
paroît être qu’un accident poftérieur à la pofition
& à la conftru&ion de ce grand amas de craie.
Celles de ces rivières qui y prennent leurs fourcès
• ne font pas auffi confiaérables que celles qui ont
leur origine au-delà de leurs limites ; mais toutes
généralement ont des vallées fortfenfibles, où tous
les chocs alternatifs des eaux courantes fe dif-
tinguent comme imprimés le long de leurs cours j
ce qui témoigne encore que tout ce fol de Craie
eft bien plus ancien que les agens qui y ont fouillé
les filions & les vallées de ces rivières. JJai eu lieu
d ’être pleinement convaincu de cette idée , en
trouvant dans des fouilles faites de main d’hommes*
au milieu des plaines de Brou'& dé Chelles* près
de Paris * qui ne font conftruites que de dépôts de
fables & de grèves, & autres débris apportés par
le torrent de la Marne * & dans les lieux dont la
hauteur excède de beaucoup la hauteur dè nos plus
• grands débordemens y des morceaux de craie arrondis
comme.des galettes, depuis la groffeur d'un
ceuf jufqu’à celle d’ une noifette, 6c parfaitement
: femblables à ceux qu’on trouve auffi, mais en plus
grand nombre, dans les fabüères des environs de
Châlons * où les crues préfentes ne peuvent plus
arriver} preuves évidentes, i°. queces craies enfe.
velies 6c difperfées dans les différens lieux du cours
inférieur de la Marne ne peuvent provenir que des
anciens torrens qui ont brifé 6c tranché les lits
de la contrée crayonneufe de Champagne ; 2°. que,
la nature 6c la folidité de cette contrée étoient dès-
lors ce qu’ elles font aujourd’hui f qu’elle ne doit
point fa conftruélion au palTage des torrens qui
ont fouillé les vallées} & réciproquement, que ces
Vallées n’ont point été les effets des mêmes caufes
qui ont produit l’ancien dépôt de la craie * comme
le penfent ces écrivains qui prétendent que nos
vallées font les veftiges du féjour de ces maflifs
dans le baflin des mers, & qu’elles doivent leur
origine & leur forme aux couransde ces mers qui
auroient charié autrefois les matériaux dont nos1
contrées font formées. Si les courans imaginaires
que ces phyficiens ont conçus comme ayant charié
des matières qu’ils écartoient 6c dépofoient ï\
droite & à gauche de leurs cours, 6c comme ayant
élevé 6c conflruit par ces moyens les revers de la;
cuve de nos vallées, euflènt é té , par un tel méca-
nifme, capables de former nos terrains depuis lei
plus profond de leur malfe jufqu’ à leur fuperfieie,
& de figurer en même tems cette fuperficie telle i
qu’elle eft aujourd’hui, la nature de ces-terrains.
& leur plan devt oient avoir un rapport bien fen-
fible avec la diredtion de nos vallées* que ces phyficiens
prennent pour les traces de- ces courans
conftrudteurs, 6c cette tare de craie qui couvre une
partie fi grande de la Champagne de vroit donc
être difpofée en long, fuivant le fens de nos rivières.
O r , puifque les phénomènes, répondent fi
peu à î ’hypothèie moderne, il fera doncincon-
teftable qu’on ne doit plus, dans la théorie de la
Terre, confidérer généralement, ces vallées comme.
les empreintes du féjour dans les anciennes mers.
Les difpofîtions des contrées qui environnent la
craie font de plus connoître que toute la partie de
la Champagne, où cette craie domine, a été autre-
; fois en tout ou en partie recouverte d’autres lits 8c
' d’autres bancs d’une autre nature, 6c même de
pierres dures, quoiqu'elles y foient extrêmement
rares de nos jours, 6c qu’ il foit des contrées cir-
convoifines où le banc de craie devoir s’étendre,
& où il ne paroît cependant plus.
La montagne de Reims, qui fait encore, comme
on peut le voir fur la carte, une grande faillie en
arrachement fur cette contrée, eft conftruite de
■ pierres d’une efpèce toute différente de la craie, &
il femble qu’elle devoit s’avancer fur le contihetjt
bien plus qu’elle ne fait actuellement vers Reims 6c vers Châlons, & recouvrir par conféquent la
furface crayonneufe qui eft préfentement décou-
) verte. Du côté-de Vitry-le-Français c’eft tout le
contraire : il femble que la taré de craie devroit
s’étendre fur les fertiles contrées du Perthois , &
i en recouvrir les plaines, où Ton ne trouve plus
aujourd’hui!'ous la terre végétale, qui y eft excellente,
que d : g rands amas de grèves 6c de fables.
L’afpeCt des efearperhens qui dominent aux environs
de V 't r y , où les coteaux font de craie, 6c
aux environs de la montagne de Reims , où ils font
de pierre dure, découvre que tous ces changemens
ont été occafionnés par la difpofition générale de
cette province 6c des contrées circonvoifines, dont
les bancsy plongean t vers l’oueft, & fe relevant vers
l’eft avec un plus grand degré d’inclinaifon que les
rivières qui les traverfent, n’en ont pour defeendre
vers les mers , ont.certainement été expofés aux
chocs des torrens par leurs extrémités 6c leurs
flancs qui fe découvroient, & montroient- leurs coupes
du côté de l’eft, par où les eaux courantes ve-
noient les attaquer, les détruire 6c les faire reculer
fous leurs efforts.
I Cette difpofition des couches de la Champa-
gné n’eft pas fi particulière à cette province,
que je ne foupçonne qu’elle foit propre à prei'que
tout le continent de la France , comme je l’ai reconnu
ailleurs, & furtout à l’oueft du fommet général}
en forte que la plupart de nos rivières ne
roulent point leurs eaux ,?comme on pourroit le
penfer, fur la furface d’un banc, parallèle à la fur-
face de l’eau qui court, mais fur l’extrémité de'plu-
fieurs beaucoup plus inclinées qu’elles vers l'Océan.
Par une fuite de cette difpofition qui a dû être
plus ancienne.que le paffage des torrens , 6c appartenir
fans doute aux faits antérieurs qui.ont produit
Taffaiffement 6c la fubmerfion des contrées
qui nous réuniffoient à l’Amérique , les torrens,
étant descendus des fommets de Langres fur la
Champagne , ont pris , dans le Perthois, le banc
de craie dans la coupe, 6c l’ont fait reculer en le
démoliffant devant eux jufqu’ à Vitry-le-Français,
où l’on voit aujourd’hui les efearpemens qui invef-
tiiient, du côté d e l ’oueft, çoute, cette contrée,*
oui par-là eft devenue beaucoup plus baffe qu elle
ne l'étoit, & qui a plus gagné dans cesévenemens,
que perdu, puifque l'ancien fol du Perthois devoit
être ftérile, tk: qu'après la deltruétion des lits fupe-
rieurs, fon fond de craie, qui eft fans doute encore,
a été recouvert de dépôts qui en font aujouid hui
la bonté & la fertilité. Toutes les bordures orientales
de ce maffif de craie ont ete dans ce cas-là,
aux endroits furtout où ies torrens ont penetie
pour y fillonner leurs cours, parce qu'aptes avoir-
démoli de même les craies qui s oppofoient a leur
paffage, ils ont laiff#en place de nouveaux _& de
meilleurs dépôts. C'eft ainii que la Seine 1 a fait
vers Bréviande, & l'Aifne depuis le finage d’Ama-
gne, en defeendant vers Rétheh
Pour fortir enfuite dè la contrée crayoneufe, les
torrens, en faifant de femblables attaques, ont
produit des effets tout.contraires, & les bordures
orientales de la craie n'ont point fait un fi heureux
échange , parce que la même difpofition des bancs
inclinés à l'oueft, & découverts à l'e ft, qui avoir
.occafionné, de ce dernier côté , la deftruétion du
mauvais, fol, occafionna à l'oueft la deflruction des
bous terrains qui s'y montroient plus élevés que
la craie, qui s'y perdoit fous leurs bancs. C eft pour
cette raifon que la craie femble fuivre la Marne,
iufqu'à Dameri, les bancs qui la couvroient ayant
été plus détruits dans le fil principal du cours du
torrent, que dans les lieux qui en étoient plus éloignés
à droite ou à gauche : de là vient que les
montagnes de Reims & de Bergères ont relie en
faillie iur la-contrée de part & d autre, lés efforts
directs du torrent n’y ayant point été portés. La
’ Seine Scl'Aifne, en quittança craie, ont auili produit
à peu près les mêmes effets.
Quand les torrens ont ainfi détruit par leurs attaques
les bancs qui leur montroient leurs coupes,
& qu'ils ont découvert un nouveau fol en déblayant
ies terrains fupérieurs, ce n'eft cependant
pas fi parfaitement , fi. totalement, qu ils n aient
Liffé derrière eux des témoins des grandes démolitions
qu’ ils ont faites. - ,
Le mont Aimé, qui eft relié au milieu des plaines
crayeufes de la Champagne, en eft un monument
& une preuve frappante. La nature de fes
bancs 8c de fes roches n'a aucun rapport avec le
terrain qui l'environne , mais avec les montagnes
fituées de l'autre côt'é de Bergeres 8c de Vertus, g
en a donc .été une dépendance ; il y a donc été
' adhérent avant que le coûts 8c la chute; de plu-
fieurs torrens particuliers dont on voit encore la
trace l’en aient tout-à-fait ifolé & détache comme
il l ’eft auiourh'ui. On doit encore regarder comme
des monumens femblables 8c comme les débris
du continent auquel appartenoit le mont Aime,
les différens blocs errans qui fe trouvent quelquefois
en Champagne, dans des contrées engagées
fur le maffif de.la craie, ou l'on ne voit ce-
* pendant, dans cet intérieur, que des carrières de
çraie. Ainfi , aux environs de Somme-Sou, lut un
des fommets qui féparent le baffin de 1 Aube de
celui de la Marne, dans un lieu appelé la Ptenc-
aux-Vignes, fe voient des cailloux & des pierres
dures , brifées, en grande abondance, 8c q u i, vu
la nature générale du fol de ia contrée, ne peuvent
être regardés que comme les débris des anciens
bancs qui couvroient la contrée, comme le mont
Aimé eft un relie du continent qui l'avoifine. IL
en doit être fans doute de même dans toutes les
autres provinces où le remarquent les pierres perdues
, 8c des rochers énormes 8c ilolés, qui font
étrangers aux lieux où iis font, 8c qu on doit con-
fidérer comme les fragmens des terrains fupérieurs
& autrefois entiers, 8c. qui ne lont plus. Je puis
citer, à cette occafion, l’article A uteuil & les
blocs errans du bois de Boulogne.
On rencontre encore dans toute la Champagne,
des fragmens d’un autre genre de bancs fupérieurs
détruits. Ce font des marcaffites errantes, qui
font difperfées à la furface des plaines 6c des terres
cultivées} elles font ordinairement brifées 6c
à moitié décompofées , & leur quantité a dû être
autrefois confidérable à la furface de la Terre. La
véritable matrice de ces marcaffites eft fans contredit
la craie même : les carrières en offrent encore
qui font belles, entières 6c régulièrement
formées. Ce qui. me fait juger que celles qui font
à la furface des champs proviennent de bancs fupérieurs
détruits, c’ eit que, dans.toutes les mêmes
fablières de^hâlons, o ù , comme je l’ai dit Çi'def*
fus, on trouve une grève de craie : on y voit aufli
un gravier noir, formé des débris de ces memes
marcaffites, arrondis 6c très-limés, mais néanmoins
affex reconnoiffables pour montrer que ces débris
& ceux qui fe voient dans les plaines ne font point
des productions modernes , ni placés où ils font
par des accidens journaliers & récens, mais des
ouvrages très-anciens de la nature , qui ont ete arrachés
de leur matrice, brifés, chariés 6c abandonnés
dans les dépôts où ils font par des événe-
mens arrivés dans des tems très-reculés.
De ces obfervations diverfes il réfulte donc cjue
nous ne pourrons connoître que très-imparfaitement
la véritable compofition 6c difpofition que
les tares ou maffifs des différentes matières pré-
fentent à la furface de la Terre. Oa ne peut les
fuivre en entier, parce qu’une partie en eft fouvenc
détruite, comme la partie orientale de la craie en
Champagne, 6c qu’ une autre fe dérobe à nos yeux
en fe plongeant fous des bancs d’une autre nature,
comme il arrive encore à la même contrée, & que
d’ailleurs ces anciens dépôts des ^mers font eux-
mêmes recouverts de dépôts poftérieurs, que des
accidens d’une autre nature y ont amenés des fommets
voifins des continêns.
Au refte , fi dans quelque contrée plus favorable
que celle-ci on pouvoit réuflir dans ce genre de
géographie , je crois que la carte qui en réfulteroit, 6c où l’on traceroit ainfi légèrement k s fleuves
& les rivières* reffembleroit à un marbre de diffé