
CASPIENNE , mer Intérieure ou grand tac
fitué en Afie, & qui reçoit les eaux de plufieurs
grands fleuves, tels que le W o lg â , le Jaïk , & c .
On a donné à cette m e r , dans les differentes
langues de l’Orient, différentes dénominations. On
peut confuîter là-deflus-les Voyages de Corneille
B'uin en Mofcoyie t en Ruffie, & dans l'Inde, page
98 de l'édition hollandaife ; le Voyage d‘ O lé a rlus
en Pcrfs, page. 273, dé. l'édition .allemande, & la
Géographie de Bufching, tome 1er. , page 109 de
l ’original allemand.
_ La figure de cette mer n*eft point ronde, comme
on le croyoit autrefois l’on fait aujourd’h u i,
grâces aux découvertes qui furent faites fous le
règne de Pierre-Ié*Grand, & à celles furtout qu’on
doit à l’habiîé navigateur Woodroof, qu’elle sfe-
fend beaucoup plus du nord au fud ,q u e de l'eft a
Youefi. D'ailleurs, fiés Lords ont diffère ns ënifon-
cémens ou golfes, dont' r a s * de M u , d’Enzelli
& d’AFchraff font les plus çonfidêrabies. Le long
des tôtes occidentales elle renfermé, depuis Af-
trakan jufqu’ à Xftraîbad, un grand norhbre de pêr
tites îles«. Le fond dé fon baftîn, tantôt pur, tantôt
chargé de coquilles, pôrte fouvent, à la diftancé
de quelques milles d’Allemagne des bords, jufqu’à
èrnq cents toifèS de Ruffie de profondeur 5 mais
lorfou’on approche du rivage’ il eft partout fi bas,'
que fesplu£ petits bâtimens, pour peu qu’ ils fdiènt
charges,- font prefque toujours obligés’ dë« reflet
en rade} ainfi l’on vdit qii’un vàifieau de ligne-né
pourront point naviguer fur cette mer fans’ obP
tacles: ’
Lorfque l’on confidère la mer Càfpienne renfermée
de tortes-parts dans les terres, & qu’ on
fait de plus réflexion que fes bords avoifinent dë
très-hautes montagnes , on conçoit aifément pourquoi
la navigation y eft d’une1 nature tciùt-à-fàit
d fférente dé celle qui fe pratique dans les àu&es
mers. Il règne fur cette mer certains vents principaux
qui y exercerit un empire fi'afefolu , qu’oîi’y j
eft très fouvent privé de la refîource cfu’on1 vôu- j
droit fe procurer en louvoyant. C ’eft auffi ce qui |
fait qu’on ne peut pas dire qu’il y ait fur toute
l’étendue de fes côtes ün feul port qui foit parfaitement
fur. On a obferLé que’ce fènElés ^è’nts! de
nord , de nord-ouèft & dfoueft qüi fouffleht lé plus
fréquemment, & qui y eatcitenr lèS plus vicllentéà
tempêtes, f pdong de Ja-côte orientale,- ce font les
vents d’eft qui dominent le plù* fiauffi lë$ vaifféfuix
qui fe rendent de la Përfeà Aitraîcan , diiigem-iis
vol9.ntiiers leur route le long de cetjte coté.
Je dois faire remarquer qu’il y a cette différence
entre les balfins delà fa fie h n ï ik de la Mer-Noire,
qu’ils ne fe prêtent pas également à mncén-ifTaire
qui donne ifiué aux eaux- dii. trop plan. Il fuffit
effectivement de jeter k s yeux fur. les contours
des deiix baflîns où. ces eaux font; raflembiéc-S'i ]
pour, fe convaincre qu’elles affluent de touscôtés} 1
ce .q,ui annonce les pentes jgénéralës. dans tout Je }
contour du.baffin.de \^CaJpienns:3^ l’impoffibilité !
qu’ il s’y forme' un émiffaire p'car aucune petite ne
favorife le débouché des eaux au-.lehors. La même
raifon prouve qu’ uu débouché fouterrain , pour
cette mer., ne peut .avoir lieu vers le. golfe per-
fique } car beaucoup de rivières , dans cet intervalle
coulent vers la Càfpienne en fens-contraire.
• Si. je jette les .yeux fur lu Mer-Noire , fe trouve!
que, du côté du Bofphore, il n’y a point d’eauv
courante qui y afflue dans une grande étendue de
fes côtes , & que c ’eft au milieu de^certe étendue
qu’ a dû s’ouvrir l’émiffaire. C ’èft ainfi que les
confidérations générajes çonduifem à.l’explicarion
des differens phénomènes que noué. offreur k$
grands amas m éd i te r r a' nées : oh voicqtie les dehors
| de la Mér-Nôirè Favorifent l’ouverturè de l’émjf-
faire du Bofphore, & nous prouvent qu’en tout
te ms elle 9 dû fe lier aVec les autres parties de la
: grande 'Médi'rèVranéè * .dont elle eft un appendice
; naturel & conïïdéifàfele'.
j Quoique l'ëterid.ué dë cç.grand, lac fqît mig
1 fijfnfe, i-ièri n’eft moins v^riequë les, productions
qu’ ijrenfërmê‘% i s fon.yaftè baffir; 5 ce duj yienç
certainement de ce au e , tfayant pas'de cômmur
avec^f’OcçÂjp» if lié jpêuc en tirer aucune
de f-sYnépùîfabks prpdiiéHôns. Mais auffi lès
vivans qué. cé lac ftourrit', s’y multiplient, tèlfer
ment, que les RuffêX,;qui:fa,vent feuls. tirer par
de çè grand réferyojr^, le regardent, à bon droit ,
comme, une fourcq; intariiTable dq richeltes^ Dn
conçoit quë V e ft dés poiffons 'dp la mer tdfpiennè
que nous voulons.parleur, & , de (eur peç^ë., ,qui
fait la grande occupation & le principal métier de
tous 1-s peuples, qui. M it e n t le^. bords du. Wolgî*
& du Jàïk. On diftingue cette pêdi3 „ dans la
langue dès commerçais 3 e,n, grande. & en petite
pêche. Ils comprennent, dans la première les
ëfturgeofis, les bélugès,, les fterkfs.à: les fewruT
| gués. La petite pêche comprend la brème ' Pidus ,
| 1 ablette aux yeux jouges.ou cyprinus crychopktal-
rtius y lë mèünier OU cyprinhtfus, le cyprinus rutiïus,
l’ablette, le cypriniis càfpïus Linné, le barbu, lë
cyprinus jefes , lé brochet, la tanthe cypritinica
le faumon, le cyprinus fa n 6, la bielnjn. riBî'za det
Ru/fes, efpèce-de faurnon toute nouvelle, & c . '
phoques mi veatix-marms fbnt les ieuîs qua.-
crupedss qui habitent, la mer Càfpienne j triais ils'é
font auffi tellement abondans , qu’ils y. deviennent
un oioyèn eoufiderabfé de fubfiftânce pour qu'ân-
titë de perfonnés, ainfi.qué daiis le,Groenland. Lei
variétésren font extiêmemeht nombreufes ; elles
Ce jiéduifent.néanmbins uniquement à la différence
des couleurs :.i!.y en a de-tout iioirs , d’autres qui
font; tdutnblâhcs;,. d’autres blanchâtres , d’autres
d’ un blanc tirant fur le jaune, dïautrfesqui font'dé
couleur de fouris , ^ d ’autres qui font tacheté!
comme le tigré i Ils. fe traînent, à l’mdéideieiirs
pattes: de Rêvant, .du.fond die-b mer fuLie rivage
des j le s , où ils«de.viëanent7la- proie desi pê^hèirrs y
qui les/àftbmment avec, de gros bâtons longs« d’une
aune & demie. A mefure qu’on en expédié un-, i)
çn arrive fucceffivement quantité d’autres au fe-
cours de L ur malheureux camarade , & ils n'y
viennent que pour fubir le même fort. Ils ont la
vie finguliérement dure, & font, en état de recevoir
plus de trente coups vigoureufement aliénés
avant de la perdre ; il leur arrive même fouvent
de vivre encore plufieurs jours après avoir été
frappés à outrance. Ce qu’ ils redoutent le plus,
c’ eft le feu & la fumée } auffi dès qu’ ils en apper-
ç ;ivent, ils fe hâtent de retourner dans l’eau. Le
vent ni la pluie ne leur font rien. Ces animaux
deviennent extrêmement gras. 11 paroît chaque
année, fur la mer Càfpienne, plufieurs petits bâtimens
qui partent d’Altrakan uniquement pour aller
prendre des veaux-marins. Il leur eft enjoint de ne
point s’arrêter ailleurs qu’aux îles, parmi lefquelles
il y en a furtout une très-renommée , entre K flar
& Derbent, que l’on nojnme, à caufe de cette
pêche , Vile aux veaux-marins..
Si la mer Càfpienne eft peu riche en quadrupèdes,
elle l'eft encore bien moins, toute propos
tion gardée , en d’autres productions naturelles
qu’on trouve.fort abondamment dans l’Océan. On
n’y rencontre ni zoophyces ni aucun vers du
genre des mollufques. Il en eft de même à l’égard
des coquilles, dont on ne pê«.he que certaines
éfpèces.
Les eaux de la mer Càfpienne ne font rien moins
qu’homogènes. Le nombre confidérable de fleuves
& de rivières qui s’y jettent d’une p art, & de
l'autre la conftitution de fon fond , y occafionnent
bien des mélangés. On peut dire en général que
les eaux de ce grand lac font falées j mais quoique
toute la côte occidentale de cette mer s’étende
depuis le 46e. jufqu’au 35*. degré de latitude fep-
tentrionale, & qu’on pourroit en conclure, pat
analogie , que çes eaux doivent contenir beaucoup
de fe l, jè refultat des expériences faites dans le
Ghilan prouve le contraire, & il eft certain que,
par les vents de nord-r.otd-eft & de nord-oueft,
la falure de cette mer diminue beaucoup, quoiqu’
on puifie également préfufner , avec fondement,
qu’elle, doit une grande partie de cette
falure aux mines de fel exiftantes le long de fes
deux rivages, tant de celles qui font déjà connues,
que de celles dont la découverte eft encore
féfërvée à b poftérfté. Comme la profondeur des
eaux va en diminuant, de pied en pied,, à mefure
qu’on approche du.rivage, ce qui rend les ater- i
rages fi difficiles , de même, auffi la falure de ces
mêmés eaivx s’adoucit en proportion de leur proximité
de La terre ; il arrive auffi. fort fréquemment
que, iorfque de violens vents du nord foufflent , iis
font entrer,, par les embouchures dos fleuves, des
y plumes, confidésrab,les d'eau entièrement douce ,
mais trouble & tellement chargée de terres,-que
ces maffès . d’eau s’étendent jiifqu’ à trois à quatre
lieues en mer. Ces variations que la mer éprouve
jufqiu’à une certaine diftancé de fes prives, & qui
font qçcafioanjées par les eaux -qu’elle reçoit ;de
l’embouchure des rivières & des fleuves, font plus
ou moins confidérâbles, félon la nature des vents
qui foufflent. Elles fe manifeftent autfl pat la couleur
de l’eau, qui, dans ces endroits, paroît tantôt
trouble, tantôt blanche, tantôt jaune , jufqu'à ce
que ces eaux , venant à fe confondre entièrement
avec celles de la mer, & que leur couleur reprenant
pour lors le deflus, on voie reparaître cette
couleur de vert-tendre, affectée à l’Océan & à
toutes les autres mers méditerranées qui communiquent
avec lui.
On fait que toute eau de mer conferve, indépendamment
de fon goût falé, une amertume très-
fenfible} pn fait encore qu’il faut attribuer ce
goût, non-feulement marin, au fe l, mais encore
au mélange de différentes matières qui s’ uniflënt,
dans la mer, au fel marin, comme les bitumes, le
fel.de Glauber, & c . Les eaux de la mer Càfpienne
ont par-deflus tout cela une autre amertume qui
fait fur la langue une impreffion femblable à l’amertume
de la bile des,animaux, propriété qui
eft particulière à cette mer, & qui n’eft pas néanmoins
également fenfible-dans tous les terris. Lorf-
que les vents de nord & de nord-oueft ont régné
long-tems avec violence, cette amertume fe fait
fentir à un degré confidérable, tandis qu’ elle fe
manifefte beaucoup moins par le vent de iud. D ’où
peut d[onc venir cette amertume ? Comme les ob-
fervations qu’on a faites à Baku Sc à Sailiian ont
fourni d’avance la folution.de cette queftion, ainlj
nous allons la donner d’une manière claire & fatif-
faifante.
La mer Càfpienne eft environnée , dans fa partie
occidentale, par le mont Caucafe, .dont la chaîne
principale, prife dans fa largeur., & qui s’étend
depuis Derbent jufqu’ à Afchraff, n’en eft pas la
prolongation. Ce font ces mêmes montagnes qui,
décrivant une courbe près d’Aftnlcin, fe dirigent
vers le côté oriental de la nier Càfpienne, & q ui,
en fe perdant près de l'embouchure du J.«ik, où
elles ne font plus que des monragnes du fécond
rang & difpofées par couches, font couler dans la
Ruffie & dans la Sibérie les Tichefles que ces heu-
r.eufes provinces renferment dans l’ in té rieur de leur
fol. Comme le Caucafe eft un magafin inépuifable
de fubftances combuftibles, il produit en confié-
quence une quantité étonnante de métaux dans
fon fein} auffi voit-on partout, lorsqu'on le fuit
dans fa longueur, jaillir du pied de cette chaîne
immenfe, tantôt des fources chaudes^ ta »tôt des
fiources de naphte de différentes qualités ; ailleurs
pn trouve du foufre natif ou de la mine de v itr io l,
ou enfin des lacs dont l’eau bouillonne d’ une manière
très-fenfible. O r , le pied du mont Caucafe
formant immédiatement le rivage occidental de la
mer Càfpienne, on conçoit aifément qu’il doit lui
communiquer un grand nombre de cas fubftances.
Mais c ’eft furtout au nnphte, dont il y a une fi
prodigieufe quantité dans plufieurs des contrées
qui environnent cette mer, qu’il faut attribuer U