
unes plantées de pins > & d’autres couvertes d’arbres
a huile. La plupart du tems ces collines annoncent
les montagnes , & font en première ligne,
offrant des bancs inclinés comme elles. Quelques-
unes font grifes j avec des pierres de même couleur
qui fe montrent à découvert.
Peu de pays offrent autant de diverfité dans les-
montagnes que l’a Chine ; tantôt elles font en maffes
fuivies , formant des chaînes ; tantôt elles font ifo-
fées : on diroit que c ’eft la main des hommes , &c
non la nature qui les a formées. Les montagnes de
Tanfe-Ky, que certains voyageurs ont prolongées,
s’élèvent à pic fur la rivière, & s’étendent dans
ta campagne par le côté oppofé. Les pierres qui
compofent ces maffes énormes font placées par
bancs inclinés à l’horizon, fouvent jaunâtres, quelquefois
gris ou noirâtres, avec des veines blanches
y & liées par des couches de terres friables.
C ’ eft cette difpofition des élémens de ces montagnes
, qui contribue à leurs formes fingulières;
car l’eau des pluies» pénétrant entre les bancs,
tes divife & les détache facilement par feuillets.
A cette raifon il faut ajouter encore la méthode
des Chinois dans l ’exploitation des carrières ^.laquelle
fe fait prefque toujours à voie ouverte.
Les pierres qui compofent les montagnes font
toujours par bancs inclinés à l’horizon j mais avant
d ’arriver à la ville de Nan-Kan-Hien , le terrain &
les pierres font rougeâtres. Celles-ci reffemblent
beaucoup au grès. Plus loin les terres font d’une
nature argileufe, & rougeâtres par intervalles. On
les occupe par des blés, de l’o rg e , des fèves &
des raves. On y voyoit très-peu de riz.
Dans les contrées où fe trouvent des rivières
d’ une moyenne largeur, elles font bordées; des
deux cotés, par des montagnes en partie arides,
& en partie couvertes d’arbres. Sur les torrens qui
fe précipitent des hauteurs, & qui, dans les tems
de pluies, paroiffsnt devoir amener à la rivière un
grand volume d’eau, on a conftruit des ponts fo-
lides & proportionnés à la largeur de la rivière.
La Chine a plufieurs montagnes très-intéref-
fantes , furtout celles de Chien-Si, de Monan y de
Kangtong & de Fo - Kyen, qui font couvertes
d’immenfcs forêts, dont les arbres principaux font
le pin, le frêne, l’orme, le chêne , le palmier, le
cèdre y &c*
Nous ne devons pas oublier ceux dont on trouve
plufieurs efpèces, & dont on tire le plus grand
parti, furtout pou; fabriquer le papier,.ni les
cannes à fucre, ni le racan, plante fort menue,
mais très - fo r te , qui rampe fur terre jufqu’à la
longueur de huit pieds.
Il y a d'ailleurs plufieurs autres montagnes qui
font fameufes par leurs mines, leurs fources minérales
& leurs plantes. On trouve, dans lés premières
, des filons d’o r , d’argent, de f e r , de
cuivre, d’ étain, de cuivre blanc, de cinabre, de
l’alun, du jafpe, des rubis , du criftal de roche,
du porphyre des carrières de differentes fortes
de marbres. On ne connoît pas de pays aufli riche
que la Chine en mines de charbon de terre.
Les falines y font fort nombreufes , & donnent
des récoltes abondantes de fel.
R i v i è r e s . Le fol de Yà Chine eft coupé par^un
grand nombre de rivières-, & par des canaux qu on-
a multipliés autant qu’il a été poffible, non-feulement
pour arrofer les campagnes, mais encore
dans la vue d’ouvrir des communications & de
faciliter les tranfports. Outre que le commerce fe
fait généralement par-eau, les Chinois qui voya-
. gent d’une province à l’autre préfèrent cette voie,
& ne prennent les routes de terre que dans des
circônftances preffées. On peut aller de Canton à
Pékin conftamment en bateau , excepté pendant
un feul jour qu’ on emploie à parcourir, par terre,,
le trajet qui fépare Nan-Kiong-Fou- & Nan-Ngan-
Fou. En fortant de cette dernière, on defeend-
la rivière jufqu'au lac Po-Yang, qu’on ne quitte
qu’au-delà de Nankin à Kouatcheou , pour fuivre
le canal impérial qui conduit à Pékin.
Avant de parier de ce canal, il eft à prop-os de
faire connoître deux grandes rivières qui parta?-
gent la Chine en coulant de l’oueû à l’eft , & dans
lefquelles le canal impérial vient aboutir.
Le Hoang - Ho , l’ une de ces rivières , ainfi
nommé dé la couleur de fes eaux jaunes & bour-
beufes, prend fa fource, par le 35e. deg. de latitude
, dans les montagnes de Kokonor en Tartarie.-
Après avoir parcouru une partie de ce pays, H
entre en Chine par les provinces de Chen-Sÿ & de
Chan-Sy , traverfe enfuite le Honan , une partie,
du Kiang-Nan, & fe je tte , après un cours de fix à
fept cents lieues, dans l’Océan oriental.
Ce fleuve n’eft pas auffi large que le Kiang à
Pe-Tfuc-Tcheou, où on le traverfe dans la route de
Pékin à Canton. Il peut avoir trois à quatre cents-
toifes de largeur. A vingt-cinq lieues au deffus de
fon embouchure, il a environ cinq à fix cents
toifes de large.
Les rives du Hoang-Ho font d’ une terre argileufe
jaunâtre, dont fes eaux font falies. Ce fleuve
eft rapide, & caufe fouvent de grands ravages par
fes débordemens. C ’eft pour le contenir & s’op-
pofer à fes dégradations, qu’on a conftruit des
chauffées faites avec de la paille mêlée de lits de
terré. C ’eft dans les environs de la ville de Sou-
Tfin-Hien qu’on a commencé à élevçr une forte
d igu e, qui fe prolonge pendant près de vingt
lieues.
Ces ouvrages confidérables font confiés aux
foins d’ un grand mandarin, qui en a l’infpe&ion
& qui veille à ce qu’ils foient bien entretenus. La
digue peut avoir de vingt-cinq à trente pieds de
largeur au fommet ; fa hauteur eft de quinze à
vingt pieds ; vers fa bafe elle a quarante à quarante
cinq pieds de largeur; ainfi elle préfente un
talus fur les deux rives du fleuve.
Le Kiang, fitué plus au fud que le Hoang-Ho,
prend fa fource dans le pays des Tou-Fan > par 1«
r je. deg. de latitude, & traverfe une partie des
provinces de Yunnan , de Setchuen , de Hou-
Kouang & de Kiang-Nan. Son cours a plus de
fept cents lieues d ’étendue. En fe jetant dans la
mer orientale, au 32e. deg. de latitude,il a formé
«ne île confidérable nommée Tong Ming, qui peut
avoir vingt lieues de long, fur fix de large.
Ce fleuve eft profond ; auffi fon cours n’ eft pas
auffi rapide que celui du Hoang-Ho. A Kieou-
Kiang , ville éloignée de la mer de cent quarante
lieues, ce fleuve a environ une demi-lieue de
large i & à Tfin-Kiang-Fou* trente lieues au deffus
de fon embouchure, il a environ une lieue de largeur.
Je dois dire maintenant, relativement aux cir-
conftances qui contribuent à charger d’eau les
deux fleuves précédons à mefure qu’ils parcourent
lés différentes provinces de la Chine, que leurs
lits fe trouvent accompagnés, fur les deux rives,
par plufieurs ruifi’eaux qui ont un très-grand nombre
d’embranchemens, & qui couvrent un efpace
confidérable de terrain fur les deux côtés des rivières
: d’où il réfulte que les baffins de ces maffes
énormes d’eaux courantes occupent des bandes-
d’une largeur très-confié étable ; en forte que ces
deux fleuves font les centres d’une infinité de
ruiffeaux & rivières dont font chargées les Cartes
des provinces de la Chine de Danville, & fur-tout
les parties où font figurées les différentes fuites
du cours des deux rivières fingulières dont je
viens d’ébaucher la defeription d’après cette géographie
intéreffante, qui me rappelle l’origine de
nos rivières dans l’ancienne terre du Limoufin,
de l’Auvergne, &c.
Je finis par indiquer ces reffources naturelles
comme les moyens difperfés partout, qui ont
fourni aux ingénieurs chinois les plus grandes facilités
d’ouvrir des canaux de communication &
de navigation dans toutes les provinces de l’Empire
de la Chine.
Ca n a u x . C ’eft pour l’ approvifionnement de
Pékin que les empereurs tartares mongoux ont fait
conftruire le grand canal ou le Yun-Ho, en 12S9.
Ce canal ne s’étendit d’abord que dans une partie
du Chan-Tong. Enfin, après quelques réparations
qui l’agrandirent peu à p eu , on le réunit avec le
Hoang-Ho en 1409, & on lui donna la forme qu’il
a maintenant. Ce canal eft généralement bordé de
digues, quelquefois revêtues en pierres, mais plus
ordinairement faites en terre argileufe » c ’eft-à-
dire > compofées de lits de terre & de lits de paille
mêlés alternativement. De tems en tems on rencontre
des éclufes fermées par des portes de bois,
qu’on élève lorfqu’on veut faire une prife d’eau
pour l’arrofement des terres voifines. Dans les
endroits où le canal eft de niveau avec la campagne,
on a creufé des foffés de dérivation par où
Peau pénètre dans les terres, & fur lefquels on a
conftruit des ponts pour établir les communications..
En général, ces ponts ne font pas-épargnés
dans tous les lieux où ils font néceffaires, & feus-
lts formes les plus convenables.
Le Y u n -H o , après avoir parcouru le Chan-
Tong &'une partie du Kiang-Nan, entre à Yang-
Kia-Yn dans le Hoang-Ho ; il reprend enfuite à
Tfin-Kiang pour paffer à Ouay-Ngan-Fou, à Yang-
Tcheou-Fou , & fe décharge dans le Kiang. IL le
prolonge au-delà de ce dernier fleuve , & continue
jufqu’à la ville Hang-Tcheau-Fou, où il fe termine
après un cours de plus de trois cents lieues* pendant
lequel fl a fallu , tantôt creufer la terre à une
grande profondeur, tantôt conftruire de longues
jetées fur des fonds marécageux, & même fouvent
les continuer le long des la cs, de forte que
les eaux du canal font quelquefois plus élevées
que les eaux des terres voifines. En quelques endroits
les eaux du canal coulent lentement r e lie r
font ftagnantes dans d ’autres, St près de Yang-
Tcheau-Fou on les voit defeendre & remonter
dans la même journée.
Si au deffus de Tfin-Kian.g-Fou l’égalité du fo l,
fa nature, la grande, quantité d’eau courante qui £
peu de pente; fi tous ces avantages réunis ont facilité
la conftru&ion du canal, on n’en doit pas
moins convenir que les Chinois ont entrepris &
exécuté un ouvrage d’autant plus remarquable,
qu’il a dû leur coûter beaucoup de travaux, de
foins St d’argent.
- Le Père Duhalde rapporte q ue, dans une étendue
de terrain de plus de cent foixante lieues tra-
verfée par le canal, on n’a rencontré ni montagnes
à percer ni rochers ou carrières à couper o u i
creufer ; en forte q ue , pendant ce long trajet, lé'
canal ne traverfe que des terrains plats-& unis.
Il fuffic de jeter les yeux fur la Carte du lord’
Macartney pour voir- que le canal ne traverfe nî
lacs ni montagnes, & même, dans cette C ar te ,
ce canal eft figuré à une plus grande diftance des
lacs qu’il ne fe trouve réellement. En avouant
que les Chinois ont exécuté des travaux hydrauliques
confidérables, on ne doit pas les repré-
fenter comme d’habiles ingénieurs fort intelligent.
Il eft évident qu’ils ont été favorifés par la nature
& les circônftances , & ils ont fuivi les idées que
leur a infpirées l’expérience. Us font louables certainement
en achevant un ouvrage auffi important
que le canal impérial, & en procurant à l’Empire
les avantages journaliers qui en réfultent pour les
provinces que traverfe ce canal. En leur rendant
ju f t ie e o n ne doit pas les préfenter comme ayant
des connoiffances & des talens qu’ ils n’ont pas.
E a u x . Les eaux, dans toute l’étendue de l ’Empire
de la Chine, ne font pas généralement d’ une
bonne qualité; car,dans certains-endroits, elles
font faumâtres, & , dans beaucoup d’ autres, elles
font chargées d’un principe félénrteux qui fe trouve
peut-être dans cette couche fehifteufe entrecoupée
de veines de charbons foffiles qui fe prolongent
fous terre, à ce qu’on prétend, d’une extrémité
de la Chine à l ’autre.