
j j - 3-
qui ont dû précéder dans des tems plus reculés,
les trouve peu confidérables. Cette preuve fe tire
de la multitude de ravines creufées félon toutes
fortes de directions, & à une profondeur étonnante
dans les rochers de pierres dures, Si qui doivent
être l ’ouvrage de plufieurs fiècl:s\
Toute la plaine du bis Mouftique , comme celles
dont nous avons parlé ci-devant, & à l’article du
Fort-à-Piment, a fait partie de' l’ancien badin de
la mer, comblé par les terres d’alluvion, qui font
d’une épaiffeur confidérable. On y a fait des
fouilles de foixante à foixante-dix pieds de profondeur
, & l ’on trouve toujours le même dépôt.
Le terrain y a confervé un trop grand ameubiiffe-
mentj ce qui occafionne dans les.tems des pluies
des couransd’eau fouterrains, par où les terres s’écoulent
, & font abforbées par de petits gouffres
dont on ne peut fouvent atteindre le fond.
Toutes les efpèces d’opuntia viennent fpontané-
ment au bas Mouftique, & pourroiènt fervir avan-
tageufement à l’établifiement de l’éducation de la
cochenille.
Le haut Mouftique eft féparé du bas par une
chaîne de mornes, qui formoient autrefois la côte
de la mer : de là le terrain s’élève en amphithéâtre :
jufqu’ aux montagnes qui réparent ce canton du
quartier du Port à-Piment. Il n’y a pas de terrain, .
dans toute i’ île , auifi coupé de ravines profondes
que le haut Mouftique > ce qui prouve combien
les eaux torrentielles, produites par les pluies
abondantes, produifent de ravage fur leur route,
iî »’eft pas rare d’y rencontrer des vallons de plus
de cent pieds de profondeur , qui ont été creufés
vifiblement par ces eaux.
Le fol de ce canton eft en beaucoup d’endroits
marneux. La qualité de la marne varie à l ’infini,
en proportion du mélange de l’ argile avec la terre
çalcaire. C ’ eft le meilleur fo l, parce qu’il réfifte
aux féchereffes beaucoup mieux que celui qui eft
compofé de L’argile. Le fond eft tantôt de marne
blanche, tantôt de craie ou bien de lits de pierre
calcaire & de grès verdâtre. Si l’on confidère le
fol du quartier du Port-de-Paix en général, on y
trouve, comme nous l'avons d it, du terreau noir,
de l ’argile grife-verdâtre, de la marne, de la
craie, du gravier & du fable ferrugineux.
La pierre à chaux , compacte, blanche ou rougeâtre
, d’un grain fin & très-dure, domine dans-
totu le quartier : il y en a cependant de blanche , à gros grain & tendre, qui doit en être diftiagitée. ,
Toutes ces pierres font par lits 6c par bancs horizontaux.
On y voit auffi des galets ou cailloux roulés
en plufieurs endroits , & furrout dans les plaines
-où la mer les a abandonnés, ainfi que fur certaines
hauteurs.
On y rencontre rarement des coquilles foftiles >
cependant quelques montagnes, même affez élevées,
offrent des amas remarquables de palourdes,
d’huîtres , de Jambis, Sic.
Suivant des obfeivarions météorologiques faites
avec foin, le thermomètre ne s'eft élevé au Port-
de-Paix que deux fois au deffus de îo degrés} il
iVeft aufli jamais defeendu au deffous de i j degrés
& demi. Dans une habitation fituée au point le
plus bas du haut Mouftique, il n’eft monté que
trois fois à 16 degrés Si demi, & il eft defeendu
à 13 & à 14 plufieurs fois. La température la plus
ordinaire dans ce quartier eft entre 22 8c 26 à midi,
& entre 16 & 20 à fix heures du matin.
Les orages fe décident drdinairement entre
midi & deux heures } il en vient à peu près autant
de l’oueft que de l’eft, Si très-peu du fud.
On obferve très-fréquemment des tourbillons de
vent affez forts dans le haut Mouftique. La pofitipn
de ce canton entre les deux mers , à peu près à fix
lieues de diitance de l’une 8c de l’autre, eftfta principale
caufe de ce phénomène. La brife du large,
c’eft-à-dire, du nord-eft, fouffle affez régulièrement
tous les matins. Entre onze heures 8c midi,
la brife d’oueft prend le deffus, 8c dans ce moment
ces deux vents re rencontrant fous un angle fore
obtus, font pirouetter cous les corps légers qui font
fournis à leurs efforts particuliers. On peutaffurer
que la brife d’oueft règne à cette ftation autant de
jours de l’année , que la brile d'e nord-eft.
L ’air eft fort fain en général dans le quartier dij
Port-de-paix.
Les favannés y font couvertes de toutes fortes
d’animaux domeïtiques, tels que chevaux, vaches,
boeufs, brebis, moutons, cochons, dindes, pintades
, oies, canards, 8cc.
Dans ies cantons boifés du Mouftique, le long
’ de la mer, les chaffeurs trouvent des boeufs, des
chevaux, des cochons marons, des pintades , des
ramiers, quatre fortes de tourterelles, des poules,
des canards fauvages, des farcelles, des poules
1 d’eau, des plongeons, des pluviers, des flamans,
des pélicans, des fpatules, toutes fortes de hérons
ou crabiers, des frégates, des pailles-au-
cul,des corneilles, des demoifeiles angiaifes, des
perroquets, des perruches, des bécaffes, des bé-
caflines, des maringouins, des merles, des bouts-
de-petun, des pies, des émërillons, des milans,
des frefayes , des chevêches, des têtes-chèvres,
des goélands , des hirondelles de mer 8c de terre,
des hochequeues, des roffignols , des méfanges,
des bouvreuils, des pivoines, des colibris, des
oifeaux-mouches, des évêques , & c . 8cc.
Parmi les reptiles , on trouve la grande couleuvre
bariolée ou coureufe, la couleuvre verte &
autres efpèces, le lézard v e r t , le gris & noir, le
caméléon, le mabouya, le fourdon-falamandre ; la
grenouille, les mille-pieds, l’araignée à crabe , le
feorpion,, Sic.
Les trois rivières font très-poiffonneufes, fans
que les efpèces de poiffons d’eau douce y foient
nombreuCes. Les plus communs font : le mulet
franc , la carpe ,.le têtard, le hautdos, l’ anguille,
le brochet, la farde grife 8c le pifquet.
La mer, dans le canal de là Tor tu e , fournit des
D O M D O M 655
efpèces innombrables de poiffons. 11 fuffira d’ indiquer
ici les principales. La plage proiuit toutes
fortes de crabes : le foldac, le tourlouron , le
thon & la bonite y font rares } le brochet, le taf-
fard, la caranque, le bécune, le vifanneau, le
roüget, le coffre, le perroquet, la lune , l'af-
fiette, le hautdos, le chirurgien, la maye, font
les poiffons le,s plus communs. La baie de Moufti-.
que fournit beaucoup de tortues de mer.
La côte du Port-de-Paix eft allez riche en coquillages,
dont les principaux font : le nautile pa-
pyracée, d’ une grandeur furprenante j les efpèces
nombreufes de limaçons , les lambis , les fabots,
les burgqs, les cafques , les étoiles , les têtes-de-
Médufe , les. foleii-levans, les pourpres, les pur-
fins, les lepas, les palourdes, les buccins, les
v is , les tonnes , ies porcelaines, 8cc.
C e quartier, qui renferme des.montagnes affez
élevées & fujètes aux pluies, drs plaines va-ftes ■
8c fouvent expofées aux féchereffes, offre, pref-
que tous les végétaux de l’île.
Les cantons de la Plate, de René-de-Bas 8c du
haut Mouftique , outre les Bois ordinaires pour
la charpente , produifent les plus beaux acajous
à planches, unis, ondés Si mouchetés5 le bas
Mouftique n’eft couvert que d’ arbres rabougris > ;
cependant les vallées comprifes entre les monticules
ont de beaux arbres, tels que le mancenil-
lie r , le bois palmifte, le bois de ro fe , le bois
blanc , le très-gros gayàc t on y voit une multitude
de bois propres à tourner, marbrés de toutes
fortes dé couleurs , 8c qui n’ont pas encore
été nommes par les botaniftes. Toutes les efpèces
de cierges, d^opuntia , s ’y rencontrent. On y admire
avec raifon une efpèce de cardace qui vient
de la hauteur Si de la groffeur d’un arbre : i! en
eft de même d’un opuntia nommé patte-de tortue.
Dans le haut Mouftique , qui eft encore tout :
couvert de bois , fe trouvent toutes les efpèces
<ie bois incorruptibles, propres à bâtir > favoir :
différentes fortes de bois de -chandelles, le bréfil-
Her, le bois de fe r , le.bois de favaîme franc, le'
bois marbre , le bois à petites feuilles , le gratte-
gale, le bois de rofe, le fapotiHier des mornes, le
grisgris de montagne , le raifinier de montagne,
le bois mulâtre, le bois màhot, le bois marie,
L'ébène, le morus tincloria fi recherché pour La
teinture en jaune, le bois de canelie, les acajous
, le bois rouge, le cèdre de Bermude, le
cèdre blanc. ■
La chaîne de mornes, qui fépare ce quartier de
celui de Port-à-Piment, eft toute couverte de
pins propres à la petite mâture : on y trouve
suffi les différentes fortes de palmiftès; favoir :_le. j
franc, le palmifte à vin , le chapelet, les petite 1
Si grands lataniers. - ■; > !
4°. Por>t-à Piment.- C ’eft un des cantons de !
l’île de Saint-Domingue préiente le plus d’ob- !
jets iméreffans pour laigépgraphie-phj'fiquô, Ainil
nous avons cru devoir en faire un article particulier.
Le quartier du Port-à-Piment eft fituéau fud-eft
d’une prefqu’ïie formée par le Mouftique, ies
quartiers de Jean-Rabel , du môle Saint-Nicolas
8c de Bombarde. 11 a environ dix-fept lieues de
longueur de l’eft à l'ouell , fur fept dans fa plus
grande large ur du nord au fu<i. Il eft borné à I’oueft
par la mer, au nord-oueii par la baie Si la rive
gauche de la rivière de Heine , & par la montagne
de Jean-Rabel} à l’eft par celte du Gros-Morne,
au fud-eft par celle de la pierre des Gonaïves, Si,
au fud par la mer.
Ce quartier fe divife en trois cantons principaux,
qui font: i° . celui de Terre-Neuve, 20. celui
de la plaine du Parc, 30. la grande plaine du,
Port-à Piment.
Le canton de Terre-Neuve, fitué à l ’eft Si au.
fud-eft de ce quartier , eft compofe de montagnes,
de cinq à fix cents pieds de hauteur, qui forment
deux chaînes à peu près parallèles dans la direction
de l’eft à l’ouelt, Si réparées par une gorge ou
vallée qui reçoit les eaux des deux croupes, 8c
qui eft arrpfée par une petite rivière qui porte le
nom du canton. Les pluies y font fort fréquentes x
ainfi. que dans toutes les montagnes de Saint-Domingue.
Le terrain y eft frais, humide, fertile &
propre àla culture du café. Le fond du fol eft en
général marneux. Ce fol règne dans tout le fond
de cette prefqu'île Si du quartier duGros-Morns,.
Il faut en excepter quelques branches de montagnes
compofées d ’argile & de pierres quartzeufes
ou de grès. Tous les mornes de Terre-Neuve dont
les pentes regardent la mer, ne portent que des
arbriffeaux rabougris, & très-peu d’herbes. Entre
le bord de la mer Si les hautes montagnes ferril.s »
on trouve des mornes ifoiés, dont les ^ns ont une-
forme arrondie & prefqu’hémifphérique} d’autres
ont une forme exactement conique. Les unes Si
les autres font compofées de pierres calcaires,,
parmi îefquelles on apperçoit des blocs ifoiés de
fiiex de toutes les efpèces. Si diverfement colorés.
Le canton de la plaine du Parc a très-peu d’étendue
: c’eft une p’aine qui fe termine par un cul-
de-fac, Si qui eft enrouree de tous côtés par des
montagnes elevéesj ce qui expo.fe toute cette,
piaine à des pluies abondantes. Malgré cela on n’y
trouve que deux ou trois petites fources qui ne
peuveôt fuffire à l'exploitation de deux indigote-
ries.
Le fol, qui eft entièrement le produit des allu-
vions Si de la dégradation des montagnes parles
eaux , a beaucoup de profondeur. Les acajous de
la plus belle qualité y font fi nombreux, qu' on croirait
qu’ils ont été plantés par les habitans : on ies
exploite maintenant par le maj^en. d'une route ouverte
depuis peu..
De. la plaine du Parc on fe rend au quartier Si
au bourg du Gros-Morne , en francbiflànt une