
$94 D U R
aune petite lieue de Sifteron. J’ai remarqué, en
Lfuivant jtïfqtTà Ton embouchure, qu’elle cou'ioit
Iprefque fans interruption entre des collines formées
de cailloux arrondis & entaffés les uns fur
Tes autres. Il arrive fouvent que ces cailloux font
fans liaifons, mais d ’autres fois ils font unis par
un ciment fort dur. Il y a de ces collines grave-
.leufes qui font adoffées contre des montagnes calcaires
, & on En voit auffi un très-grand nombre
qui font entièrement ifolées.
Audeflus de Sifteron, & fur la rive gauche delà
■"Durance , les points les plus élevés où l’on trouve
des cailloux roulés, ne font pas , autant que j’ai pu
ï’ eftimer, â plus de vingt-cinq toifes fur le niveau
de la rivière : on y remarque quelques terrains
affez étendus, où ces cailloux font toujours appa-
rens, ou du moins à peine recouverts d’une couche
mince de terre labourable. Ces amas de cailloux
font dominés par une montagne efearpée, formée
principalement de terres marneufes. Parmi les
torrens qui defeendent de cette montagne il s’ en
trouve q u i, ayant rencontré des bancs de cailloux
fans liaifons, s’y font creufé deslits profonds.'J’ai
remarqué alprs que les bancs de cailloux avoient
d’autant moins d’ ëpaiflc ur , qu’ils étoientpl us élevés
fur la montagne , & qu’ ils étoient appuyés , dans
quelques endroits , fur des couches de marne.
Au defîiis de Sifteroh on obferve que les cailloux
qui font dans le lit de la Durance} font de même
efpèce que ceux qui compo'fent lès collines voir
fines ; ils font .prefque tous vit ri fiables. Les quartz
de différentes couleurs y abondent. Les pierres
calcaires font en pëtit nombre. On y trouve des
ferpentinçs & des variolites. J’ai ramaffé ‘de ces
dernières efpècesde pierres au haut des collines:,
dans des tas de cailloux qu’on avoit formés pour
rendre fertiles des champs où ils étoient .auparavant
difperfés.
La Durance, femblabl'e aux grands fleuves dans
leur origine , devient aufli cortfidérable qu’eux en
s’approchant de fon embouchure dans le Rhône.
Elle naît au pied des A|pes, dans le Dauphiné j
pafle à Embrun, o<ù elle reçoit la'rivière de "Gap,
qui commence à groffirTes eaux , ainfi qu’ un nombre
d’autres, lorfqu’elle entre en Provence : cëlle
il'Übaye, qui traveffe la vàllée de Barcelonnette $
la Caragne à Sifteron ,ia Bleouffe à Digne , PA fie ,
le Verdon > toutes1 les eaux qui defeendent par
quantité de ruifleaux & de torrens de la montagne
du Leberon, céUes des étangs 'fitués auprès
de Nnvcs & Saint-Remi, Tefquels augm&nteht
tellement fon cours., qu’élle égale les plus grands
fleuves. La difpofition des coteaux de Cantc-
Perdrix & des montagnes oppofées au bac de Mirabeau
indique qu’elles ont été réparées par les
eaux impétueufes de cette rivière, qui , dans les
pluies d’orage ou par la fonte des îleigas , acquièrent
une' telle vélocité ., qu’ ëfles ^entraînent
tout ce qui Yoppofe à leur cours , <fërkciftefli;
K*s arbres , Tçnverfent lès ' digues, :roulent aVôd
D U R
elles des blocs de pierres détachés des montagnes
, & par la violence de leurs chocs minent
la bafe des coteaux contre lefquels elles viennent
heurter, & les font crouler quelquefois avec un
fracas horrible. Le bruit de ces eaux eft fi confi-
d.érable dans ces occafions, qu’on les entend mugir
au loin. L’air en eft fi fortement comprimé, qu’ il n’y
auroit pas de fûreté de fe trouver dans ces inftans
fur les bords de cette rivière. La pente moyenne
de la Durance, qui defeend des A lp e s , eft au
moins d’ un pied oc demi par cent toifes 5 ce qui
dônne une prodigieufe rapidité à fes.eaux. On
peut fe figurer tous les ravages que les débùrde-
mens de la Durance doivent occafionner, les arbres
& les graviers qu’ elle entaffe fur fes bords, les
îles que fes flots forment de tous côtés en refluant
fur eux-mêmes & en s’écoulant par autant
de bras qui changent la face des lieux.'Son h t ,
aufli mobile que fes eaux , n’ eft jamais alluré. Les
rochers qui la repouflent d’ un c ô té , les eaux
de l’Afle 8c du Verdon qui la frappent en flanc
de l’autre , rendent fon lit auffi variable & aufli
inconftant qu’on puifie l’imaginer. Tant de caiïfes
agiffent ainli fur les eaux dé la Durance. Pourquoi
n'auroit-elle pas franchi l’obftacle que les montagnes
du Bac-de-Mirabeau oppofoient -autrefois à
la marche ? La correfpondance de leurs couches
inclinées à l’horizon dans les montagnes oppoféés ,
une même organifation dans leur intérieur^ ne
proüvent-elles pas que la rivière a pu fe creüfer
entr’elles le lit intermédiaire qui les fépare ? Ce
n’eft pa^'ici le premier endroit où l’oeil étonné admire
les traces d’un pareil événement. Cette rivière
, tantôt' refferrée entre des montagnes fehif-
teufes, dont elle mine lentement la bafe vacillante,
tantôt S’écoulant fans contrainte fur un lit mobile
de pierres gliflantes, menace de tout engloutir.
C'eft ainfi qu’ayant abandonné depuis quelque
tems le côté oppofé à fon cours aétuè’l , elle va
heurter contre le roc fur lequel une partie du village
dè Saint-Paul eft bâtie, où elle fe brife avec
fureur dans fes débordemens.
' Les' inondations de cette rivière, ne ’fertilifent
pas .toujours les fonds riverains : ellè en caufe au
contraire plus fouvent la ruine j elle dépote bien
loin de fes bords un limon léger, fablonneux, qui
contient peu de fucs fertilifans. C e n’elt qu’aux
bords des eaux {lignantes que cette rivière laiffè
dans les îlots, des limons que les débris des végétaux
convertiffent en bon engrais.
LagrofTeur des cailloux que’la Durance çharrie'j
varie 'fingüli'éremént pourtant les plus gros Ont
rarement plus d’un pied & demi de diamètre.'Quoiqu’ils
ne foient pas difpofés dans les collinès d’ une
manière régulière, relativement à leur maffé, il eft
aflez ordinaîiequèlés plus grüS'fe trouvant dans les
lits lesplüs.bài dès collines'. D'àiÜeurSjlaTqülè différente
qü’ il y ait.entrélesCâilïôux qUi.'foOt' dansiè
lit de là (ivi^é/Sc Ceux qui 'font ‘dans les hauteurs
VoififfeS, c’ éft que te ü tflafo'i 11'pàiffàftê'mèiïf 1 i ffëÿ,
8c que la furface de çeux-ci, par l’influence des éié-
mens, eft un peu irrégulière. Les cailloux calcaires
font ceux qui font plus fenfiblement dégradés.
La Durance, au de (Tus de Sifteron, frappe dans
Quelques points de fon cours fur la rive droite,
contre des bancs de marne -, miis elle eft auffi contenue
dans beaucoup d’endroits ,, fur les deux
bords, par des rochers formés de cailloux roules.
Le Buech entre dans la Durance audeflus de
Sifteron. Cette rivière eft conlîdérable & fort
rapide. Comme elle ne roule guère que des pierres
calcaires, j’ ai jugé qu’elle ne rencontroit pas dans
fon cours des collines organifées comme celles
que la Durance traverfe.
Au de (Tous, de Sifteron, on obferve des deux
côtés de la Durance des cailloux roulés 5 ils fe trouvent
quelquefois à plus de vingt-cinq toifes au
delfiis du niveau de la rivière. Si on cefle de les
voir, ce n’eft jamais que dans de petits espaces ,,&r
on découvre alors le rocher naturel de la montagne
, qui eft prefque toujours marneux.
Les collines entre lefquelles la Durance coule
depuis Sifteron jufqu’à Volonne, font fort voi-
fines. Comme les cailloux dont elles font compo-
fées, font, dans ces efpaces, prefque toujours liés
par un ciment fort dur, ils forment comme des
.murs de quai, qui contiennent les eaux de la riv
iè r e , & qui l'empêchent de prendre, une plus
grande largeur.
On obferve fouvent, fur des lits de cailloux
roulés, des bancs de fable. Ceux qu’on trouve fur
les collines de Château-Arnoux, préfentent des
objets bien,extraordinaires : on y voit repofer de
grofles malles arrondies de pierres calcaires bleues,
fort belles & fort dures. Ce font ces blocs ifolés
qui ont fourni la pierre de taille avecjaquelle on
a bâti le pont de Malijai, & d’autres ponts qui
font fur la route de Sifteron. Il eft évident que ces
blocs n’bnt jamais appartenu aux montagne$ voi-
fines, adtuellement exiftantespuifqu’elies.ne pré-
fentenc que des pierres geliflcs.
En fuivant la rive gauche de la Durance, depuis
Volonne jufqu’à Jouques , on voit dans ce
.trajet, en s’élevant jufqû’à Mouftiers, des collines
entièrement formées de cailloux roulés & dé
Table; Leur organifation. ne peut être mieux prononcée
j elles ne renferment que rarement dés
bancs de pierres différentes : aufli on eft réduit.,
dans la plupart des villes & villages-qui s’y trouv
en t, à conftruire les édifices avec des cailloux
ronds.
11 y a , au haut de ces collines, des plaines extrêmement
étendues;, & qui ne font interrompues
,que par des ravins formés par les eaux pluviales.
;Ce qui eft encore fort remarquable , c’eft que le
niveau de ces plaines eft, dans quelques endroits,
'élevé de plus: de cent cinquante toifes fur le lit
,de la Durance, & qu’ il êft suffi plus élevé fur le
niveau de la mer, d’environ foix an te-dix toifes,
que les collines de cailloux roulés , que j ’ai obfervêes
auprès de Sifteron. Je reviendrai fur ces
obfervations lorfqu’il s'agira de déterminer i’ origine
de ces amas de cailloux roulés.
En fuivant la rivière de Rleaune jufqu’à. Mira-
b e lc t , on obferve qu'elle coule entre des collines
uniquement formées de cailloux rojdés & qui
ne font guère moins élevées de cent toiles au def-
fus de fon niveau. On fait que ces col Un es ne
fe terminent qu’à environ trois lieues de l'embouchure
de la rivière. On voit , fur les deux
bords , des torrens dont Le lit eft fort large &
rempli de cailloux fournis par les collines voifines.
Ces collines ne s’étendent guère , du côté
du nord, à plus d’une lieue. Les torrens, qui ont
un cours plus long, fe diftingueru aifément, parce
qu’on trouve dans leur lit quelques pierres mar-
. ne u fes. ;
En examinant la nature dtS cailloux des collines
de Malijai, des Mées„ d’Oraifon, de Var
laniofle,f& c . , on obferve afl.z généra.!ement que
la plupart de ceux qui forment les lits les plus bas
des collines font vitïifiables. Mais dans les parw
ties un peu élevées, les cailloux calcaires font
plus nombreux. On trouve pourtant, toujours à
leur voifinage , quelques quartz, des granits 8c
des grès affèz abondamment. Ces cailloux calcaires
lont fort durs, & ils fourniflent une des
meilleures chaux qu’on puifle employer. r
Depuis Château-Arnoux jufqu'à l'extrémité du
bois de Negreouls, près de Mirabeau , on voit
aufli prefque toujours des cailloux roulés fur la
rive droite de la Durance. Si les collines ainfi organifées
font quelquefois interrompues, c’eft pour
taire place à des bancs plus ou moins étendus de
fable, qui font fouvent durcis, 8c qui forment
alors du grès. Au refte, les collines de cailloux
roulés fe terminent à une petite difiance de ce cô:é
de la rivière. Les collines de fable s’en éloignent
davantage, & on. les voit très-fou vent appuyées
fur des b.mcs de marne, qui font des expansions
du- fol naturel des montagnes de Lure 8c de Leberon.
On commence à obferver uneefpèCe de rocher
bien extraordinaire au fommet des montagnes de
Ganobie & de Lure. Comme il accompagne en-
fuite, prefque fans interruption, les collines de
fable 8c de cailloux , q.u’ il eft fouvent mêlé &
| confondu. avec e lle s , il peut fervir à indiquer
l’origine de ces cailloux, & à détruire quelques
fyftèmes qu’on pourroit faire fur la formation des
collines où on les voit laflemblés.
Il n’eft perfonne qui n'ait pu obferver, parmi
les matières que la mer jette fur fes bords,.des dé-
bris.de coquilles, arrondis & ufés par le frottements
Les livres d’hiftuire naturelle font mention de plu-
Heurs contrées-extrê^nement favorables' à la multiplication
des coquillages , 8c où les rivages de la
mer ne préfentent d’ autre fable que celui qui peut
êtte formé de la décompoikion de ces corps marins.
Si on fe re pré fente un volume inamenfe de