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J’ai remarqué que, dans la partie inférieuré des
croupes de plufieurs vallées, & furtout de celles
qui font approfondies dans la nouvelle terre ,
il y avoit beaucoup d’altérations & de deftruétions
qui a voient non-feulement contribué à la forme des
croupes, .mais encore à l’état de la vallée, quant
aux eaux qui y circulent.
Il y a des.croupes qui ont éprouvé des éboule-
mens considérables, dont les matériaux font dif-
perfés le long des croupes. Souvent ces éboulemens
n’ont entamé que les extrémités des couches ;
fouvent auffi ils ont.pénétré dans l’intérieur de
ces couches, qui ont été culbutées les unes fur les
autres. Ce genre de déplacement n’ a pas tellement
détruit l’organifation & ladiftinétion des couches,
que l’eau pluviale n’ait pas continué à circuler
dans l’ intérieur des lits des affiles, & à paroître
au dehors par des filets d’ eau plus ou moins abon-
dansj en un mot, par des fources dont les eaux fe
réunifient aux ruiffeaux ou rivières qui coulent au
fond de la .vallée.
11 y a d'autres croupes dont les couches ont été
totalement déforganifées, de manière que leurs
diftin&ions ont été détruites,& qu’ellès fe trouvent
réduites, furtout à leur partie intérieure, en maffes
informes, qui peuvent bien abfôfber l’eau des
pluies, mais non les verfer au dehors par des épan- ,
chemens fuivis : aufli n’y voir-on de fources que
danslesendroits oùies couches fuivies Scdiftinaes
fubfiftent encore.
J’ai pu voir tous ces détails dans des coupures
larges & profondes faites en plufieurs endroits des
environs de Paris, à la partie inferieure des croupes.
Les lits de pierres calcaires ont été confondus par
leurdécompofition. Leur tillu primitif, fin & ferré,
n’eft confervé que dans les noyaux qui font enveloppés
de détritus pierreux , qui, ayant été fort
comminués, ont d’abord formé une pâte à laquelle
l’infiltration des eaux a donné une certaine con-
fiftance,
ÇR O ZO N , bourg du département du Finifterre,
arrondiffement de Château-Lin, près de la baie
de Douarnenez, à quatre lieues fud de Breft. C ’eft
un des plus confidérablés cantons de l’arrondiffe-
ment, pays de fables & de rocher ; msais la né-
ceffité a obligé les habitans d’y cultiver les terres.
La pêche elt affez commune dans la riche baie
de Douarnenez. Cette commune a un fyndiç des
marins.
C r o z o n , village du département de l’Indre,
canton d’A iguranoe, fur la Bordefoule , à trois
lieues de la Châtre. Il y a une forge qui tire la
fonte d'un fourneau qui eft à deux lieues de là
dans la commune de Cluis- Déffous. Cette forge
e ft compofée de deux affineries, d’ une chauffrerie
& fonderie. L’eau vient d’un étang abreuvé par
plufieurs ruiffeaux qui Portent de la plaine Sc de la
jdlle d’Aigurande.
c r o CRUES DES RIVIÈRES E T DES'FLEUVES.
Ce font des augmentations plus ou moins confidé-
rables qu’éprouvent les eaux d’un fleuve ou d’ une
rivière , & qui vont jufqu’àu débordement.
Les crues des rivières ne- fe font qa’après des
pluies abondantes & fôutenues, ou à la fuite d’un
orage qui a parcouru une grande partie du baflm
d’une rivière, ou enfin par la fonte des neiges. Il
y a des crues accidentelles & d’autres périodiques
& régulières qui ont lieu dans certains tems de
l’année.
Le dernier degré de la crue des fleuves & des
rivières eft le débordement lorfque l’eau , ne pouvant
pas être contenue dans leur canal,franchit fés
bords & va couvrir les plaines baffes &: voifines
de leur lit. ( Voye[ D ébordement.)
Il y a des crues qui ne contribuent qu’à remettre
une rivière à un certain degré de plein, & à
l’entretenir par des augmentations qui ont lieu de
tems en tems : ce font les effets des pluies de
l’équinoxe au milieu de l’é té , des premières pluies
de l’automne, & des pluies de l’hiver à la fuite
des dégels.
Les crues occafîonnées par la fonte des neiges
ont une certaine régularité dans les rivières qui
prennent leur fource au milieu des montagnes qui
fe dépouillent entièrement des neiges que l’hiver
y amène : ces crues s’élèvent en conféquerice à
un certain degré qu’elles ne paffent guère, & elles
diminuent avec la même régularité. Quant aux effets
de la fonte des neiges & des glaces dans lès
glaciers, ils font plus durables & plusconftans, à
moins que cette fonte ne foit précipitée par
quelques chaleurs vives & accidentelles ; ce qui
n’arrive que très-rarement. Dans ce cas les rivières
éprouvent deux fortes de crues , les unes journalières
, périodiques , parce que la fonte des glaciers
ceffant la nuit, les rivières qui font alimentées
par les produits de cette fonie éprouvent pour
lors une certaine intermittence à laquelle fuc-
cède petit à petit la crue produite par la fonte du
jour : telle eft l’ Arve , qui prend fa fource dans les
glaciers deChamouni »mais lorfque l’Arve .eft réunie
au Rhône on ne s’ apperçoit plus guère du jeu des
crues journalières à une certaine diftance. A Lyon ,
par exemple, il faut y faire une grande attention
pour y diftinguer les effets des crues de l’ Arye
par une hauffe légère que ces crues y produifent
journellement. Les crues annuelles font beaucoup
plus fenfibles dans les rivières qui font alimentées
; par les glaciers. A mefure que la chaleur augmente,
; les eaux agmentent par des crues qui font remarquables
, même dans les lacs que ces rivières tra-
verfent, dans le trop plein de ces lacs & dans le
refte du cours de ces rivières.
Il y a des crues fubites produites par des orages;
mais elles ne. font bien remarquables qu’autant
que l’orage a parcouru la plus grande partie des
vallées qui forment le baflin d’ une rivière. Il y a
quelques années un orage confidérable qui fe fit
fentit
C R U
fentir aux environs de Troye's , ayant été concentré
dans cette partie de la vallée de la Seine , ne
produifit dans la Seine-à. Paris qu’une hauffe- fort
peu confidérable : on ne la remarqua que par la
couleur de l ’eau , qui fut troublée, & devint fort
jaune affez fubitement faufil les crues de la Seine
ne font bien fenfibles à Paris que lorfque la Marne
& l’ Yonne fe réunifient à la Seine. On n’éprouve
que des crues incomplètes & partielles lorfqu’une
feule de ces trois rivières fournit à ces -crues ;
mais comme malgré cela elles fuffifent pour rendre
les rivières navigables & marchandes pendant
l’été ou dans l’automne, les bateliers les attendent
fur les bords de ces-rivières pour profiter du premier
flot, & faire des navigations plus promptes
& plus heureufes.
Il en eft de même de la Loire & de l’Ailier pour
les convois des bateaux de charbon & d’autres
itiarchandifes qu’on met en dépôt dans certains
ports : leurs crues , même les plus légères , favorisent
ces tranfports. C ’eft fouvent à de pareils
bienfaits de la nature, qu’on doit le fuccès d’une
fpèculation de commerce & l’abondance des
denrées dans les grandes-villes. {V oy e lle s articles
de ces rivières. )
M. A montons a trouvé que, depuis le 14 frp-
tembre 1703 , jufqu'au 10 février 1704, la Seine
avoit éprouvé h\nt crues, qui réunies toutes enfem-
ble faifoienc deux cent vingt-trois pouces d’eau ,
& avoient duré foixante-dix-fept jours; que depuis
le io février 1704 , jufqu’au 18 Septembre
fuivant, il y avoit eu huit crues, qui n’avoient
produit que cent foixante-trois pouces, & avoient
duré foixantè-dix jours : -d’où ce phyficien con-
cluoit que les pluies qui avoient contribué à gro(-
fir la Seine avoient été plus fuivies depuis l’équinoxe
d’automne, jufqu’ à celui du primems 1704 ,
que depuis ce dernier équinoxe jufqu’à l’automne
luivant, puifque la quantité d’eau qui avoit produit
les premières crues étoit prefque double de celle
qui avoit fourni aux autres , & que le tems étoit
prefqu’égal, ainfi que le nombre de ces crues.
Quant à ce qui concerne les différentes defeen-
tes de l’eau , qui avoient eu lieu entre ces crues ,
il a trouvé que leur étendue avoit plus de proportion
avec leur durée : d’où il femme qu on peut
conclure que les eaux ne baiffent pas auffi promptement
qu’elles montent j ce qui peut venir de
plufieurs caufes : i° . de ce que les rivières , dans
le tems qu’elles font groffes, fôutiennent les eaux
qui font diftribuées de part de d’ autre de leur lit :
ce font ces eaux qui contribuent, a mefure que
celles de la rivière diminuent, à verler dans leur
canal une quantité d’eau uniforme qui fert à les
entretenir plus long-tems à un certain degré d é -
lévation ; 20. l’eau des pluies ayant pénétré doucement
dans les terres en grande partie pendant
que l’autre, qui couroit à la fuperficie , étoit employée
à la crue, s*épânchoit par les fources d un
cours ménagé, & fe joignoit à la première eau
GéographU-Phyfique, Tome 1LL*
C R U ' - 5 6 gtorrentielle
dont on a fait mention. Au moyen
de cette double di(tribution des eaux pluviales le
long des canaux des rivières , elles font entrete-«
nues bien plus long-tems dans leurs baiffes & dans
leurs diminutions. .
Au refte, il feroit à defirer qu’ on multipliât les
obfervations qu’on pourroit faire fur les crues &
lè,s diminutions des rivières, & il eft à préfumer
qu’on auroit des réfultats qui varieroient fuivant
que les rivières feroient plus ou moins torrentielles,
G’ eft d’après ces vues qu’on devroit fuivre les
crues du Rhône & de la Saône, de la Loire &c de
la Garonne ; & d’après un nombre fuffifant d’obfervations
exactes fur les hauteurs de ces rivières
en différens tems, on pourroit en tirer des con-
féquences très-lumineufes & très-intéreffantes fur
la marche des eaux courantes à la fuperficie de la
France, & fur la différente diftribution des pluies,
fuivant les diverfes contrées.
L’eau du fond des rivières qui doivent éprouver
une crue commence à. s’accélérer ferfiblement
dans fon cours , & c’eft ce que les gens de ri--
v 1ère s , qui font fort attentifs à ces fortes de mou-
vemerts, annoncent en difant que la rivière mouve'
du fond. ( Foyei ce mot. ) Mais ce phénomène fe
trouve lié à une circonftance auffi remarquable ,
quoiqu’on n’en ait encore rien dit ; c’ eft le fou-
lévèment des fables & des vafes limoneufes qui
font dépofes furie fond du lit des rivières, &r qui,
fe mêlant à l’eau, contribuent à rendre d’abord
les eaux du fond plus ou moins troubles; &
comme cette teinte fe diftribue affez promptement
à toute la maffe des eaux courantes de la rivière,
le mouvement du fond fe reconnoît par le ton-louche
que prend cette eau.
C ’eft âinfi que l’accélération du mouvement des
rivières qui enarient des glaces dans les heures où
le foleil paro'ic, eft fui vie 'de l’afeenfion de s glaçons
qui fe détachent du fond , & de l’augmentation
de la teinte jaunâtre que prend la maffe de
l’eau courante. Ces mouvemens font toujours fuivis
d’une certaine crue. ( Voyeç Gla c es des r i -,
V ières. )
L ’eau d’une rivière fe trouble & fe charge de
terre, d’ autant plus que la crue eft plus rapide
plus confidérable, parce que l’enlèvement des
terres que les eaux torrentielles délaient, eft en
raifon de leur maffe & de leur viteffe , & que la
grandeur des crues dépend des mêmes circor.ftan-
ces. Il faut cependantconfidérer la nature des terres
que l’eau des pluies qui tombe dans une vallée
peut délayer, & dont elle peut fe charger ; car
l ’effet des crues doit varier comme ces circonftan-
ces. On remarque, par exemple, à Paris, que
l ’eau de la Marne, à égalité de crue avec la Seine ,
eft beaucoup plus chargée de terre jaune & même
rougeâtre, parce qu’elle en rencontre une plus
grande quantité dans les parties fupérieures de fon
baffin, où fe trouve un grand nombre de mines ds fer. ( Voy£\ Ma r n e . )