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çons qui fe forment, & fe prolongent de manière à
fe joindre d'un bord à l’autre.
Ce font effectivement les piles des ponts en général
, & plus dans Paris qu’ailleurs, qui font la
principale caufe qui fait prendre la rivière : l’eau
ayant moins de viteffe à fes bords qu’au milieu,
il fe forme deux grandes lifières de glace, une à
chaque côté.
La voie des glaçons fe rétréciffant de plus en'
plus, ceux qui font en mouvement fe touchent > &
s’ ils deviennent plus larges & plus nombreux , ils
forment une obftruCtion dès qu’ils trouvent des
obftacles qui les appuient, & iis arrêtent tout ce ,
qui fuit. -
Il eft aifé de concevoir que la caufe qui fait
prendre la rivière plus tôt eft la même qui ne la
lailfe débacler que plus tard ; car les glaçons accumulés
fe ferrent, & leurs intervalles fe remplif-
fent par des glaçons qui en font un corps continu ,
folidej c’eft alors que ces alf mblagés de glaçons
confolidés réfiftent à tout effoit, à moins que la
rivière ne hauffe ou ne baiffe affez confidérable-
. ment pour que les affemblages fe défuniffent.
Voici comment s’opèrent les débâcles.
Dès que le dégel eft décidé, la rivière commence
à croître peu à peu en fe mouvant du fond, en
forte qu’en peu de jours, ou en trois ou quatre ,
elle peut croître de vingt à vingt-un pouces, &
enfin de neuf à dix les derniers jours. -
Cette augmentation d’eau, élevant l’affemblage
des glaçons & rompant les liens qui les uniffoient,
détermine la débâcle, qui commence aux endroits
où il y a des vides. Les rivières latérales, qui portent
Couvent une grande maffe d’eau dans les ri*
vières couvertes de glaçons, déterminent fouvent
la débâcle à leur jonction : ces mouvemens de glaçons
n’ont pas fouvent une grande étendue j &
lorfque les glaces font bien foiitenues, la rencharge
ne les ébranle' que très-peu : on en voit feulement
de grands tas fe former en fe culbutant , en pafi
fant les uns fur les autres, ou même en coulant
par-deffous.
Tous ces glaçons, amenés & amoncelés en très-
grande quantité fur chaque place , diminuent
d ’autant le paffage de l ’eau i auffi l’ eau s’élève au
defiusde cesêfpèces de digues. Ce ne fut qu’en
fe frayant des débouchés plus libres, que l’éau fou-
leva encore plus les affemblages de glaçons qui
couvroient la Seine à Paris j ce qui détruifit fes
affemblages , & la débâcle partit après un grand
foulévement de ces glaçons. Mais , malgré cela,
les glaçons ne cheminoient pas auffi vîte dans Paris
& au deffous, que dans les parties d’amont ; en
forte que cesderniersfe doubloient, fe triploient,
& couvroient tout le courant. On fent.bien que
les progrès de ces débâcles ont des accès fuivant que
• Peau, qui eft le grand agent, qui eft accumulée par
lesobftacles , trouve moyen de couler, & d’entraîner
les débris des affemblages de glaces : il réfulte
de là que la rivière , lorfque l ’eau qui fait gonfler
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les glaces eft accumulée, eft très-élevée, mais
qu’après la débâcle elle diminue fubitement.
Ce qui augmente confidérablement le volume
dans la rivière eft plutôt le volume des glaçons
épars, comme ils le font quelquefois, que celui du
véhicule de l’eau ; car ce volume lève les glaçons,
mais furtout les entraîne.
L’élévation de la rivière, produite par l ’affluence
de l’eau 8c l'accumulation des glaces au deffus de
Paris , facilita la prompte défeente des glaces d’ amont.
Dès que le paffage fut ouvert, cette abondance
de glaçons qui arrivoient en foule , Ar',on~
feulement à la furface de la rivière, mais mêlés à
l’eau‘, entraînoit tout ce qu’elle rencontroit. Ce tte
hauteur de l’eau porta i répandit une quantitépro-
digieufe de glaçons dans'les plaines d’Y v r y , de
Maifonsj de Choify-, de V i;U neuvc-Saint-Gèorges:
l'eau entra même dans le faubourg Saint-Antoine
par la rue Traverfière , qui fut remplie de glaçons
jufqu’au delà de la rue de Charenton.
Quand les débâcles fe font fans obiiaclé , elles ne
caulènt aucun dommage : les glacés de la Seine y
venant ainfi de loin, fans qu’ il y ait aucune accumulation
ou rencharge, & trouvant la traversée
de Paris libre , doivent y paffer comme y paffe la
débâcle de la Marne, q u i, fe fàifant prëfqüe toujours
après celle de la Seine, & trouvant tous les
paffages ouverts , ne fait aucun défaftre.
La rivière prend par les glaçons qui ont fervi
d’écuelles , & dont l’eau remplit les interftices
des glaçons fpongieux , qui deviennent comme cela
glace compa&e , & qui y gèlent dès qu’elle eft en
repos. Ces glaçons fe choquent, & fe brifent à pro-
I portion de leurs chocs : il y a de ces glaçons qui
| ont trois ou quatre pieds d’ épaiffeur, cela vient de
la réunion de plufieürs glaçons par leur rencharge.
Je crois qu’on pourroit faire prendre piufieurs petites
rivières & les rivières latérales , au lieu d’ attendre
à retenir les glaçons un peu au deffus de
Paris.
Après les éclairciffemens. préliminaires fur ce
qui conflitue lès débâcles en général, nous allons expo
fer les différentes circonftances que nous avons
obfervées & recueillies, foit à Paris fur la Seine,
foit ailleurs fur les grandes rivières qui ont éprouvé
ces accidens.
Débâcle des rivières en 1789.
La débâcle de 1789 s’eft faite d’une manière particulière
, vu la nature de la glace, qui étoit
compacte & fort épaiffë.
Voici ce qui eft arrivé à la première crue d’eau
un peu confidérabie qui eut lieu ie dimanche 18 janvier.
L’eau déborda au deffous du Pont-Neuf &
couvrit la glace , & emporta les bords de l’ouverture
en débris jufqu’ au port Saint-Nicolas, &Jes
dépofa fur la glace, qui fubfifta pourtant avec quelques
ruptures dans certaines parties & fur les
bords j de même un peu au deffous du nouveau
pont l’eau couloit fur la glace & l’avoit couverte
de débris , & fur les bords, à l’extrémite de 1 ouverture.
On voit que l’eau qui débordoit, ne je
fai foit ouverture que dans certains endroits , &
faifoit effort dans Ion accès contre le bord inferieur
de l’ouverture & .emportoit les débris, &
outre cela brifoit la glace j & le long des bords &
dans cerraines parties du milieu, plus bas, la glace
reftoit encore entière.
Débâcle de 1789, a Paris,
J’ai vu la Seine, le mercredi 21 janvier 1789,
dans les parties où elle avoir éprouvé une debacle
la vei le par l'ouverture de l’eftacade de la tête de
l’ile Saint-Louis. • . . ' ,
Tout le b a {fin, depuis l’île Saint-Louis jufqu au
bas de Paris, en fuivant le port au blé , étoit de-
barraffé de glaçons. Il reftoit une forte obltru&ion
dans le canal des Grands-Auguftins , de 1 Hôtel-
Dieu , jufqu’ a la hauteur de l’ ile Lôuvier. Cette
obülruétion s’étendoit jufqu’au Pont-Rouge : la plupart
des glaçons étoient dans une fituation verticale.
Je remarquai que, dans certains endroits , les
giaçons étoient plus petits & plus ferrés que dans
d’autres , parce que les glaçons avoient été taftes
en conféquence de certains courans qui, à différentes
heures , avoient eu une marche particulière au
milieu de leur maffe générale. Je fus témoin d une
de ces marches qui précéda la débâcle : elles étoient
occafionnées par le déplacement de certains gla.-
çons fort larges & fort épais, qufi> achevant de
prendre une fituation verticale, laiffoient des vides
que les glaçons voifins s’empr-ffoient de remplir,
& ainfi de proche en proche. Ces courans particuliers
s’étendoient depuis l’Evêché jufqu’ au deffus
matin * l’eau s’étoit fait jour à travers les glaçons ;
enfin la débâcle vint le mercredi a deux heures. ^ paiLffeesu gr.l aAçlolnesz caovmoimenutn déomueznet àla q gulianczee e tpooiut cdees d de uex- e&fp bèlcaensc,h lâ’turnee i cllaa iprere &m itèrraen ffpoarrmenoitte ,p 1l uasu tcreo mtemrnue
cnoémndeen tl a lap aprtairet ifeu pinéfréieriueruer.e Ldoersl qgulaeç loens sg, ia&ç olna sl efe- ddéec ogmlapcoefse rternatn fppaar rlaen pterso g,r ècs odmu pdaectgeesl , mles pcalartiireess dauocnunnèere fnotr mdee sr épgriu fliinèerse 5, lefso iat udtraenss lneue rsa ociamlleurieens,t
foit dans leur decompofition.
du pont de la Tournelle : il y en avoir meme qui
fe dirigeoieht vers le Pont-Rouge. . ‘.v
J’obfervai que, le long des bords de lariviere,
prefque tous les glaçons étoient larges & prefque
à p lat, parce que , dans les mouvemens de debacle,
fis avoient été moins gênés, & avoient trouve plus
d’efpace pour s’étendre. » .
La partie delà la tête rivière , depuis Charenton julqu a de i’île Saint-Louis., avoir fourni tous les dgalançso lnes c adnea l ldae sd éGbrâacnled sd-uA umgaurfdtiin >s && acue dqeuffiu sr eefttooiitt dû en partie à la glace formée dans ces baffins, & en
partie à la débâcle du mardi.. En général, on a remarqué que, dans la debacle qu
mardi les glaçons , en fe mêlant les uns aux autres,
fe difpofoient verticalement, & fe plaçoientles uns
à côté des autres ^ parce qu’ils occupoient moins
de place en cette fituation. .
Pendant l’obftru&ion du canal des Grands-
, Auguftins, caufée par les glaçons taffés , 1 eau ne
paroiffoit pas couler vifiblement au deffous duPont-
N e u f , au débouché de cette [partie obftruee le
lundi & le mardi. Le courant apparent .mais toible,
Je luis tenté d’ attribuer la première a la congel-
lation de l'eau de la rivière, la fécondé a la neige
qui tomba à diffétens tems fur la riviete & couvrit
la elace. Quelques commencemens de tonte r.icm-
tèient à la neige i’ adhéfion à la glace compacte 5c
fa congélation : dans piufieurs glaçons cette future
étoit f-nfible. Ile ne dis pas que toute la neige ait
donné des glaces brutes & blanchâtres :cera depen-
doit des degrés de fonte que la neige eprouvoit.
Débâcle de la Loire.
A huit heures, le 18 janvier 1789 S à une lieue
au deffus d’Orléans, les glaces de la Loire s accumulèrent
par une crue de neuf pieds, 8c a un
tel point qu’elles arrêtèrent le cours du neuve;
mais les fontes venues de plus haut levèrent les
obftacles , & entre deux & trois heures après midi
la quantité d’ eau & de glaçons ouvrit un paffage
, creva les chauffées du côté du midi, de manière
qu’en quatre heures de tems tout le pays que
l’on appelle le v a l, fe trouva fubmergé, ainfi que
toute la partie de la ville, nommee le l ’atercau ik
qui n’en eft féparée que par le pont. Cette étendus
du terrain fubmergé peut être évaluée a itx ou (ept
La même débâcle occafionna les plus grands
dégâts à la Charité, à Saint-Dia, à Blois.
Les glaces mitent quatre jours à faite le trajet
de Rouane à Orléans ; cav la débâcle y fit le 14 a
huit heures du matin, & y dura vingt-quatre heu-
res ; le i y , la crue de la Loire fut de dix pieds,
Le Rhône, dont les eaux, très-baffes, avoient
facilité la congellation totale i Lyon, commença à
dégeler le 11 par un vent de fud-eft, & la débâcle
fe fit le 14. Les glaçons, de quatorze à dix-huit
pouces d'épaiffeur, 8c partagés en grandes planches
de cent pieds carrés de furface, entraînèrent
des moulins, des bateaux. La débâcle de la Saône,
dans la même ville, fut plustardive dedeux’jours,
8c encore plus funefte : l’un des ponts de bois ,
de trois cents pieds de long , fut renverfé , 8e
beaucoup d'ufines & de moulins furent fort en-
dommagés.
A 1 île de Ré , la mer, pendant un mois, n ot-
rit qu’une glace continue depuis les bords de l’île