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mafïïfs de toute efpèce d’arbrès ou d’arbuftes qui
perdent leurs feuilles pendant l’hiver j parce que .,
lorfqu ils en feroient dépouillés , la furface des fables
feroit expofée à l’aélion immédiate des vents,
dont il eft effentiellement néceffaire de la garantir.
Il croit cependant qu’en les ifolant on peut y laiffer
croître quelques pieds de chênes > mais le pin maritime
(ginus maritimus') , vu fon grand produit,
lui paroit fxirtoHt devoir être adopté. D’ailleurs,
on fait qu’ il produit abondamment de la réfine.
Un autre objet non moins important des travaux
propofés par M. Bremontier étoit le bali-
fage de toute la côte de la partie du golfe de
Gafcogne, depuis Bayonne jufqu’ à la pointe de i
la Coubre , vis-à-vis l’extrémité orientale de file j
d’Oléron. Cet ingénieur obferve qu’un grand
nombre de vaiffeaux échouent annuellement fur
cette c ô te , parce que les mariniers, lorfqu’ils
1 apperçoivent, n'ont aucun point fixe d'après
lequel ils puiffent fe diriger. Le navigateur qui a
pafle la veille à la vue des montagnes mobiles ne
les reconnoît plus le lendemain s’il y eft ramené
par une tempête, & il eft obligé de fe perdre
fur des écueils & fur des bancs , derrière lefquels
il eût pu fe mettre à l’abri fi les profils des montagnes
de fable n’euffent pas été déformés oujfi
elles euffent été couvertes de verdure.
Tous ces faits ne iont malheureufement que
trop avérés j & pour ne rien laiffer à defirer fur
un objet qui intéreffe aufli effentiellement la mar
rine militaire commè la marine marchande, l’auteur
divife fes vaftes plantations en marine, qu’il
fépare par des allées ou par des vides ayant une
direction à celle du rivage, & difpofés de manière
que les marins les moins clairvoyans ne
puiffent s’y méprendre , & les reconnoiffent en
mer d’aufli loin qufils puiffent les appercevoir.
Cette méthode pour balifer les côtes eft aufli
nouvelle qu’avantageufe, en ce qu’elle peut éco-
nomifer les dépenfes confidérables de conftruétion
des tours en bois ou en pierres qui font déjà
élevées ou qu’on fe propofe d’établir pour éviter
les écueils qui font très-multipliés , furtoutà l’embouchure
ae la Gironde.
Après la leéture du Mémoire de l’ingénieur
Bremontier & de fon fupplément, il ne pouvoit
refter aucun doute fur la poffibilité de fixer & de
fertilifer les fables défaftreux de la côte de Gafcogne.
- En fécond lieu, il étoit parfaitement reconnu
que le pin maritime y prenoit un accroiffement
extraordinaire, y produifoit plus tôt, &ydonnoit
un revenu beaucoup plus fort que dans les meilleures
terres des landes, où il eft très-fcrupuleu-
fement & très-avantageufement cultivé.
• En troifième lieu , les frais d’enfemencemens fur
les plages ou dans les vallons qui fe trouvent entre
les dunes, ne font guere que le quart de ceux que
ces mêmes enfenjencemens exigent généralement
dans ces mêmes terres des landes.
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En quatrième lieu, la fixation & la ferriüfation
de la totalité de ces fables ne peuvent guère s’éle-
! ver au-delà de quatre millions en adoptant les
{ moyens de l’ingénieur Bremontier, & , vingt-cinq
| années après les premiers procédés mis en ufage,
j il eft à préfumer que leur récolte donnera quatre
| millions de revenu.
| En cinquième lieu, on eft affuré que parmi ces
I produits fe trouvera la végétation vîgoureufe des
genêts , de l’ofier rouge, des vignes & de p!u-
fieurs autres plantes.
En fixième lieu, il doit réfulter de l’exécution
du projet de M. Bremontier, d’immenfes avantages
pour les propriétaires riverains, dont les héritages
ne feront plus envahis , & pour les commerçons ,
| don: les marchandifes feront moins expolées aux
[ dangers de la mer.
Les fuccès des entrèprîfes de M. Bremontier
ont été conftatés , i°. par un procès-verbal de
vifite du 9 fruétidor an 3, certifie par l’adminifira-
tion centrale, & rédigé par un de fes membres,
conjointement avec l'ingénieur en chef Brêmon»
uerj
2°. Par un fécond procès verbal du 13 frimaire
an 6', certifié par l’adminiftration municipale de
la commune de la Tefte 3
| ! a5 Enfin, par des tronçons de pins & de genêts
de fept à huit ans, productions très-remarquables
, arrachées dans des parties enfemencées
en 1791 & 1792.
M. Bremontier a joint à toutes les pièces précédentes
une lettre du commiffaire principal de la
marine à Bordeaux, & un rapport de deux officiers
de vaiffeau à la Société des fciences, belles-
lettres & arts de la meme ville , qui, relativement
a la navigation , conftatent tous les avantages de
ces plantations. A tous ces témoignages on doit
joindre une carte générale fur laquelle font tracées
les principales allées de balifage que l’auteur
propofe , avec une autre carte à échelle double
comprend la partie des dunes où les femis ont
été faits 3 enfin, un plan où l’on montre la manière
dont'les couvertures-de branchages ont été exécutées.
Il nous refte à faire connoître les derniers travaux
de M. Bremontier , dont il expofe les réful-
tats dans deux Mémoires qui méritent la plus
grande attention 3 car l’auteur achève d'y montrer
les opérations qui complètent cette belle entre-
prife.
11 fait reparoître un nouvel examen des dunes y
de ces amas de fables qui paroiffent provenir des
fragmens de roches détachés des côtes de la mer ,
d’où la force des vagues les arrache, les tranfporce
& les pouffe fur un autre rivage après les avoir
roulés dans tous les fens, & réduits à l’état d’une
pouflière prefqu’impalpable.
La nature de ces fëbles eft prefqu’entiérement
quartzeufe, principalement dans la partie fur laquelle
M. Bremontier a dirigé fes effais, & dans
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la vafte étendue des côtes qui bordent la mer, depuis
l’embouchure de la Gironde jufqu’à celle de
l’Adour. On ne remarque de corps étrangers au
quartz, que quelques parcelles de fer & de mica.
Les dunes ne contiennent de fubftances calcaires
dans cette étendue, que dans la partie inférieure
à l ’ancien lit de l’Adour, connu fous le nom de
Vieux-Boucau, & dans laquelle on cultive la vigne
avec fuccès.
Le refte de la côte étoit dépourvu de végétation
fur un efpace de cent quatre-vingts kilomètres
de longueur, fur une profondeur moyenne de cinq
kilomètres. La totalité de la fuperficie de ces dunes
eft de onze cent trente-huit myriares , & cette
immenfe étendue de pays eft encore appuyée par
une ligne de lacs Sc de marais qui contient quatre
millions d'ares, & qui, n’ayant aucun moyen d’écoulement
, &fans ceffe repouffée dans l’intérieur
des terres par les fables qui s’avançent, couvrent
chaque année une longueur de cer.t quatre-vingts
kilomètres de terres arables, fur vingt-quatre mètres
de largeur, & détruifent les plantations , les
pays habités 3 enfin, menacent les points les plus
intéreffans des départemens de la Gironde & des
Landes.
M. Bremontier ne s’eft pas borné à chercher les
moyens de fixer & de fertilifer les dunes, que nous
avons décrits comme il convenoitj il s eft également
occupé à procurer l’écoulement des grandes
nappes d’eau qui fe trouvoient placées à leur ados
par la décharge d’un grand nombre de ruiffeaux
qui ne peuvent trouver d’iffue jufqu’à la mer,
& qui fe répandent & inondent les terres cultivées.
Les eaux de ces ruiffeaux , accumulées depuis
longues années, ont formé, comme nous
l'avons dit, des lacs qui s’étendent fans exception
& avec d'inégales profondeurs, derrière la pref-
que totalité des dunes, & qui n’ ont que des dé-,
bouchés très-incertains par trois ou quatre foi-
bles chenaux qui n’en conduifoient qu’ une partie
à la mer J chenaux, aînfi que ceux de communication
de quelques étangs, qui font fans ceffe repouf-
fés par les dunes,, & forcés de changer en partie de
lit comme les étangs eux-mêmes ,& qui par confé-
quenr ne conferyent point de pente confiante. Ils
peuvent aufli être obltrués par les fables 3 de forte
que i’écoulement de tous ces affiuens fe-porte fur
des bafe.s aufli foibles que variables.
. En conféquence de ces obferyations connues,
M. Bremontier a fenti l’importance qu’il y auFoit à
établir des canaux fixes, qui, bien placés, fervif-
fentà récoulement de toutes ces eaux ftagnantes
à la mer, & il s’eft affuré, par des nivellemens &
des fondages , que les points les plus profonds de
ces vaftes étangs étoient encore affez élevés au
deffus des plus hautes marées pour fournir une
pente confiante de trois millimètres par double
mètre jufqu’à lamer. Il a reconnu que cette pente,
d'après d’autres nivellemens, étoit à peu près la
même depuis les bords de ces étangs jufqu'au point
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| culminant des landes, en forte que l^çontre-pente
de la Garonne étoit plus rapide. Ces différens tra- j vaux ont fervi à l’auteur à établir ( les dunes étant
i fixées & fertilifées ) les moyens d’ouvrir, fans dé
| grandes dépenfes, un canal de navigation entre
| Bordeaux & Bayonne.
! Maisl’impoflibilité de conflruireavec les moyens
i ordinaires, des canaux qui feroient fans ceffe dé-
1 truits ou recouverts, lui ont fait chercher d’au-
! très procédés qu’il a trouvés dans la nature même.
| Il a remarqué que les vents violens qui fouffient
| fur ces parages ont une direction affez confiante
| de l’eftou du fud-oueft, & il a penfé qu’il pouvoit
fe fervir avec avantage de l’aêtion de ces
vents pour balayer ces énormes njaflifs de fables
qu’on tenteroit en vàin d’enlever à bras d’hommes,
qu’il évalue, pour le lit à faire, d’un de ces-
canaux, a treize millions de mètres cubes.
Il propofe donc, à cet effet, de ménager un
efpace vide d'environ cent mètres de largeur entre
ces plantations, & de donner à cet efpace la direction
des vents les plus conftans & les plus vi<*-
lens. Le vent, en s’engouffrant dans cette ouverture,
enlèvera le fable léger par monceaux, &
: ouvrira aux eaux intérieures un paffage jufqu'à la
mer. Des femis faits fur les rampes qui forme-
roient les bords de ces canaux, feroient difpofés
fur une pente de deux mètres, pour un de hau-
' teur, & fixeroient d’une manière folide les talus ,
! qu’il conviendroit d'arrêter , tandis que les par«
| ties découvertes feroient enlevées, 6c fuccefli-
vement creufées jufqu’à l’ancien fol.
M. Bremontier propofe d'ouvrir quatre canaux
de ce genre, l’un qui aura fa fource à l’étang
d’Hourtain, le fécond à l’étang de Lacanau , le
troifième à l’étang de Cayau , & le quatrième à
celui de Parentis ou de Bifcàroffe. L’exécution
de ce travail important n'étoit encore que commencée
3 mais quelques effais heureux pou voient
faire prëfager le fuccès du refte, qui paroiffoit
afiez probable d’après les précautions que l’auteur
fe propofoit de prendre pour leur exécution ,
&c qu’il développe avec fagacité dans fon troifième
Mémoire.
Le quatrième Mémoire a pour objet l’examerv
des côtes de la Manche & de la mer du Nord
aînfi que celui des travaux qu'il convient de faire
pour les fixer & les fertilifer. Comme il n’y a
encore aucune plantation ni femis faits fur cette
partie par lu i, il s’y occupe particuliérement da
la topographie des lieux dont, nous avons déjà
traite, parce qu’il juge qu’il eft néceffaire de les
bien connoître avant de commencer aucune opé#
ration à ce fujet. Il en réfulte que, fur les côte#
de la Manche, depuis le département du Calvados
, dont nous avons fait mention ci-dèffus, jufqu’à
Dunkerque 6c l’embouchure de l’Efcaut, on
trouve fréquemment des amas de fables avancés 9
qui menacent les terres en culture & filiceufes 3
mais ils contiennent une affez grande proportion