ il affujettit à une marche conforme à l’ordre
narurel. Si l’on apprécie bien les circonftances
où il femble appeler à lui le Deftm, il eft aifé de
fe convaincre qu’ il n’en a pas moins de confiance
dans les agens naturels dont il a fait choix , & que
c’eft plutôt pour abréger les détails de fes explications
, que pour avouer l’ infuffifance de ces agens,
qu’ il Fait mention du Deftin. .
Ce lyftème d’explication d'un événement aufli
extraordinaire , expoie par Sénèque avec toute
l’adreffe dont il étoit capable , paroîc avoir féduit
quelques écrivains fyftémadqiïeS de nos jours, qui
en ont adopté les principaux agens. J ai lu avec
plaifir les deferiptions de ce philofophe ; j’ai été
frappé de fon éloquence & même des reffources
de fa phyfique, mais je n’en fuis pas moins porté à
difeuter chacun des moyens naturels qu’il emploie,
pour les réduire à leur jufte valeur , & écarter les
fauffesapplications qu’ on en a faites & qu’on pourront
en faire par la fuite.
Les moyens que Sénèque fait valoir avec tant
de fagacité font l ’éruption des eaux fouterraines
par les fources, la chute abondante des pluies 8c
le changement de la terre en eau. Voyons quel
parti on en peut tirer pour inonder la Terre fans
déranger, fuivant le plan de Sénèque, l’économie
de la nature*