Le limon'jaunâtre du Hoang-Ho parolt être dù
à une fubftance ocreufe, ainfi q uà la couleur rougeâtre
des eaux de la rivière Tan. Le fleuve Mé-
kiar g Charrie des principes vitrioliques ; les eaux
du Hiao ont une odeur de bitume > celles du Ceing-
Yang font favoneufes, & renferment des principes
alk tCns.
D'ailleurs, le Père Lecomte, dans fes Mémoires
fur la Chine, obferve que la plupart des fleuves, &
furtout à une certaine époque, n'étoient que d'im-
menfes tortens de boue, parce qu'ils avoient de
grandes pentes dans leur cours, 8e qu'ils entrai-
noient, en fe précipitant des. montagnss, toutes
les terres que leurs eaux pouvoient délayer.
Quant aux rivières de la province de Pe-Che-
Ly , le Père Martini prétend qu'elles contiennent
une fl grande quantité de nitre, que la glace s'y
forme plus tôt 8e s’y fond plus tard que cela ne
devroit être, eu égard à fa latitude 8e à fon climat,
que Linneus allure être plus rigoureux que celui
de la Suède, où il a élevé des plantes que la gdée
tue dans les environs de Pékin, quoique plus près
de l'équateur d'environ vingt degrés. On a bien
d i t , avec quelque raifon, que le vent du nord,
foufftant fur les neiges de la Sibérie & de la Tar-
tarie , 8c arrivant, avec cette température, dans
les environs de la capitale de la Chine, y augmen-
toit néceflairement l'âpreté du froid. On pourroit
ajouter que le peu de culture qu’il y a dans la province
de Pe-Che-Ly, contrtbuoit beaucoup à ce
phénomène.
On peut fe former à ce fujet des idées juftes
en lifant la defeription d’un immenfe terrain où
l’empereur Can-Hi chafla, en 1711 , avec l'am-
baffadeur de Ruflie. Cette folitude n’ eü qu’ à deux
ou trois lieues de Pékin, & l'on ne fauroit rien
imaginer de plus fauvage. U y avait fix heures, dit
cet ambalfadeur, que nous étions a cheval, & quoique
nous eujfions déjà fait quinze milles d‘ Angleterre ,
on ne voyait pas encore le bout des forêts. Nous tournâmes
du côté du midi, & nous arrivâmes dans un
terrain marécageux, couvert de rofeaux fort hauts,
ttoù nous fîmes lever quantité de fangliers.
Au lieu de nous faire remarquer cette conftitu-
tion phyfique des environs de Pékin , qui influe
pnilfamment fur la température de l'air, les Mif-
fionnaires ont préféré de foutenir que la grande
quantité de nitre devenoit plus abondante à aie-
fure qu’on quittoit Pékin pour avancer vers la
Tartarie chinoife ; mais n’ayant appuyé leurs afler
rions que fur des hypothèfes vagues, nous devons
les regarder comme très-hafardées.
Nous fommes également bien inftruits relativement
à ce qui concerne les environs de Canton.
Comme il n'y a pas de fources, toute l'eau qu'on
y boit eft puifée dans la rivière, qui éprouve le
reflux à plufieurs lieues de fon embouchure. O r ,
on conçoit qu'une précipitation qui ne dure que
fix heures, & qui n eft jamais parfaite , ne fauroit
clarifier entièrement l'eau chargée de limon.
Au pelle, à quelque caufe qu'on veuille attribuer
ce qulon a dit de l’état des eaux de la Chine A
il elt certain que l’expérience y a enfeigné qu’ elle«
devenoient meilleures par l’ébullition 8c l’addition
de quelques feuilles d’une plante aftringente.
Cette découverte s’eft faite, à ce qu’on d i t , il y
a près d’onze à douze cents ans, & il en eft réfulté
une diminution conlidérable de l’ufage du fampfu
ou de la bière de r i z , qu’on a cependant fait
chauffer pour la boire depuis le tems de la plus
haute antiquité, 8c plufieurs fiècles avant la xié-
converte du thé,s ’ il eft vrai qu’ on n’ait commencé
à le connoîcre que fous la dynaftie des T ang, quoiqu’il
y ait lieu dJen douter.
P oisson. Des caufes qui paroiffent très-oppo-
fées entr'elles, la grande chaleur 8: le froid, aug*
mentent la fécondité des poiffons. Dans la proximité
du cercle boréal 8c vers les tropiques ».elle
eft bien plus grande que dans les pays tempérés
de l’Europe. On eftime que,le Nil eft quatre fois
plus poiflonneux que le Rhin > encore ne fauroic-
on s’abftenir de croire q u e , dans le premier de
ces fleuves, les crocodiles, de même que les pélicans
, ne faffent des dégâts prodigieux. Quand on
confidère la pofition des peuples véritablement
ichtyophages de notre ancien Continent, on voit
qu’ils ont exifté, 8c qu’ils exiftent encore dans les
terres arétiques, où le froid eft très-grand. Il en eft
de même fur les plages brûlées de l’Afrique 8c de
l’Afie. Cependant on obfervera que les Chinois,
n’ayant que peu de jeûnes , hormi ceux que les
mandarins indiquent de tems en tems dans les
provinces, on expofe chez e u x , pendant toute
l’année, une égale quantité de poiffon en vente ;
ce qui a pu faire croire à quelques voyageurs, que
la confommation en étoit bien plus confidérablô
qu’elle ne l’eft bien réellement.
M e r s . Les mers de la Chine & du Japon ont été
expofées à plufieurs révolutions. On a des preuves
Sc des monumens conftans, que la Corée a été
unie à la Chine, 8c que par conféquent le golfe
qui l’en fépare, nexiftoit pas à cette époque. La
montagne de Kic-He-Rang, qui étoit un petit promontoire
du territoire d'Yong-Ping-Fou , eft au-1
jourd'hui à cinquante lieues en mer.
Le Vang-Ho paffoit au pied de cette montagne
avant d’arriver à la mer> mais les grands change-
mens qui ont eu lieu à l’embouchure de ce fleuve
i en ont tellement dérangé le cours, qu’ au lieu de
déboucher dans la mer au 40e. degré où il débou-
choit autrefois, il y a environ trente fiècles, quand
l’empereur y fit travailler après de grandes inondations,
il fe décharge aujourd’hui dans la rivière
de W h a y -H o , province de Nanquin, au 34e.
‘degré.
H y d r o g r a p h i e m a r i t i m e . Après avoir décrit
les différentes diftributions des eaux courantes de
l’intérieur des terres-, tant dans l'Empire de la
Chine que dans la Tartarie chinoife, je dois ex-
pofer, dans un détail raifonné & fucceflif, l’hydrographîe
des mers, des golfes, des détroits &
des îles qui bordent ces deux grands Etats.
Je commence par indiquer cette mer intérieure
que l’on voit s’étendre, dans une direction nord-
eft & fud-oüeft, entre le 63e. 8c le 33e. parallèle
nord, fur une longueur de fix cents lieues marines,
& une largeur variable de cent à deux cents
Jièues.
Cette mer intérieure baigne, à l’oueft, fur
toute fon étendue, la Tartarie ruffe & la Tartarie
chinoife, 8c, du côté de 1 eft, elle eft bornée par
les fragmens de terres que l’Océap a détachés du
Continent, conjointement avec les embouchures
des fleuves de l’ intérieur, eh s ’emparant des terrains
les moins élevés des côtes. Cès fragmens
font : la prefqu’ ïle de Kamtzchatka , les îles Kurdes
, l’île des Etats, la Terre de la Compagnie,
les îles Chicha des Tartares tongufes, 8c les îles
du Japon j ainfi j’ appellerai cette mer intérieure , la
mer de Tartarie.
En dedans du détroit de Sangaar, la mer de
Tartarie fe développe, 8c forme un baflin circulaire,
d'environ cent cinquante lieues de diamètre,
entre lés îles du Japon & la Tartarie chinoife,
pour fë porter enfuite dans le nord, jufqu’au y2e.
parallèle, par un long canal qui fépare du Continent
la grande île Saghaliei.-Ula-Hata ou île du
Fleuvë-Noir, 8c qu'on doit nommer îleSagkalien.
C e premier baflin , qu’on peut appeler lajfm du
jmw communique avec celui du nord par deux
détroits que forme la grande île Tchoka. Le premier
eft ce long canal qui fe prolonge jufqu’au 52e.
parallèle, entre Tchoka 8c le Continent. Il a la
figure d’ une manche, de cent quatre-vingt-dix
lieues de longueur , de foixante de largeur prife 3
la hauteur de h pointe la plus fud de l'ïle , 8c il fe
refferre dans le nord jufqu’à n’avoir plus que quatre
lieues de large, entre Tchoka & la côte de Tartarie.
Mais la Pèyroufé , qui a conduit dans cette
manche les premiers vaiflèaux qui y aient navigué,
& qui le premier nous l’a fait connoître,
a trouve le détroit obftrué par les fables qu’y apporte
fans doute le Saghalien-Ula, dont L'embouchure
eft fituée à douze ou quinze lieues au nord
du détroit j car en examinant la direction de cette
embouchure 8c la difpofition de la côte nord-oueft
deLîlé , laquelle s’oppofe à la décharge du fleuve,
les fables & les terres qu’ il charrie à l ’époque de
la fonte des neiges & des glaces, doivent être dé-
pofés 8c s’ accumuler à l’ouverture du détroit. Ces
fables, amoncelés par une longue fucceflion de
tems, femblent interdire aujourd’hui aux vaiffeaux
toute communication par cette palïe entre le baffin
du fud & le baflin du nord.
La Peyroufe a impofé a ce long bras de mer, qui
fépare la grande île dë:Tchoka du Continent, le
nom de Manche de- Twtarie, par analogie avec
notre Manche d'Europe, dont celle d’Afîe a la
configuration fur une longueur beaucoup plus
grande. -
En redescendant du nord au fud le long de la
côte occidentale de Tchoka , la Peyroufe a découvert
un autre détroit qui fait communiquer le
baflin du milieu avec le baflin du nord , 8c qui
s’ouvre , fur une largeur d ’environ quatre lieues,
entre la pointe la plus méridionale ae Tchoka &
la partie feptentrionale de Chicha. Ce paffage a
reçu le nom de Détroit de La Peyroufe. C'eft par ce
détroit que ce navigateur a pané du balfin du milieu
dans celui du nord , qu’ il a traverfé dans fa
partie du fud pour en foitir par lé décroit de la
Bouffole, entre l'ïle Marikan au nord-eft, 8: la
Terre de la Compagnie au fud-oueft.
Le baflin du nord s’étend fur trois cent foixante
lieues du nord au fud, 8c fur deux cents liéues
dans fa plus grande largeur. Il comprend dans le
nord eft un golfe formant deux cornes. La corne
de l’eft eft nommée golfe de P'engina, du nom du
fleuve qui a fon embouchure dans la partie la plus
nord de ce golfe > la corne de i’oueft eft appelée
golfe d’Engiga.
Dans la partie occidentale du baffin du nord eft
un grahd golfe défigné improprement par le nom
de merd'Okotik, ficué à fa côte du nord. On croit
qu’il fera mieux dénommé golfe de Lama, nom
qu’il reçoit dés Tartares tongufes. La partie du
fud du meme baflin préfence un troifième golfe
formé par la Terre de la Compagnie 8c par l’ïle
des États à l’eft , par l’île Chicha au fud , 8c i
l’oueft par la partie fud-eft de la grande île Tchoka
qu’occupent les baies de Patience 8r d’Aniwa.
La mer de Tartarie, dont nous préfentons quelques
détails, communique avec une autre par un
détroit d’environ vingt • cinq lieues de largeur,
ouvert entré la côte fud-eft de la Corée 8«; l’île
Kiufiu, la plus méridionale de celles du Japon. Ce
détroit doit prendre le nom de détroit de Corée.
La mer qui fuccède /dans le fud-oueft, à celle
de Tartarie, s’ étend fur environ deux cents lieues
de longueur du nord au fud, 8c cent quarante de
largeur de l’eft à l'oueft. Elle pénètre fort avant
dans lès terres par fa partie nord-oueft, 8c y forme
un golfe profond qui fe prolonge d’ abord du fud
au nord, & fe porte enfuite dans l’oueft par un
retour d’équerre , à l’extrémité duquel fe trouve
l’embouchure du fleuve qui baigne , dans fon
cours, la ville de Pékin , capitale de l*Empire de
j la Chine. Les Chinois ont nommé ce golfe Hoang-
Hai (M e r jaune), dénomination qu’on ne peut
admettre, puifqu’ un golfe n’eft pas une mer: if
feroit mieux nommé golfe de Pékin. Cetre fécondé
mer orientale de l’Alie peut être appelée mer de
Corée t pour la diftinguer de la mer de Chine, avec
laquelle elle communique par le détroit qui s’ ouvre
entre la côte de la Chine & l’ ile Tai-Oan (ou
Formofe ). Elle eft formée, au nord, par la côte
méridionale de la prefqu’ïle de Corée' j à l’oueft,
par la Chine ; à l’ eft, par l’île de Kiufiu, h plus
méridionale & occidentale de celles du Japon 8c
l’archipel des Lieu-Kieu, 8c au fud par la partie