
bancs. C ’eft pour cette raifon que la craie fetnble
fuivre la Marne jufqu’à Damery, les bancs qui la .
couvroient ayant été plus détruits le long du lit
principal du torrent, que dans les lieux qui en
étoient plus éloignés à droite & à gauche : de là
vient que les montagnes de Rheims & de Bergères
font reftées en faillie fur la contrée de part &
d'autre , les efforts des eaux courantes n'y ayant
été portés qu’obliquement & par un cours latéral.
La Seine3 l'Aube & l'Aifne, en quittant la craie,
ont aufli à peu près produit les mêmes effets fur
des terrains correfpondans & organifés fembla-
blement.
Quand les torrens ont ainfi détruit, par leurs
attaques violentes & fuccefllves , les mallifs qui
leur oppofoient leurs extrémités élevées, & ont
mis à découvert un nouveau fol en déblayant les
terrains fupérieurs, leur deftru&ion n'a pas eu Heu
fi parfaitement qu'ils n'aient Jaiflé derrière eux
des efpècës d’îles qui peuvent être confidérëes
comme des témoins inconteftables des grandes démolitions
qu'ils ont faites. Je puis en citer plufieurs
, que j ’ ai reconnues le long de la bordure
occidentale de la craie.
Le mont Aime, qui eft refté ifolé au milieu des
plaines crayeufes de la Champagne, eft un de ces
monumens & une preuve frappante de ces démolitions.
La nature de fës bancs & de fes couches
de pierres n'a aucun rapport avec le terrain; qui
l-'environne, mais avec-les montagnes firpées du
côte de-Bergères & de;.Vertus. Il en doit donc
être confidéré comme une dépendance, & il for-
moitfmne rnafffe continue avec-eiles avant que le
cours & la chute de plufieurs torrens particuliers,
dont on voit encore les traces , l’en aient tont-à-
fair ifolé & détaché comme il l’eft aujourd’hui.
On doit- encore confidérer comme des monu-r
mens* femblables & comme dés débris du continent
auquel appartenoit le mont Aime, les différentes
pierres errantes qui fe trouvent quelquefois
dans des contrées de la Champagne, & engagée s
fort avant fur le maflif de craie où l'on ne voit
que des carrières d'où l’on tire des blocs énormes
de craie. Aux environs de Sommefou, fur vn des
fommets qui fépare l’Aube de la Marne, fe voient,
dans un lieu appelé la Pierre-aux- Vignes, des cailloux
& des pierres meulières dures, briiées & fort
abondantes, q u i, vu la nature générale du fol de
la contrée, ne peuvent être regardés que comme
lés débris des anciens bancs qui couvroient la
■ craie.
Il en doit être fans doute de même dans toutes
les autres contrées où fe remarquent des pierres
perdues, des roches énormes & ifolées, qui ont
paru étrangères aux lieux où elles font vifibiement
.les débris des terrains fuperficiels qui régnoient
partout, & qui ont difparu prefqu’en entier.
On rencontre encore, -dans prefque toute la
; errantes, qui fe trouvent communément à la fur-
>face de certaines plaines ou plateaux en culture. 1 Elles font le plus louvent brifées & à moitié dé-
compofées, & il paroît même que leur quantité a
dû autrefois être très-confidérable, tant fur la fur-
face du maflif.de la craie, que dans fon intérieur ;
car la véritable matrice de ces pyrites femble avoir
été la craie même. Les carrières où l'on exploite
les différens blocs de craie en montrent des fuites
qui font belles, entières & d'une forme régulière;
Champagne 3 des veftiges d'un autre genre de bancs
fupérieurs détruits : ce font des pyrites ifolées & [
ce qui nous donne lieu de. croire que celles
qui font difperfées à la furface des plaines, réfi-
doient de même au milieu des couches fupérieures
qui ont été détruites. On doit penfer aufli que les;
eaux courantes en ont entraîné de grandes parties;
car dans les fablières des environs de Ohâlons, où
l'on trouve des pelotces de craie arrondies, on y
trouve aufli un gravier noir formé des débris de
ces pyrites décompofées, arrondis & 'très-polis,
mais néanmoins allez reconnoifiables pour montrer
que ces débris pyriteux, & ceux qui fe voient
à la furface des plaines crayeufes, ne font pci: t
des produdtions modernes, ni placées comme elles
font par des accidens journaliers & récens , mais
des productions très-anciennes qui ont. été .arrachées
de leurs matrices, brifées, charriées &f abandonnées,
dans les lieux où elles fe trouvent, à la
fuite d'événemens arrivés dans des tems fort reculés.
Ceci prouve inconteftabiement quelle eft
l’étendue des diverfes deftru&i.ons que le maflif
de craie a éprouvées depuis qu'il eft expofé à
l'aélion des eaux.courantes.
.11 eft encore une autre, forte de monumens des
defiruétions femblables que la craie a éprouvées
depuis les mêmes époques, & qu'elle éprouve
phaquejour : ce font les filex q u i, dégagés des
différentes couches détruites, fe trouvent, furtout
dans certaines vallées , par amas fort abond-ans, dç
fous des formes bizarres. Pour peu que les mà.ffes
■ de craie foient à. découvert, & préfentent des
efcarpemens & des coupes d’une certaine profondeur,
on v o it , au milieu d’elles , des lits & des
rangées de ces filex plus ou moins fuivis : d’où il
refaite que ceux qui font dégagés & errans n’ont
pu fe trouver dans cette pofition qu’ à la fuite de
la deftrudïion des maflifs au milieu defquels ces
filex. rélidoient & ont été formés primitivement.
De toutes ces obfervations diverfes il rélùlte
que le maflif de la craie furtout doit avoir éprouvé
des deftru&ions de plus d’un genre ; ce qui ne
doit pas étonner lorfqu'on çonfidère le peu de
folidité de cette forte de fubftance pierreufe. On
doit aufli en conclure que nous ne pourrons con-
noître que très-imparfaitement les formes primitives
des différens maflifs qui font à la furface de
,1a terre : on ne peut.en rétablir les maiïes entières
, parce que de grandes parties en ont été
détruites,.comme nous l’avons fait remarquer par
.rapport à la bordure orientale de la craie ; que
d’ailleurs une autre partie fe dérobe à nos yeux
fous des dépôts poftérieurs que dès accidens d’une
autre nature y ont amenés des fommets les plus :
élevés de nos continens.
Ceci nous conduit à replacer d'abord tous les
débla s que les eaux courantes ont faits dans ces
maflifs, & enfuite à fuivre ce qui fe trouve enfe-
veli fous le? remblais que les torrens ont dépofés
à la place de ce qu’ils ont détruit. Au moyen de
cette double confidération on pourra prendre une
idée générale des maflifs, 8e en circonfcrire les
limites anciennes 8e primitives fur des. Cartes.
C'eft ce que fa i fait en parcourant les différentes,
bordures du maflif de la craie; c ’eft ce que j ’ai
exécuté de même en traçant les limites de l’ancienne
terre du Morvan, 8e c’eft d'après les memes
principes que je ferai connoître l’étendue de torts
les maflifs.donc il importe d’indiquer aufli la dit- ■
pofition relative) 8e que je parviendrai à former
un tableau des différens maflifs de la France phy-
fique. ;. ‘ :
Les fommets de craîe qui fe prolongent entre
les petiter8e les grandes Loges, entre les grandes :
Loges 8e la Veuve fur la route de Châlons a
Rheims, font prefqu'aufli éleyés que ceux qu’ on
voit entre Béru 8e Suippe ; ils le font moins cependant
qu’à. Béru. lui-même 8e dans les côtes de
la montagne de Rheims 8e de Saint-Thierry ; car
ces côtes font compofées de la même bafe de
craie, 8e d’une addition ou couverture de couches
de marnes,de fables 8e de meulières. O r , fi
l'organifation de la nature eft uniforme 8e régulièrement
3a même, fur une certaine etendue, il
eft villble que ces couches ont été détruites fur lés
fommets ifolés 8e élevés de craie, 8e qu il n en
refte que la bafe. . .
Que cette couverture de couches ait exifté autrefois
fur la craiejî c’eft ce que me paroiffent
démontrer les débris de plufieurs. efpèces qu’on
trouve difpetfés à la fuperfieie du maflif de craie
qui eft à découvert en Champagne. On vo it, par
.exemple , de gros ..blocs de meulières aux grandes
8c aux petites Loges, à la V eu ve , ainfi que dans
.les environs : ces meulières n’ ont pas ete tranf-
portées dans pes. lieux.. On en trouve de fembia-
bles à quelque diftance des villages. Ces pierres
perdues atteftent la deftru&ion de toutes les couches
fi liftés, ou d’une élaboration imparfaite ; des marne
de la craie, ainfi que des marnes 8c des fables. 1
qui les recûuvroiept au même niveau ou l’ on voit
de femblables meulières fur le fommet du cap de
Trépail : donc l’ affemblage des .matières 8e des
■ couches qui compofent ce cap a dû être prolongé
jufque-là,.ces débris de l ’ancien état ne nous laif- j
fant pas douter de fa deftruition.
Pour concevoir les progrès de ces changemens |
gc l'iâ iv ité des agens qui y concourent, il faut j
avoir examiné tous les contours des croupes de la
montagne de Rheims, tant du côté de cette ville, ]
que du côté de la Marne, 8c furtout vers la pointe ,
du cap de Trépail. De grands blocs de meulières,
.de petits éclats de ces meulières, ou entièrement .
s , des argiles jaunâtres difperfées çà 8c là fur
les perits fommets de craie ifolés, préientent tout
le travail de la deftruétion en aélivité. On voit de
pareils ébouleroens le long de la vallée de la
Marne, dans la plaine fluviale de cette rivière,
8c fur plufieurs crêtes élevées le long de fon
canal.
Ces tranfports multipliés des terres 8c des fables
que font les eaux des fources recueillies fur les
argiles, les affaifferoens des meulières 8c des autres
fortes de pierres qui font entraînées en même tems
que leur bafe, le long de la ceinture du cap de
Trépail comme le long de h ceinture du cap de
Saint-Thierry, fur les croupes des îles terreftres
de Béru, de Brimont 8c de Prouvay, rendent lu
fpeéfacle intéreffant à quiconque fait faifîr les différentes
nuances du travail de la nature. Les eaux.
des fources plus ou moins abondantes tourmentent
toutes les couches établies fut la craie, 8c ces
eaux, après avoir gagné les plaines, fe perdent
dans les débris qu’elles ont accumulés. Il n’eft pas
étonnant, après cela, que les eaux pluviales plus
abondantes, en achevant le travail lent 8c_pénible
d e l’eaü des'fources, n’aient reculé fucceffivement
les iimites des côtes de la montagne de Rheims,
8c n’aient enlevé à la craie fa couverture, comme
nous en fommes les témoins.
Doit-on être étonné, après cela, que les débris
des croupes fe foient accumulés en fi grande quantité
dans les b as , 8c que les croupes foient fi
adoucies 8c fi arrondies dans toute l’étendue de
la craie , q ui, ayant perdu , par l’a&ion des eaux,
la couverture qui la défendoit, a été expofée à
l’ailion de l’humidité 8c de la féchereffe ': Elle s'eft
décompofée par la feüle alternative de l'imbibi-
tion des pluies 8c de la defficcation. Les eaux pluviales
l’ont ravinée en enlevant les molécules dans
lefquelles la craie fe décompofe , 8c enfin toutes
les croupes des vallées creufées dans le maflif de
la craie ont été ufées , arrondit s , 8c les débris
dépofés, ou dans les fonds de cuve des vallées,
ou le long de la partie inférieure des croupes, ou
aux débouchés des vallons, ou enfin le long des
plaines-fluviales. C e f t une forte de dépôts qui
prouve bien la facilité des deftruétions 8c des dégradations,
8c par conféquent combien toute U
fuperfieie de la craie a été abaififée de niveau.
Il eft aifé d’apprécier au jufte l'étendue de ces
deltruêtions en comparant les parties de la craie
qui font reftées couvertes, avec celles qui ont été
expofées depuis long-tems a 1 aétion des eaux. J aï
ces points.de comparaifon dans tous les environs
des côtes de la montagne de Rheims j de Saint-
Thierry , 8c furtout aux environs des îles de Béru,
de Brimont & de Prouvay, ou la craie eft couverte
par les couches de meulières, de marnes 8c
de fables qui la préfervent de l'aêtion des eaux.
J'ajoute encore que c ’eft futtout dans les parties
de craie les plus élevées dar.s toute l’étendue du