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Autre débâcle de lu Loire.
Après huit jours de dégel, accompagné d'un
vent de fud-oueft, humide 6c chaud, la Loire-,
groflîe par la fonte des neigès} fit un effort prodigieux
pour foulever la glace qui couvroit entièrement
fon lit i & comme cette gface étoit trop
épaitfe, elle rëfifta. A une lieue & demie au deflus
d'Orléans , dans un efpace afièr confidérable;, où
la rivière a moins de profondeur, les glaçons, entraînés
par le courant, s'amoncelèrent à une hauteur
extraordinaire contre la digue, de glace qui
réfiftoit, & le fleuve fe trouva barré dans toute
fa largeur.
Le cours des eaux, prefqu'èntiérement arrêté,
forcé de changer de direction, fe porta d'abord fur
la rive droite, à l'embouchure du canal, près Com-
bleux , & au *ieffus de Bionne. Pàr l’effet de cette
explolion latérale des eaux, les rivages & les vallons
voifins furent couverts de débiis de glaces,
& les bareaux chargés empoites à un quart de
lieue dans les terres. Alors la levée correfpondante
de la rive gauche s’étant ouverte en deux endroits,
vers le château dp l'île & par deux brèches d’environ
cent toites, offrit un nouveau cours à la Loire
& à des glaçons de trente, quarante & même de
cinquante pieds de dimenfîon fur toute face, avec
deux à trois pieds d'épaiffeur : cinq lieues de pays
fertile & peuplé fe trouvèrent fubmergées.
La digue de glace s’amollit enfin tk .s'ouvrit-
La Loire reprit fon cours, & les eaux en fe retirant
lai fièrent voir l'effet de leurs ravages. Tous
les moulins établis fur la rivière du Loiret furent
fort endommagés par cette débâcle delà Loire ,qui
fe porta principalement dans la Vallée de cette
rivière , qui lui fourniflbit un débouché plus ouvert
que les autres parties de fon liû-
Débâcle de lu Vienne.
Dès le 25 novembre les rivières de Loire & de
Vienne charièrent des glaçons qui couvrirert entièrement
leurs coürans.Deux jours après , I'épaif-
feur de ces glacçs fe trouva de dix-huit pieds au
dégel.
La débâcle générale des glaces eut lieu dans la
Vienne le 22 janvi r. D'abord les glaçons éprouvèrent
un mouvement dans les parties fupérieures
de cette rivière, qui les porta jufqu’à Châtelle-
raut le 17. Ce même mouvement s'étendit le
19 jufqu’à Briançon, entre l’île Bouchard & Chi-
non. A l’époque de cett,e fécondé dation des
glaces, la rivière groflit tellement üc fi fubite-
ment, que plufieurs perfonnes furent furprifes
dans les campagnes. Ce ne fut que le. 22 janvier
que la rivière fut débarraflee de ces amas de glaçons
qui en gênoient le cours, & qu'ils gagnèrent
la Loire.
Les glaces de ces deux rivières s’étant jointes,
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s'accumulèrent, & s’arrêtèrent à Dampierre, petit
bourg à une lieue au deflus de Saumur.
Les glaçons de la Vienne entraînèrent une quantité
de bois prodigieufe : outre les éclufes, les
débris des moulins & d ’un grand nombre de bateaux,
on vit flotter avec eux des meubles, des
troncs d'arbres, furtout des aulnes coupés & arrachés
fur les bords de la Vienne & de la Creuze , &
dépouillés de leurs branches & de leurs écorces.
Autre débâcle de là Loiret
La débâcle des glaces de la Loire occafionna encore
plus de ravages que celle de la Vienne. De
tous les moulins qui étoient fur le cours de cette
rivière aucun ne refta intâél, & les débris des
bateaux furent encore en plus grand nombre. Les
glaçons rompirent les digues en plufieurs endroits,
& inondèrent les campagnes & les villages défendus
par ces digues. j
Ces glaces, pouffées avec véhémence, s accumulèrent
à des hauteurs prodigieufes, furtout vis-
à-vis les ponts de Tours. Au faubourg Saint-S y m-
phorien elles s’élevèrent jafqu’ à trente pieds, &
au commencement d’avril il en reftoit encore a
fondre. Elles entraînèrent plufieurs pièces du pont
d’Amboife jufqu'au pont de Tours, & formèrent
ainfi fous ce pont une obflruétion fi complète,
■ que quatre arches de ce pont furent emportées &
détruites.
DÉBLAIS-. Ce font des vides quelconques opérés
à la furface de la terre par l’enlèvement luc-
ceflif d’une certaine quantité de matériaux , vi.ies
dont la quantité & l’étendue peuvent être appréciées
à peu près par l’exiifence des témoins ou
des maffes réfervées, voifines des vides,
i Je commence à confidérer que toutes les vallées
font des déblais de tout le maflif qui fervoit à combler
la vallée & à réunir de plain-pied une croupe
à l'autre & un bord à l’ autre.
C ’e ft, comme on v o it , par les eaux courantes,
torrentielles & pluviales que s’opèrent lès déblais
qui ont fait les grands vidés des vallées. Pour juger
de l’immenfe quantité des déblais, qui aeii lieu à la
furface de la Terre par l'approfondiffement des
vallées , il eft néceflaire de confidérer comme témoins
les intervalles qui font refiés entre les vallées
, quoique ces intervalles aient éprouvé d ’affez
grandsenlévemens& deitruôtionsjen un mot, des
déblais.
Il y a aufli des déblais continuels fur lesfommets
des collines & des montagnes, ainfi que fur leurs
flancs, que j ’ai indiqués dans plufieurs articles de
ce Dictionnaire , & furtout dans ceux de la craie ,
qui çft fi facile à décompofer & à déblayer.
Tout ce que j’ appelle îles terrefires font les témoins
d’autant de déblais. Aux environs de Paris
je trouve plufieurs de ces îles, qui font compofées
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le plus Couvent de la couche des grès 8c des meulières
qui font les plus élevés. _
Les dépôts calcaires ou de pierres de fables établies
dans les grandes montagnes, furies granits
ou autres maffifs appartenans à l'ancienne terre,
ont été détruits dans plufieurs endroits, & il en
fùbfiite de grandes parties qui font encore des témoins
des déblais faits partout ailleurs par les eaux
pluviales: c'eft ainfique, dans lesVofges&r dans les
Pyrénées, j'ai trouvé de ces témoins qui attellent
les déblais qui tint eu lieu partout ailleurs dans
les environs, & partout où les dépôts qui de leur
nature fe continuent fort loin, ont et.é établis : telles
font les parties de pierres de fables qui recouvrent
les maffifs graniteux des Vofges.
DÉBORDEMENS. C'eft l'élévation des eaux
d'une rivière , d’ un fleuve, d’ un lac au deflus des
bords de leur canal, d ' leur baffm ou de leur lit,
Les d éb o rd em en s produifenr toujours l’inondation
du terrain voifin des bords que couvrent les eaux
débordées. Ils Ont lieu le plus fouvent à la fuite
des pluies longues ou abondantes, ou dt la fonte
des neiges : tes eaux étant pour lors chargées_de.
limon ou de tqfre dépofent le plus fouvent ces matières
fur les bords inondés, ou elles jouiflent d’un
certain repos qui favorife cette précipitation.
11 y a dés débordemens périodiques , il y en a de
temporaires, il y t a a de purement accidentels ,
oui pe tiennent qu'à des circonftances variables.^
Les premiers font affujectis à certaines contrées
de la terre, & tiennent à des circonftances régulières
qui appartiennent à ces contrées.
Les temporaires tiennent à d’autres fyftèmes de
polirions. .
Enfin, dans les zones temperees, ou tout elt
variable , les débordemens le font aufli.
C'eft furtout aux crues 8c aux ■ débordemens
qui en font la fuite, que font dus les tranfports des ]
matériaux entraînés des parties élevées dans les
plaines, 8c l'élévation de ces plaines. _
L'origine des débordemens font les pluies ou les
fontes des neiges.
Effets & circonftances des débordemens.
Il arrive fouvent des inondations, c'eft-à-dire,
des crues fubites 8c confidérables qui caufent de
très-grands dommages , parce que les eaux fe répandent
fur toute l’étendue des plaines torrentio-
pluviales, où font les habitations 8c les cultures i
cependant ces défattres doivent être confidéres
plutôt comme la fuite des anticipations imprudentes
que font les hommes fur l'ancien domaine
des eaux courantes, que l'effet d'un dérangement
dans l'ordre de la nature. Les hommes n om pas
affez examiné quel etoit l'erat d une riviere lur
les bords de laquelle ils ont établi des batimens
q u i, dans des tems plus reculés , fe trouvoient
placés fur des hauteurs où 1 on n avoir rien a crain- L
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dre de pareil. Les événemens extraordinaires de
notre époque étant beaucoup plus fréquens dans
des époques antérieures, on n^ s expofoit pas a
leurs ravages. A mefure que la fréquence a diminué
, l’appât du gain dans les plaines fertiles y a
tranfporté la culture de l’habitation des cultivateurs
: & c'ell ainfi que des vilies entières ont été expo
fées à des inondations qu’ on a regardées comme
un défordre de- la na.ure. Ces effets, bien appréciés,
annonçoient feulement que les hommes
étoient plus avides & plus imprudens que ne con-
portoit l’état des chofes. Il me paroîc que toutes
les inondations font dans ce cas, âc que tous les
ravages font de nature à être prévus ou prévenus.
Débordemens des rivières.
Le débordement des eaux du Lot fut tres-confide-
rable ep 178 3 au mois de mars. Cette rivière, groflie
par une fonte de neiges abondantes, accumulées,
pendant fhiver pluvieux , lur les montagnes des
Cévennes , fubmergea entièrement les plaines qui
forment le tond de la vallée ou elle coule. Ce tut
furtout aux environs de Cahors qu'on éprouva
les plus grandes inondations. Dans la nu't du 6 au
7 mars la crue fut fi rapide , que, dans l ei'pace de
douze heures, 'es eaux s’élevèrent à trente-quatre
pieds au deflus du niveau de leur lit ordinaire»
Leur élévation furpafla de plufieurs pieds eeiles
où elles s’étoient élevées précédemment dans de
pareilles crués : plufieurs maifons furent Culbutées,
&• toutes les habitations placées dans ces plaines
fiuyiales , ainfi que les cultures, éprouvèrent les
phis grands dommages : les moulins furent aufli
emportés.
La Loire monta à Nantes a dix-huit pouces
au deflus des grandes eaux de 1 7 1 1 , les plus fortes
dont on fe fouvenoit. Cette grande rivière rompit
fes digues en deux endroits. Saumur fut entouré
d'eau pendant plufieurs jours, & on y fut réduit
à une efpece de difecte.
L’eau des cru.es d’ une rivière, pour être bien
fehfible &r produire un débordement un peu confi-
derâblé, doit être fournie par toutes les vallées d’un
bai fin ou les principales vallees de ce baflin : ainfi le
débordement de la Seine à Troyes , dans un grand
orage qui parcourut une grande vallee , produifit
une crue, une eau trouble à Paris ; mais la rivière ne
déborde que lorfque les rivières fecondaires fourni
fient en même tems une grande quantité d’eau.
De même la Marne déborde quelquefois fans que
la Seine, à Paris, éprouve un débordement.
Dans les débordemens qui eurent lieu à la fuite
de la fonte des' neiges fur la fin de l'hiver de
1784, les eaux reprirent leurs anciens cours indiqués
par des dépôts très-aifés à seconnoître ; ce
qui'prouve que , dans les anciens tems , pareilles
abondances d'eau ont produit de femb.lables inondations
& dépôts. Partout où j’ ai pu recueillir des
éclairciflemens fur la marche des eaux, je me fuis