
roche inclinée, qui paroit être un dépôt fait par
la fontaine dont nous parlerons.Cette roche s'étend
à peu près depuis la moitié de la montagne jufqu’à
fa bafe, & peut avoir environ cinquante à foixante
pieds en hauteur , fur plus de cent cinquante eu
foixante en largeur, & plus de dix ou douze
d’ëpaiffenr : elle cil à l'extérieur de la montagne j
elle femble y être appliquée & ne pas faire corps
Avec elle.
À l'extrémité de cette roche, qui tourne vers
l ’orient, eft une grotte de quinze à vingt pieds
de long , fur prelqu’autant de large , & qui a
cinq , lîx , fept & huit pieds de haut, félon qu’on
eft plus éloigné ou plus près de fon entrée, qui
eft plus vafte que fon fond.Cette grotte eft percée
dans un malïïf de pierre tendre, molle, blanchâtre,
de la nature de celle des environs de Palis
î au moins elle en approche beaucoup. Dans
le fond de cette grotte fott d’un trou un torrent
d’eau , gros à peu près comme la cuifle d’un
homme. Ce torrent n’ eft pas, à proprement parler,
la vraie fource de la fontaine. Cette fource eft au
haut de la montagne, où on l’a renfermée dans un
regard, & on a pratiqué dans le corps de la montagne
un canal cù l'eau coule jufqu’à l’ouverture
qui eft dans la grotte ; de là l’eau eft reçue dans
une rigole pratiquée fur le fond de cette grotte >
elle va fe perdre fous terre, & fe jeter , après en
être fortie, dans une auge de pierre qui en eft
toujours pleine, & le fuperflus s’écoule dans des
foliés voifins.
L’humidité que l’eau occafionne dans cette
grotte & les pleurs de la terre qui eft au defius
de la grotte font que la voûte en eft continuellement
humide j que les moufles & les autres plantes
qui y font attachées, font incruftées de la matière
pierreufe que les eaux de la montagne détachent
en les traverfant, & qu’elles dépofent fur des
plantes 5 de plus , ces pleurs & l’humidité que l’eau
occafionne, concourent à la deftru&ion de la pierre
dont la grotte eft formée. Cette pierre fe détache
aifément, s’e x fo lie , fe diffout en quelque forte
peu à peu, & tombe fur le plancher de la grotte,
qui s'élève ainfi fucceflivement.
La mafle du rocher qui recouvre la montagne
eft irrégulière : elle n’a pas de lit i elle eft parfemée
dans toute fon étendue de petites cavités de quelques
pouces de hauteur & de largeur ; quelquefois
elles ont dans ces dimenfions un pied ou deux , &
font remplies d’une multitude de petites ramifications
dont les branches font ordinairement creu-
fes. Ces ramifications ne font autre chofe que des
incruftations de plantes qui ont été enfevelies dans
la boue formée par l’eau qui a diflout les pierres
’molles & tendres qui compçfent la montagne. On
ne trouve ces cavités que dans l’intérieur du rocher,
& lorfqu’on en a fait fauter des éclats. 11 y
a de ces cavités ou petites grottes qui renferment
en petit des chofes aulïi fingulières & auflî variées
que ces grottes immenfes que les montagnes recèlent
dans leurs flancs.
C ’eft de cette roche extérieure qu’on a tiré &
qu’on tire encore la pierre qui a fervi à conftruire
le couvent des moines, lïtué fur la montagne de
Cregi.
CREIL-SUR-OISE, ville du département de
i’O ife , à deux lieues un quart nord-oueft de Sen-
lis. On y pafle la rivière d’Oife fur un pont dé
pierres. Il exifte à Cnil une belle manufacture de
criftaux de verrerie , de poterie de terre an-
glaife. Il y a aufli des carrières, dont on tire des
pierres propres à la conftrudtion des édifices. On
n'y voit qu’un magafin à fables, pour les entrepreneurs
de la manufacture des glaces de Saint-
Gobin. On y fait un grand commerce de farine :
outre cela , on y a un amas de cendres de Beaurain ,
propres à l’amélioration de certains fols.
CREMA. Cr//na,dansleMilanez, à quatre lieues
de Lodi, offre les mêmes productions. Le Serio ,
fleuve qui coule près de cette v ille, pafle pour avoir
un fable fort riche en paillettes d’or.
CRÉMENS DU RHONE. On entend par cré-
mens une terre formée par le dépôt limoneux
d’ une rivière. Dans ce fens, toutes les terres qu'on
peut parcourir depuis Beaucaire jufqu’à la rhér^,
dans l’efpace de huit à dix lieues, font des crêmens
du Rhône. Le crément fe diftingue aifément de toute
autre terre qui n’eft pas crément, par deux qualités
fenfibles. La première & la principale eft d’être
compofée de plufieurs lits ou couches placées les
unes fur les autres} la fécondé, de ne contenir
aucune pierre.
Il eft vrai que quelquefois cette fécondé qualité
fe trouve dans quelques terres qui ne font pas
des crêmens de rivières} mais en ajoutant à ce caractère
leur emplacement dans des baflins ou plaines
en baflins, on ne peut guère contefter leur origine.
Les Hts de terre qui compofent les crêmens ,
quoique pofés afléz régulièrement les uns au def-
fus des autres dans une fituation horizontale, diffèrent
aflez fouvent en couleur, en épaifleur &
en nature de fubftance. Il eft aifé de s’appercevoir
que ces différences font une fuite naturelle de ce
qui fe patfe lors de la formation des crêmens. Les
rivières entraînent ordinairement dans leurs inondations
trois fortes de matières différentes, des
pierres, du fable & de la terre ou limon. Les
pierres, comme plus pefantes, ne fortent point
du fond'du canal. Le fable fe place à un niveau plus
élevé. Le limon,quinefait proprement qu’un corps
avec l’eau , de laquelle il ne fe fépare pas dans Igs
premiers inftans du repos, ne fe dépofe qu’après
un certain efface de tems.
Cela p o fe , il eft évident qu’ une rivière qui
débordé %
déborde, ne porte , dans une plaine,que du fable
8e du limon dont le dépôt compofe cet affemblage
de couches ou lits qui , par leur multiplication,
forment ce'que nous appelons crément ou aterrif-
fement. Si les débordemens des rivières font occa-
iîonnés par le concours des eaux torrentielles que
fournilfent différentes pentes, il eft naturel de
penfer que de ces circonftances provient la différence
qu'on remarque dans les lits qui compofent
les crêmens. ( f
On peut fûrement, fur les cara&ères qui viennent
d'être expofés , décider fi une terre eft un
crément ou bien un terrain de première formation ;
mais il eft à remarquer que ces affemblages de
croûtes ou lits ne fe peuvent bien reconnoître
qu'en fouillant à quelques pieds de profondeur ,
car à là fuperficie de la terre les travaux de la
culture ont mêlé toutes ces fubftances. \
Quoique les crêmens , tels qu’ ils viennent d être
décrits, foient communs à bien des rivières, grandes
8c petites , il eft cependant vrai que quelques
fleuves, 8c furcout le Rhône , ont formé deux
ordres de crêmens bien différens entr'eux , 8c qu'on
ne peur diftingueravec trop de foin,-les uns étant
fales, amers 8c ftériles, 8c les autres étant doux
& d’une grande fertilité.
Cette divifion des crêmens du Rhône furtout
porte fur des faits certains. Premièrement, les iré-
mens doux font aifés à reconnoître , furtout au
deifus de1 Beaucaire, 8c même depuis Beaucaire
jufqu'd la m e r , dans les endroits qu'on appelle
lies du Rhône.
A l’égard des crêmens falés, pour les faire con-
noïtre plus en détail, il faut prendre la chofe d’ un
peu loin pour la mettre dans tout fon jour.
On croit pouvoir fuppofer i c i , fans crainte de
fe tromper , que les eaux de ^Méditerranée fe
font étendues autrefois jufqu’à Beaucaire. La
preuve de cette fuppofition eft claire û l on examine
la qualité du terroir de Beaucaire d’après les
cara&ères qu’on a expofés ci-deflus, & d’après
ceux qu’on y ajoutera par la fuite, parmi lefquels
on indiquera la fituation & l’emplacement de ce
terroir, relativement au niveau de la mer.
La qualité du terroir de Beaucaire m’a montré
partout celle des crêmens c’eft ce qu’on peut re-
connoïtre au bord des marais, c ’eft-à-dire, dans les
endroits les plus bas, lorfqu’on fait creufer environ
quinze à feize pieds pour faire un puits à roue.
On trouve dans toute cette profondeur, même
nature de crément , comme nous l’avons décrite
ci-deflus. D’ailleurs, ce terrain n’eft élevé que de
fix pieds au deflus du niveau de la mer. C ’eft c e
qu’on a vérifié par des nivellemens bien fui vis, qui
ont été faits relativement à un projet de canal formé
depuis long-tems : d’où il fuit que les couches
les plus profondes de ce crément font pour le moins
neuf pieds plus bas que la Méditerranée, & par
conféquent que la mer a dû fe porter dans l’emplacement
qu’elles occupent. On voit même qu’elle
Géographie-Phy/ique. Tome 111,
s ’y étendr.ok inccntelbblement aujourd’hui fi elle
ne trouvoit pas d’obitacle. O r , l’obftacle qui lui
eft oppofé n’étant qu’ un crément. formé par fuc-
ceflîon de tems, & qui n’a pas toujours fubfifté, il
eft naturel de conclure que la mer s’étendoit autrefois
jufqu’ à Beaucaire.
Cette conféquence eft furtout confirmée avec
la dernière évidence par la nature de ces crêmens
falés dont nous avons parlé, lefquels n’ont acquis
cette qualité que parce qu’ ils ont été formés dans
l’eau même de la mer, où iis fe font chargés des
principes de falure & d’amertume qu’ ils ont con-
-fervés. .
Il ne fera donc pas hors de propos de repréfenter
fous un point de vue général l’état où étoit autrefois
ce pays 5 ce qui nous indiquera clairement la
caufe des différentes qualités de terrains qu’on y
trouve aét tellement, foie doux, foi t falés , foie
fertiles , foit ftériles.
. Originairement le trajet qui eft depuis Beaucaire
jufqu’à la mer, étoit un golfe dans lequel le
Rhône fe déchargeoit. Comme ce fleuve a toujours
entraîné beaucoup de limon , il eft arrivé,
par fucceflïon de tems, que ces efpaces occupés
par l’eau de la mer, ayant été comblés par ce limon
du Rhône, ont été aterris de telle forte que
l’inondation a ceffé} mais comme cette opération
s’eft exécutée lentement, il eft arrivé que ces terrains
qui fe formoient ainfi dans la mer, fe font
trouvés imprégnés des principes falins dont l’eau
de la mer étoit chargée.
On concevra facilement la fuite de ces événe-
mens fi l’ on fe repréfente le Rhône débordé &
fe déchargeant dans ce golfe. Le cours du fi.uve
en occupoit le milieu , & Les eaux, s’étendant à
droite & à gauche , & fe mêlant avec l ’eau de la
mer, dépofoient tout ce dont elles éioient chargées,
ç’eft-à-dire, du fable & du limon, avec cette
diftinftion qu.e le fable & le limon groflier fe dé-
pofant dans les premiers momens où l’ eau corn-
mençoit à jouir d’ un certain repos , ils fe trou-
voienc précipités plus près du courant de la rivière
} mais le limon,le plus fin , le plus gras, ayant
befoin d’un plus long repos pour fe dépofer , avoit
le tems de gagner les rivages du golfe, qui étoient
éloignés d’une lieue de Beaucaire } & de cette
manière les lieux les plus éloignés du cours du
Rhône ne recevoient qu’un très-mince dépôt d’un
limon très-fin & très-délié, & c’eft là la véritable
caufe des marais qui font reftés fi bas à côté des
bords du canal du Rhône,qui font beaucoup plus
' élevés. On a des preuves de ces diftinétions de dépôts
en examinant la nature de ces deux fortes
de terrains} car celui des bords du Rhône eft plus
élevé , plus rempli de fable groffier, que le terrain
des marais, qui eft d’un grain plus fia& à un niveau
plus bas. » r r i 1
On a encore une preuve tres-fenfible de ce
que l’on a dit au fujet de la falure de l’eau de ia
mer, qui s’eft trouvée mêlée en grande propor-
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