
partie de l’ oueft,affèche aux baffes-tùàrées',l’a'utre
a toujours plus de vingt pieds d'eau. S.on entrée
eft garnie de rochers. Plufieurs petites îles de fable
en rendent l’abord très-difficile. L’île Sezon partage
les deux canaux j elle eft fortifiée par un parapet
de gazon. Sa batterie; placée vers le nord-
oucft, bat la rade ; celle du nord-eft bat le grand
canal. Les bords de la rivière d ’Aberverach font
agréables & rians. A deux lieues de fon embouchure
eft l’ancien château de Carman.
Entre le Corrajou la rivière d'Aberverach
eft Trémeneach , dont l’églife, qui fer voit encore
au commencement de ce fiècle, eft à préfent engloutie
dans les fables à la hauteur de fon entablement.
Toute cette c ô té , depuis Guytalmezeau fur-
tout, préfente une multitude de defféchemens à
faire ; ils produiroient une terre féconde. De Amples
digues, des portes à clapets, quelques canaux
de defféchemens, fans grandes dépenfes, procu-
reroient des revenus confïdérables aux entrepreneurs
de ce travail.
En face de la commune de Landunvez on voit
un rocher nommé le Four, qui n’eft jamais couvert
par les eaux de la mer : il s’élève à deux cents
pieds. Les habitans de cette extrémité du monde
regardent ce rocher comme le point qui fépare la
Manche de l’Océan.
On jouit à Landunvez de la vue d’Oueffant &
de celle de l ’Océan, où l’on voit le coucher du
foleil fans qu’aucun obftacle nuife à ce fublime
coup1 d’oeil.
Les terres de Landunvez font travaillées par les
femmes. On ne s’y chauffe qu’avec la boufe de
vache & du goémon.
Il n’y a qu’une lieue de Pofpeder à Albérildut :
cette côte eft inabordable. D’Albérildut à l’ile
’Oueffant on ne compte que trois lieues. Cette
île eft à cinq lieues du Conquet, & à pareille dif-
tance à peu près de la pointe de S vint - Mathieu.
File a fept lieues de circuit. Ses côtés font très-
efearpées & inacceffibles, fi l’on en excepte quelques
anfes où l’ on peut débarquen ~
La principale habitation d’Oueffant eft fîtuée
dans le nord de l’île. On y vit comme dans l’âge
d’or : la charité, l’égalité & l’amour y font les
bafes de la fociété. Content du ftriùte néceffaire,
l’habitant n’y voit régner ni la fomptuoftté ni le
luxe de nos tables. Une longue vieilleffe eft la ré-
compenfe de cette modération, fans laquelle il
n’eft pas de bonheur fur !a terre.
L’ habitant de l’île d’Oueffant cultive quelques1
champs, & nourrit des troupeaux de moutons. 11
porte à Brefi les produits de fa pêche, & il en
rapporte les uftenfiles dont il a befoin.
Les femmes y labourent- la tferre. Il faut de
grands ebflacies pour que les hommes ne retournent
pas, au printems, dans leur île. On ne voit
pas un pauvre dans Oueffant : c ’eft le pays de ja
médiocrité , de la paix & de l’hofpitalité.
C ’eft avec du goémon & de la fiente de vache
qu’on cuit le pain dans cette île. On chauffe
l’âtre, on y étend la pâte qu’on recouvre de cendres
chaudes, & la cuiffon s’opère très-bien. La
manière de vivre d’Oueffant eft à peu près celle
de l’île de Bas & des côtes dont nous avons parlé,
& le coftume eft le même, à quelques différences
près.
Oueffant, par une fuite d’ îlots, de bancs de fable
& de rochers, s’unit à la côte du Conquet & de
Saint-Mathieu. C ette chaîne court au fud-oueft.
Les îles de Balanec, d’Équinèt , de Quémencé,
de Béniguet, la grande terre affez élevée, les clochers
du Conquet, de Lochrift & de Saint-Mathieu
font les principaux objets de ce beau point
de vue. On aime à fuivre, dans cette étendue ,,
les mouvemens variés de la mer, & lés finuofités
bizarres des cantons de Plondalmezeau, de Saint-
Renan &: du Conquet, toujours battus & toujours
dévorés par l’Océan. Ces afpé&s font grands, fau-
vages, & plus mélancoliques que pittorefques.
Je reviens à l’indication des différèns ports de
la côte. D’Abérildut à Portfpol, poit très-fur, enfoncé
dans.les terres, mais a’une entrée très-difficile
, ôn ne compte que trois quarts de lieue. Porf-
moguér eft à la même diftance de Portfpol. C ’eft
une anfe vafte & profonde, dont le mouillage eft
bon , fur un fond de fable. Un débarquement s’ y
feroit avec facilité j mais des forts fur là pointe de
Quemerène & fur celle de Pouarzel y mettent
obftacle. On exécutéroit de même, & suffi facilement
, une defeente dans fa rade des Sablons $ elle
eft fort Vafte & très-profonde; outre cela le mouillage
en eft très-fûr : ôn a eu foin que des canons
& des mortiers la préfervaffent de toute attaque.
La côté de Saint - Mathieu n’ eft pas praticable.
Le promontoire de Gobée de Peotomée domine fut
des rochers très-élevés, creufés par d’immenfes
cavernes. Les terres qu’elles fupportent, ne tarderont
pas à s’èngloutir : la tour & l’églife dilparor-
tront comme d’autres édifices, comme des villes
qui s’avançoient peut-être au loin dans cette mer
dévaftatrice. Des troupeaux paiffent, à baffe-marée
, fur d’anciennes prairies féparées de la grande
terre depuis un demi-fiècle au plus. L’Océan bat
ces rivages avec tant de fureur, pouffé par les
vents du nord-oueft, la puiffance qui les frappe
eft fi grande, q ue , fans la chaîne d’ iles & de rochers
qui les protègent, cette ma (Te énorme de
granit qui forme un des bras de la rade de Brejî
lui-même, feroit peut-être englouti dans les flots.
Ces ravages frappent, étonnent, épouvantent les
paifibles habitans des terrés ; mais on fé fait bien-
1 tôt à ces idées fur les rives de la Bretagne, depuis
; I 1a pointe de Rofcoff furtout ; jufqu’à la pointe de
Jj-Penmarch. Lorfqiron fe transporte aux tems fi recu- 4 és dont ces vaftes raines font des médailles exif-
tânres & des témôins bien certains, on ne peut
s’empêcher de retrouver , dans fa' mémoire, le
foavenir des grandes fra&ures du Globe. On voie
les géar.s de la Bretagne comme des êtres fubju-
gués au pied de leur vainqueur) qui les détruit,
qui les écrafe, & ne laide exifter fur le champ
de bataille que des débris qui difparoîtront
bientôt.
Où font ces collines, ces champs qui réunif-
foient autrefois la Cornouai.les de la Gaule à la-
Cornouaille infulaire ? Où font les peuples qui les
habitoient, qui les cultivoient? Cette pointe de
Saint-Mathieu , par fes prolongemens, touchoit
peut-être aux terres atlantiques dont ces mers con-
fervent le nom.
La pointe de Rats, les rives de Douernénez,
l’anéantiffement de la ville d’-Is, les ruines de
Crofon , les débris, les traditions, nous montrent
les millions de fiècles qui fe font écoulés, & ceux
qui doivent leur fuccéder éternellement. Cette
viciffitude infinie qui transforme en pleines, en
collines les lits de fable, de rochers que l’Océan
inondoit ja. is , & qu’il doit dévorer encore quand
ils auront long-tems fervi de baie aux palais des
puiffans, ou de théâtre aux folies & à l’imbécillité
des hommes.
La pointe de Saint - Mathieu & celle de Tou-
linguet forment l’entrée du goulet de Brefi ; il y a
quatre lieues de là jufqu’au grand port.
On compte une demi-lieue de Berthomme à la
pointe de Minions. Le goulet n’a qu’une lieue de
large. La batterie de Mingan, fur la terre de Léon,
fe croife avec celle de Cornouailles, & protège
1 entrée de la rade.
Le Mingan , rocher redoutable, coupe en deux
parties le goulet. Nous voici parvenus à la rade de
Brefi', dont la grandeur, la fureté & les fortifications
majeftueufes en impotent à toute perfonne
qui les contemple. Brefi paroït bientôt, dans le
nord , entouré de fes baftions , défendu par mille
bouches à feu, couronné d’ tin château maflif. Les
caps, les enfoncemens, les îles variées de formes ,
les collines de Plouefcat, l’embouchure del’Élorn ;
des montagnes lointaines, des rivages à pic &
dépouillés ; quelques forêts éparfes fur un èfpace
immenfe-; la malfe impofante des vaiffeaux à crois
ponts, la légèreté des frégates, cent pavillons
flotrans au gré des vents ; ces b’iicqs , ces bâtimens
légers qui coupent comme un trait la fui face de
l’eau, mille canots en mouvement, font un des
plus grands fpeCtacIes que l’on puiffe fe procurer.
J’ai vu des ports plus impofans, plus majeftueux,
mieux ordonnés que celui de Brefi; des rades plus
vaftes, mais aucune d’auffi fure, d’auffi bien défendue
& de mieux proportionnée. C ’ eft le plus
grand théâtre que je connoiffe de la force & de la
puiffance humaine.
On place Brefi par les 6 deg. yo min. yo fec. de
longitude, & par les 48 deg. 23 min. 30 fec. de
laritude. On affure que la rade pourroit contenir
au moins cinq cents vaiffeaux de guerre ; que le
goulet n’a que fept cent cinquante coifes de large,
fur une lieue de long, & que la baie formant la
rade a deux lieues un tiers de longueur, fur un»
lieue un quart de largeur.
L’entrée du port de Brefi, qui diffère de la
rade', eft défendue par le château, par les ouvrages
faits fur Recouvrance, par la batterie de
la pointe, & par la batterie qui commande la
rade.
Tel eft en malfe le port de Brefi ; c’eft un canal
fort long, mais trop étroit : il peut contenir feize
vaiffeaux du premier & du fécond rang, vir*«ï-
quatre du troifième, dix du quatrième, vingt-fix
brûlots , flûtes & vaifléaux de charge ; en tout
foixante & quinze bâtimens, fans compter cependant
line multitude de corvettes, de chalands , de
chaloupes, & les mille canots nécèflaires au fer-
vice. *
Autant la rade de Brefi l’emporte fur celle de
Toulon , autant le port de Toulon a d’avantage
fur celui de Brefi. Ici les bâtimens preffés ne peuvent
être déplacés fans des difpofitions préliminaires,
qui demandent un grand travail & toute
l’habileté d’un officier de port intelligent. Dans
les tems des grands armemens, toutes les paffes
font obflruées ; il règne dans le port un embarras,
une confufion , une mal-propreté que les tems
orageux , que les pluies continuelles augmentent
encore. Les' querelles fe multiplient fur les cales
étroites & ferrées ; les bâtimens preffés fe touchent.
A Tou lon, au contraire , tout eft large
propre, efpacé ; tout mouvement fe fait avec la
plus grande facilité : il y règne un ordre & une
propreté qu’on ne connoît pas en Bretagne. Les
magafins n’ y font pas auffi longs ; ils font plus rapprochés
, plus multipliés, mieux conçus & d’ une
architecture plus noble.
Brefi eft dominé par des collines : des remparts
garnis d’arbres couronnent la ville : ils n’offrent à
ceux qui les parcourent qu’ une vue très-bornée
du côté des terres, mais on. y voit la rade fous
mille, afpedts animés pat les vaiffeaux qui la décorent.
Les terres qui la bordent, ne font pas élevées :
on apoerçôit cependant, dans le lointain , à l’eft-
fud-eft, la montagne de Menez-Com. Les côtes
de Plougafles & de Crozon , 1 île Ronde, vafte
rocher de marbre noir, la prefqu’île de Kelei n
chef-d’oeuvre de fortification , ié^pré fente ne au
loin , & fe deflinent à foe il avec variété fans
offrir des maffes impofantes. Les rochers du rivage
paroilfent écartés fous le poids des travaux de
l’ar t, & la rade femble définitivement céder aux
vaiffeaux qui la preffent.
La rivière de Penfèl defeend dans l’anfe que
forme le port de Brefi. Ce port n’a qu’environ
douze cents toifes de longueur, fur foixante toi fes
de largeur. Les rives de cette rivière font fbli-
taires : on y voit cependant, d’efpace en efpace, de
jolies baftides, où les laborieux.habitans de Brefi
fe repofent les jours de fêtes.
: Les villages voifins de Brefi, les anfes variées