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nent la province de Zélande. On croit que toute
L île de Midelbourg & de Fléflingue feroit fub-
mergée fi la digue ou dune de Weftcappel étoit
forcée , & qu’elle feroit en danger de f être fi on
abandonnoit ce difpendieux ouvrage.
En Hollande > il y a deux points où la dune eft
foible; l’ un du côté de la Haye,, où je n’ai pas
été j l’autre eft Petten dans la Nort-Hollande, où
j’ai paffé, & là'ona fait, derrière la dune3 double,
je ne lais même fi ce n’eft pas triple rang de digues
pour garantir le pays dans le cas où la d'une feroit
forcée.
Notez qu’ un peu plus haut que Petten on avoit
autrefois la même crainte. Le fameux penlionnaire
Barnewelt fit conftruire une digue fur le bord de
la mer , & ce fut apparemment en avant de la dune.
Qu’en eft-il arrivé? Bien loin que la mer ait em-
. p.orté cette digue , elle r*a recouverte de fable,
en forte qu’auiourd’hui c’eft une dune à ans laquelle
eft enfevelie la digue de Barnevrelt, qu’ou ne voit
plus & qui en eft devenue le noyau.
Cette anecdote me confirme un peu dans mon
opinion , ique partout où la mer a formé des dunes t
elle né les détruira point, 6c qu’elle y apportera
des fables, plutôt que de les emporter.
J’ai encore une petite raifon de croire que la
ruf tur^d’une dune ne feroitpasfidangereufeqS’on
le dit.
On prétend que les pays cultivés derrière les
dunes font plus bas que les baffes marées, & fe-
roient fubmergés. Mais dans la côte de Bordeaux
à Bayonne, & dans toute celle de Flandre, la
chaîne des dunes eit percée par de grandes trouées,
qui font l’écoulement néceffaire des eaux du pays,
& c ’eft dans ces trouées que font la plupart des
ports de Flandre , ceux de Gravelines, de Dunkerque
, de Nieuport, d’Oftende , & c . O r , fi les
pays derrière les dunes étoient plus bas que le niveau
de la mer dans les hautes marées, il me femble
que ce feroit dans ces parties baffes que les eaux
fe feroient amaffées, & là qu’elles auroient percé
la dune pour fe faire un pallage , & qu’il feroit à
craindre que dans les hautes marées la mer ne vînt,
par ce même chemin, inonder les terres balles
fans avoir de dunes à forcer; ce qui n’arrive pas,
&c ce qu’on ne craint pas par les trouées qui
exiftent.
Le raifonnement que je viens de faire n’eft pas
applicable à la Hollande , parce qu’il n’y a aucune
brèche à la digue depuis l’embouchure de la
Meufe jufqu’ au Texel j & cela n’eft pas étonnant,
parce que la Hollande eft une prefqu’île affez
étroite , & que les eaux y ont leur pente & leur
débouché de l’autre côté 6c dans le Zuiderzée.
Cependant je ne crois pas non plus que les terres
au pied des dunes foient .plus baffes que l’ eau
dans les grandes marées, puifque, de l’autre côté,
des digues hautes d’environ douze pieds fuflïfent
pour défendre le pays. O r , j’ai bien de la peine à
croire que du pied des dunes aux rives du Zuider-
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z é e , où eft le cours des eaux, il n'y ait pas plus
de douze pieds de pente. ■
Dans mes deux voyages de Guienne je n’ai pas
entendu parler de la crainte que les dunes ne foient
forcées, & le pays de derrière inondé par la mer ;
mais dans toutes les parties au pied des dunes &
dans les vallees qui percent à travers de la dune,
lorfque les terres font lufceptibles de culture, on
craint extrêmement les enfablemens formés par la
dégradation de la dune , & cette crainte nélt que
trop juftifiée par les funeftes exemples qu’on en a
très-fouvent, comme j’ai déjà dit.
Dans les deux pays où j’ai vu des dunes, c’eft-à-
dire, en Guienne dedans les Bays-Bas, il y a un
yafte pays plat de terres fablonneulès, mélangées,
à la vérité , foit par les débris des végétaux qui
forment le fable noir, gris, & c . , foit par quelque
autre caufe que je ne lais pas, 6c que je ne chercherai
pas à deviner. Mais quand je dis que la
terrain eft fablonneux , je ne crains pas de ma
tromper. Dans quelques parties les terres font des
landes ftériïes , mais dans d’autres ce terrain
fablonneux. eft uneterreexcellente. Cependant il eft
aile de diftinguer, fans être naturalifte, les bonnes
terres fablonneules des bonnes terres d’une autre
qualité. On le voit par les charrues du pays ; qui
lont exceflïvement légères, 6c même ians roues ,
dans les excellentes terres de Bruges , de Gand ,
du pays de Waer, & dans le peu de terrain qu’on
laboure en Hollande, au lieu que quand on s’approche
de Lille ou de Bruxelles, ainfî que dans
les feigneuries de Frife, de Groningue & d’U trecht,
on ne trouve que de très-fortes charrues
avec des roues, & attelées de quatre bons chevaux.
C ’eft la différence de la ténacité des terres
qui produit cette différence de charrues. Rien n’eft
plus aifé que le labour des terres lablonneufes dont
les particules n’ont prefqu’aucune adhérence.
La plaine fablonneufe qui eft derrière les dunes
de Guienne eft ce qu’on appelle les landes de Bordeaux
, & fous les fables on trouve , à plus ou
moins de diftance de la fuperficie de la terre, un
lit de pierres rouges & martiales qu’on appelle
dans le pays Yalliofte.
Depuis Calais jufqu’à Anvers les fables font la
terre de 1 Univers la plus fertile. Je ne fais fi cette
différence vient de ce que ces fables font plus
mêlés de parties végétales ou qu’ils font cultivés
depuis long-tems, & que cette longue culture 6c
les engrais ont changé leur nature, ou que la couche
de terre au deffous du fable eft d’ une qualité
différente de celle des pays de landes. Je n’ ai point
fondé ces terres.
Depuis Anvers jufqu’à la Meufe ce font les
landes de Brabant, terrain abfolument femblable à
celui des landes de Bordeaux ; car fous le terrain
fablonneux de ces landes on trouve aufli des pierres
rouges 6c martiales comme l’alliofte de Bordeaux.
De l’autre côté de la Meufe commence la chaîne
non interrompue de dunes dont j’ ai déjà parlé, qui
qui va jufqu’au T ex e l, 6c qui paroît être le rempart
de la Hollande contre la mer du nord.
C ’eft au pied de ces dunes que fe trouvent les
charmans jardins des environs de Leyde , de Harlem
6c de Beverwick, & c . , terre admirable pour
toutes les productions, & dont U fuperficie eft du
fable, & à quelques pieds , fous le fable, on trouve
une argile femblable à celle du pays d’Utrecht, &
des îles qui s’élèvent journellement dans le lit de
la Meufe. Je l’ai bien vu dans les tranchées faites
dans le jardin de M. Haffelaer, à Beverwick. Dans
l ’autre partie de la Hollande, vers le Zuiderzée,
où il n’y a pas de dunes , on ne trouve plus de
fables , mais une couche de tourbe, fous laquelle
eft le même lit d’argile. Je l’ai vérifié en prenant la
terre qui fe trouvé au fond de plufieurs foffés.
J’obferve, à cette occafion , que la vallée qui
paffe à Malesherbes eft précifément femblable à la
terre de Hollande quant à la fuperficie, mais non
pas quant au fond, où il n’y a pas de lit d’argile,
du moins jufqu’ à la profondeur où on peut fouiller
.C
ette vallée eft de tourbe & des côtes d’un
fable criftallin, comme celui des dunes, qui eft la
continuation de la veine de fable ou fablon de
Fontainebleau 6c de celle d’Étampes , 6c des
deux côtés de la vallée, au pied des côtes , il y a
aufli une filière, mais malheureufement trop étroite,
de terre fablonneufe, excellente pour toute ef-
pèce de végétation.
De l’autre côté du Zuiderzée on trouve les
feigneuries de Frife 6c de Groningue du côté du
nord. Ces deux pays font une terre argileufe fans
fable, excepté le diftriCt de Frife, appelé les Sept-
Forêts , Seven Wolden. O r , la côte du Zuiderzée,
vis-à-vis de la Frife, n’a point de dunes, & eft ,
défendue par des digues, & je crois qu’il en eft
de même de la côte vers la mer du Nord. Je ne
l’ai pas fuivie, mais j’en juge par un feul point
où j’ai é té , qui eft celui de la côte où font les
écJufes de Dockum.
Le pays de Drenthe, au fud de la Frife & de
Groningue, eft un pays de fables & de landes in- :
cultes. La. feigneurie d’Overyffel, le comté de
Zutphen 6c la partie feptentrionale & baffe de la
Gueldre, qui eft la feule que j’aie vue, font cultivées
en grande partie, & il y a aufli des landes; 6c foit
dans la partie cultivée, foit dans la partie inculte,
le terrain eft de fable : on le voit par les charrues
dans la partie cultivée.
O r , pendant que je voyageois dans la Drenthe,
allant de Groningue à Zw o l, je voyois des montagnes
de fable couvertes d’uya , & dans la
Gueldre’, de la forêt du ftathouder, je les ai vues
bien plus diftinCtement du côté de la mer; ainfi
je ne doute point que le fond du Zuiderzée ne
foit bordé de dunes 3 & que ce ne foit derrière
ces dunes que font les pays de fable dont je viens
de parler. D’ailleurs, les gens du pays me l’ont
certifié.
Géographie -Phyjique. Tome III.
Notez que dans la Drenthe &r une partie de
l’Overyffe] , fous la couche de fable, ce ne font
point des pierres rouges 6c martiales comme fous
les landes de Bordeaux 3c de Brabant, mais de
groffes roches de granit, de pierres talqueufes
& autres pierres qu’on nomme à préfenc pierres
de l ’ancienne terre.
Toute la feigneurie d’Utrecht eft d’argile. Il
paroît que ce pays a été formé par les alluvions
-du Rhin, & il n’aboutit à aucune dune.
Après cette defeription on voit aifément la
conléquènce que j’en vais tirer.
On voit fenfiblement des enfablemens récens
au pied des dunes 3 par la dégradation de ces montagnes
de fable que les pluies ont néceffairement
.occuiïonnées; on voit derrière toutes les dunes de
vaftes pays de fable : il me femble évident que c’ eft
le même effet de la même caufe.
Ces plaines de fable font très-vaftes. Je ne fais
; pas jufqu’où s'étendent les fables de Guienne;
i je crois qu’ ils vont très-loin, en confidérant le
nom de pecites landes qu’ont encore confervé des
pays à préfent cultivés & très-éloignés de la mer.
Je ne fais pas non plus jufqu’où s’étendent les
fables de la Gueldre. Sur ce qu’on m’a dit de Ni-
mègue , je crois que c ’eft un pays fablonneux.
Pour le pays fablonneux.de la Flandre, il s’étend
julqu’au pied du terrain qui s’élève vers le Hai-
naut & les Ardennes. A Dunkerque, cette partie
fablonneufe eft fort étroite, parce que la montagne
de Caffel ^avance très-près de la mer.
Le pays fablonneux a fort peu d'étendue dans
la Hollande, fans être arrêté par des montagnes ,
puifque le fable finit où commence la tourbe, 6c je vais hafarder fur cela une conjecture qui fer-
vira en même rems à faire eftimer le tems néceffaire
pour la formation des plus grandes dunes.
Je crois que fi les fables tombés des dunes do
Hollande ne fe font pas encore étendus fi loin qu’ils
le feront peut-être par la fuite des tems, c’eft que
ces dunes font peu anciennes.
J’ai dit qu il n’y avoit aucune trouée à travers
cette chaîne de dunes : il y en avoir autrefois une
très-conlidérable , c ’étoit l’embouchure du Rhin.
C ’ eft dans le neuvième fîècle qu’ellea été obftruée
par les fables, & la dune qui s’y eft formée depuis
, & que j ai traverfée ep allant & en revenant,
a au moins une demi-lieue d’épaifleur ; ce
q u i,- fo it dit en paffant, prouve que le projet
de donner une iffue au Rhin dans la grande mer
eft chimérique. Qu’on juge combien il en coû-
teroit pour le creufer, & en combien peu de
tems il feroit recomblé , à moins de dépenfes ex-
ceflives pour l’entretien !
Ceci nous mène encore à une conjecture fur les
fiècles futurs. Je fuis perfuadé que par la fuite des
tems tout le terrain de la Hollande fera élevé, &
la tourbe recouverte de fables comme à Harlem
& à Beverwick, & que par cette dépenfe de
fable les dunes oe feront pas détruites, parce que
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