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fentes des montagnes on rencontre en quelques
endroits de la pierre de corne veinée & tachetée,
& du talc blanc & pur, dont les lames n'ont guère
plus de fixpouces de longueur. Ainii l'on v o it,
par ces fubnances & par d’autres que nous avons
indiquées, que cette chaîne maritime renferme
des pierres affez femblables à celles des montagnes
granitiques j cependant elles font toutes
recouvertes par dès bancs de pierres calcaires
ou horizontaux, ou inclinés à l’horizon, & dont
les déplacemens font vifibles. Vers Caffa les bancs
calcaires, qui n’avoient montré dans toute rétendue
de la chaîne maritime méridionale aucune trace de
corps marins, offrent de nouveau, dans les couches
calcaires, des coquillages pétrifies.Celle aux pieds
de laquelle eft fitué Caffa eft compofée en grande
partie d’argile marneufe, blanchâtre, mêléed’ocre
jaune. La pierre qu’elle renfèrme dans fon intérieur
n’eft qu’ un amas de petites coquilles.
Le rivage de la m er, qui depuis Boulaclava juf-
qu’à Caffa eft couvert de fable gris & de cailloux
-foulés , l’ eft ici de gravier jaunâtre , au milieu*
duquel croiffent des joncs, où habitent différens
coquillages : la mer y rejette aufli de l’algue.
La nature femble avoir terminé la partie mon-
tueufe à Caffa, de telle forte que de là vers l’orient
commence la prefqu’ïle de Kertfch, qui par la nature
de fon fol diffère totalement des parties de
continent que nous venons de décrire en détail.
Climat de la Crimée ou de la Tàuride,
Relativement au climat, la nature a favorifé la
Crimée par la nature de fon fol comme par fa
pofition. Si l’on en juge par fes produ&ions végétales
, on ne peut douter de ces avantages > car
.indépendamment des quantités d arbres & de
.plantes propres feulement aux pays chauds, les
fruits les plus délicats, qui demandent un grand
foin & des arbris contre les froids dans les contrées
-tempérées , mûriffent en ’ Crimée dans les jardins
fans aucune peine, fans aucun travail, comme on
l’a vu dans la defcription précédente.
La falubrité du climat doit.encore fe confirmer
par la confidération que la chaleur y régné les
trois quarts de l’année, & quelquefois que la
végétation n’y eft interrompue que quatre mois
dans l’année, & quelquefois moins. Le printems
commence au mois de mars : c’eft alors que la
chaleur fait difparoître infenfiblement les effets
des variations du tems pendant 1 hiver. C eft ainfî
<ju’on parvient aux plus grandes ch a le u r sq u i
régnent depuis la mi-juin jufqu’à la fin d’août.
Quoiqu’on n’ ait pas encore conftaté par des ob-
leryations fuivies jufqu’à quel degré ces chaleurs
parviennent , en général on peut affurer qu’elles
font très-fortes; mais les vents forts & conti*
nuels qui pendant tout ce tems foufflent avec une
régularité fingulière depuis dix heures du matin jufqu’
à fixheuresdu foir, les tempèrent, & les rendent
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plus fupportables que dans beaucoup de provinces
méridionales de la Ruflie. Les pluies fréquentes
, accompagnées de tonnerres violens,
contribuent aufli dans la même faifon à rafraîchir
l’ air.
Dès les premiers jours d’août les nuits commencent
à être fraîches, & dès l a i mi-aour les
chaleurs du jour mêmecommencent à diminuer.
Les mois de feptembre & d’oétobre forment communément
la plus belle faifon de l’année : la chaleur
eft modérée pour lo rs , & la température
agréable} ce qui continue jufqu’à la moitié de
novembre fans interruption. A la fin de ce mois
commence ordinairement l’automne, fuivi en dé-
.cembre d’un froid très-inconftant & de neiges j
ce qui conftitue l’hiver. Les gelées qui furvien-
nent alors ne durent jamais plus de deux ou trois
jours, & il arrive même qu’on a des jours chauds
& agréables dans le mois de janvier.
Quant aux. différens vents obfervés dans toutes
les laifons de l ’année , ceux du nord & du nord-
eft peuvent être comptés pour les plus conftans i
car. ils régnent plus long-tems que les autres , &
traversant de vaftes plaines où ils ne rencontrent
aucun obftacle à leur marche , ils foufflent toujours
avec force & impëtuofité, apportant la neige
& le froid en hiver, & un tems nébuleux en automne
& au printems ; mais en été les mêmes vents,
fervant le plus à rafraîchir l’air, doivent être confi-
dérés comme un don particulier de la nature dans
la Çrimée, . -
Les autres vents, au contraire, changent fi fou-
vent de force & de direction, qu’on peut les con-
fidérer en général comme inconftans par rapport
à cette contrée j ils n’ont aucun effet fenfible &
remarquable, excepté ceux du fud-oueft qui foufflent,
quoique rarement, avec une certaine force,
le plus fouvent en automne. Pendant qu’ils régnent
on obferve une certaine chaleur particulière
dans l’ air. De plus, ils font accompagnés de
féchereffe, indépendamment de laquelle le ciel elfc
couvert de nuages : en quoi ces vents reffemblent
affez à ces ouragans chauds de la Perfe & des autres
provinces voifines d e l’ Afie, qu’on peut les
conftdérercomme produifantdes effets femblables.
Le degré de chaleur qu’ils occafionnent dans l’air
n’eft pas aufli confidérable à la vérité qu'il l’eft en
Perfe. D’ailleùrs, iis n’y produiront pas des effets
aufli funeftes à la fanté des habitans , qu’en Afie ;
& il eft vraifemblable qu’en traversant toute la
longueur de la Mer-Noire, ils perdent de leur
malignité.
La différente pofition des lieux de la Tauride
occafipnne quelque différence dans leur climat.
Ainfi, dans toutes les plaines qui s'étendent depuis
le Niéper jufqu'aux chaînes de montagnes que
nous avons décrites, on éprouve des chaleurs plus
vives & des froids plus confidérables qu’ ailleurs;
Les pluies mêmes y font plus rares en é té , parce
qu’ un fol nu & uni , donnant toute liberté aux
' vents
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vents forts qui y régnent, de fouffler, ils diflipent
tous les nuages pluvieux.
Mais dans les diftritts des montagnes on trouve
une différence notable entre le climat des lieux
fitués vers le nord, & ceux qui ont leur afpeét au
midi, malgré le peu de diftance qu’il y a des uns
aux autres. D eft vifible que ces derniers endroits,
étant à couvert des vents du nord par de hautes
chaînes de montagnes, font moins expofés à l’action
des vents froids qui foufflent de cette région
, que les lieux qui font fitués au nord. Les vapeurs
chaudes de la mer, dont ils reçoivent plus
facilement l’influence , contribuent à y tempérer
l’air. Aufli rencontre-t-on fur les croupes des montagnes
qui font tournées au midi, des plantes particulières
qu’on ne trouve pas dans d’ autres expo-
fîtions.
En é t é , l’a&ion de la chaleur du foleil y eft
beaucoup plus forte , parce que la grande chaîne
de montagnes qui s’étendent le long de la côte ,
réfléchit les rayons du fo le il; 8c quoique les vapeurs
produites par l’évaporation qui a lieu fur la
mer en accumulant les nuages contre la face méridionale
des montagnes tendent à y produire des
pluies abondantes, cependant elles font rares dans
la partie méridionale, parce que les vents de mer
diflipent les nuages à mefure qu’ ils s’élèvent, 8c
les chaffent loin au nord, d’où il arrivé fouvent
q ue, dans le même tems qu’on éprouve des pluies
fortes au nord de la chaîne, on jouit du côté op-
pofé d’un tems ferein, où l’on y reffent de fortes
chaleurs.
La difpofition des parties montueufes qui forment
cette chaîne méridionale & les diverfes ouvertures
qu’elles biffent entr’ellês occafionnent
plufieurs Angularités remarquables dans la marche
8c les effets des vents ; car dans quelques-uns de
ces endroits ouverts à plufieurs afpeéts les vents
changent plufieurs fois.en un jour de force-& de
direction. 11 arrive même qu’il fe forme des ouragans
fi violens en conféquence de ces variations,
que les campagnes en font ravagées, 8c les plus
grands arbres déracinés.
Mais ce qui mérite- le plus d’ être remarqué ,
c ’eft un certain vent du nombre des vents inconf-
t'ans que'nous avons diftingués ci-devant, qu’ on
éprouve dans le canton de Boulaclava 3c dans
d’autres endroits de la côte méridionale , q u i, à
l’ inftar de ces raffales de mer, commence par fouf-
fler avec violence, 8c s’ appaife après un court ef-
pace de tems ; & quoiqu’ il ne s’élève le-plus fouvent
qu’après le coucher du fole il, il biffe après
lui une chaleur confidérable dans l’air. Sa direction
ordinaire eft du côté de la mer.
Si l'on confidère l’air de toutes les contrées de
la Crimée ou Tauride, relativement à b falubrité,
il paroît qu’ il n'eft nuifible nulle part, que dans
certains lieux fitués proche Sivache.
Toutes les habitations y font placées dans une
pofition fuffifamment élevée au deffus du niveau
Géographie-Phyjique, Tome III,
de la mer : on n’y rencontre ni grands marais ni
eau ftagnante, 8c d’ ailleurs les vapeurs qui s'élèvent
des mers voifines fe diflipent par les vents
continuels. Le canton de Sivache feui eft fujet a
des vapeurs malfaifantes qui s’élèvent pendant les
chaleurs de l’été , mais qui ne fe répandent pas au
loin, 8c ne font fenfibles que dans fon voifinage ,
encore îorfque le vent porte les vapeurs dans l’intérieur
dès terres.
D'ailleurs , on doit confidérer que , dans b Crimée
ou Tauride, les habitations ne font pas toutes
dans les mêmes ci-rconftances, 8c que par confé-
uent l’air doit être plus fain dans les unes que
ans les autres. La partie vnontueufe eft regardée
avec rai fon, comme 1a plus faine, à caufe de la
belle ex pofition & de 1a bonté de fes eaux. En-
fuite viennent les cantons de Koüow & de Kertfch,
qui font préférés à tous les autres.
Productions de la Crimée.
En parlant de la fertilité du fol de b Crimée 8c?
de for climat’ dans les deux ferions précédentes
de cet article, nous avons fait connoitre que le
règne végétal y étoit tvès-abondant. Nous allons
donc rendre compte des principaux produits qui
le compofent.
Les plantes font aufli variées dans 1a Crimée, que
les contrées qu’embçaffe l’étendae de fon territoire
le font par leur fituation & leur expofition,
par 1a nature & les propriétés de leur fo l, & par
la température de l’ air.
Relativement à leur conformité avec les plantes
des autres pays , confidération qui entre dans
le plan de b géographie-phyfique , les végétaux
de b Crimée font pour là plupart des mêmes efpèces
que ceux qu’on trouve dans les contrées méridionales
de l ’Europe; mais il y en a plufieurs
efpèces, furtout dans 1a chaîne méridionale des
montagnes, qui ne font indigènes que de i’Afîe
feule : ce font, pour la plus grande partie, les
efpèces qui croiffent fur b côte oppofée, en Na-
tolie, & qui nous font déjà connues par les fa-
vantes deferiptions de Tournefort.
Il faut aufli remarquer qu’on trouve fur les
chaînes de montagnes élevées, des efpèces qui ne
croiffent communément que dans les pays fepten-
trionaux. C ’eft par 1a même raifon que, fur les fom-
mets les plus élevés de ces montagnes, on trouve
des plantes alpines.
Les plantes potagères font la plupart des efpèces
qu’on a tranfportées des pays voifins & furtout de 1a Turquie; & la différence qu’on peut remarquer
entr’elles dans divers endroits ne dépend pas
autant des caufes phyfiques, que des foins qu'en
prennent les habitans.
Des jardins. Les endroits où 1a plus grande partie
des jardins font plantés & cultivés dans b Crimée ,
ont déjà été indiqués ci-deffus dans 1a defcription
du fol. On peut dire en général qu’ ils font Bbbb