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CYCLADES INSULÆ , îles de la mer É g é e ,
ainfi nommées parce qu'elles formoient uneefpèce
de cercle autour de Délos. Les Anciens n'étoient
pas décidés fur leur nombre ; cependant ils s’accor-
doient à y mettre Naxos, Andros, 01éaros, Paros
qui fourniffoit un fi beau marbre , Mycone &
Gyare j qui en étoient les principales. On fait
combien la navigation , dans une mer parfemée
de tant d'îlesi de voit être périlleufe : de là vient 1 avis d'Horace : Interfufa nitentes vîtes equora Cy-
cladas.
On appeloit Sporades celles qui étoient difper-
fées fans ordre , tant fur la côte d'Europe, que
fur celle de l'Afie. On aurôit dû nous faire con-
noïtre en même te ms ce qui avoit pu en détacher
un fi grand nombre de la Terre-Ferme.
CYCLOPUM SCOPULI ( Écueils des Cyclo-
pes ). On nommoit ainfi les trois petites îles qui
poTtoient le nom des Cyclopes, fur la côte orientale
de S icile, au pied de l'Etna, & au voifinage!
de Catania j mais leur demture n'étoit pas bornée1
à ces îles. Ils occupoient la côte même de la Si-
c i ^ c'eft fur cette côte qu'il faut chercher où
• fe réfùgia la flotte d’Enée. C'étoient les premiers:
habitans de cette île $ ils n'avoient d'autres biens
que leurs troupeaux : on leur donne une taille gigan-
tefque, & des os d'une exceflîve grandeur, qu'on a
trouvés en divers lieux de la Sicile, montrent que
ces idées étoient fondées. Homère & Virgile ont
embelli les demeures des Cyclopes par des aventures
dont ils ont fait autant d'épifodes. Les îles
des Cyclopes s’appellent aujourd’hui li Fariglioni.
On met auflî des Cyclopes dans lès îles de Vul-
cain , qui font au nord de la Sicile. C'eft là que,
fous les ordres de ce dieu, ils forgeoient les foudres
de Jupiter, & qrniis fabnquoienr pour Achille
& pour Énée ces belles armes. Voilà quelques
détails de la Fable. Nous pouvons maintenant
faire connoître la nature des maffes qui com-
pofent ces îles , parce qu’un artifte deftinateur
en a publié les formes. C'eft en fuivant cet artifte
& Ls obfervalions ,- que nous expoferons
les fingu’arités de ces Ecueils des Cyclopes. Ils entourent
le petit port de la T ri >,za. De ce point de
vue on apperçoit, au milieu de la mer, plufieurs
écueils qui fortent de l'eau plus ou moinsj A , B ,
C , D font les quatre principaux écueils j B , C ,
D paroiffent de loin fous une forme py ramidale j
A eft l'extrémité d’une île formée de lave jufqu'à
la moitié de fa hauteur, avec une bafe de bafaite ,
furmontée d’une croûte de pouzzolane combinée
avec desparties de matière blanche,calcaire, allez
duré & com p are , qui, en fe d'étruifant par l'action
de l'air , femble être du bois noueux très-
veiné. Cetteroche,én fe durciffânt autrefois, s'eft
fendue, & il s’ eft introduit dans fes fentes une
matière très-dure, poreufeen tout fens, cofnme i
des feories. Un naturalifte trouveroit dans cette ;
matière plufieurs objets dignes de fes obfer varions.
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Je me bornerai à décrire l'écuéil A , attenant le
rivage du port de la T r iz z a , & dont M. fjouel a
publié un très-beau deflrn. Il eft fort intéreffant
par la fingularité des retraites qui fe font formées
dans fa malle.''Elles ont produit des aiguilles de
b a faire , difpofées concentriquement, fans être
red ilignes ; elles font courbées, & ont à peu près la
forme de la lettre S; elles n’ont pas, comme beaucoup
d’autres, des intervalles entr'elles, étant intimement
jointes enfernble. Leur titlu eft fort homogène
& allez femblable à celui des plus belles
laves, ou 1 on voit çà & là de petits criftaux fous
forme dérochés noires. C e bafalte eft d’une grande
dureté.
Cet écueil n'cft que le refte d'une malle beaucoup
plus confidérable, que l'aétion de l’air a dé-
compofée en partie. Quoique les faces des cliver fes
aiguilles foient jointes parfaitement, l’air s'infinue
entr'elles ,•& y introduit de l'humidité qui con-
courf » avec l'eau, à y creufer un petit efpace qui
s élargit infailliblement, & qui fépare ces aiguilles.
Alors eiles fe rompent en plufieurs morceaux,
comme on le voit dans le de {fin ; enfuice les navigateurs
les enlèvent, ou bien les vagues les entraînent.
C'eft ainfi que le laps du tems parvient à
détruire des corps durs qui avoient refifté à des
efforts violens & multiplies.
Dans tous les environs de ce bel écueil au nord,
au midi & le long du rivage, on voit une longue
-fuite de,bafaltes, dont les formes fonttrès-variees
8c très-fingulières.
, Vue du premier écueil marqué B.
Les bafaltes que préfente cet écueil B reffem-
blent d abord à la plupart de ceux qu’oa çonnoît
en France, particuliérement dans la ci-devant province
d'Auvergne, en Angleterre, furtout en
Ecofie & en Irlande j enfin en Italie, aux environs
du lac Bolfène, par la régularité de les colonnes
prifmatiques j mais en les examinant*, on y
trouve des différences efféhtieîles qui les rendent
inftru&ives & rrès-intéreffantesj car ces colonnes
fembient groupéès cinq ou fix autour d’ une feule
qui en eft comme le centre , & cette particularité
eft fort curieufe.
Il y a des colonnes prifmatiques qui font de
differentes grofleurs & diamètres, & de diverfes
formes j les unes carrées i les autres héxagones,
oétqgones , depuis douze pouces, jufqu’à dix-huit
& vingt de diamètre.
La moitié de cet écueil B eft compofée de colonnes
prifmatiques, perpendiculaires à l'horizon,
tandis que l'autre moitié eft compofée d'une autre
forme de bafalte par couches inclinées &r à peu
près reétilignes. Ces couches tiennent immédiatement
aux colonnes, & leur font ati'ffi adhérentes
que ces colonnes le font entr'elles. Ces-couches
font pluslqngüesveFslabafe decet écue il, qu'elles
ne le font à fon fommet. 11 eft remarquable encore
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que la plupart de ces couches fe fub-livrent dans
leur épailîeur à mefure qu’elles s’élèvent ; en forte
que , vers leurs extrémités fupérieures , elles pré-
fentent deux & quelquefois trois divifioris. Les
morceaux de bafalte qu’on peut enlever de ces
couches préfentent des rhomboï le s , parce que
ces couches ne fe rompent pas de manière que leurs
côtés faffent un angle droit avec leurs faces.
Ces couchés inclinées vers le bas deviennent
prefque perpendiculaires vers les parties fupérseu-
res, où elles paroiffent s'unir en pointe & dominer
de beaucoup les parties vifibles & les plus élevées
des colonnes prifmatiques. Ces colonnes font terminées
par le haut, de manière à offrir une ef-
pèce d'efcalier. Elles fembient même s'élever par
une de leurs extrémités, fous une efpèce d’argile
qui les couvre, & aller fe réunir à la pointe la plus
élevée que forment les couches de bafalte.
. Cette matière étrangère , qui funnonte ces bafaltes
, & qui forme le fommet pyramidal de cet
écueil, eft de la même nature dont eft compofée
la partie fupérieure de l’île de la Ttizza.
Les bafaltes de cette île ont cette particularité ,
c’eft qu'ils font remplis de petits criftaux gros
comme des pois. Ils ont la beauté apparente des
criftaux de roche quant à la pureté des angles & à
l'éclat de leur furface j mais ils n'en, ont pas la dureté.
Ils ne réfiftent pas non plus à l'aélion de l'air.
On voit des morceaux confidérables de bafalte ,
dans lefquels il y avoit autrefois des criftaux que le
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tenus a détruits. Ces morceaux reffemblent à une
éponge par la multitude de trous qu’ils offrent à
leur furface. Les parties de bafalte qui ont le plus
de ces criftaux, ne font pas auflî dures que celles
qui en cor.tiennent moins.
Vue du troifiéme écueil des Cyclopes.
La forme.que préfente cet écueil eft un fegment
de fphère bien caraêtérifé. Les colonnes prifmatiques
qu il renferme, ont une difpofition concentrique
qui fembie indiquer qu'elles fe réuniffoient
à un centre commun : elle a du avoir quatre-
vingts à cent toifes de diamètre.
Dans cet écueil on peut reconnoître le con-
; cours de deux puiffarices 'agiffantes. L’une de ces
puiffane.es a déterminé la matière à fe configurer
par colonnes prifmatiques concentriques , & l'autre,
à divifer cette maffe par couches parallèles à
la furface extérieure de cette maffe en traverfant
les colonnes concentriques. Ces variétés font des
monftruofités dans l ’ordre des bafaltes, & cependant
ces colonnes font fufceptibles de préfenrer
auflî, dans leur état de deftru&ion, des articulations
marquées par des intervalles très-apparens.^
On trouve aufli, à côté de cette mafle, des débris
très-intéreftans, & qui faifoient partie d'un
très-grand fphéroïde qui les décompofe. (V o y e z
le Voyage pittoresque des îles de Sicile, de Malte Qf
deLipari3 par Jean Houel. )