
de l’analyfc du Globe , n’étoit pas les effets d’ une
feule action diftinde & lubice, nuis les fuites de
divers grands événemens 8c de différentes caufes,
tanto-t lentes, tantôt rapides , qui , en fuccédant
les unes aux autres , ont été féparées par les âges
les plus longs, quant aux principaux agens 8c aux
caufes premières de tous ces grands événemens:
c'eft fur qüoi je ne crois pas devoir infifter avec.la
même affurance 8c avec la même certitude; car au
plus ai-je entrevu ce qui eft ariivé. Cependant,
comme nous devons parcourir des faits conftans, ce
pourra être le moyen deconnoître un jou r, ou au
moins de foupçonner quelques-unes des caufes les
plus prochaines, avantage que n’ont pas encore
procuré les théories publiées jufqu’à préfent, k s
obfervations faites jufqu'à,ce jour ayant été affez
vagues, peu fûtes, parce qu’elles étoient un* peu
louvent fans liaifon entr’elies 8c fans rapport convenable.
Enfin, les époques diverfes de tous ces faits
offrent auffi de très-puiffantes difficultés à déterminer.
On verra, 6c- l’on fait déjà que ce font des
écueils redoutables pour la chronologie la plus
fûre. On ne peut tout au plus, dans ce cas, qu’indiquer
l’ordre des faits; mais il feroit téméraire de
prétendre fixer l’âge des événemens.
Sur les inégalités de la furface du Globe.
Je commence d’abord par ce qui fe rend le plus
fenfible à nos y e u x ,c ’eft-à-dire, par les inégalités
fuperficielles des terrains, dépendantes furtoutdes
vallées & des montagnes ; 8c comme le théâtre de
la Terre entière eft trop vafte, & qu’il ne peut
être vu 8c décrit que partie à partie, j ’ai choifî la
Fiance pour en étudier les inégalités, après quoi
il fuffira de favoirfilereftedu Monde offre jes mêmes
difpofitions, ce qu’un coup-d’oeil bien inltruit
pourra nous apprendre enfuite & en peu de tems.
Le fommet de la diftribution des eaux courantes,
de cet empire forme une ligne finueufe qui vient
des Pyrénées, pafîe par les Cevennes, par la Bourgogne,
par la montagne de Langres, & de là va
gagner les Alpes en traverfant les Vofges.
Je défigne ici par Commets, non pas toujours les
endroits les plus élevés du continent, mais feulement
une ligne qui le traverfe de part & d’autre,
& de laquelle les pentes les plus oppofées fe décident
vers le nord comme vers le midi, ainfi qu’ il
arrive de part & d’autre du fommet que nous avons
défîgné en France, qui difttibue les eaux des
Tources & des pluies, les unes dans l'Océan, 8c
les autres dans la Méditerranée.
C e fommet doit être confidéré comme la tige
d’ un grand arbre, dont un grand nombre de branches
fe dirigent vers le nord ou vers le midi, 8c
ces branches font une infinité de petits rameaux.
D ’ailleurs, les intervalles entre ces branches 6c ce s
rameaux font à des niveaux plus ou moins profonds
j à proportion de la hauteur des Commets.
Tous ces détails environnent ce que nous nommons
les vallées 8c les vallons, qui ne font Couvent que
les réfultats des montagnes, comme réciproquement
dans ces mêmes cas les montagnes ne font
que les réfultats des vallées; en forte que les unes 8c les autres ne doivent avoir pour principe de
leur forme & de leur fituation, que la même caufe.
C e font ces deux efpèces de ramifications, l’une
Caillante à lafuperficie de nos terrains, & l ’autre
rentrant dans leur maffe ; les premières, remplif-
fant tous les intervalles des fécondés, couvrent
enfemble, comme il eft d’expérience, tous les con?
tinens de la T erre , & conftituent toutes les inégalités
de fa furface.
Il eft aifé de reconnoître, par exemple, que la
maffe du pays de Langres eft un de ces lieux fort
élevé s, quoiqu’ il Toit à un niveau inférieur des
Vofges. Ainfi les rivières qui y ont leurs fources
communes prouvent & témoignent fa grande élévation.
Les principales rivières qui coulent au fond
des vallées environnant ce centre font la Meufe,
le Rognon, la Saux, l’Ornez, la Suize, la Marne ,
l’A ub e , l*Ourcq,la Seine, l’O fe , l’Oferain, lés
deux Tille s , la Vingeanne, le Saulon, l’Àma.nce,
l ’Apance & l’Epance ; plus de trois cents petits
ruifièaux d'une ou de deuxlieues de cours. La quantité
de fources qui ont les débouchés au fond des
petites gorges eft innombrable; & pour mieux dire,
toute la maffe du pays n’eft qu’ une fource d’ eau
générale, qui femble ne demander encore que des
jours , des paffages & des pluies abondantes pourfe
montrer partout comme dans les premiers tems.Les
têtes de prefque toutes ces vallées font terminées en
demi-cercles, qui forment autant d’entonnoirs profonds,
ifolés & efearpés; ce qui paroît annoncer
le travail de l ’eau jailiiffant du fein de la Terre.
Ces difpofitions de la naiffance de certaines vallées 8c les conféquences de ces difpofitions ont été
parfaitement décrites par quelques natü'raliftes. La
plupart de toutes les ouvertures des fources dans
les pays de montagnes font beaucoup plus grandes
qu’il ne convient à la quantité ,d*eau qui en fort
aujourd’hui, & les dégradations des terres qui s’y
rencontrent toujours tout autour font au deffus
des forces de leurs efforts préfeias. Elles avoient une
force fupérieure autrefois, & les pluies les slimen-
toient à ce degré de force dans les premiers tems,
non-feulement dans les montagnes, mais encore
dans les extrémités des pentes qui aboutiffent à de
larges plaines. Par conféquent les pluies qui tombent
fur le plateau étroit de Langres, peuvent fuf-
fire à l’entretien des eaux courantes que nous
voyons en foi tir de tous cô té s , même vers le haut
de la montagne. Je dois croire d’ailleurs que, dans
cet affemblage de c o u ch e s le s filtrations qui s’en-
fuiv ent, font aftVz: abondantes pour donner aux
fources la force de fouiiler & de creufer à l’origine
de leurs cours une vallée de cent toifes de profondeur,
pareille à celle qui environne la ville du côté
de la Marne. Une .certaine régularité que je vais
décrire
décrire , après l’avoir obfervée plufieurs fois dans
Jes pays de montagnes comme dans ceux des plaines
, n’a pas pour principe les pluies, quelque
abondantes qu'elles aient pu être. Qu’il pleuve fur
une montagne ifolée 8c conftamment toujours fur
le même fommet,que cette montagne ait d’abord
partout une égale épaiffeur de terre, peu à peu le
fommet s’en dépouillera, les terres defeendront,
& formeront au pied de la montagne une zone uniforme
8c tièi-épaiffe de bonnes terres, tandis que
le fommet fera devenu chauve 8c dépouillé dans
tout fon contour. -
Ces effets varient beaucoup, 8c dans certaines
circonfiances les montagnes préfentent des côtes
plus chargées de terres végétales que d’autres.
Tout y offre le choc d’une eau courante, q u i,
frappant la colline d’un c ô té , la dépouilloir. fur
cette face, la dégradoit même dans la maftp, 8c
portoit fur le revers oppofé les terres, les vafes
& les débris qu’elle charioit. Ces difpofitions des
collines & des montagnes font des faits conftans
que l'on peut vérifier dans les premiers pas que l’on
fait en defeendant des difféiens fommets de nos
provinces.
Il ne faut pas fuppofer, pour expliquer ces phénomènes,
une certaine expofition du nord ou du
midi, du couchant ou du levant, qui détruiroit
les côtes qui lui font oppofées. Si cela étoit, & que
ce fût par exemple, le midi dont l'afpeâ caufât la
fertilité, toutes les côtes fertiles feroienr oppofées,
& les plaines fertiles feroiem audeffous des mêmes
côtes, & , par la raifon contraire, toutes Jes côtes
expofées au nord & les plaines inférieures fe-
roient de.mauvais pays arides & dépouillés, ou
enfin de moindre rapport ; ce qui n’ eft pas cependant.
J’ai reconnu, au contraire, que la bonne ou la
mauvaife qualité de toutes les côtes 8ç de tous les
terrains de la France avoit rapport, premièrement,
à la ligne du fommet général du partage
des'eaux ; en fécond lieu, à la direction des fommets
particuliers qui y ont leur naiffance , & que
généralement, par toute la Terre , les pays fe c s ,
arides 8c infertiles avoient, pour afpeCt confiant,
le fommet du pays où ils font fitués. L’ explication
unique d’un phénomène fi général confiîle en ce
que les eaux courantes opèrent, depuis les entonnoirs
, des fources jufqu’aux pentes que leur offrent
les terrains inférieurs, à quoi il faut toujours
ajouter les pluies plus ou moins abondantes qui
arrofent ces fommets & alimentent les eaux courantes.
Pour rendre ces obfervations plus fenfibles
& en reconnoître toutes les particularités les
.plus intéreffantes, je fuppoferai que plufieurs obfervateurs
éloignés ont été frappés de cette uniformité
, chacun dans leur contrée, & qu’ils ont
voulu s’affurer de la caufe & de la généralité de
ces phénomènes. J’en place un dans la vallée de là
Seine, l’ autre dans celle du Rhin un troifièmé
dans celle du Rhône. Ils remontent le long de cqs
Géographie-Phyjiq ue. Tome III.
fleuves en ohfervant qu’ ils biffent toujours les
grandes côtes derrière eux , & qu’elles regardent
conftamment les fommets d’où ces fleuves defeen-
dent. Ils reconnoiffent aifément partout qu’elles
ne peuvent être que l’ouvrage des eaux qui ont
creufé ces vallées par un travail fucceflîf, & ils
continuent leur marche & leur examen jufqu’ à ce
qu’ ils foient parvenus à l’origine des torrens, auteurs
de tous ces efearpemens; car la route qu’ils
ont tenue, n’ eft pas difficile à fuivre. Les dégradations
des terrains font des guides affurés qui indiquent
toujours d’où ils venoient. L’obfervateur
de la Seine aura pu remonter par la Marne, celui
du Rhin par la Meufe, & celui du Rhône par
la Saône 8c la Vingeanne. Le premier aura toujours
penfé que les eaux courantes qui ont dégradé les
montagnes de la Seine 8c de la Marne, ne pou-
voient venir que de l’çrient; le fécond, qui examine
le cours du Pvhin 8c delà Meufe, aura fend
que l’origine qu’ il cherchoit, ne pouvoitêtrequ’au
midi, 8c le troifièmé enfin, remonté le long du
Rhône, de la Saône 8c de la Vingeanne, l’aura au
contraire placée vers le nord. Des directions fi
oppofées les font cependant arriver fur k s mêmes
fommets autour de Langres, où ils ne peuvent
douter que ce ne foit là le terme & l’origine qu’ils
cherchoient. De plus , voyant que les fources de la
Meufe fortent des marécages du Bafiîgny, & en
partie très-étroites, très-profondes, très-efear-
p ées, on ne peut douter que les fources du fécond
ordre n’aient été alimentées par des pluies
également abondantes ; qu'en général les fources ,
dans quelqu’ordre qu’elles fe trouvent fituées,
n’aient été organifées par les eaux pluviales qui
ont circulé au milieu des couches fuperficielles ,
comme nous l'avons fait voir à l’article Circulation
de l’ eau, 8c comme nous le démontrerons
par la fuite à l’article Source.
Ces mêmes obfervateurs ont vu que toutes ces
circonftances fi effentielles fe rencontroient dans
lAmance & la Vingeanne, qui fe jettent dans la
Saône ; que la vallée de la Marne fous Langres
avoit cent toifes environ de profondeur; que
toutes ces vallées étoient devenues plus âpres .&
plus roides à proportion qu’ on approchoit des
fommets; ce oui étoit la fuite de la rapidité des
: pentes auxquelles font affujetties les eaux, ainfi
que celles des pluies dans le tems des grandes inondations.
Ils reftent tous trois perfuadés que les
eaux qui ont creufé ces trois vallées, n’ ont pu
avoir leur principale & première origine que dans
cette contrée où fe trouvent les fommets, 8c que,
dans cette même contrée élevé e, le cours des
eaux a été très-abondant ; cependant on ne peut
diffimulerque les eaux du plateau inférieur n’aient
été auffi abondantes, foit en pluies, foit en fources
, comme on peut s’en affurer par l’obfervation
des phénomènes aCtuels.
Ces mêmes obfervateurs ont reconnu que les
; directions des eaux courantes avoient varié , 8c
Mm m