
pluies & aux eaux courantes, puiffe fe foüftraire
à cette diftribution de vallées ou vallons.
La ligne du Commet général de l’Europe fe continuant
avec celle de tout le continent de l’Afie
qui lui çorrefpond , commencera en Efpagne à la
Sierra-Morena dans l'Andaloufie, & fe terminera
aux fources du Volga & du Borifthène, où commence
le Commet de l’A f ie , en formant deux
branches , dont l’une Ce dirige vers la Sibérie, &
l'autre vers l ’Arménie, & qui, s ’éloignant beaucoup
l’ une de l’autre, fe rapprochent enfuite, &
Ce rejoignent vers les frontières de la Chine. Ces
longs Commets forment à la furface des continens
un grand nombre de finuofités qui fe voient
mieux fur les cartes d’Europe & d’A fie , ou fur
celles des contrées particulières par où elles paf:
fent, que par tout le détail que j’en pourrois indiquer
ici. Arrêtons-nous donc à réfléchir fur l’origine
de ces finuofités..
Les fommets formant primitivement des réfeaux
irréguliers on fent bien que les parties les plus
entières qui en font reliées, ont dû eonferver leur
ancienne difpofition, & nous repréfenter fur les
continens, qui font fort longs, des efpècës de
replis tortueux qui ferpentent, d’une extrémité à
l’autre avec une forte de bizarrerie. Du midi de
l’Efpagne, le Commet général remonte vers les
Pyrénées, où il tourne à Ifeft, puis fe dirige au
nord & pénètre dans le milieu de la France; il fe
replie enfuite vers l’eft par les VofgeS j redef-
cend au fud-eft , & travetfant les Alpes.il continue
à décrire dan?TAlkmagne j la Pologne, &c.
de femblables irrégularités. Mais indépendamment
de çes détours qui embraffent des contrées fort
étendues, ces grandes courbes ne font compofées
elles-mêmes que d'une .infinité d’autres plus petites
; en forte qu’il eft rare que ce Commet général
décrive plulïeurs lieues fans changer de direction.
Je foupçonnerois que ces finuofités particulières,
qui font ifi multipliées au milieu des grandes ,
ont été produites ou par des affaiffemens ou plus
généralement par le travail des anciennes Courtes
u i, foulevant ou minant & entraînant les terrains
e de flous lefquels elles fottoient en abondance,
o n t, pendant teut le tems de leur éruption, fait
reculer plus ou moins, & ont changé .& altéré la
direction de ces fommets, autrefois plus égale &
plus régulière.
C ’eft de cette forte qu’on a tout lieu de croire
que ces efpèces de golfes, tracés par cette ligne
du fommet général-autour de la Franche-Comté,
de la Suiffe, de la Bohême , doivent en partie leur
origine aux fourçes de chaque fleuve, ae chaque
rivière confidérable f fe trouvant par-là logée
depuis long-tems dans ces enfoncemens qui, pour
. avoir été; d’ abord des bafiîns particuliers & fermés,
ont été enfuite ouverts'& affouillés par les
eaux courantes qui en ont dégorgé : tels font
figurés fur les cartes, en Efpagne, l’Ebre ; la
Jteire, la Saône, le.Doubs, le Rhône en France;*
le Rhin, le Mein, l’Elbè & le Danube en Allemagne
$ la Viftule en Pologne, & le Pô en Italie
,& dans les Alpes, &c.
Des effets de cette étendue auront peut-être
de la peine à fe concevoir; mais en confidérant
les mêmes travaux de la nature, du petit au grand,
on fe rendra leur poflibilité très-fenfible.
Si l’on examine la plupart des lieux d’où fortent
préfentement ces fources^ & ceux dont il devoit
en fortir autrefois, c’eft de deffous des-xuines pour
la plupart, dans les pays des rudes montagnes j
c’elt du milieu d’immenfes excavations s & de del-
fous des amas énormes de roches brilèes & cul>
butées, dont un grand nombre font encore comme
fufpendues à tous les revers des environs.
Dans, les contrées où les montagnes font moins
hantes & les terrains moins folides, les fources
fortent ordinairement de côtes circulaires & ef-
carpées , & fouyent d’un, entonnoir ifolé qui
forme le cul-de-fac où commence la vallée.
La fource de la Marne fort ainfi d’ un demi-
cercle ou amphithéâtre taillé prefqu’aplomb. J’ai
reconnu , fur les lieux, que ce font les eaux ,
autrefois plus abondantes, de cette fource, qui
ont creufé.ce demi-cercle en emportant & dé-
truifant ce qui les gênoit. le plus dans leur éruption.
,On ne peut difconvenir, en confidérant la
coupe des lits de pierres qui fe montrent à découvert
aux deux extrémités & dans le contour de
l’amphithéâtre, que,, malgré l’inrervalle qui les
Çépare, eës jits^p’àient été autrefois continus, &
que,'le 'vide n’ait été rempli de matériaux tout
(emblables à ceux des terrains qui fubiiftent, &
pofés dans le même ordre. Le travail de cette
fource, comme je l’ai déjà dit, s’ eft creufé un demi-
cercle qui peut avoir quelques centaines de toifes
d’ouverture. Si l’on confidère en même tems les
; trois principales fources de la Maine, favoir : la
Marne proprement dite, la Bonelle & le Petit-
L ie , l’ on voit d’abord que chacune en .particulier
eft logée dans un petit g o lfe , & q ue , prifes en-
fembie , elles en forment un. autre plus grand d’une-
lieue de profondeur, fur tiois de largeur; ce qui
fait faire une finuofîté, au Commet général en cet
endroit. L’ infpeélion des trois vallées fait de même
connojtre qu’elles ont été creufées par les autres
fources, & que les terrains qui les rempfifîbient,
ainfi que ceux qui les furpaffoient > ont été détruits
& emportés par leurs courans, dont les effetVdu
choc font encore trè$-recpnnoiffables fur tous les
revers efcarpés qiue l’on y remarque; & ce long
promontoire, à l ’ extrémité duquel la ville de
Langres eft fituée ,<étoit autrefois continu & con-,
tigu avec les terrains de Breuvonne, de Poigny ,
de Noydant-le-Torcheux, de Molandon,
Nous renvoyons à ces Contrées pour vérifier toutes
ces formes de terrains fi inftruètives..
On peut, par céf exemple, juger de l’origine
des plus grands golfes & autres enfoncemens qui fe
remarquent dans la ligne de direction des fommets
de
de l’Europe & des autres fommets du Globe.
Chaque fource, comme on voir, s’eft creufé un
petit entonnoir : les principaux ruiffeaux en ont
fait de plus fen fi blés. La tête des rivières a formé,
par leur réunion, des golfes plus grands, & enfin
les fleuves en ont fait qui embraffent des provinces
entières. C ’eft ainfi que la nature; a; toujours opéré
de même, & que fe s effets fe font montrés plus
ou moins grands , fuivanrque les âgens qu’elle a
mis en oeuvre ont été plus ou moins puiffans. L’ef-
pace qui règne.: entre les fommets que côtoient ,la
Saône & ceux du mont Jura, l’efpace renfermé
dans ceux qui enveloppent prefque toute la Suiffe,.
doivent être regardés chacun comme étant de ces
grands baflins qui ont.é;téouverts & creufés -, Tïm
par l’éruption du Doubs & de la Saône, l’autre par
l’éruption du Rhiii & de l’Aar. Les terrains qui
réuniflbient to,us ces fommets, & ceux qui les
dominoient, ont été minés, lapés & emportés de
la même manière. Tous ces monts ifolés, tous cés
pics inacceflîbles, qui,.font en fi grand .'nombre"
dans ces deux vallées fi valtes > doivent être re-*
gardés & font effectivement les "témoins de tous
les terrains qui,-après-avoir été ébranlés, fbulevés
& emportés, n’exiftent plus dans.leur ancienne
pofition.
Dans la partie du fom.met général de la France,
qui pafte près de Langres, on y voit beaucoup de
pains de fucrè ifolés, fitués à droite &-à gauche,
& à peu de diftance de cette ville. Quelques-uns
font placés fur la ligne même du fommet. Si on
les examine tous en particulier, on reconnoît aifé-
rnent qu’ils ne font que les reftes de terrains contigus
qui n’exiftent plus. Il y en a plufieurs de fort
remarquables autour des fources de la Meufe,
vers Clermont, vers Montigny-le-Roi, qui eft
fitué en partie fur un monticule efcarpé, encore
adhérent au continent par une langue de terre de
quelques toifes. On en voit un à Andiily, qui eft
un point dfe-fo'mmet général ; on en voit vers
l ’Amançe, aux fources de la-Vingeanne, auprès
d’Heuilley, Cotthon, le. Pailly, de Cbafiigny, de
Moncfaujeon. Comme>en cette contrée le fommet
général eft au point lé plus bas qu’il foit enTranée,
ces monticules n’ont pas une élévation qui excède
quarante toifes, mais- ils fônt’plus élevés vers les
fources de la Tille & de la Seine ; & quand on
continue à remonter au long dè la même ligne,
fqit par les. Cevennes, foit vers Ja Suiffe par les
Vo fge s, alors on les voit infenfiblement s'élever
autant au deffus du terrain, que le terrain s’éfève
au deffus du niveau de la mer, ^ peu à peu on
voit ces buttes ifolées devenir très - hautes, &
former enfin des pics inacceflîbles. Leur pofition,
toute femblable à l’égard des fommets .qu’ils fui-
vent & côtoient toujours, doit nous faire jùger
que leur origine ne peut être que celle des buttes
les moins élevées des fommets de Langres & des
autres contrées inférieures. Tels hideux, tels ifolés
& élancés"qu’ils foient ailleurs, ils ne font
Çéograpfüe-Phyfîque. Tome III.
non plus que les reftes des terres contiguës qui
ont difparu.
Les irrégularités qui fe trouvant dans la direction
des fommets particuliers ou du fécond ordre ,
& dans la pofition & l’origine de leurs pics & de
leurs monts ifolés quand ils en ont, proviennent
de même de l’éruption de . leurs fources & de
l ’écoulement des eaux courantes, depuis les lieux
fupérieurs dont elles avoient foulevé & culbuté
les fondemens. Mais il. eft encore une caufe de
l’ irrégularité de leur ligne de direétion qui leur
eft particulière , & par laquelle .cette direction a
.été fouyent changée & - altérée. C ’ eft: le choc des
eaux courantes qui1 defcendoient du fommet général,
& q u i, roulant & ferpentant fur un grand
nombre de contrées avant de parvenir dans les
derniers baflîns, étoient portéés fur -1ts fommets
particuliers qu’elles ont déchirés & fait reculer
plus ou moins, fuivant la force de leurs cours &
l’angle de leur chute.
Pour retrouver toutes les traces du cours de
ces .eaux .impét-ueufes qui ont d^fcendu depuis la
.hauteur:de-nos fommets jusqu’ aux mers, on ne
peut trop bien fuivre ; les,, moindres effets de ces
eaux courantes. Comme 1!agent eft ^toujours le
même, il eft bien aifé d’en reconnoître partout
les effets , quelque petits qu’ ils foient, furtout
lorfqu’entre les grands &c les .petits ib y a une gradation
facile à luivre à caufe des différens points
connus où font tracés ces effets.,
La planche XII repréfente en particulier la Seine,
la Marne, avec les autres rivières principales qui
s’y jettent, & plufieurs autres fleuves & rivières
des pays circonvoifins : d’où il réfulte q u e , du
cours confiant de ces eaux , il a du arriver des
effets conftans. Les lignes ponctuées marquent
exactement les fommets & les points de partage
où les eaux fe divifent pour les rivières oppofées.
-On. y voit généralement que toutes ces rivières,
après ayoir reçu,, par le revers du fommet général,
<uhe; chute dirigée vers le mord, ont, été enfuite
rejetées vers le couchant par une pente propre au
continent de la France. Il èft arrivé de là que tous
les revers des fommets qui regardent le midi ont
été raccourcis & dégradés par,;la chute de toutes
ces eaux courantes qui tendoient au nord, & que
les revers qui regardent le nord ont été ralongés
& enrichis par une fituation plus favorable. Cette
uniformité, fi générale & fi exaCte pour prefque
toutes lès contrées de -la France, eft un phénomène
qui ne peut manquer d’être admiré, parce, qu’on
ne l ’a.pas'encore remarqué, & dontTexpoficion
en détail doit paroître fingulière. Cette carte fait
vo ir , p ar. exemple, comme l’Oife .s’eft jetée fur 1 les: fommets de la Somme, en évitant ceux, de 1 l’A ifn e c om m e l’Aifne s’eft jetée.fur ceux de la
Meufe de i’Oife en s’éteignant de ceux de la
Marne, comme la Marne s’eft jetée fur:ceux de
l ’Aifne en fuyant ceùxde l’Aube & de la Ssine ;
! enfin, comme FAube & la Seine fe font jetées