
toujours placés le long des rivières & des ruifîeaux
qui defcendent des montagnes, parce que cette
fituation facilite leur arrofement.
Ils occupent partout une grande étendue de
terrain, parce qu’ils fervent, non-feulement à la
production de différens arbres fruitiers, mais encore
à la culture de toutes fortes de légumes. De
plus, ils renferment des prairies fort coniidérables
qu’on fauche ou qu’on fait paître. On y plante
aufli piulïeurs efpèces d’arbres qui fervent en partie
à l’ornement, & pour donner de l’ombre. Ils
font aufli fouvent plantés autour des enclos ; mais
en plufieuts endroits ils croiflènt indittinCtement
parmi les arbres fruitiers, & forment des mélanges
utiles & agréables.
Malgré le peu de foins que les propriétaires des
jardins donnent au choix des arbres fruitiers, la
plupart des fruits ont une qualité diftinguée. La
vigne mérite le plus d ’être remarquée par les belles
efpèces de raifins qu'elle produit , quoiqu’on la
lailfè croître dans une forte d’abandon ; car ce n’efl
que dans peu d’endroits qu’on en foutient les ceps
par le moyen des échalas. On les laiffe ramper par
terre, ou bien ils s’élèvent d’eux-mêmes en,s’entortillant
autour des arbres qui fe trouvent à leur
portée. C ’cft furtout aux environs de Soudak que
fe cultive la vigne. Il y a aufli des vignes dans
d’autres endroits voifins de la mer , de même que
le long de la rivière d’A'ma , de Catfcha, de Ca-
bartha. Le vin que donnent les différentes fortes
de raifins, la plupart d’un gros volume , tant
rouge que blanc, eft d’une très-bonne qualité ; il
eft d’une force modérée , d’ un goût agréable &
fort fain j aufli peut-on le compter au nombre des
bons vins de table. 11 eft à croire qu’il pourra
encore être amélioré lorfque la culture des .vignes
aura été foignée, & qu’on aura planté les
ceps fur les hauteurs ou l’expofition & le fol leur
feront plus favorables que dans les plaines où juf-
qu’ à préfent on s’ eft borné à les cultiver.
Tous les foins que prennent les propriétaires
de jardins fe bornent prefqu’uniquement dans les
arrofemens qui ne font pas encore d’ une néceflité
abfolue partout j cependant on en fait ufage particuliérement
pour les plantes potagères & pour
les prairies.
Ces prairies font formées de plantes nourriflan-
tes & de très-bonne qualité pour les beftiaux :
nous n’en donnerons pas le déta il, non plus que
des arbres fruitiers & d’ornement, qui reflfemblent
à ceux qu’on cultive dans les parties méridionales
de l’Europe.
Des arbres foreji'ers. L’ étendue que les bois occupent
en général dans la partie montueufe forme
un efpace de cent cinquante verftes en.longueur j
mais on ne peut en déterminer au jufte la largeur,
parce qu’il y a de grands vides entre les fommets
boifés. Cependant, en plufieurs cantons, ces bois
s'étendent à travers les chaînes de montagnes, fur,
une largeur de plus de dix verftes.
Les arbres qui peuplent ces bois ne font pas partout
d’une grandeur uniforme; partout elle dépend
du fond du terrain fuperficiel plus ou moins
propre à la production des bois. Dans toutes les
chaînes du devant & du centre, les arbres ne font
ni aufli grands ni aufli forts en général que dans:
les chaînes méridionales & voifines de la mer, &
particuliérement dans les gorges profondes des
montagnes maritimes} ce qui provient d’abord de
ce que les montagnes les plus proches des limites
feptentrionales de la province ne font recouvertes
que d’une couche fort mince de terreau, au def-
fous de laquelle fe trouvent des bancs de pierres
très-compaêtes. Par conféquent les racines des arbres
ne peuvent facilement pénétrer dans ce fo l,
ni s’y étendre de manière à procurer leur croif-
fanc e. Mais dans les gorges qui fe trouvent entre
les montagnes méridionales, ces couches de terre
étant fuffifamment épaifles, les racines y trouvent
un fol où elles peuvent s’étendre & y prendre une
nourriture convenable. D ’ailleurs, ces canton»
renferment une plus grande humidité que les cimes
des autres chaînes : cette humidité contribue au:
plus grand développement des arbres.
. Les cantons où il croît un plus grand nombre de.
ces beaux arbres font entre Boulaclava &c Yalta,
fur les flancs feptentrionaux de la chaîne maritimé.
On en trouve de très-beaux aux pieds des montagnes
de Tfchadir D a g , dans le canton d’Alouf-
çhta, ainfi que dans les profondes ravines qu’on
voit entre les fommets voifins d’Outkuth. Dans
tous ces cantons, les efpèces de bois qui peuplent
les forêts peuvent être confidérés comme des bois
de haute futaie.
Mais dans tous les autres cantons, les arbres
des forêts ne parviennent qu’ à une hauteur médiocre
, & ne croiflènt qu’en forme de buiflons ;
ce qui provient non - feulement , comme nous
l’avons dit, des obftacies relatifs au fond du rér-
rain . mais de la multiplicité des branches touffues,,
qui les empêche de s’élancer à un certain degré
d’élévation.
Parmi les plantes qui fervent aux ufages économiques
& aux arts, nous ne ferons mention
que du falîcot, qui croît en grande quantitéou-
tour des lacs falés & des marais falans , & furtout
fur les bords-de Sivache, où il eft aufli abondant
que dans les fleppes des environs de la mer Caf-
pienne. Cette plante donne, par fa cômb.uftion ,
une grande quantité de fonde , dont on connoît;
les ufages.
Des animaux.
On trouve dans la Crimée ou Tauride les mêmes,
animaux que dans les parties méridionales de l'Europe.
Les chevaux font d’ une petite taille, & n’ont
rien de particulier-. La race des vaches. & des boeufs
eft aufli d’une petite taille. Dans quelques endroits,
feulement on en élève de la grande efpèce, qui
eft originaire de la Petite-Ruffie. On emploie les
nature du fol 8c fa température doivent être ob-
■ fervées avec foin.
boeufs à la culture j & afin qu’ ils puiflent faire ce |
fervice dans les pays pierreux, on les ferre comme
les chevaux. r ,
Les chèvres font élevées en grande quantité ;
dans les montagnes : leur poil eft long 8c garnit *
bicnTanimal.
Les brebis s’y trouvent par troupeaux nombreux.
La rave qui y domine, reffemble beaucoup
à celle des Kalmouks ; mais elle en diffère par la
petitefle de leur taille, & par la queue qui eft aufli
groflè en haut , &r aufli large que celle des brebis
des Kalmouks, mais qui eft mince vers le bas : leur
laine eft aufli plus, fine 8c plus douce. Communément
elles font blanches} mais vers le haut de
Salghir & le long d'Alma on en rencontre quantité
de noires dans les montagnes, dont les peaux
des agneaux morts-nés ne le cèdent en rien à celles
des Kalmouks. A commencer de Koflow, dans
toute la pointe de Yarchan jufqu’ à Perecop, on
rencontre la race des brebis, dont les toi'onsde les
peaux grifes font très-célèbres partout, & qui
font un objet de commerce dans la Crimée. Cette
même race eft aufli entretenue avec foin dans la
prefqu’ ïle deKertfch, le long des bords de la mer
de Sivache ; mais les toifons n’ en font pas fi
belles.
On a remarqué que, tranfportée dans les montagnes,
elle y dégénère faute d’une nourriture &
d’un climat appropriés. Effectivement, dans les environs
de Koflow, & de là jufqu’ à Perecop où cette
race profpèref, on trouve des plaines rafes & unies :
la terre y abonde en parties falines & en plantes
qui fe plaifcnt dans les terres chargées de fels ,
comme l’abfinthe, l’arroche &c autres femblables.
De pareilles circonftances locales contribuent à
améliorer les pâturages & les brebis, comme cela
eft connu aufli par expérience dans les fteppes
falées de la Ruflie. Il s’enfuit que ces cantons doivent
être confacrés particuliérement à l’entretien
de cette race à toifon grife.
Pour ce qui concerne la différence dans la couleur
& dans les autres qualités de la laine de ces
brebis, obfervée à peu de diftance des endroits
indiqués ci-deflus , & où le fol eft abfohiment le
même , comme, par exemple , dans le diftriêt de
Sivache , il eft à croire que ces effets ne font produits
que par le peu de foin que les^ habitans
prennent pour tenir cette race à toifon grife
entièrement féparéè des autres. D’ailleurs, la
méthode de gouverner ces animaux eft la même
partout : tes brebis paiflent toute l’année dehors ,
& ne font ramenées dans les bergeries que pour
la nuit, en hiver du pendant les ouragans.^
Des poijfons. En confidérant la fituation phyfî-
que des différentes contrées de la Crimée, on conçoit
Les expériences que l’on a faites jufqu’ a pre-
fent pour introduire & multiplier cette race de
brebis dans d’autres pays voifins des provinces
méridionales de la Ruflie , n’ont point eu de fuc-
c è s } elle y dégénère. Il -y a grande apparence
que, dans le choix des circonftances locales, on
-én avoit omis d’ effemielles , c a t il paroîr que la
aifément combien elles doivent être abondantes
en poifions. Indépendamment des efpèces
des petits & des moyens qui vivent dans les rivières
, les mers qui environnent cette prefqu’ ile
contiennent une grande quantité de ceux qui vivent
dans les eaux falées , & recherchent les golfes
& les côtes. Nous pourrions en citer ici plufieurs
, mais nous nous conrentcrons de faire mention
d’ une efpèce dont la marche 6c les allures
fontpour ainfi dire les mieux connues, parce qu’on
en fait une pêche fuivie & abondante : c’ eft le
muge de mer ou mulet. Cet excellent poiflon de
mer fe prend en très-grande quantité fur ies bords
de la Mer-Noire, &fuTtout près de Koflov/ & de
Caffa. Il eft propre à être falé & fumé, & fes
oeufs, connus furtout en Italie 8c en Provence fous
: le nom de boutargue, fe piéparent d'une manière
particulière , & font d’ un goût exquis. Au fortir
des entrailles du poiflon on les plonge avec leur
fie dans une forte faumure, & on les laifle ainfi
expofés à l’ air. Lorfqu’on juge qu’ils font fuffifamment
marinés , on les met à part & on les recouvre
de cire fondue pour les conferver ainfi &r
prévenir la corruption. Au moyen de ces précautions
on conferve long-tems ces oeufs, 8c on peut
les tranfporter où l'on veut.
Le tems de la bonne pêche de ce poiflonNeft lé-
printems & / l’ automne, & l’on dit que, comme
les harengs , il a tous les an's des paüages réglés
dans l’ordre fuivant : au commencement du printems
, il débouche par grandes bandes du détroit
de Conftaminople dans la Mer-Noire , où il fuie
la côte occidentale jufqu’ à l’embouchure du Don
ou Tanaïs : de là il fe dirige droit vers la pref-
qu’ île de Kerfch, & s’y montre ordinairement aux
! environs de KofL.\r , d'abord à peu près dans le
mois de mars,} il emploie enfuite trois mois entiers
à parcourir la côte de la prefqu ile & a franchir
le détroit de Jé ni calé pour entrer dans la mer
d’A z o f , où il ne féjourne que les mois de juin &
de juillet. Après cette courte, il emploie trois
mois à fuivre la même route rétrograde jufqu’au
canal de Confiant'nople : de là il pafle dans la Méditerranée
, où l’ on en pêche abondamment.
Des infiiïes. Des infeétes utiles, Tàbèille mérite
feule d’être obfervée. Les habitans de la Cri-
mée en ont aflez abondamment, & furtout ceux
. des montagnes, où il fe trouve d’ ailleurs des plantes
très-pi'opres à l’entretien des abeilles} mais les
meilleurs miels fe récoltent dans les cercles d’ Ach*
metfehet 8c de l’ancienne Crimée, où il eft blanc
& pur ; dans les lieux voifins de la mer, il eft rou-
geatre.
Les ruches font formées de branches d arbres
nattées en forme de cylindres ; on les enduit d’argile
par dehors ; on les place dans les cours des
* Bb bb i