
on diroît que c’ eft l’ouvrage de l%omme. En def-
cendant, on trouve , fur les flancs des collines y
quelquesiarbres indigènes de l’efpèce de l’oléa &
rt’ime giolVeuur conûdérable.
Le loi des divers cantons dont on vient de parler
pré Fente des différences remarquables celui
de la grande plaine qu’on trouve à l’eft de la ville
du Cap eft compolé partout d'un fable blanc, pareil
à celui qu’ on rencontre.ordinairement fur les
grèves. Il ne produit que des bruyères & d’autres
petites plantes de différentes efpèces. Celui
du diftriét de S.cellenbosh eft une argile jaunâtre,
.mêlée de beaucoup de fable, & il eft très-pro-
duôtif. Celui du diftnét de la Perle offre un terreau
noir , extrêmement fertile, & tous les champs
cultivés préfentent une .argile grade, mêlée de
fable & de petites pierres.
L ’extrémité de l’Afrique , du côté du fud, eft
une maffe de hautes montagnes : les plus extérieures
font noires, efcarpées & ftériles j elles
font compofées d’un granit groflier, qui ne contient
aucune partie hétérogène, telles que des
coquilles pétrifiées, & c . , ni aucune produ&ion
de volcan. Les montagnes intérieures font certainement
métalliques, & elles renferment du cuivre
& du fer. Quelques tribus d’Hottentots fondent
ces deux métaux, d’où l’on peut conclure que la
mine qu’ils emploient, eft riche & très-fufible. On
trouve auflî des fourçes chaudes en différens endroits
de l’intérieur du pays, & les habitans du
Cap vont prendre les bains à environ trois jours
de marche de diftance, dans une de ces fources
fameufes pour guérir K s maladies de la peau, &c.
Elle eft probablement d’ une nature fulfureufe.
Parmi les montagnes qui s’offrent de tous côtés
dans ce pays, on ne peut s’empêcher de décrire
celle qui porte le nom de montagne de la Table.
La route qui conduit à fon fommet eft roide , fatigante
& difficile à caufe des cailloux qui roulent
fous les pieds. Parvenu au milieu de fa hauteur
, on entre dans une vafte & effrayante cre-
vaffe, dont les côtés perpendiculaires font garnis
de rochers menaçansempilés .& couchés. De
petits ruiffeaux fortent des fentes ou tombent des
précipices en gouttes, & donnent la vie aux pl in-
tes &àux arbrifleaux quirempliffent le bas. D’autres
végétaux qui croiffent fur un fol plus fe c , &
qui femblent y concentrer leur fuc, répandent une
odeur aromatique dont un vent frais fait favourer
le parfum. Enfin, après une marche de trois heu-
,res, on atteint le fommet de la montagne. 11 eft
. prefque de niyeau, très-ftérile , & il n’y a point
de terreau; Plufieurs cavités font cependant remplies
d’eau de pluie ou contiennént un peu de terre
végétale, d’©^quelques,plantes.odoriférantes ti-
. rent leur nourriture. Des antilopes, des barbouins
hurlans, des vautours folitaites & des crapauds
habitent quelquefois les environs. La vue dont on
jouit à ce point d’élévation eft très-étendue &
très-pittorcfque. La baie de la Table ne paroîc
plus qu’un baffin ou un étang, & l ’on prend les
vaiffeaux pour de petites barques. La ville & les
compartimeqs réguliers de les jardins, fernblent
des ouvrages d’enfans. La croupe du Lion n’a
plus l’apparence que d’une chaîne peu conftdé-
rabie : on regarde avec dédain la tête du Lion ,
& la feule montagne de Charles peut, figurer avec
celle de la Table. Au nord, Tîie'Robben , les
collines blanches, les collines du T igre , Sc au-
delà une chaîne majeftueufe de montagnes plus
élevées arrêtent la vue. Un groupe de malfes
brifées de rochers enferme la baie de Bois à
l’oueft, & , fe prolongeant au fud , forme un
côté de la baie de la T a b le , & fe termine au
fameux cap des Tempêtes, que le foi Emmanuel
de Porrugal nomma de Bonne-Efpérance. Au fud-
e ft, l’horizon traverfe l’ifthme bas entre les deux
baies : on diftingue au-delà la colonie des Hottentots,
appelée la Hollande, & les montagnes
aux environs de Stellenbosh. Des plantations enfermées
de toutes parts par d’immenfes bruyères ,
& dont la verdure contraire agréablement avec, le
refte du pays , forment d’ailleurs un charmant
coup d'oeil : on apperçoit Conftantia, célèbre par
fes vins. Telle eft la beauté de la fcène que la nature
étale aux yeux de l'obfervateur qui a vaincu
ies^difficultés qu’il rencontre pour parvenir au
fommet de cette montagne renommée.
Dans les campagnes aux environs de la ville, le
terrain s'élève infenliblement de tous les côtés ,,
vers les trois montagnes qui entourent le fond de
la baie. Il eft bas & uni feulement près des bords
de ia mer, & il devient marécageux dans l’ ifthme,
entre la baie fauflfe & 1a "baie de la Table qui reçoit
un ruifleau d’eau falée. La partie marécageufe a
quelque verdure, mais elle eft entre-mêiée de
beaucoup de fable. Les cantons plus élevés 1 auxquels
les bords de la mer donnent un afpeét fec &
j horrible, font cependant couverts d’une immenfe
! variété de plantes, & entr’autres d'un nombre
prodigieux de buiffons.; On y remarque à peine
une ou deux efpèces qui méritent le nom d’arbres.
On voit aufîi quelques petites plantations
dans les endroits où un peu d’eau humeéte la terre.
Les buiftons font habités par des infédtes divers ,
plufieurs fortes de lézards , des tortues de terre,
des ferpens & beaucoup de petits oifeaux, mais
le côté fud-eft de la montagne de la Tablé offre
l’afpeél le plus agréable de tous ceux que pré fente
cette partie de i'ifthme. Au bord dechaque petit
ruifleau & fut les terrains, cultivés y on. a fait des
plantations compofées de vignobles, de champs
de blé & de. jardins, & ordinairement entourées
de chênes de dix à ving't pieds de haut, qui,animent
la contrée & mettent à l’abri des. tempêtes.
Les jardins font fimples &. ne préfentent rien de
remarquable, fi ce n’efii- .qu’on les tient dans le
meilleur ordre,: & qu’il y a des allées couvertes
& de l'eau. tUne belle vallée^au côté de la montagne
renfernje. la plantation .appelée le Paradis 3
où il y a des bofquets délicieux. On y trouve,
ainfi que dans les jardins., tous les fruits & les végétaux
d’Europe. Indépendamment de çes ref-
fources agréables & falutaires, ces lieux renferment
différentes productions de l’ Inde, comme le
plane , les goyaviers, les jambos & quelques autres
fruits qui appartiennent au climat du tropique,
& qui y croiffent dans une perfection qui ajoute
à leur excellence naturelle.
Dans les habitations éloignées on cultive fur-
tout du blé & de l’orge , & l'on y nourrit une
quantité confidérable de bétail. La récolte du grarn
eft trèsrabondante : non-feulement elle fuffic à la
confommation de la colonie entière , mais elle
fert à l’approvifionnement des Ile-de-France &
de Bourbon, & on en envoie encore plufieurs
vaiffeaux à la métropole. 11 y auroit plus d exportation
fi les établiffemens ne s’ étendaient pas fi
, mange point, des cochons & beaucoup de vo lailles
loin dans l'intérieur du pays, d’où les prroduCtions
doivent être amenées à la baie de la Table par
terre , à travers des chemins prefqu’impraticables.
Les efpaecs intermédiaires entre les diverfes
plantations font très étendus , & il y a beaucoup
de cantons propres à l'agriculture j mais ies colons
font fort difperfés, parce que la Compagnie leur
défend de s'établir à moins d un mille l ’ un de
l'autre. -, ;
Le vin fe cultive dans des plantations qui fotit à
peu de jours de marche de la ville. Il y en a de
pïufieurs efpèces, & très-variés pour le goût &
la faveur. Quoiqu’on parle beaucoup en.Europe
de celui de ia plantation de Confiance, on en
boit peu : le vignoble en produit au plus trente
pipes par an. Les plants ont été originairement
apportés de Schiras en Perfe Les environs de
cette plantation donnent plufieurs autres efpèces
de rajfins , dont on tire un bon vin qui paflè en
Europe pour le véritable Confiance. On y a aufîi
eftàyé des ceps français de Bourgogne, mulcats, & .
de Pvlartignan ; ils ont très-bi: n réufti, 6c ils donnent
quelquefois un vin fuperieur à celui du fol
naturel. Les principales familles boivent ordinairement
un vin fec qui a un léger goût aigrelet ,
agréable, & qui provient des plants de Madère
tranfplantés. On fait beaucoup d’autres vins de
qualités inférieures > ils font allez bons & coûtent
peu. • - ■ '
On eft étonné de la variéré des plantes de ce
pays : leur nombre eft immenfe, & on en a raf-
iemblé plus de mille abfolument inconnues juf-
^ qu’à ces derniers tems. Le çègne animal n'eft pas
; moins riche. Le boeu f & le mouton y font excelle
ns , quoique ces animaux foient originaires de
, cette contrée. Les vaches y font plas petites que
. les t}ôtrès : leur taille eft plus élégante , & elles
ont des cornes beaucoup plus ecattées, La toifon
. des moutons eft une fubftance mitoyenne entre la
laine & le p o il, & ils ont des queues d'une grof-
! feur énorme, qui pèfent fouvent plus de douze
livres. On y trouve auffi des chèvres qu’on ne
, des lièvres exaéfement femblables à ceux
d’Europe, des gazelles de plufieurs efpèces, des
cailles de deux fortes , & des outardes qui ont de
la faveur & point de fuc. Telles font les reffources
infinies que poffèdent les heureux habitans du
Cap y & que les navigateurs font fûrs de renconr
trer dans ce parage.
Les plus grands quadrupèdes , l’éléphant, le
rhinocéros & lagirafre ou le caméléopard habitent
- cette extrémité de l ’Afrique : les deux premiers
fe tenoient autrefois à cinquante milles du Cap,;
mais on leur a tellemeut donné ia ch iffe , qu’on
ne les voit guère aujourd’hui qu’à plufieurs jours
de diftance. Le rhinocéros en particulier eft fi rare,
que le gouverneur a publié un ordre pour empêcher
de l’extirper entièrement. L'hyppopoume,
qu’ on y appelle vache marine , & qui jadis venoit
jufqu’ à la baie de Saldanha , fe rencontre peu, &
on n’en tue que fort loin du Cap. Les colons en
mangent la viande , qui leur paroït trèsrbonne : fa
faveur pourtant eft celle d’ une chair groflîëre de
boeuf y mais la graille a prefque le goût de la
moelle.: cet animal r.e le nourrit que de végétaux.
On dit que dans l’eau il ne peut pas faire plus de
trente verges de chemin. Le buffle fauvage habite
aufli maintenant les écabliflemens les plus éloignés
du Cap, 6c on affure qu’il eft d’une force & d’une
.férocité prodigieufes. Ses cornes reff.mbîent à.
celles du boeuf fauvage d’ Amérique, connu fous
le nom de b i f ou. Il attaque fouvent les fermiers
qui font en voyagç dans l'intérieur du pays, & il
tue & foule aux pieds une grande partie de leur
bétail. Il y a une autre efpèce de boeuf fauvage ,
appelé. Gnoo par le naturels du Cap. Les cornes
de celui-ci font minces ; il a une crinière. & des
poils fur le nez , & , par la petiteffe de Tes membres
, il reffemble à un cheval pu à une antilope ,
plutôt qu'aux animaux de fon efpèce. L’Afrique a
toujours été connue pour le pays des belles gazelles
ou antilopes, & les noms différens qu’on a
donnés mal-à-propos à cette claffe , n’orrt pas
peu contribué à embrouiller nos connoiflances
fur ce fujet. Quelques-unes des bêtes les plus
farouches infeftent auflî le Cap , & les colons ne
peuvent jamais venir à bout de les détruire. Les
; lions , les léopards , les tigres , le s hyènes rayées
& tachetées , les jakals & plufieurs autres mangent
les antilopes, les lièvres , les jerbuas &
beaucoup d’autres quadrupèdes plus petits dont
. le pays abonde. Le nombre ;des oifeaux eft aufli
très-grand, & plufieurs font parés des plus brillantes
couleurs. Des reptiles, de toutexefpèce, des
jj ferpens dont ia morfure eft vénimeufe», & furtout
.des infeâies de différentes forces, fourmillent aux
.environs du Cap. Les çôte's.font remplies de poif-
fons d’ un excellent goû t, & . il y en a plufieurs
que les naturaliftes ne connoiffenc point encore.
-En un m o t, malgré tous le*échantillons du règne
animal & végétal qui ont été apporté ’Afrique,,