
nous faire croire que cet événement a eu lieu
comme le prétendent les Theffaliens.
J’ai combatu Tournefort fur le dégorgement du
Pont-Euxin } je dirai la même chofe des deux faits
précédens. Ceux qui ont recueilli & tranfmis les
•traditions qui nous parlent des effets du déluge dans
la Theffalie, la Béotie & dans les contrées de la
Thrace & de l’Afie-Mineure, ont été autorifés à les
appuyer fur les monumens naturels authentiques
qui en fubfiftent fur les lieux , & ces obfervations
ont été faites par les voyageurs modernes comme
par les anciens j mais ces dégradations qui fe remarquent
fur les montagnes & dans les vallées de
ces contrées peuvent-elles être attribuées aux dé-
bordemens extraordinaires & fubits du Pénée, du
Colpias & du Pont-Euxin ? Cette admirable dif-
pofition des bords , des détroits 8c des vallées ne
tient-elle pas à un travail lent des eaux courantes ?
& ce qu'on voit dans les vallées du Pénée, du
Colpias & dans le détroit de Conftantinople n'an-
nonce-t-il pas les, mêmes dii'pofitions & les mêmes
formes régulièrement diftribuées les unes à l’égard
des autres, fte qu’on obferve dans le cours de toutes
les vallées de la Terre? Ainfi ces dernières doivent
avoir leur application aux autres } & fi les déluges
n’y ont pas eu lieu, il eft neceffaire que ces prétendus
déluges particuliers de la Theffalie ne puif-
fent être démontrés par l’état des lieux.
Le dégorgement du Pont-Euxin dans l’Archipel
avoit été imaginé par les Anciens, avec des cir-
conftances dont les témoins de ces ravages fub-
fiftoient encore, félon eux. Tournefort a cru re-
connoître tous les lieux où l'effort des eaux du
Pont-Euxin débordé avoir laifle des monumens
dans toute la longueur du détroit de Conftantinople.
lia cru, dans ladefeription qu’ il en fait, pouvoir
faire connoître la violente & fubite irruption
à laquelle on pouvoit attribuer , fur la foi des
Anciens, l’ouverture du détroit > mais comme toutes
les formes des bords du canal, qu’il invoque
en preuve de cette cataflrophe,reffemblent à celles
que nous rencontrons partout dans toutes les grandes
vallées , on ne peut que ranger ces événemens
parmi les opérations de la nature, auxquelles nous
devons généralement ces inégalités de la furface
de la Terre. Ainfi nous avons écarté, par ces
moyens, toutes les hypothèfes qui avoient fait
imaginer aux Anciens les déluges ou toutes les cir-
conftances qu’ ils y avoient ajoutées.
Tout ce que nous avons dit fur les déluges particuliers
peut fe réduire à certaines inondations
qui ont pu avoir lieu dans le cours de quelques
fleuves, qui n’ont caufé que des ravages bien cir-
confcrits dans les contrées où fe montroient les
inondations. Voilà ce qui a pu faire de fortes im-
preffions fur l’efprit des peuples de ces contrées,
& donner lieu à la croyance. Mais ces inondations
, étant de pürs accidens, ne peuvent être
confidérés que comme ayant approfondi les vallées,
ouvert les détroits qui fubfiftent dans les différens
liaux , où ils nous ont indiqué les monumens
naturels qu’ils attribuent aux déluges. Ces monumens
font des effets des mouvemens journaliers
des eaux courantes, & par conféquent les réfui -
tats du travail uniforme de cet agent infatigable.
L'étude de ce beau travail qui s’exécute encore fous
nos yeux, fuffit pour nous convaincre incontelia-
blement que ce qu’on a attribué aux déluges ne
peut en être l’ effet.
Ainfi nous devons favoir gré aux auteurs anciens
qui avoient pris pour des faits des événemens
fabuleux & imaginaires, de nous en avoir indiqué;,
dans la bonne foi où ils étoient, pour preuve
des effets qui, bien appréciés, peuvent nous détromper
fi nous favons bien remonter vers leurs
caufes.
En cela on fent aifément qu’en difeutant les récits
des Anciens, il faut être beaucoup mieux inf-
truit qu’eux. C ’eftce que je fuis bien éloigné de
trouver dans Hérodote pour la"Theffalie, dans
Wheler pour la Béotie, dans Tournefort pour le
Pont-Euxin > car s’il y a eu des déluges dans ces
trois contrées, ils n’ont pu s’opérer comme on les
raconte , ni biffer pour réfultats de leurs partages
les monumens qu’on nous en cite. Comme ce font
des effets qu’on trouve partout, on a le plus grand
tort de les confidérer comme les effets d’accidens
particuliers.
Quoique les détails des déluges particuliers ou
des inondations, que nous avons expofés ci-devant
d’après l’Hiftoire, n’aient pas toujours le degré
de certitude qu’une critiquefévèredefireroit,
toutefois cet accord univerfel de tant de peuples
& de philofophes fur ces événemens, la plupart
exagérés , mérite quelqu’attention.
Le plus ancien des déluges locaux & particuliers
dont les hiftoriens faffent mention, c’eft celui de
Sifuthrus, qui arriva en Chaldée, & dont Abidène
eft le garant.
Le Père du Halde place le déluge de Peyrum à la
Chine , après celui de Sifuthru, : il fut fi confid -
rable, que Peyrum fût englouti dans la mer. Par la
fête inftituée pour en conferver la mémoire, on
jugé qu’il étoit arrivé trois cents ans avant l ’ère
chrétienne.
La Grèce a éprouvé differens déluges. Parmi les
autres, celui de Samothrace, rapporté'par Dio-
dore dé Sicile, a changé la mer Cafpienne, la
Mer-Noire, l’Archipel, peut-être même la Méditerranée
j il eft fans date} ce qui prouve fon antiquité.
La fécondé inondation particulière de la G rèce,
& qu’Eufèbe voudroit appeler le premier des déluges
, c ’eft celui d’Ogygès, que les chronologiftes
fixent vers l’an 175-9 avant notre ère vulgaire. Il
inonda l’Attique & une partie des contrées voi-
fines.
Le déluge de Deucalion en Theffalie eft le plus
célèbre de tous ceux que la Grèce a effuyés. Ovide
& Lucien ont laiffé beaucoup de détails fur cet
événement i il eut lieu deux cent trente ans après
le déluge d'Ogygès : les marbres de Paros en fixent
l’époque. Diodore de Sicile prétend que le continent
de l’Afïe-Mineure & l'île de Lesbos en furent
dépeuplés. Le texte de Platon eft encore plus fort
en difant qu’après le déluge la rarete des hommes
étoit fi grande, qu'ils fe félicitoiem, en fe rencon-
trant d’avoir échappé à -l’inondation. Hérodote
fuppofe que la Theffalie étoit un grand lac, &: que
ce pays étoit arrofé par cinq fleuves, dont le Penec
étoit le principal, & c'eftlui qu'on fuppofe avoir
détruit la digue du lac ; ce que j'ai prouve împol-
fible. Lucien appelle le déluge de Deucalion general,
tandis que la plupart des auteurs les plus an.
ciens dirent que ce fut un déluge local & particu-
lier ,* & moi * Ie pluS aventuré.
Par les débordemens dé 1 Oronte & d une grande
quantité de torrens qui tomboient de la chaîne du
Liban 8c de l'Anti-Liban , la Syrie a fubi de tenus
qn tems des déluges dont 1 Hiftoire place encore le
dernier à l’an de notre ère 1095.
L’Égypte, parmi les autres déluges, en a éprouvé
un bien plus fo r t, connu fous le nom de Prome-
thée qui fubmergea prefque toute 1 Egypte , Sc
particuliérement cette partie dontProméthee étoit
^ Les commencemens de l’hiftoire des Chinois
font remplis de détails fur differens déluges. L’Empereur
dit aux quatre Yao : « Les eaux immenfes
« du déluge fe font répandues & ont tout inonde &
s^Tubmergé} les montagnes ontdifparu dans leur
35 fein } les collines y ont été enfevelies} leurs flots
» mugiffans fembloient menacer le C ie l, &c. *>
Les Américains de la Floride 8c des Apalaches
célèbrent le déluge du lac Théoms qui inonda les
• g l’pv/'arytinn J - DUtrinl ( C.prp~
DÉMOLITION. La deftru&ion des couches de
]a Terre par démolition eft aifee a obferver, car ce
font les parties des couches réparées par les fentes
de defliccation , qui lé défuniflent en conféquence
de la facilité que les faces fupérieures ou in férieures
des intervalles terreux qui fervent à la diûinétion
des couches ont de fe décompofer.
Les démolitions s'opèrent aufii par la rupture des
couches, furtout lorfque les bancs , portant à
faux, fe btifent malgré la dureté de la pierre. ■
C'eft futtout dans les cantons où les couches
femblent. un affemblage de pierres appareillées
comme les pierres de taille, où l'on volt le travail
de la démolition d'ur.e maniéré plus marquée 8c plus
inftruâive. Ce ne font pas feulement dans les pays
à couches que les démolitions ont lieu, quoique
ce foit principalement dans, ces cantons que l'on a
dû prendre l'idée de la démolition, mais elles m'ont
paru avoir lieu de même dans Ies.paysàmaffes. Le
tuf lui-même eft une demolittoji déjà fort avancée.
Dans les craies, les démolitions fe font très-facilement,
parce que les débris de la craie fe détachent
aifément pour peu que cela fe trouve près de la
furface de la terre où fe voit le tuf. Ces mêmes
phénomènes s’obfervent dans les pays de granits,
que l’on démolit fort facilement. Les rélultats des
fentes de defliccation , furtout dans le voifinage
de la furface de la Te r re , préfentent toutes ces
facilités.
C ’eft furtout dans les vallées que fe préfentent
plus fréquemment les réfultats de la démolition ,* c’eft:
ainfi qu’aux environs de Paris on trouve d; s meulières
d’un volume très-confidérable, di fperlées : .1
en eft de même dans les pays de volcans , où les
différentes laves qui forment les courans fe fépareBt
par la deftruétion des bafes fur lefquelles les courans
fe font établis.
Les maflîfs de prifmes fe démoliffent de même
beaucoup plus aifément lorfque les prifmes font
articulés, que dans le cas où ils font d’ une certaine
épaiffeur. Én général, on peut dire que des maffes
homogènes étant données, les fentes produites par
la defliccation ou le refroidiffement, contribuent
à une prompte démolition.
C ’eft à la fuite des éboulemens qui ont lieu fur
les croupes des vallées, que s’opèrent les plus
grandes démolitions de couches ou d’autres maflifs.
J’appelle aufli démolition la décompofition des
couches paraflifes ou par lames, telles qu’en four-
niffent des murs naturellement conftruitspar affffes.
Les grois de l’Angoumois, qui fe trouvent dif-
perfés à la furface des terrains cultivés, me pa-
roiffent être les produits de la démolition journalière
des couches.
Les craies, quoiqu’elles n’ offrent aucune apparence
de lits ou couches , fe détruifent par démolition.
On apperçoit au deflous du tuf une certaine
épaiffeur de craie, qui a éprouvé une forte de dé-
compofîrio« par trapézoïdes, lefqueiles s'enlèvent
aifément & fe détachent de la totalité de la craie :
il etf eft de même par l’effet de la gelée. J’ajoute
que toutes les pierres gelices fe démoliffent ainfi
par lames.
En un mot, cette opération de la nature eft
d’autant plus frappante, qu’elle attaque les couches
qui le montrent à la furface de la T e r re , & dans
lefquelles réfide un certain degré d’humidité : ce
font les eaux torrentielles qui opèrent plus promptement
ces démolitions , car c’eft dans les ravines
qu’on rencontre en plus grand nombre ces gros débris
de la démolition.
DÉPLACEMENS & TRANSPORTS. Lorf-
qu’on rapproche les obfervations faites à deffein
de déterminer les phénomènes généraux du globe,
on reconnoît aifément deux grandes claffes de
matériaux qui occupent les differentes parties de
fa furface : la première claffe comprend les matériaux
qui font dans leur gifement natur> 1, dans l'état
de première formation } la fécondé claffe renferme
les matériaux qui ont été déplacés, & qui foat
dans l’état de fécondé formation.